Teddy + Casses-toi tu pues et marche à l'ombre

Un enfant banal, invisible, issue d’une fratrie de huit enfants dans une famille ni riche ni pauvre. Personne ne le connaissait, quand il donnait son nom, on identifiait immédiatement sa famille mais son prénom ne signifiait rien pour personne. A la maison, il se sentait invisible, cinquième enfant de la fratrie, Teddy avait eut la malchance de naitre après Hex, qui bien que plus âgé était parvenu à lui voler la vedette réservée au petit dernier le temps qu’elle aurait duré. Teddy, il a toujours eu du mal à trouver sa place, avant lui, il y avait Hex, après lui, les jumeaux demandant le double d’attention. Il ne doutait pas une seconde de l’amour que lui portait ses parents, mais il aurait aimé être plus visible. Alors il se faisait entendre à sa façon, Teddy c’était le turbulent de la fratrie. Bien-sûr, aucun d’entre eux n’était véritablement un ange mais Teddy faisait souvent parler de lui. Il se disputait avec ses frères et sœur pour avoir le dernier dessert, mangeait volontairement les meilleurs gâteaux en cachette, tirait la chasse d’eau pendant leur douche pour les entendre crier, volait leur jouet pour s’amuser avec sous leurs yeux, se battait constamment à l’école ou à la maison. Devenu la terreur de ses professeurs, Teddy a fait déplacés ses parents un nombre incalculable de fois. Il se sentait vivant lorsqu’ils le sermonnaient, mais même ce temps ne durait jamais bien longtemps, il fallait se dépêcher, prendre le bain d’Alice, faire les devoirs des jumeaux, s’assurer que le linge était étendu car Evan n’avait plus rien à se mettre. Teddy ne trouvait pas sa place et pourtant, il aurait aimé se sentir intégré au sein de sa fratrie. Il était l’enfant du milieu, il voulait parfois rester avec les plus âgés mais eux ne le voulait pas, lui faisant payer son comportement, lui rappelant sans cesse qu’il était trop jeune. Pourtant, ils acceptaient Alexander, il n’avait que deux ans de plus mais lui avait le droit. Eux deux ne s’était jamais entendu, l’eau et le feu, le chaud et le froid, il ne pouvait pas rester cinq minutes ensemble sans qu’un conflit n’éclate. Souvent ils en venaient au main, Alexander lui ne sentait rien, mais Teddy lui se rappelait chaque coup qu’il recevait, se promettant de frapper plus fort la prochaine fois.


Poings serrés, mâchoire crispée, il regardait avec fureur cette pièce dans laquelle il était sortie il y a peu. Il n’avait pas l’envie d’y retourner. Ce qui se déroulait le révulsait au plus haut point. Comment pouvaient-ils envisager de faire cela. De tuer Mason, de tuer l’un des leurs. Jamais Teddy n’avait réalisé à quel point il aimait son frère plus qu’aujourd’hui. Mason et son insupportable autorité, son syndrome du héros et cette habitude qu’il avait de voir ses cadets comme des enfants ne pouvant rien comprendre. Mais c’était aussi celui qui les maintenait en vie, qui savait toujours quoi dire et quoi faire. Mason c’était son frère et Teddy ne pouvait pas imaginer le perdre. Il le savait pourtant, que ça finirait par arriver. La morsure était visible et il n’était pas suffisamment naïf pour espérer qu’il y survive quand même. Cependant, il n’envisageait pas ce coup de couteau finissant dans sa tempe, que l’un des leurs ne finisse par en tuer un autre. Parce qu’à ses yeux, ce geste reviendra à avoir le coup final sur sa conscience. Mais encore une fois, Teddy n’a pas eu son mot à dire. Les quatre ainés se sont concertés sans même demander l’avis des plus jeunes qui n’ont eut qu’à subir cette conséquence et faire leurs adieux. Le regard noir en direction de la porte, son attention est attirée par Evan et Alice, pleurant à chaudes larmes à côté des jumeaux, plus silencieux que jamais. Alors il ravale ses larmes et sa rage Teddy, et pendant qu’Alexander fait ce qu’ils ont décidé de faire, lui est allé avec les benjamins de la fratrie pour les rassurer, leur mentir en leur disant que c’était la chose à faire, qu’Alexander rend service à Mason mais que ça ira. Il leur ment mais il ne s’en convint pas. Il déteste Alexander, il déteste Lucie, il déteste Matthew et il déteste Mason. La porte s’ouvre sur le visage fermé d’Alexander. Théodore pose ses yeux sur lui mais ne parvient pas à le regarder en face. Il  le dégoute, il ne voit que ça. Ni plus ni moins.


