Invité
| Sujet: the secret book club Jeu 19 Jan - 23:59 | |
| Quand ils n'ont pas à risquer leur vie pour le plaisir de Marisa ou alors quand elle n'est pas avec Gabriel à épier ses moindres faits et gestes, Gail et Gavin passent leur temps ensemble. Ils ont installé leur coin, dans un couloir perdu du centre commercial et il leur arrive de passer des journées entières à paresser là. Ils s'inventent des vies, allongés l'un contre l'autre à prier silencieusement que celle qu'ils vivent difficilement ne s'arrête pas brutalement. C'est qu'ils commencent à s'y attacher, à ce semblant d'équilibre dans le chaos. Ils commencent à s'habituer à la barbarie, à la tuerie, à la méchanceté gratuite qui est devenue une norme pour survivre. Ils ne se l'avouent pas mutuellement, mais ils ont envie de plus. Gail, elle voit dans les yeux de son frère qu'il est prêt à aller plus loin encore si sa vie est en jeu. Ils ont déjà tellement vécu, mais chaque fois, leur appétit s'agrandit, jusqu'à devenir vorace. Quant à elle, elle s'imprègne peu à peu de la violence stagnante, se shoote à l'idée d'être un peu plus puissante chaque qui passe. Un jour, elle n'aura plus besoin de l'aide de Gabriel pour s'affirmer, un jour elle trouvera grâce aux yeux de Marisa, et quand enfin la fratrie Rosario sera prête à accueillir les Woodstock, Gail est sûre qu'on la regardera avec crainte. Elle rêve d'être crainte.
Mais c'est une ascension qui prend du temps. Il faut faire taire les mauvaises langues, il faut commencer à prouver sa force et sa hargne. La jeune femme avance lentement, un coup de coûteau après l'autre. Mais déjà, dans les couloirs, les rumeurs autour d'elle enflent. On dit qu'elle devient intouchable, on se rappelle d'elle comme celle qui a survécu à l'arène avec son frère, on dit même qu'elle a échappé à la Romalenko et ils sont peu à pouvoir s'en vanter. Gail est grisée par ce bruit de fond, se laisse porter doucement vers de plus grands rêves où elle ose s'imaginer dans une posture plus royale, une Reine de Coeur au regard de pique. Elle a encore du travail à faire pourtant, et elle s'est rendu compte d'une chose essentielle en observant Marisa : si elle veut être une Reine, il lui faut une cour. Il lui faut une traînée de soupirants à l'air admiratif et il faut qu'ils soient prêts au moindre sacrifice. Cependant elle est loin d'y arriver car – elle en a bien conscience – elle n'a ni la prestance, ni la beauté, ni l'aura captivante de Marisa. Elle y travaille, calque parfois son port et son attitude sur la véritable reine des lieux, songe même à se couper les cheveux comme elle et commence à adopter les mêmes mimiques. Un jour, elle le jure, quelqu'un finira par la regarder avec admiration et crainte.
En attendant, elle paresse aux côtés de son frère ou déambule dans Stonebriar pour observer les gens. Plus que jamais, son esprit d'analyse lui est utile car elle peut d'ores et déjà trier les gens : ceux qui pourront lui être utiles et ceux sur qui elle ne comptera jamais. Elle en a déjà repéré quelques-uns, quelques éléments indépendants, pas encore aspirés dans le culte de Marisa. Elle espère pouvoir les atteindre, alors elle les épie parfois, d'un coin, discrète par nécessité. Elle devient ombre comme elle sait si bien le faire et elle observe. Comme ce début de soirée où elle a finalement laissé Gavin pour faire sa ronde. Lui n'est pas sûr de comprendre ce qu'elle fait. Elle reste tellement vague sur le sujet... En vérité, ça la dépasse un peu aussi. C'est comme si les événements étaient ceux qui la guidaient dans le dédale des couloirs et des débris. Elle se glisse d'un magasin à l'autre jusqu'à trouver un spectacle qui lui plaise suffisamment pour qu'elle l'espionne. Par exemple, celui de Guss en train de parcourir sérieusement les pages d'un livre.
Lui, elle le connaît. On l'a présenté comme un des bouffons innoffensifs du coin, toujours flanqué de son grand ami Archibald et tous les deux toujours en train de faire des histoires. Ils sont plus bêtes qu'ils ne sont dangereux, c'était ce qu'elle en avait conclu. Mais au fil de ses observations, elle avait cru pouvoir les distinguer. Guss lui semblait plus posé, il s'embarquait dans les conneries de son ami juste parce que c'était un bon sidekick, mais Gail pouvait le sentir, il y avait plus que ça qui se cachait parfois derrière ses interrogations indicibles. Le voir lire, vraiment lire, c'était une véritable preuve de ce qu'elle commençait à soupçonner de loin. Elle ne voyait pas le titre, mais elle pouvait jurer que cette posture absorbée et cette mine concentrée étaient bien celles d'un homme en plein exercice intellectuel. Alors elle ne peut s'empêcher, trop heureuse d'avoir finalement pu isoler l'homme et surtout d'avoir une information de valeur.
"Hey. Tu lis quoi comme bouquin ?" Elle s'approche et décide de se laisser tomber devant lui, sans gêne, faussement assurée et un poil inquiète. Elle n'avait pas de plan de prévue, et c'était l'étape où le naturel sociable venait parfois à lui manquer. "C'est pas courant d'en trouver dans le coin, ça fait longtemps que j'en ai pas lu. Si t'en as, tu pourrais partager, ça pourrait m'occuper." |
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