ghost in the city (ft. Evana)

♔ Aleksey & Evana

« Ghost in the city

Assis sur sa selle de vélo, les pieds au sol, Aleksey lisait sa carte dépliée devant lui, sans se préoccuper du rôdeur qui s'approchait lentement mais sûrement de lui. Il appuya sa carte sur le guidon de son vélo, et traça avec son doigt le trajet qu'il allait emprunter pour aller visiter un musée qui lui avait l'air sympa. Difficile de se renseigner plus que ça cependant, puisque l'accès à Internet n'était plus franchement évident. Il verrait bien de toute façon ; et cette escale lui permettrait au passage de récupérer quelques trucs utiles à échanger. Alors que le rôdeur était à une demi-douzaine de mètres derrière lui, il replia brusquement sa carte pour la glisser dans l'une des larges poches de son pantalon que le temps avait marqué en le décolorant, principalement.
Il agita légèrement ses épaules, pour les soulager un instant du poids de son sac, avant de remettre les pieds sur les pédales et de se remettre en route ; en veillant bien à utiliser sa sonnette pour narguer le pauvre mort-vivant qui avait probablement espérer trouver en lui son goûter. Il se remit donc à pédaler à un rythme soutenu ; depuis qu'il était nomade comme ça, il avait des mollets en béton. Il en profita pour regarder un peu le décors ; l'apocalypse avait son charme. La nature avait repris ses droits, des plantes poussaient un peu partout dans cette petite ville ; donnant un aspect à la fois inquiétant et joli aux habitations. Alors qu'il zigzaguait entre des voitures abandonnées, en jetant un œil à l'intérieur voir s'il n'y avait rien d'intéressant, un bruit devant lui l'intrigua. Il se concentra à nouveau sur la route ; et il ralentit un peu alors qu'il arrivait à une intersection. Il s'approcha lentement, prêt à pédaler à toute vitesse en cas de mauvaise surprise. Mais alors qu'il dépassait l'angle du bâtiment qui lui gâchait la vue, il tomba sur quelque chose qui lui fit mettre pied à terre. Quelqu'un, plutôt. Il n'était pas très sûr ; le temps avait passé et fait son effet. Mais il était professeur dans une université ; il avait vu beaucoup de visages défilés, et cela lui avait permis de réaliser qu'il se trompait rarement à ce sujet là. Et s'il était capable de reconnaître un de ses étudiants encore aujourd'hui, il ne s'agissait pas de l'un d'entre eux ; mais de quelqu'un avec qui il avait passé un certain temps après l'apocalypse.
Son vélo arrêté, un pied au sol, il n'avait même pas posé un pied à terre quand il se manifesta en demandant :
« Evana ? »

♔ Aleksey Schultz & Evana Miller

« Ghost in the city

C’est bizarre la vie… Ce type que j’ai rencontré l’autre jour, avec une seule main, je ne sais pas trop quoi en penser. D’un côté, je me dis que, pour quelques temps au moins, je pourrais tenter d’intégrer son groupe. D’autant qu’il m’a proposé de se renseigner savoir si mon frère en faisait partie. Mais je ne veux pas me précipiter. Pour autant, je sais que c’est dangereux de rester seule comme ça à l’extérieur. Que je ne pourrai pas toujours m’en sortir, surtout avec un animal. Un cheval, ce n’est pas discret. Ca finira forcément par attirer un peu trop l’attention. Mais pour fuir, c’est pratique. Surtout, ça ne consomme pas d’essence… De l’eau et de l’herbe et c’est très bien. Dans le fond, je ne comprends pas ceux qui ne jurent que par les véhicules à moteur et donc… A essence. Certes, une voiture offre aussi une protection. Un rempart contre les rôdeurs. Mais… Si tu te retrouves en panne d’essence au milieu d’une horde de zombies, tu es bloqué, un point c’est tout. Qu’avec un cheval, tu as eu le temps de t’enfuir avant. Quoique… Si… Un cheval sent le danger. Dans un cas comme ça, la meilleure chose à faire, c’est de faire confiance à son instinct de proie qui lui donnera toujours une chance de plus qu’à un pauvre humain… Il suffit de voir comment cela se passait lorsqu’il y avait une tornade… Le plus souvent, les chevaux savaient où aller pour être en relative sécurité, tandis que nous, humains, nous nous contentions des abris souterrains.