Ses doigts effleuraient le front d’Evan, alité depuis des jours. Les yeux rouges et boursoufflés, plus aucune larme ne parvenait à sortir tant il avait pleuré. Encore une fois, il allait perdre l’un de ses frères, mais cette fois-ci, il perdait Evan. Il n’avait jamais su expliqué cette complicité les unissant, malgré leur quatre ans d’écart, ils avaient toujours été si proche. Teddy se rappelait encore du jour où Evan avait prononcé son premier mensonge en l’accusant lui à sa place, de la fierté qu’il avait ressenti. La petite tête blonde avait toujours été le seul à pouvoir mettre un pied du côté de sa chambre sans recevoir un jouet entre les deux yeux. Aujourd’hui, il était alité et souffrant, et pourtant ce n’était pas une morsure la responsable de tout ça. C’était lui le seul coupable. Par pure fierté, il avait affirmé pouvoir subvenir aux besoins de son petit frère. Il ne pouvait se résoudre à bouffer la jambe d’Alexander. Il  ne voulait rien avaler  de ce type à qui il parvenait à peine à adresser la parole et surtout, il ne pouvait se résoudre à consommer de la chaire humaine. Encore moins de celle de son frère. Sans compter qu’ils avaient besoin de lui, tous, même Teddy s’il ne le disait pas ne pouvait que le reconnaitre. Alors il avait cherché avec Lucy, ils avaient trouvé une boite. Ils en mangeaient souvent, mais Teddy ne savait que certains aliments ne se conservaient pas. Il avait été idiot et l’intoxication alimentaire d’Evan l’avait affaibli au point d’engendrer d’autres maladies. Il ne supportait plus de le voir périr à vue d’œil et cette même décision que Teddy avait détesté concernant Mason, il avait fallu la prendre à nouveau. Cette fois, il voulait avoir son mot à dire et Teddy avait insisté pour être celui qui se chargerait d’Evan. Il se détestait d’avance pour ça, mais son frère était sa responsabilité. C’était ce qu’il s’était dit avant de réaliser, en voyant Evan endormi sur son lit, qu’il n’en serait jamais capable. Toutefois, il voulait rester là jusqu’à la fin. Pour la première fois de sa vie, il avait supplié Alexander, pour qu’il le laisse rester jusqu’à la fin. Ce moment était arrivé. Son dernier souffle, Teddy ne l’oubliera jamais. Cette épreuve, ils allaient la vivre ensemble mais c’est le pire jour de sa vie.


