Sujet: People only disappear when they have somewhere to go. Dim 17 Fév - 18:18
Anselm Abel « People only disappear when they have somewhere to go. »
Juillet 2018
« Il est pas là, qu’on lui déclara lorsqu’il fut arrêté à l’entrée de la Crimson Valley et interrogé sur le motif de sa présence ici. Mais il devrait pas tarder à revenir ». Le garde avait dévisagé le nouveau venu avec ce petit air de supériorité propre à ceux qui savent disposer d’un certain pouvoir sur autrui. « … Normalement », il termina sous le regard inquisiteur de l’autre, parce qu’il convenait de préciser qu’il n’y avait jamais de certitude lorsque l’on s’aventurait à l’extérieur des zones protégées. Abel pouvait bien être leader d’un camp de pouilleux ou roi du monde, son sort serait le même qu'un autre qu’il se fasse choper par un rôdeur là-dehors ou abattre par un autre survivant. On ne pouvait jamais savoir ce qui était susceptible de se produire loin de la surveillance vigilante du ranch. « T’as qu’à attendre ici. » Le garde désigna le campement dans son dos, l’air plutôt tranquille et loin de la méfiance hostile qu’on avait ici l’habitude de réserver aux inconnus. Mais Anselm n’en était pas exactement un, d’étranger. On lui connaissait son statut d’olympien et celui de médecin, il bénéficiait de ce fait de certains avantages comme celui consistant à ne pas se faire traiter comme une sous-race en venant se présenter ici. Et s’il tenait absolument à causer au maître des lieux au lieu de délivrer son message à quelqu’un d’autre et s’en retourner d’où il venait, il n’avait d’autre choix offert à lui que celui d’attendre. Au moins pourrait-il bénéficier de l’eau fraîche tirée des puits et d’un peu d’ombre salvatrice en ce mois de juillet écrasant.
Abel fut mis au courant à peine les sabots de la jument avaient-ils foulés l’herbe du bon côté de la frontière : il valait mieux, de toute manière, que ce ne soit pas lui qui apprenne fortuitement la présence d’un olympien au sein de ses terres. A plus forte raison si ce dernier avait clairement explicité son désir de le voir. Il y avait de quoi être curieux, forcément. Abel n’imaginait pas exactement le doc comme étant le type de personne susceptible de se bouger jusqu’ici pour autre chose qu’une affaire importante. Et, de ce fait, une autre question se tirait de là : pourquoi lui ? Outre le fait que Peyton ne risquait pas de remettre un pied ici avant longtemps au vu de ce qu’il s’était passé la dernière fois, mais ils se faisaient cependant d’autres messagers, et à l’existence moins précieuse, qu’un médecin. Il piqua des deux dans les flancs du canasson, menant celui-là d’un bon trot soutenu jusqu’à l’amas des habitations hétéroclites abritant les siens. Là-bas, on fut prompt à lui indiquer ce qu’il cherchait et le cavalier ne démonta enfin que lorsque son regard accrocha celui d’Anselm et que ce dernier ait entamé une foulée vers lui. D’un geste un peu distrait, il tendit sans regarder les rênes de l’animal à quelqu’un qui passait à proximité de lui à ce moment, l’attention vissée sur le médecin. Sur son visage une sorte de grimace qui pouvait s’apparenter, en cherchant bien, à un vague sourire poli pour accompagner le bref salut de la tête. « Qu’est-ce qui t’amène ici ? » il demanda d’entrée de jeu une fois que l’autre fut à sa portée, sans s’embarrasser d’un préambule ennuyeux. Et ses yeux paraissaient d’autant plus bleus, tandis qu’il le scrutait avec intérêt, que le reste de son visage était sale, à l’image même de la tenue du cavalier. Crasseux de poussière, de sueur et de sang séché, empestant le canasson et les relents d’une journée passée à casser du rôdeur sous le soleil impitoyable de l’été texan.
