Long walk runnin' - Gauge Tuckett

J'étais passée le prendre, mon sac à dos sur les épaules, mon arbalète nettoyée et chargée, un carquois de flèches toutes neuves sur le dos, une veste imperméable, mes rangers en cuir, un pantalon et un débardeur à manches longues. J'avais même trouvé un élastique dans un coin. Dans mon sac à dos, un arc d'entrainement, mon premier, qui ne m'avait jamais quitté depuis Aaghen. On avait passé les barrières, on avait retraversé le cimetière de voitures, et quitté progressivement la ville, sans trop d'encombres. Ce n'est pas de quitter le camp qui est difficile, c'est de passer la nuit entière dehors, et de devoir buter quelques rôdeurs en passant, de devoir échapper à des groupes sans scrupules, et même parfois en blesser ou tuer certains. Mais ce n'est pas pour ça, qu'on est sortit, c'est pour chasser, apprendre à écouter et non entendre, apprendre à reconnaitre les traces sur la terre, les troncs d'arbres, et voir de ses yeux.

"Du coup ta nana, c'est l'amour fou?" Lâchais-je alors que nous nous enfoncions vers la forêt de Perdernales. "Je te vois pas en amoureux transi en fait..." Je discute pour le détendre, pour qu'il n'appréhende pas ce qui va arriver, je lève mon arbalète au niveau de mes yeux, je lui fais signe de ralentir et d'écouter. Quelque chose approche, et aux bruits des râles, c'est un rôdeur. Je tire, et ne manque pas sa tête, il s'écroule sur le sol et je vais à sa rencontre pour récupérer ma flèche. "C'est quoi son style?" La discussion se poursuit pour moi, comme si de rien n'était, comme si je n'étais pas en train de sortir une pointe de flèche d'une chair en putréfaction et plus précisément d'un globe oculaire. Lorsque l'on est vraiment entré dans la forêt, que tous ces arbres spectrales nous entoure, je l'invite à se baisser, à s'accroupir au milieu avec moi. "L'important dans la chasse c'est pas de tirer sa cible, c'est de la pister avant, pour être certain que le tir sera réussit. On va rester là... et tu vas écouter, me dire en murmurant ce que tu entends."

Je reste en silence, je ferme même les yeux, s'il veut en faire de même, ça aide à se concentrer. Aaghen me bandait les yeux pour que j'apprenne à me débrouiller sans le regard, pour développer mes autres sens. Mais je ne me sens pas de faire ça avec Gaugy pour l'instant. Il risquerait de flipper complètement, remarquez j'en menais pas large moi non plus !

Déjà ? Il fallait déjà partir ? Gauge n’avait même pas vu passer la journée et il ne s’était absolument pas préparé de la bonne manière. En plus, il fallait retourner dans cette forêt, cette maudite forêt où il s’était perdu une fois. Mais il n’était pas question de revenir sur sa décision, il fallait partir. Cette fois-ci, il avait pris sa batte de baseball, celle avec un peu de fil barbelé attaché tout autour, en plus du reste : la bouteille d’eau, la boussole, la sacoche en cuir. Le garçon avec son équipement modeste avait l’impression de ne servir à rien à côté d’Eliza et de son arbalète. Il fallait prendre un sac de couchage ou pas ?  Trop tard, ils étaient déjà à la lisière de la forêt. Nerveux, il regardait partout autour de lui en même temps, mais Eliza lui donna de quoi penser à autre chose. Il répondit dans un premier temps par un long oulaaaa avant de de donner plus de détails. « Notre histoire d’amour ne ressemble pas à celle dans les films, ça c’est sûr ! Tu me vois comme quoi alors ? Parce que tu vois, moi je sais que je suis fidèle à cette fille, malgré la distance et les tentations… Euh… » Il s’arrêta là parce que cela lui semblait être une bonne idée. La conversation fut mise en pause lorsqu’Eliza détecta un probable danger. Gauge s’immobilisa. Bien vu, c’était un infecté. « Oh, on doit pouvoir l’éviter si on … Il ne termina pas sa phrase puisqu’Eliza venait de l’abattre d’une flèche. On peut faire comme ça aussi. Bravo ! » disait-il toujours en murmurant.

