Les râles gueulaient comme des bêtes. Ses jambes détalaient, elle était une fusée. Mais son corps, lui, fouetté de toutes parts, bousculé par des arbres dans le chemin et écrasé par la gravité, il faiblissait.
"Jorah !"
Le sol se déroba sous elle, et ce qu'elle croyait être une butte se révéla en tant que crevasse. Les pierres lui frappèrent les coudes, les genoux, les bras ; les arbustes lui lacérèrent le visage alors qu'elle roulait en contrebas. Puis le fond, lourd et dur, et son torse qui relâcha tout air retenu. Un gémissement, qui ressemblait à la plainte d'un rongeur, puis rien que le silence.
Ree avait mal, partout. Ça lui semblait ridicule d'énumérer chacune de ses blessures à ce point-là. Et bouger, pour l'instant, aussi. Compter une seconde, puis deux, puis trois ; le soleil qui l'écrasait avec cruauté, brillait trop fort et brûlait la terre de sa présence éreintante. Et pourtant, elle grelottait ; secouée de spasmes de terreur, alors que la peur tangible de perdre celui qui était devenu son frère de coeur lui apparaissait comme logique. Comme plausible. Ses dents étaient si serrées qu'elle en avait mal à la mâchoire, et ravivaient la douleur de son menton écorché.
Jorah et elle avaient entendu parler d'un camp dans le coin, mais pas un camp où il faisait bon de visiter. Des cavaliers, à la gâchette facile et au mépris certain, limite pires encore que les Chacals avec qui Ree avait eu affaire quelques semaines plus tôt. Alors, quand ils durent passer par le coin, ils avaient fait attention à ne pas s'approcher de la zone découragée, s'approvisionnant dans une espèce de petit hameau sur une route adjacente. Et ça avait été là leur plus grande erreur. Une trentaine de nécropodes, surgissant de nulle part. Ree n'avait rien vu venir. Occupée à chercher pour de la nourriture, la horde l'avait séparée de Jorah et l'avait forcée à courir le plus loin possible, attirant avec elle une bonne partie des infectés. Mais pas assez.
Non, non, non, non, non, non, non, non, pas lui aussi, pas lui aussi, s'il vous plaît...
Elle ne savait même plus à qui elle parlait, et savait pertinemment à quel point c'était inutile. Mais la peur avait cette faculté étrange de briser la psyché d'une personne alors que la guillotine tanguait au-dessus de sa tête.
"Jorah !"
Sa voix se brisa, et elle se couvrit dans la crevasse de ses mains. Les morts allaient être attirés par son vacarme, si elle continuait comme ça. Il lui fallait garder la tête froide. Rester solide. Ça n'avait plus rien d'un entraînement et les choses étaient cruellement trop vraies pour être un quelconque jeu.
Elle se rappelait du chemin. Alors la jeune fille se releva, boitillante, sortant des bois par la même occasion. Devant elle, l'étendue verte si caractéristique du Texas s'allongeait jusqu'à l'horizon, et elle aperçu même un petit troupeau de vaches sauvages, beaucoup plus loin. Ça avait une certaine beauté indéniable. Et un danger, surtout ; si elle pouvait voir les vaches, à n'importe quel moment désormais, on la verrait à des kilomètres.
Ree décida de longer le bosquet, suivant la route en parallèle par la même occasion. Ça la rapprocherait de son but, et lui permettrait surtout de retrouver le pickup si celui-ci n'était plus victime de tous ces rôdeurs. La marche lui sembla longue, très longue ; et la chaleur suffocante n'aida en rien, brouillant même son horloge interne d'ordinaire infaillible. Elle titubait, jurait tout bas, mais la douleur s'estompait peu à peu, noyée dans la sueur qui coulait en cathédrales le long de sa frêle charpente. Vint un grand arbre, plus loin, et Ree s'imagina un instant lire sous ses branches et apprécier la brise et l'odeur des fleurs estivales. Olympia, ce sera Olympia, pense juste au but, à la destination, pense pas à ça maintenant, pense pas à ça maintenant...
La monotonie avait quelque chose d'accueillant. Seule, enfin, Ree retrouvait un peu de l'unique compagnie qu'elle savait supporter indéfiniment. Elle aurait donné sa vie pour Jorah, elle en était certaine. Mais la solitude lui donnait une paix indescriptible, parce que mystérieuse et difficile à associer aux mots abstraits de la langue physique. Il était rassurant de savoir ce qui s'en venait : un pas, un autre pas, encore un pas. La répétition lui manquait, le monochrome, une musique composée d'une note ; et la routine d'un trajet terminé. Or, avec le silence s'éveillèrent les souvenirs, et de la mémoire naissaient les plus profondes douleurs.