Euh… Pourquoi je pense à ça, moi, d’abord ? Je n’en ai pas la moindre idée. Comme souvent, mon esprit s’est mis à divaguer. Sans doute l’effet de la solitude. Sans doute la nécessité d’essayer d’entretenir mon cerveau pour ne pas virer folle, pour ne pas devenir complètement débile et me jeter dans les bras d’un rôdeur. Cette simple idée me révulse, alors que j’avance doucement dans les ruines de la ville. J’ai laissé mon cheval un peu plus loin, pas même attaché, mais je sais qu’un simple sifflement de ma part et il viendra vers moi, et ai commencé à explorer pour trouver un peu de nourriture pour moi ce soir. Je suis prudente. Je ne veux pas me blesser sur un bout de métal. Je ne veux pas risquer l’infection et finir comme ces créatures décharnées, sans autre but que de dévorer les êtres vivants. Curieusement, ils ne semblent pas trop s’intéresser aux animaux. J’ai du mal à comprendre. Peut-être émettons-nous quelque chose qui les attire davantage ? Je m’arrête un instant avant de secouer la tête pour chasser cette idée idiote de mon crâne. Voilà que je divague encore.

Je me remets en marche lorsque j’entends une voix indubitablement masculine qui m’interpelle. « Evana ? » Je tourne la tête dans la direction d’où provient ce son. Mon cœur s’est accéléré alors que je me demande s’il peut s’agir de mon frère. Sans pouvoir me retenir, j’oublie toute prudence et me mets à courir vers la voix avant de ralentir et de froncer les sourcils. L’homme qui me fait face est bien trop vieux pour être mon frère. Il me faut un long moment pour le remettre. Cette apparence débraillée, peu soignée, cette barbe, ce surpoids… Je plisse les yeux avant que l’expression de son regard me redevienne, enfin, familière. Son prénom a une consonance russe, si ma mémoire est bonne. Quant à son nom de famille, j’ai beau me creuser la tête, il ne me revient pas. Mais je zappe la partie nom de famille pour essayer de retrouver son prénom ; Sergueï ? Non. Ivan ? Non. Dmitri ? Non plus. Et soudain, ça me revient, enfin. Il faut dire que, malgré tout, je suis restée un long moment avec lui, après m’être retrouvée séparée de mon frère ! A croire qu’il avait pris en pitié la gamine que j’étais à l’époque, jusqu’à ce qu’on se retrouve séparés, un peu comme je l’ai été avec mon frère. Enfin… Presque… « Aleksey ! Tu es en vie ! » Je n’en reviens pas et les billes que j’écarquille doivent en être une bonne preuve…