Elle avait cette manière toute à fait nonchalante de retirer cette flèche qui laissait Gauge pantois. Le plus dingue selon lui, c’est qu’elle poursuivait la conversation de manière tout à fait naturelle en faisant cela. Il ouvrait grand les yeux en souriant et l’observait, mettant même un certain temps avant de lui répondre. « Elle est… blasée, impatiente, colérique, sarcastique… Un vrai petit ange quoi… Je sais pas pourquoi, mais je sens que vous vous entendriez bien… Non attends… C’est pas ce que je voulais dire… Et merde… » Il se frappait le front avec la paume de sa main en soupirant. Lorsqu’elle l’invita à se baisser, il pensait que c’était déjà l’heure de  prendre une pause bien méritée, mais en fait non. Apparemment, il fallait écouter. Il acquiesçait sans vraiment savoir ce qu’elle attendait de lui, s’il y avait vraiment quelque chose à entendre ou pas ; si c’était  un piège même !
Imitant Eliza, il fermait à son tour les yeux et ralentissait sa respiration. Et puis, son ventre se mit à gargouiller. Cela le surprit si bien qu’il en perdit l’équilibre « Aouh ! » hurla-t-il lorsque ses mains plongèrent dans des ronces alors qu’il tentait d’amortir sa chute. Son coude en glissant lui fit avaler un peu de terre qu’il toussa bruyamment.  « Dégueu ! »  Lorsque son regard croisa celui d’Eliza, il semblait prendre conscience du grabuge qu’il venait de faire,  il passa alors ses mains devant sa bouche en ouvrant grand les yeux et fut incapable de s’excuser.

"Des tentations... ouais, ben écoutes, moi je penses que l'être humain est infidèle par nature, c'est comme ça... quand on s'emmerde, on va voir ailleurs  et que représente maintenant un peu de fidélité en amour... la seule chose que ça fait, c'est que ça doit faire tuer plus vite, et souffrir plus encore. C'est inutile. Je me ferais pas berner si j'étais toi, et s'envoyer en l'air, ça fait du bien." Repris-je alors, avant de se faire interrompre brièvement.  Il me félicite, je souris intérieurement, il est marrant, pas vraiment courageux, peut être juste téméraire. Ou pas.

Je tente l'approche, écoute, et rapidement, mon silence se brouille, par la scène comique au demeurant de Gaugy. Accroupie, un sourcil arqué, je le regarde faire, il est particulièrement pitoyable en fait... C'est pas Charlot, c'est carrément jerry Lewis ou Steve Martin. Il a fait un boucan de folie dans sa chute, et je suis partagée entre l'envie de rire, et celle de pleurer. Il se masque la bouche, pour étouffer des probables autres sons qu'ils pourraient émettre, et me regarde avec ces yeux de merlan frit. La journée va être longue. Je secoue la tête, et lui demande en silence de me rejoindre. "Si tu voulais de l'action fallait demander... plutôt que de rameuter les quelques pauvres zombies qui vont arriver... écoutes leur chant mélodieux... On va faire un truc Gauge, à chaque connerie, faite, tu répareras de moitié... okay?"

Je me relève, parce qu'ils allaient peut être arriver, ça ou des survivants, ce qui m'arrangerait plus, comme ça j'en blesse un, qui servira de repas aux rôdeurs. "Et je ne suis pas si caractérielle que ça..." Lui répondis-je, en reprenant la marche. "Okay, on va poser deux pièges avec du fil de métal, et plus tard en rentrant, on reviendra pour voir. "J'écoute autour, pas de bruit de pas, pas de signe de quoique ce soit, étrange. Je lui montre comment avec un fil de métal et deux bâtons, on construit un piège à lapin ou écureuil, une fois les deux pièges posés, je lui indique celui qui arrive entre les arbres, il traine d'ailleurs un truc étrange derrière lui. "Il est pour toi celui là... et tu vas utiliser ça..." je lui tends l'arc d'entrainement et une flèche.

Sa théorie sur la fidélité était intéressante mais aussi inquiétante. Il se souvenait un peu de comment elle l’avait regardé plus tôt dans la journée : est-ce que c’était une invitation ? Est-ce que c’était une manière de dire « entre, fait comme chez toi ! » ? Gauge voulait continuer de résister de toute façon. Dans le fond, c’était un romantique, et il savait qu’un jour lui et Lilly seraient réunis. Et s’ils ne s’aimaient plus ? Et bien Gauge irait voir ailleurs, le cœur lourd mais la conscience tranquille. Ou l’inverse.