Robbie.
Le feu.
Cette chaleur lui rappelait le feu.
Les larmes coulèrent sans que son expression ne change. Mêlées à la transpiration, elles semblaient presque invisibles, un rêve qui n'aurait pas sa place dans la réalité. Ses pensées à elle restaient accrochées à ce moment, comme ligotées ou dans une cage de métaphores. La tente brûle, il faut sortir.
Ree se jeta au sol, certaine d'avoir pris feu.
Puis se traita d'imbécile avant de se coller un coup de poing en pleine figure. Puis deux, et puis mille pendant qu'elle y était. Au moins ça la gardait éveillée, et ça puisait dans toute sa colère qu'elle avait envers elle-même, et toute son incompétence, et tous ses mauvais choix, et toute sa connerie en s'étant rebellée et en ayant tué tout le monde à Castle Sken, et toute la mort qui lui faisait office de tumeur, et tout le mal qui faisait partie et son âme, et, et, et, et, et...
Une silhouette sombre s'approchait.
La jeune fille dégaina son épée, prête à se battre. Un nécropode, sûrement, et la horde suivrait dans les instants. Elle attendit.
Une seconde, deux secondes, trois secondes...
Une minute.
Quatre minutes.
Elle aurait pu contourner, retourner dans la forêt. Mais elle avait besoin de combat, de sang, pour se purger des pensées. Redevenir solide.
Mais lorsque le visage de la silhouette se révéla, elle crut être devenue folle. Ça y est, les souvenirs ont gagné. Ses jambes fléchirent. Elle reconnaissait ce visage.
Elle ne reconnaissait aucun visage.
Sauf ceux de la vieille, sale, morte famille.
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Sujet: Re: BLOOD AND WATER ✗ Lun 10 Oct - 2:48
C'était un jour chaud, un de ceux où rester cloîtrer dans sa tente semble être le choix le plus logique, mais nous avons tous une mission, une tâche qui nous fait nous lever. J'étais une de ceux qui vérifiaient que le ranch ne finissait pas envahis, puants, chacals et autres vermines, ainsi même dans cette journée, je chevauchais mon fier destrier. C'est dans ces moments que j'appréciais le fait d'avoir un puits et des rivières sur notre domaine, avoir de l'eau dans sa sacoche est toujours une bonne chose. Mais j'avais également décidé de me montrer folklorique aujourd'hui, après tout j'étais une cowgirl, il était temps de ressortir ce chapeau qui allait se montrer bien utile pour m'empêcher de mourir de chaleur. La seule chose qui manquait était ce satané pistolet 9mm, j'avais dû le remplacer par un pistolet 22LR qui est bien évidemment moins bien, mais c'était ma faute, je n'avais pas qu'à le perdre.
Les pâturages étaient à peu près toujours la même chose, outre les intrusions, toujours les mêmes paysages, les mêmes animaux, même les mêmes gardiennes patrouillant, mais c'était mon royaume. Qu'il y pleuve, qu'une douce brise les balaie, qu'une chaleur suffocante ne les écrase, ils étaient à moi et mon destrier, mais la routine restait la même. Pourtant en cette journée, quelque chose était différent, un détail dans le panorama, une toute petite chose, comme un grain de sable dans cette horloge qu'était ma routine. Entre les vaches et les arbres, pas loin se tenait une silhouette, l'intérêt pouvait se lire sur mon visage alors que je m'approchais, laissant reposer mon compagnon à sabots. Les intrusions ne sont pas fréquentes, mais elles apportent beaucoup de promesses, c'était le jour et je la voyais, elle et ses actes qui ne formaient pas encore un sens dans mon esprit.
Mon pas n’était rapide, il n’était pas lent, cela me laissait l’occasion de l’observer, de lentement dégainer ce qui me donnait tant de contrôle sur ces terres, le droit de tuer. Le soleil frappait derrière ma tête, semblant agrandir mon ombre à chaque pas que je faisais, la projetant toujours plus proche de mon invitée, le chapeau avait été une bonne idée. J’étais prête, mes pas se faisant plus lent tandis que je m’approchais de cette forme, elle avait dégainé ce qui semblait être une plutôt grosse lame, je pointais déjà mon arme sur elle. Je récitais déjà dans ma litanie dans ma tête, un, deux, trois, mais rien ne sortit, aucun mot, aucune balle, aucun craquement de son crane contre le sol, seul le silence subsistait. Elle avait levé mon visage vers le mien, se plongeant dans mon regard déterminée, dans mon sourire, mais tout était désormais éteint, mort, tué par son visage.