♔ Aleksey & Evana

« Ghost in the city

Un peu surpris par la réaction de la jeune femme, Aleksey se contenta de se gratter la tête ; ne sachant pas vraiment que faire. C'est l'intervention de son interlocutrice qui le fit réagir ; il hocha la tête pour affirmer qu'effectivement, il était en vie ; comme s'il avait vraiment besoin de le faire. Mais avant de répondre formellement, il commença par descendre complètement de son vélo, pour aller le poser sur la voiture abandonnée à une dizaine de centimètre de lui. Il répondit alors, en s'avançant un peu plus vers elle :
« Je n'y croyais pas moi non plus ; mais oui, j'ai survécu. Je suis content de voir que je n'ai pas fais ça pour rien »
Il repensa à ce moment là aux mots de Sénèque ; la conscience d'avoir bien agi est une récompense en soi. Et quand il avait lâché son groupe pour pouvoir leur laissé le temps de s'enfuir, ce jour là, il était déjà content. Au moins, il leur avait donné une chance ; et visiblement, cette chance, Evana avait su l'exploiter. Elle semblait être seule, mais il ne jugea pas bon de lui demander si elle était accompagnée. Si c'était le cas, il ne se sentait pas en danger ; ses compagnons se manifesteraient d'eux même quand ils verront qu'il n'est pas hostile. Un point navra Aleksey, c'était l'absence du cheval de la blonde. S'il se souvenait bien ; ça remontait à longtemps pour lui, il avait perdu la notion du temps ; elle y était assez attachée. Mais il n'osa pas directement lui poser la question, pour évoquer un sujet potentiellement sensible. Il n'allait pas demander non plus ce qu'elle faisait là, toute seule. C'était une question assez stupide ; elle survivait, comme tout le monde.
Alors, il prit une inspiration et il se contenta de lui annoncer d'un ton assez chaleureux :
« Sacré hasard quand même, je pensais vraiment pas te revoir un jour » Aleksey, s'il pouvait sembler froid et intimidant au premier contact, était quelqu'un d'assez sympathique et chaleureux. Il marqua un léger temps d'arrêt avant de continuer en demandant : « As-tu besoin de quelque chose ? De l'eau ? De la nourriture »
Il était tout à fait disposer à partager le peu qu'il avait ; il ne l'aurait pas fait avec un inconnu, mais il avait pris cette gamine sous son aile à l'époque, et pour lui, rien n'avait vraiment changé. Même si c'était probablement le cas ; il avait traversé des épreuves, et elle aussi. M'enfin, pour l'instant, il se contentait de dévisager celle qui lui faisait face en attendant sa réponse.

♔ Aleksey Schultz & Evana Miller

« Ghost in the city

Je ne suis pas très démonstrative. C’est un euphémisme. Pourtant, passé ce moment de stupeur, j’ai envie de le prendre dans mes bras. Parce qu’il s’est sacrifié. Pour moi, et pour les autres. Et parce que sans lui, je n’ai pas eu envie de rester avec le reste du groupe. Je ne sais même plus depuis combien de temps je ne l’ai pas vu. Je l’ai rencontré après avoir perdu mon frère. Il était dans le premier groupe que j’ai croisé à ce moment là. Je ne sais pas pourquoi, il m’a tout de suite inspiré confiance. C’est étrange, à dire. Moi, qui ne fais confiance à personne, j’ai eu confiance en lui. En ce gros nounours d’apparence aussi doux que du miel lorsqu’on le connait. « Comment as-tu fait ? As-tu retrouvé les autres, après ? » Non pas que la survie des autres membres de notre dernier groupe m’importe réellement. Sans doute ont-ils cru que j’y étais restée. Ca me va. Déjà à l’époque, je savais que, tôt ou tard, j’allais les quitter.

Finalement, après avoir pesé le pour et le contre de la difficulté que j’éprouve à aller vers les autres, je décide, néanmoins, de combler la distance entre lui et moi et de le serrer très brièvement dans mes bras. Ce n’est pas mon truc, les relations humaines. En tout cas, plus depuis la mort de mes parents et ma séparation avec Nathan. Je m’écarte ensuite rapidement, alors qu’il parle de hasard. « Je ne pensais pas te revoir un jour non plus… Je te croyais mort. Mais je suis heureuse que ce ne soit pas le cas. » Mon ton pourrait prêter à confusion, pourtant. Mais Aleksey me connait. Il sait qu’hormis le sarcasme et l’ironie, je suis incapable d’exprimer quelque sentiment que ce soit. Parfois, je me demande si ce monde n’a pas fait de moi une sociopathe. Et je me souviens de la douleur. Cette douleur extrême que j’ai pu ressentir, et que je ressens toujours lorsque je repense à mes parents. Un sociopathe ne ressent rien. Pas même de la peine. Alors je me rappelle que je me suis endurcie. Que je me suis fermée aux émotions, pour ma propre protection.