Après, c’était le moment où il s’était cassé la figure. Il aurait voulu le faire exprès, il n’aurait pas réussi. Sa propre maladresse l’effarait parfois, mais il ne savait pas quel était le remède à cela. Des séances de méditations peut-être ? C’est pour ça aussi qu’il aimait rien faire : au moins il était sûr de ne pas provoquer de catastrophes. Comme ce n’est pas l’endroit pour hausser le ton, Eliza lui fait signe de se rapprocher et il obéit. Accroupi, il déplie ses bras pour garder l’équilibre et rejoint la fille tel un funambule sur son fil. « Pardon... Quoi ? Réparer ? » Comment ? En faisait une offrande dans le sang ? Et puis pourquoi à moitié ? Gauge ne faisait pas les choses ou il les faisait, mais il ne faisait pas les choses à moitié. Elle avait cependant raison : avec son raffut, il y avait de grandes chances pour que quelqu’un ou quelque chose se ramène.

« Caractérielle ? J’ai jamais… Je l’ai un peu dit, hein ? » Il se grattait la nuque comme à chaque fois qu’il était gênait, et autant dire qu’il se grattait souvent la nuque. Elle lui parla d’installer des pièges, et Gauge était déçu de pas pouvoir identifier exactement de quels genres de pièges il s’agissait. « Super ! C’est quoi l’appât ? » essaya-t-il. Il voulait bien faire Gauge, il voulait s’intéresser et apprendre. Et il ne voulait pas décevoir, pas encore. Finalement, elle lui montre comment faire, c’est à ce moment-là qu’il fait « aaah » en se frappant une nouvelle fois le front qui risquait de devenir rouge avant la fin de la journée. Il prit un air étonné lorsqu’elle lui tendit l’arc. Déjà ? Il fallait déjà chasser ? Mais, les pièges alors ? Il s’empare de l’arme en faisant la grimace et se perd dans le passé. Plus précisément dans son enfance, dans un camp de vacances. Il avait douze ans, c’était après-midi tir à l’arc, avec un intervenant qui ne pouvait pas s’empêcher de faire des jeux de mots vaseux. Mais les paroles et les gestes de cet homme fantasque s’étaient profondément inscrits dans la mémoire du garçon. « Désolé petite bête, moi aussi j’ai faim… » dit-il en bandant l’arc. Et il tir. Position parfaite : tir parfait, résonnait la voix de l’intervenant. La bête couine et meurt. Du premier coup ? Vraiment ? Pas de flèche plantée dans un tronc, un champignon ou le cul d’Eliza ? Il avait l’air heureux et surpris en même temps. « La chance du débutant ! » dit-il en se retournant vers sa tutrice. « Fiouuu, c'était épuisant ! On fait une pause ?»

Non vraiment,je suis pour la technique qui consiste à féliciter, chaque bonne action, histoire que l'apprentissage soit positif et pas désespérant... Donc ouais, son tir est plutôt bon, y'a pas à dire, et il touche vraiment sa cible, aucun souci. Mais bon, il venait de tirer sur un être humain... qui venait de couiner lamentablement, je pense qu'il s'est prit la flèche dans le cul, ou peut être avec un peu plus de chance, dans le bras... Bref, il me regarde, parle de pause et je me demande s'il n'est pas juste, complètement débile. "Tu portes des lunettes normalement Gaugy?" Lui demandais-je à peut près gentille, et trop calme pour son propre bien. "Non parce que là, tu aurais pu avoir la bestiole... ouais mais la bestiole elle baladait son maître... et tu viens de tirer sur un être humain bien en vie...d'où le couinement..." Je secoue la tête, en allant vers la pauvre victime. "Bon je te l'accorde, ton tir était bien, l'arc bien placé et tout, et puis... c'est pas moi qui me suis prise la flèche, donc c'est pas mal! Mais là..." J'arrive au niveau du petit mec rachitique, qui se plaint en silence, de sa récente blessure. La flèche est dans son mollet. Il est plutôt vachement silencieux, c'est pas normal. Je pose une main sur sa bouche, et la lui ouvre, sa langue a été coupé, je grimace. "tu as tiré sur un muet estropié... bravo Gaugy!" Lâchais-je sans trop tenir compte de l'homme en dessous, qui se tient la jambe comme si ça aurait pu faire sortir, comme par magie, la flèche au dedans. La bestiole que j'avais cru voir entre les arbres, avait l'air de ne pas être dans le coin. C'était quoi au juste? Je demande au muet, et il ne dit rien de précis. "Bon, tu le tiens, je lui retire la flèche, par contre après on se barre."