Le souffle coupé, ce coup de batte dans le ventre l’avait fait tomber à la renverse. Les larmes lui montaient aux yeux tout comme la peur. Mais pas le temps de paniquer, Teddy voyait déjà un second coup s’abattre sur son crâne, il fallait l’éviter. L’instant d’après il avait roulé sur le côté, dans un sens, puis dans l’autre. Il allait crever à ce rythme. Il n’arrivait même pas à voir la gueule de son assaillant, trop de stress, d’adrénaline, instinctivement il avait envoyé un simple coup de pieds dans la jambe de son agresseur. Assez de force pour qu’il recule par reflexe. Juste le temps de se redresser et d’essayer de s’enfuir. En vain. C’était sans compter sur ce taré au rire carnassier, il l’avait saisi par la capuche et le jetait à nouveau au sol. Où étaient Alexander et Matthew ?  Il sortait d’où lui. Pas le temps d’y penser. Au sol, il avait réussi à dégainer son arme avant de recevoir un coup de pieds dans le bras. Son beretta glissait plus loin. Merde. Le palpitant plus actif que jamais Teddy recevait un nouveau coup dans le bras qu’il sentait craquer. La douleur lui coupait à nouveau le souffle, les larmes coulaient le long de ses joues. Il ne pouvait pas mourir. Son couteau, à sa ceinture. Teddy savait que s’il s’en saisissait, son agresseur le désarmerait à nouveau, pour cela, il acceptait de recevoir un nouveau coup dans le dos. Enfin il était parvenu à avoir son arme en main, qu’il cachait sous son ventre. D’un geste brusque, il avait enfoncé son arme à travers la chaussure du type qui hurlait de douleur. Enfin il pouvait se redresser. Il n’allait pas avoir le temps de retrouver son arme à feu. Le regard sombre, il s’était jeté sur le type à la batte, évitant de peu un coup en plein visage. Il le savait, soit il crevait, soit l’autre crèverait mais l’un des deux perdraient la vie. Il a eut de la chance, c’est l’autre qui en l’espace d’un instant, à vue ses boyaux prendre l’air. Pourtant le seul bruit que Teddy avait entendu, c’était celui de la batte au sol. Ni une ni deux, il avait cherché à rejoindre ses frères, réalisant qu’il n’était pas seul. Se dissimulant derrière un mur, Teddy avait entendu du bruit et beaucoup de mouvement. Pourvu qu’il ne soit rien arrivé aux deux autres. Il les avait vu et il s’était senti rassuré -même pour Alexander- mais il fallait partir d’ici. Il s’apprêtait à les rejoindre quand il avait entendu Alexander dire à Matthew de se cacher. Et ils s’étaient planqué, Teddy lui, n’avait pas pu rester, alors il s’était barré plus loin, le temps que ces tarés se cassent. Il ne saurait dire combien de temps cela avait duré. Des heures au moins, ou simplement des minutes lui paraissant des heures.. La douleur avait eu le temps d’apparaitre, Teddy ne savait pas ce qui lui faisait le plus mal, son dos à chaque mouvement, ou son poignet lorsqu’il cherchait à s’en servir. Lorsqu’il avait retrouvé Hex, Matthew étaient mort, la trachée arrachée et le crâne fendu d’un coup de lame. Mais ce jour-là, il ne posa pas la moindre question. Il avait compris, mais il savait qu’il avait de la chance d’être en vie.


Teddy n’avait pas prononcé le moindre mot depuis leur retour ce jour-là. Il n’avait pas crié quand Lucy lui avait posé sur attelle sur le poignet ni même quand elle avait regardé son dos. Il ne voulait pas donner la moindre explication. Il ne pensait qu’à une chose, retourner sur ce foutue territoire des Jackals et en tuer le plus possible. Ils avaient tué son frère, ils en avaient blessé un autre. C’était impardonnable. Il devait se rétablir, puis il irait. Sans en parler à personne. Il s’en foutait de crever, il en avait marre d’avoir mal à force de voir ses frères perdre la vie. Il avait pas envie de parler et pourtant Enzo n’arrêtait pas de le suivre partout pour veiller sur lui sans jamais s’arrêter de parler. Alors Teddy avait enfin ouvert la bouche, après quatre jours, lui crachant au visage d’aller veiller sur Léo plutôt que sur lui. D’ordinaire, il était impossible de séparer les jumeaux et voilà qu’enfin ils se réveillaient. Enzo perdait son temps avec lui, Teddy le savait, il ferait mieux d’aller veiller sur lui. Il n’allait pas bien. Léo avait toujours eut la santé fragile avec son asthme. Il en avait déjà eu des épisodes de crise depuis le début de cette merdre, il lui fallait du repos, peu de mouvement et surtout qu’on lui trouve un nouvel inhalateur. Ils l’auraient eu sans l’assaut des Jackals. Enfin Enzo s’était décidé à le libérer de sa présence, un air dépité sur le visage.  Quittant la pièce, il retournait aux chevets de son jumeau et tout irait bien. Teddy était si loin du compte. Son cœur avait frôlé l’arrêt lorsque le hurlement d’Enzo avait retenti dans tous leur repère. Un hurlement comme il n’en avait jamais entendu. Puis un second. Bondissant sur son arme, il avait rejoint l’origine du hurlement, la chambre de Léo, dans laquelle se mêlait maintenant les cris de Lucy. Il ne s’attendait pas à tomber sur pareil spectacle. Un spectacle pitoyable. Lucy secouait la plus jeune de la fratrie tout en hurlant, sur elle, les mains de la benjamine couverte de sang, un couteau trainant au pieds du lit de Léo, dans lequel celui-ci était allongé, sans vie, totalement inanimé. Teddy n’avait pas su quoi dire, ni quoi faire. Il ne posait même pas le moindre regard sur le cadavre de Léo, il n’y arrivait pas. Pas encore. La seule chose qui l’importait c’était Enzo. Il se fichait de la réaction de Lucy, des justifications d’Alice de tout. Il avait prit son petit frère contre lui, enfouissant son visage sur son épaule avant de l’entrainer en dehors de la pièce. Il laisserait Lucy géré ça, où Alexander, il s’en foutait, il n’arrivait plus à regarder le monstre qu’ils avaient créé. Alice ne valait plus rien pour lui.  