Pourrai-je aimer un jour ? songé-je avant de secouer la tête. Cette question ne devrait pas se poser. Lorsque je vois le monde actuel, peuplé de morts-vivants, je me dis que nous devrions tous mourir. Laisser la planète aux animaux. Nous avons fait notre heure. Je secoue la tête, espérant qu’il ne me demande pas à quoi je pensais à l’instant. Surtout après son sacrifice, ce serait mal vu… Heureusement, lorsqu’il reprend la parole, c’est pour me demander si j’ai besoin de quelque chose. J’esquisse l’ombre d’un sourire. De toute façon, c’est déjà la taille maximum que mon sourire peut atteindre. « Je veux bien un peu d’eau, merci, Aleksey. » La vérité, c’est que j’ai faim, aussi. J’ai beau chasser, tant que je n’ai pas trouvé un endroit relativement à l’abri des rôdeurs, je ne peux pas faire de feu. Je n’ai donc actuellement aucune réserve de nourriture. C’est pour ça que je suis ici… Pour trouver quelque chose que je pourrai manger en attendant d’être en relative sécurité. Mais si ma fierté m’empêche de l’admettre, ce n’est pas le cas de mon ventre qui émet un gargouillement moyennement sonore. Et merde… « Qu'est-ce qui t'amène par ici, d'ailleurs? » Je finis par demander.

♔ Aleksey & Evana

« Ghost in the city

Il comprenait la question de son interlocutrice ; il se souvenait parfaitement du déroulement de cette soirée. Ils avaient été coincés par une horde dans un immeuble, et s'étaient réfugiés dans ce qui devait être un appartement. La seule sortie était un escalier de secours qui menaçait de s’effondrer ; les forçant à passer un par un. La porte menaçait de céder pendant ce temps ; et c'est ce qu'elle fit presque, avant qu'Aleksey n'aille la maintenir le plus longtemps qu'il pouvait. L'avant-dernier à devoir passer s'affola, et tenta de passer coûte que coûte, alors que quelqu'un était encore en train de descendre l'échelle ; et la structure s'effondra, laissant le professeur seul sans aucun moyen de sortir apparent. Il ne se découragea pas en entendant les cris de ses anciens compagnons, qui décampèrent vite quand ils réalisèrent que le fracas métallique risquait venait d'attirer d'autres rôdeurs. Il alla se réfugier dans une salle de bain ; réfléchissant, tentant de trouver une autre porte de sortie. Il se souvint alors qu'il avait simplement défoncé le mur de la salle de bain pour sortir dans l'appartement d'à côté. Il a pu alors se frayer un chemin hors de l'immeuble pour réaliser qu'il était à présent seul.
Il répondit donc, assez simplement :
« J'ai repensé aux mots de Sénèque ; « pour surmonter les obstacles, fait appel à la raison » » il ne précisa pas plus ; c'était vrai. Il avait utilisé son cerveau, qui lui avait rappelé qu'il avait une masse de démolition, et des muscles. Il acheva ensuite sa réponse : « Non ; enfin, si. J'ai revu Mickael quelques jours après. C'était un rôdeur »
C'était. Il avait mis aux tourments du jeune homme. L'étreinte de la blonde l'arracha à ses pensées ; il se contenta de tapoter légèrement son dos de sa main. Pauvre gamine ; il regrettait de ne pas avoir pu la retrouver plus tôt.
Quand elle lui annonça qu'elle avait soif, il se contenta d'ôter son sac, pour aller le poser sur le capot de la voiture où son vélo reposait. Il l'ouvrit, et en sortit une bouteille d'eau pleine qu'il tendit à la jeune femme. Elle était propre ; récoltée dans une rivière, bouillie puis mise en bouteille. Aleksey était devenu un survivant aguerri.
Il arqua un sourcil en entendant son estomac grogner, mais il estima que si elle avait faim, elle lui aurait demandé. Il se contenta donc de répondre à sa question :
« à Dallas » sans préciser qu'il allait là bas pour visiter des musées. Il ajouta : « Mais ça me paraît compromis ; j'ai eu vent qu'il y aurait des sacrées hordes en ville. Je ne sais pas vraiment, du coup ; je verrais bien » Il était difficile de prévoir quelque chose dans un monde aussi chaotique. Il se permit d'ajouter finalement : « et toi ? »