Y'avait pas marqué mère Thérésa sur mon front, clairement pas même! J'allais déjà lui permettre de remarcher correctement, c'était déjà pas mal. Mais un muet dans ce monde, est autant un atout, qu'une grosse tare. Je coupais le bout pointu avec ma machette, et regardais Gaugy, avant de tirer un grand coup. La flèche sort, ça pisse un peu le sang, mais l'arme est sortie. Il geint, comme un gosse muet, et je lui indique de prendre son t-shirt pour se faire un bandage. "Voilà j'ai fait ma..." Je suis coupée dans ma lancée, et vient sur mon côté, quelque chose que je prends pour un projectile, mais non... c'est un chien, très peu content, qui a l'intention de me sauter à la gorge. Je tombe sous lui, c'est un berger allemand, des chiens d'attaque en fait.Je lutte pour qu'il ne me morde pas, putain...Ses mâchoires claquent à mes oreilles, et je voudrais que le beg rappelle son chien, la bonne blague! "Gau... gy" murmurais-je avec difficulté, mes bras croisés devant moi, pour empêcher les coups de mâchoires, et les coups de crocs. Je ne peux pas tout faire, j'ai besoin d'aide en fait... "putain... pousse le... tire lui dessus... ce que tu veux... mais fais quelque..."

Eliza avait eu l’air de comprendre plus rapidement que lui, qu’il avait bien tiré mais pas sur la bonne cible. Lorsqu’il réalisait enfin ce qui était en train de se passer, il se couvrit une nouvelle fois la bouche de surprise et de honte. Il était aussi en colère car il ne comprenait pas ce que faisait cette personne ici. Contrairement aux assomptions d’Eliza, Gauge n’avait jamais eu besoin de lunettes, mais à partir de maintenant, il se demandait si ce n’était pas le cas, et de toutes façons, c’était quand même mieux que de perdre totalement la boule s’il en arrivait à ne plus déceler les êtres humains. Il retenait quand même dans tout ça les approbations de son mentor de chasse, cela méritait bien d’être souligné selon lui. Le  garçon déposa doucement l’arc à ses pieds tandis qu’il se grattait l’arrière du crâne, essayant de visualiser mentalement  de nouveau la scène pour comprendre ce qui s’était passé et pourquoi ça n’avait pas fonctionné.

Gauge finit par rejoindre la fille qui venait tout juste d’identifier la victime. « Euh… Je suis désolé… Je ne comprends pas Eliza ! Euh et… désolé monsieur ! ll m’entend au moins ? Ah oui il est muet, pas sourd. » Eliza lui indiqua très précisément le rôle qu’il allait jouer par la suite et cela n’enchanta guère le garçon qui n’osait regarder la victime dans les yeux et se contentait de le tenir afin qu’il ne se débâte pas trop pendant l’opération. Quand ce fut fait, tout alla ensuite très vite : un chien venait de sauter sur Eliza et Gauge comprit assez rapidement que l’animal appartenait probablement à l’homme qu’il venait de blesser, de ce fait,  le canidé pensait peut-être qu’Eliza était en train de nuire à son maître alors qu’elle le sauvait. Bouche-bée, Gauge restait impuissant pendant quelques longues secondes. Il revoyait la manière dont il avait abandonné cette ado autrefois et se demandait s’il était capable de vivre en paix s’il abandonnait une autre personne de la même manière.