Le trouble pouvait maintenant se lire en moi, comment ? Pourquoi ? Était-ce une hallucination causée par la déshydrations et la chaleur ? Mon esprit était-il dans un délire de trop ? La folie avait-elle prit le pas sur tout ce qui était de moi ? Était-ce un rêve, un fantasme depuis longtemps réprimer revenu me hanter dans mon sommeil, ne me laissant jamais seule avec mes péchés ? C'était ça, je dormais tranquillement dans ma tête, je le voulais, je baissais mon arme, un rire sortait de ma bouche, ce n'était pas du bonheur, je ne comprenais pas. La silhouette n'avait plus la force de se battre, elle m'avait reconnue, agenouiller devant le désespoir tandis que je riais en face du destin, j'étais véritablement folle au fond. C'était bon de rire, à la fin c'est ce qui nous donne l'impression de nous séparer des animaux, des morts, mon souffle lui se faisait rare, je finissais donc par arrêter.
Mon fantôme était toujours à terre, me jugeait-elle ? Je la rejoignais moi-même, la respiration encore difficile, c'était elle, c'était moi, encore une fois contre le monde, mais pour combien de temps ? Je la regardais, nous étions proches, je voulais la toucher, elle n'avait jamais aimé cela, je respectais son souhait, elle était blessée, au moins je n'étais pas celle qui l'avait blessé cette fois ci. Après toutes ces années, je la revoyais enfin, ma Ree, mon cœur s'emballait, se serrait en même temps, c'est avec douceur et une étrange timidité que je lui adressais enfin la parole.
Elles avaient les mêmes yeux bleus, et aussi cette taille plutôt petite dont les gens se servaient pour leur parler de haut. Le même âge, et les même grand-parents. Des gènes semblables constituaient leur ADN, et les pommettes de Cherokee que Mère s'était fait enlever parce qu'elle les avait toujours détestées. Des années énormes les séparaient, des années où le monde avait eu le temps de s'écrouler, puis de se relever, puis de retomber encore et encore dans la poussière des regrets.
Le temps, le temps s'effritait.
Ree revit dans les yeux de la jeune femme devant elle (parce qu'elle n'était plus l'enfant dont elle se souvenait) sa promesse de ne plus essayer de se faire d'amis, et les traces de l'effet papillon destructeur. Les mémoires d'une famille brisée par son incompétence, et de l'audace mal placée au mauvais moment. Des regrets, des remords, des confusions.
Tic-toc.
Des images de peine et des sons qui restaient coincés dans la gorge.
"Non. Toi, l'es-tu ?"
Ree avait baissé sa lame. Avait baissé, tout. Des défenses brisées naissaient l'incompréhension, et elle se blessait dans les éclats de verre.
Ariadne Skenandore revint à la vie pendant un moment.
Le passé et le présent ne faisaient qu'un. Des morceaux d'elle qui n'existaient plus avaient survécu à l'incroyable. Oona. Sa cousine, et pas n'importe laquelle. La tempête Oona. Celle de qui on parlait tout bas lorsqu'elle était présente, et en gueulant quand on était seuls. Ree avait vu sa famille se confondre en accusations dès la puberté enclenchée chez sa cousine, tués dans leur orgueil de famille parfaite.
Après tout, ça faisait du sens.
Oona était sûrement la plus propice à survivre à tout ça dès le début de toute la famille. Elle avait toujours eu quelque chose en elle, une sorte de rage de vivre plus forte que les rigides conventions d'une dynastie qui serait décimée avant elle.
Ree ne savait pas ce qu'elle ressentait. Ça lui faisait du bien, là dans sa poitrine, et pourtant c'était douloureux et frustrant en même temps, et ça pesait très lourd. Les mots ne suffisaient pas pour décrire, les connexions restaient inexistantes. Et pourtant, à cet instant, la fin du monde n'était jamais arrivée et elle restait l'enfant qui avait détruit sa famille en ne comprenant pas ce qui était bien de dire et ce qui était mal.
"Je suis désolée, Oona."
Elle tomba à genoux, les yeux fixés sur le vide. Elle pouvait voir dans les brins d'herbe les étoiles et les nébuleuses, et l'infinité de l'univers qui lui faisait si peur.