♔ Aleksey Schultz & Evana Miller

« Ghost in the city

Je n’ai pas la moindre idée de qui est ce Sénèque : philosophe, dramaturge, auteur, ou quoique ce soit d’autre. Il faut dire que mes connaissances scolaires s’arrêtent au niveau collègue. Je sais lire, écrire et compter, et ça s’arrête là. Après… J’aimais lire, quand j’étais môme. Et même encore maintenant, lorsque je me sens en sécurité quelque part, j’aime bien lire un peu… Même si mes lectures n’ont pas évolué depuis Harry Potter. Bref… Tout ça pour dire que la référence d’Aleksey m’est totalement inconnue au bataillon. Mais je n’en dis rien, cependant. Il le sait, sûrement. Et dans le cas contraire, avouer mon ignorance me donne toujours un peu l’impression d’être complètement nulle. Ca me donne l’impression que je devrais en savoir plus. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que si Aleksey fait appel à sa raison pour survivre, moi, je fais appel à mes trippes. D’ailleurs, elles me disent que : « On ne devrait pas rester immobiles… C’est dangereux. »

J’arque un sourcil lorsqu’il me dit qu’il a revu Mickael, par la suite, et qu’il était devenu l’un d’entre eux. L’un de ces morts-vivants. Je hoche la tête lorsque je comprends le sens de sa phrase : il a mis fin à son errance. C’est bien. Mais c’est triste. Un mort devrait rester mort. Il ne devrait pas se relever pour essayer de dévorer ceux qui sont en sursis, à savoir nous, les vivants. « Tu as fait ce qui était humain. » C’est sur ces mots que je l’ai brièvement serré dans mes bras, peu à l’aise. Au final, je ne sais pas sais pas s’il est plus à l’aise que moi lorsqu’il me tapote le dos et je m’empresse de m’écarter à nouveau, de nous rendre à chacun notre espace vital. C’est mieux comme ça. Au fond, je crois que je ne suis pas faite pour les relations humaines. J’ai perdu mon innocence trop jeune. Je n’ose penser à ce que cela peut bien donner pour des enfants plus jeunes que moi encore. Cette idée me fait frissonner. Ce n’est déjà pas enviable d’avoir fini de grandir ainsi, mais pour ceux qui n’ont aucun souvenir d’avant, ça doit être pire encore. Jamais je n’aurai d’enfant… je songe alors. Une promesse que je me suis déjà faite : celle de ne pas donner la vie sans l’espoir d’un monde meilleur. Et cet espoir, je n’y crois pas. Pas le moins du monde, en vérité.

J’ignore tout des pensées de mon ancien protecteur, de cet homme qui a pris le relai de mon frère après que je l’ai eu perdu de vue. De cet homme qui est resté en arrière pour nous donner une chance de nous en sortir. « J’aurais dû revenir en arrière… Quand j’ai compris qu’ils allaient t’abandonner. Mais… Je te croyais mort. Et je ne voulais pas voir quelqu’un que je connaissais comme ça… » Sans doute est-ce là l’une des seules traces d’émotion qu’on peut encore distinguer en moi. Celle de ne pas supporter la vision ou l’idée de la vision d’une personne que j’ai connue et appréciée en rôdeur. Ca me rappelle ma mère, quand elle s’est réveillée et mon père lorsque mon frère a dû le tuer. Une larme brille au coin de mon œil mais je détourne la tête pour qu’Aleksey ne la voit pas.