Lorsqu’il réalisa que la réponse était non, il décida de foncer sur la bête pour l’éloigner d’Eliza et la faire chuter un peu plus loin. Contrairement à son maitre, le chien s’exprima avec des couinements et des grognements. Sans trop se poser de questions, le garçon tendit à la main à Eliza pour l’aider à se relever. « Ça va ? Rien de cassé ? Ou mordu ? » dit-il avant d’entendre grogner de nouveau le chien derrière lui, sans doute prêt à réitérer son attaque. Mais c’était sans compte le muet qui après avoir terminé son garrot, tapait sur ses cuisses une espèce de rythme étrange qui avait cependant l’effet bénéfique d’arrêter de faire grogner la bête. Celui-ci semblait toujours être prêt à bondir sur le duo de chasseurs mais il s’était collé à son maitre,  attendant la suite. C’était probablement comme cela que le muet donnait des ordres à son chien. « On… en reste au plan initial, on s’en va ? » demanda Gauge à Eliza.

Il me sauve la mise et je l'en remercie un peu interdite. J'avais faillit me faire arracher les yeux par un chien enragé, appartenant au mec que Gauge avait faillit buter. Je retirais les feuilles mortes de ma veste et la poussière de mon pantalon, alors qu'il demandait presque trop fort, si on en restait au plan initial. "Tu cours aussi vite qu'un berger allemand?" Lui dis-je entre mes dents. Mais ouais il fallait agir vite. "Bon... okay on n'a pas été supers cool avec vous, un accident est si vite arrivé. Donc solution 1 : vous nous laissez partir sans lancer Brutus à nos trousses, ou..." je les visais avec mon arbalète. "Je vous bute l'un et l'autre avant qu'on parte... It's your choice."

On avait une chance sur deux, et j'étais surprise de marcher côte à côte avec Gauge, partis sans être poursuivis, j'en avais même le sourire. "Bon... tu te doutes, je les aurais pas buté, tu l'as déjà estropié... c'était suffisant pour une seule journée. Mais je pensais pas qu'ils nous laisseraient partir sans broncher. Je dois être super convaincante en sociopathe." J'avais dit ça avec un grand sourire, avant de réaliser ce que je venais de dire. "Ouais... bref." Okay c'était inquiétant, et j'avais pas trop envie de m’appesantir sur ma nature de sociopathe.

"Bon, concrètement, tu sais tirer... mais un peu trop sur tout ce qui bouge." J'éclatais de rire même en y repensant. "Je m'attendais à tout, vraiment à tout, une flèche dans mon postérieur, à tirer sur un arbre, ce genre de choses en fait... mais non... t'as tiré dans le tibia d'un estropié. Ah lala... Gaugy... heureusement que tu as un joli postérieur et de belles épaules, ça te sauve c'est certain." Je ris doucement, en marchant plus rapidement, le dépassant légèrement. Concrètement, je ne savais pas trop s'il fallait faire perdurer l'expérience, mais pourquoi rentrer? Se caler dans sa caravane, ou l'un et l'autre de son côté.

"Je suis vachement surprise que tu m'aies aidé... j'ai cru noter dans ton regard, un doute immense. Tu as voulu me laisser crever un peu? Non? C'est quoi concrètement qui fait que les gens ont envie de me tuer?" Je suis pas certaine que la réponse me plaise non plus, mais il fallait bien combler les blancs, et arrêter de penser à son postérieur. Impossible de m'expliquer pourquoi Gauge me faisait de l'effet depuis ce matin... Pas moche hein, mais c'était inquiétant qu'avec sa maladresse terrible et son tire au flanciste, il puisse m’exciter d'une certaine façon. Ouais, stop Eliza, pense à autre chose...

Quel acte héroïque… Si seulement il avait été capable de faire de même avec Karen autrefois. Qu’est-ce qui avait changé depuis ? Pas grand-chose, mais pourtant, il n’avait pas abandonné Eliza. Cette fille, peu-à-peu, croyait en lui, il aurait été dommage que perdre une alliée potentielle si un jour il se retrouvait dans la panade, il aurait été dommage de perdre une amie, tout simplement. Gauge se contentait de faire oui de la tête lorsque la fille s’excusait auprès de celui qu’il avait blessé, puis il fit non lorsqu’elle les menaça avec son arbalète. Il fut relativement soulagé de les voir s’éloigner sans en ajouter d’avantage, et le duo de chasseurs reparti dans l’autre sens. Pas sûr que le garçon ait appris beaucoup de la chasse aujourd’hui.