"Je suis sur leur territoire, non ? Tu fais partie de leurs rangs ? Si c'est le cas et que tu veux m'abattre, fais-le vite. Sache que je ne me battrai pas. Par ta main, je l'aurai mérité."
Qu'est-ce qu'elle s'était faite croire ? Elle était sauvage, Ree. Les gens ne l'approchaient pas et s'ils s'approchaient trop, ils pourraient croire un instant qu'elle était apprivoisée. C'était à cet instant, après un seul faux mouvement, qu'elle mordait ; et ces gens, blessés par son incompréhension du mot communauté, fuyaient. Mourraient. N'avait-elle pas indirectement tué Robbie à cause de son incapacité ?
Merde, merde, MERDE.
Pour la première fois depuis des mois, Ree se mit à pleurer.
"J'ai brûlé ta fleur. Je m'excuse."
HS:
C'est peut-être dégueu, je meurs de fatigue Désolée
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Sujet: Re: BLOOD AND WATER ✗ Mer 12 Oct - 3:35
Elle était mignonne, adorable comme au premier jour, une petite princesse inadapté pour ce monde, pour tous les mondes, pourtant elle était là devant moi, se sentant coupable de tout. Je me souvenais exactement de pourquoi elle avait réussi sans le vouloir ou le savoir réussit à faire battre mon cœur si fort, elle avait cette effet sur moi. Son innocence avait toujours été une chose qui me fascinait, c’est ce qui m’a détruit à la fin, j’ai profité de notre relation, j’ai profité des plaisirs interdits et ait volé trop du soleil. Ce n’était pas sa faute, mais je ne lui avais jamais savoir, je l’avais laissé culpabiliser et prendre le blâme, je l’avais haïe de toutes mes forces pour ce qu’elle m’avait fait. Elle avait rejeté mes sentiments, m’avait humilié devant tout mon monde, elle m’avait fait découvrir le monstre qui était en moi, la bête sauvage qui aimait blesser et détruire, se souiller de sang.
Elle était ma révélation, elle représentait tout ce qui était et mauvais dans mon être, elle m'avait en un sens crée, désormais elle se tenait devant moi. Elle était désolée, à genoux, elle savait, je pouvais la tuer, à n'importe quel moment, elle était mienne, j'avais le pouvoir, pourtant je ne l'avais pas, pas vraiment. Ma compagne voulait mourir, sa permission était un vœu de mort, elle m'avait donné les pleins pouvoirs sur sa vie sans se battre, toutes les issues avaient été décidé par elle. Elle avait toujours sût préparer les choses, penser à tout ce qui l'entourait et désormais je pouvais l'abattre sur ce sol qui avait déjà été irrigué par tant de sang. Mon sang bouillonnait, mon cœur battait la chamade, mes pensées n'étaient pas claires, que voulais-je de ce fantôme ? Elle n'était pas un rêve, mais de chair et de sang, après toutes ces années.
Elle pleurait, ses larmes étaient magnifiques, plaisante à voir et triste en même temps, je n’avais plus pleuré depuis longtemps, je ne me souvenais plus de cette sensation. Je pouvais l’expérimenter au travers de la douleur des autres, généralement de mes victimes, j’étais morte, mais je sentais en vie à ses côtés. Je me relevais lentement, regardant cet être pathétique sur mon sol, ses larmes continuaient à couler pour moi, elle était seule, enfin j’agissais, sifflant mon destrier. Je répondrais désormais à ma compagne avec une douce voix, comme autrefois.
-Je n’ai pas besoin de permission pour te tuer, pas des cow-boys, mais tu dois comprendre Ree, je ne suis pas des leurs, je suis des tiens. Qu’on le veuille ou non, tu es apparemment tout ce qui reste princesse.
Un sourire se formait sur mon visage, je pouvais presque me surprendre à rêver d’un meilleur passé, quand j’étais avec elle et Wendy, quand le monde ne pouvait pas nous atteindre. Que ce soit l’ancien ou le nouveau, je pouvais la tuer, quand je le voulais, mais ce n’était pas ce qui arriverait, le destrier était arrivé, me dépêchais de fouiller la sacoche sur son harnais. J’y trouvais rapidement mon bonheur, une bouteille d’eau que je jetais au sol près de ma cousine.
-Bois, tu veux que je t’aide à te lever ? Promis, je ne vais pas te tirer dessus lorsque tu seras occupé, mon truc c’est plus couteau de toute façon, plus intime.
J’avais un peu attendu avant de parler de manière plus sérieuse, plus sombre, comme si quelque chose avait enfin réussit à m’atteindre dans ce monde apocalyptique.