Heureusement, il bouge à ce moment là, me tournant un instant le dos et j’en profite pour essuyer cette marque de faiblesse et la faire disparaitre comme si elle n’avait jamais existée. C’est mieux comme ça. Ne rien ressentir, c’est ne pas souffrir. Je prends la bouteille qu’il me tend et sans la moindre hésitation, je la porte à mes lèvres. Venant de n’importe qui d’autre, je me serais assurée que l’eau était propre, sans danger. Mais c’est Aleksey. Je n’ai pas à me méfier de lui. Mon estomac choisit alors ce moment pour se manifester, et je le maudis de me trahir ainsi avant de bénir Aleksey de faire comme s’il n’avait rien entendu. A la place, il me répond l’endroit où il compte aller et je fronce les sourcils. « C’est où, Dallas ? Et me réponds pas au Texas… Je sais que c’est au Texas. Mais par rapport à ici ? D’ailleurs… On est où, là ? » Je demande en regardant autour de nous. S’il y a bien un truc que j’ai arrêté de regarder, ce sont les panneaux des villes. C’est peut-être une erreur. Peut-être que je devrais commencer, et que je devrais marquer les endroits par lesquels je passe. Je pousse un soupir alors qu’il me retourne sa question : « Je cherche mon frère. » Je réponds simplement avant d’ajouter : « Sinon… Je ne sais pas où je vais. Je vais là où les sabots de mon cheval me portent… »

♔ Aleksey & Evana

« Ghost in the city

Alors que la blonde commençait à boire, Aleksey se tourna à nouveau pour saisir son sac, et le mit sur son dos en pivotant une nouvelle fois pour faire face à son interlocutrice, alors qu'il l'écoutait. Il répondit directement, annonçant d'un ton assez posé :
« Dallas est au sud d'ici, il me semble. Je ne saurais dire où on est exactement, par contre ; je n'ai pas fait attention au panneau à l'entrée de la ville. Qu'importe, après tout ? Tant qu'on sait où on va » Il hésita à citer une nouvelle fois Sénèque mais se ravisa.

Il se tut un instant quand elle répondit à sa question ; la pauvre, perdue à la recherche de son frère. Il n'avait pas envie de la décourager en lui annonçant la probable vérité, cependant. L'espoir fait vivre. Mais il répondit néanmoins :
« Tu fais bien d'écouter l'instinct de ton cheval ; ça me fait penser à une citation de Cicéron ; si nous prenons la nature pour guide, nous ne nous égarerons jamais. Il semblerait que tu le fais, littéralement » il n'avait pas pu cette fois s'empêcher de mettre sur la table ce philosophe qui était parmi un de ses préférés. Il continua : « Bougeons, veux-tu ? Je veux avoir monté mon camp quand la nuit tombera »

Il alla saisir son vélo, et, fit quelques pas vers Evana en le poussant. Elle suivait son cheval, mais il n'était pas là ; il supposa donc qu'il devait être dans le coin, et qu'elle ne partirait pas sans lui. Il lui annonça donc :
« Allons cherchez ton cheval, et bougeons ; comme tu l'as dis, cet endroit est dangereux » il regarda les vitres des maisons qui donnaient sur de l'obscurité tout autour d'eux ; c'était inquiétant, et magnifique à la fois. La nature avait repris ses droits, la végétation avait éventrée la chaussée, la mousse et les feuilles recouverts les vestiges d'une civilisation révolue. L'historien qu'il était s'estimait heureux de vivre une époque aussi importante pour l'humanité, et à ce instant, il se jura d'en écrire les chroniques.

En marchant, il décida de continuer un peu la discussion, en prêtant cependant attention aux alentours plus qu'à son interlocutrice. Son vélo crissait légèrement, leurs pas faisaient du bruit, ils discutaient. Ils allaient peut-être attirer des rôdeurs. Mais du coup, il lui demanda :
« T'es toute seule depuis que tu as quitté les autres ? » avant de rajouter, juste après, en se souvenant du gargouillement de son estomac : « Tu es sûre que tu n'as besoin de rien ? »
Deux questions d'affilés, c'était lui tout craché ; les connexions dans son cerveau se faisaient vite, et ne perdaient pas de temps avant d'être formulées. Il prit quand même le soin de lui laisser développer ses réponses, alors qu'il balayait les environs d'un regard vigilant.