En chemin, Eliza affirma que la menace n’était que du vent. Gauge marmonna quelque chose comme « ouais j’le savais bien » Il hésita à dire quoi que ce soit à propos de l’autocritique que faisait la fille car il savait très bien qu’il risquerait de dire une connerie, une de plus. C’est qu’elle était dure avec elle-même ! L’entendre éclater de dire fit rigoler Gauge aussi. Il aimait bien cette discussion et ce chemin, il ne manquait que les petites fleurs, les petits animaux qui leur tourneraient dans les pattes et la musique, sans doute à base de flûte. Il fit semblant de ne pas l’entendre parler de son corps. « Je sais pas comment je fais… Si je pouvais ne pas faire, ça m’arrangerait hein, mais c’est comme ça. Ma maladresse… C’est comme ça tous les jours, et je dois vivre avec les conséquences ! » dit-il en voulant mettre les mains dans les poches, avant de se rendre compte qu’il n’avait pas de poches.

Éventuellement, elle lui rappela qu’il avait hésité avant de lui filer un coup de main et Gauge s’en mordit les lèvres. La musique avait disparue, les petites fleurs dans le vent aussi. En revanche, il n’appréciait pas forcément qu’elle puisse imaginer qu’il avait la volonté de la tuer, c’était juste que lui voulait vivre ! « J’ai… du chercher mon courage quelque part au fond de moi, c’est tout. Il n’a jamais été question de vouloir te tuer : j’ai des centaines de défauts, mais j’abandonne pas mes amis derrière… ‘Fin, si tu veux bien qu’on soit amis… T’sais… » dit-il nerveusement. Elle était passée devant lui, il avait bien remarqué ça, mais il se demandait encore pour faire quoi exactement. Elle voulait faire un concours de postérieurs ? Bien sûr qu’il avait regardé, c’était un homme après tout. Il souffla en faisant vibra ses joues, faisant au passage un son ridicule. « Hm, on peut passer à la chasse aux champignons, y’en a des bons dans le coin, puis pas besoin de leur tirer dessus avec un arc… T’sais… ‘Sont plus faciles à attraper ! »

On marche, on s'en est bien tiré mine de rien. Du coup on discute, comme l'aurait fait... ouais il le dit, des amis. J'hoche la tête. "On est déjà potes depuis longtemps... tu sais, je t'ai pas filé un cœur de cerf pour être méchante... c'est hyper protéinique le cœur d'un gibier... bon... c'était pour te donner une leçon aussi, mais ça se bouffe le cœur, y'a bien des tribus avant qui les bouffaient, alors pourquoi pas nous?" Je le pousse gentiment de l'épaule, mais je vérifie bien qu'il ne tombe pas quand même. Sa maladresse a l'air super présente dans sa vie ! Je ris un instant, en repensant à sa chute dans les fourrées, à sa gueule exorbitée qui me regardait, la main sur la bouche... et puis cette histoire de tirer à l'arc. Je secouais la tête, et l'écoutais de nouveau lorsqu’il parla de champignons. "Ouais faisons ça. je suis pas une bonne prof, j'ai pas la bonne méthodologie, Aaghen, il avait ça dans le sang... ou alors il avait foutrement pitié de ma pauvre petite personne."

On suivit des pistes simples, des champignons, des baies, avant de reprendre le chemin de la carrière. On avait pas ramené de gibier, à peine deux rats et un lapin. Je lui tendis le lapin, arrivés près des gardes de la carrière. "ça c'est pour toi, j'espère que tu sais cuisiner le civet et que t'as un reste de moutarde dans ta caravane... je vais rentrer avec les rats, ça fera un peu de viandes pour les miners." je restais un instant en le regardant, hochant la tête. "C'était épique... surréaliste, mais définitivement épique... J'espère qu'au prochain coup, tu vas m'apprendre à pêcher, on m'a dit que t'étais bon à la pêche... moi j'y arrive pas... coller des vers de terre sur un hameçon, ça me dégoûte déjà assez comme ça." C'est assez ironique quand on sait que la première fois qu'on s'est vraiment parlé, j'étais couverte de sang de la tête aux pieds, et que ça... ça m'avait pas dégoûté tant que ça ! Y'a des choses qui s'expliquent pas, moi je préfère le sang d'un gibier, que l’œil globuleux et gluant d'un poisson dans mes mains !

Étonnement, j'allais le prendre dans mes bras un instant, un câlin amical au demeurant. Et je lui tapotais l'épaule gentiment. "Dors bien le chasseur"