La nuit suivante, c’est difficilement qu’il était parvenu à trouver le sommeil. Il avait réconforté Enzo longtemps, jusqu’à ce qu’il s’endorme d’épuisement. Alors à son tour, il avait essayé de trouver le sommeil, et la faiblesse de son corps aidant, il avait fini par rejoindre les bras de Morphée, laissant cette macabre journée pour la suivante qui allait sans aucun doute être pire. Le soleil ne s’était même pas levé. Un vacarme assourdissant, celui d’une balle. Pourquoi ? Teddy s’était levé en sursaut. Quoi encore ? Enzo n’était plus à ses côtés. Merde il n’aurait pas fait de connerie. Putain utiliser une arme à feu en pleine nuit, il pensait déjà à fuir, les rôdeurs allaient rappliquer, il était arrivé le premier rapidement rejoint par Lucy, puis par Alexander. Il savait dans quelle chambre aller, il savait qu’il allait retrouver un corps. Il savait qu’il avait perdu sa plus jeune sœur. Pourtant le voir fut encore plus difficile. Parce qu’il l’aimait Alice, il regrettait déjà d’avoir songé à la renier. Elle n’était qu’une gosse, et là elle était morte, une arme à feu en main. Enzo se tenait debout face à elle, le visage inexpressif. Il avait dû lui donner, il lui avait dit de se tuer. Mais où avait-il trouvé son arme. Ils n’étaient que trois à utiliser les armes à feu. Teddy avait immédiatement reconnu son beretta. La voix de Lucy avait commencé à s’élever quand des coups contre la porte s’était fait entendre. Les rôdeurs les avaient repérés, ils étaient encerclés. Ce cauchemar n’allait donc jamais prendre fin. Tout s’était passé à la fois vite, mais bien trop longtemps. Il fallait fuir, le corps d’Alice allait retenir les rôdeurs un moment. Alexander avait ouvert la marche, suivi de Lucy, Teddy et Enzo qu’il tirait par le bras. Il y avait eut des complications, Lucy étaient tombés et les rôdeurs l’avait attrapé. Il y avait un autre groupe devant eux, Enzo et Teddy avait tourné à droite sans cesser de courir. Ils en avaient tué, ils s’étaient caché, avait grimpé, infiltrer une maison, barricader les portes et ils étaient resté caché. Ils n’étaient que tous les deux, Alice, Lucy et sans aucun doute Alexander étaient mort. Il n’y avait plus qu’eux, plus rien. Enzo les avait condamnés et pourtant, il était à présent la dernière chose qu’il avait au monde. Deux âmes brisées.


Teddy avait bien changé au cours de ces dernières années. L’adolescent avait laissé place à un jeune homme. Avec Enzo, ils ont survécu un moment ensemble, ils ont croisé des groupes, en ont pillé certains, ont rejoint d’autre jusqu’à tombé sur les cavaliers. Ça n’a pas été simple au début, bien au contraire, mais il ne pouvait assurer seul la sécurité d’Enzo. Ensemble, ils se sont fait une place au sein de la communauté. Pourtant Teddy n’était plus le même, sa haine, sa peur et sa rancœur, il a appris à les extérioriser dans la violence. Il se venge sur les autres, se complaisait dans les guerres de clans. Il a su pardonner Enzo, il est sa raison de vivre. Il se sent à sa place à présent, il n’aurait jamais pensé que ça serait le cas un jour, surement pas la première fois où il a posé les pieds dans l’enceinte de la communauté. N’importe qui l’aurait exécuté, mais ils lui ont offerts une chance. Il n’avait pourtant pas confiance en eux et l’inverse étaient vrai. Mais tel un cavalier et son étalon, ils ont appris à s’apprivoiser mutuellement. Aujourd’hui Teddy ne pense plus au lendemain. Il vit au jour le jour, sans réelle quête de bonheur, avec une soif de sang qu’il ne sait combler.