« Enfin, j’imagine que tu t’es pas pointé ici pour le plaisir d’une conversation ouverte aux quatre vents. » Sous-entendu : puisqu’il n’avait pas daigné communiquer à quelqu’un d’autre la raison de sa venue. Abel s’anima, amorçant un mouvement en direction de la grande baraque de maître qui se dressait un peu plus en retrait et lui fit signe de le suivre, parce qu’ils n’allaient certainement pas rester là plantés comme des clampins et à la merci de n’importe quelle oreille indiscrète. Son bureau saurait bien mieux accueillir cette discussion, quelle qu’elle soit. « Quelqu’un t’envoie ? »
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Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Mar 26 Fév - 20:18
Abel Anselm « People only disappear when they have somewhere to go. »
(JUILLET 2018) Il est arrivé avec sa pauvre bicyclette de touriste. Le dos chargé par sa rapine et le crâne vide de toutes pensées. Ça lui a pris comme une envie de pisser, ce départ. Il a, porté par l’impulsivité, renié quatre ans de bons et loyaux services. Quatre années de souvenirs qui ne lui garrottent pas pour autant le cœur ; il n’a jamais laissé de place à la nostalgie, et si les regrets sont souvent plus forts que toute volonté humaine, ce n’est pas non plus la contrition qui pétrifie à présent ses rides. Il est las. Comme à chaque recommencement. Comme à chaque fois où ce qu’il croit avoir bâti s’effondre dans le gouffre sans fond que sont les désillusions. On pourrait croire qu’à force, et à l’instar d’un bon nombre d’autres pairs, il s’est habitué aux infortunes, aux récidives du fatum, mais il a une tare invivable, le toubib. Il est un idéaliste incorrigible. Sous l’airain épais de son caractère luit ce soupçon de rêverie qui lui pourrit l’existence. Que Sierra meure était une éventualité gravée dans le marbre. Comme sa propre disparition l’était aussi. Ils savaient tous deux appartenir au même sérail duquel le hasard nourrit ses boucheries : on finit par s’accoutumer à vivre chaque jour comme si c’était le dernier sans trop en demander non plus. Qu’elle meure, donc, sur le champ de bataille qui a été celui de Stonebriar, a à peine étonné son vieux palpitant. Que les journées lui soient devenues péniblement longues et les nuits amèrement froides, ça faisait aussi partie du deal. Mais que Yates folâtre avec les vendus de la Carrière et proclame une coalition a brisé le peu de ressort qu’il possédait encore pour Olympia. Il se sent davantage trahi que lui n’est, en ce jour, un renégat.
Et quel glorieux félon que voici. Battoirs écrasant le guidon, il négocie son entrée aux portes du Ranch comme un va-nu-pieds marchande quelques heures d’abri. Sauf qu’il vient solliciter un tout autre genre d’accord. De ceux qui ne se discutent pas avec la main d’œuvre. Alors il opine sagement, l’allemand, concède à la sentinelle tout monceau d’autorité qu’elle tire à elle, et, pénétrant finalement le chef-lieu, considère avoir fait le plus dur — attendu qu’il règne à l’endroit de ce camp toute une pléthore de légendes urbaines. À commencer par : si t’y rentres, c’est deux pieds d’vant. Des potins de commères que l’on se doit malgré tout d’estimer lorsqu’on tient un minimum à sa gueule (comme il s’y attendait à moitié, son statut de médecin a toutefois ciré la patte du Rider). Reste maintenant à confronter le maître des lieux, autre entité mystifiée par les ouï-dire mais qu’il redoute cependant moins que la brutalité ignare de ses sbires. Le peu qu’il ait pu juger du Rhodes lui a suffi à penser que ce que l’homme donne à voir est également ce qu’il est. Une authenticité animale qui ne ment pas, même, et surtout, pour couvrir ses travers les plus bâtards. Souligner la complicité triviale et quasi organique née de leur rencontre à Olympia serait superflu : les gars de leur catégorie ça s’accroche au concret. Il est médecin, et si le racolage peu discret d’Abel ne lui avait pas déjà mis la puce à l’oreille, il aurait aisément pu deviner le profit que tirerait le leader du camp à l’accueillir dans ses rangs. Les va-et-vient incessants des chevaucheurs dans l’infirmerie de la ville ont été tout autant d’indices trahissant la privation médicale muselant le Ranch.
Ça n’est donc pas un manque de confiance soudain qui fait décélérer le pas du toubib lorsque son hôte déboule, mais la vision de la bête qu’il chevauche, ombre véritable du tableau. La carne lui arrache même un rictus horripilé — qu’il camoufle difficilement. S’imaginer vivre entouré de chevaux lui inspire trois secondes de doute, balayés aussitôt que le démon d’équidé est envoyé paître ailleurs. Tout aussi illustre que l’est le sourire crispé de Rhodes, Anselm décoche un hybride de risette où s’enchevêtrent dégoût et malaise lors même qu'il abandonne son triste deux-roues. Fort heureusement, les salamalecs lui sont épargnés et l’enchaînement qui suit soulage le dialogue de tout inconfort social supplémentaire — c’est apprécié. Tellement apprécié que le germain oublie de lorgner l’éminente bicoque avec ses vieux airs de prolo qui crachent sur les hoiries indiscrètes. « Quelqu’un t’envoie ? — Non. » Ça n’en a pas l’air, mais la réponse est éloquente. Il élimine d’emblée de jeu toutes les suspicions qui pourraient peser sur sa venue. Après tout, si ni Peyton, ni aucune autre sommité d’Olympia ne l’a dépêché ici, c’est qu’il est venu de son propre chef, et ses motifs, même si à priori vastes, ne pourraient jamais excéder ceux politisés des susdits. Et de répondre, donc, à la première interrogation du texan : « J’aimerais rester, si tu n’y vois pas d’inconvénient », entendre à long terme, mais ce n’est plus avec le manche de sentinelle, qu’il discute, pas besoin de développer pour qu’Abel entrave l’essentiel. Ce qu’il se doit de signifier est autre chose. La cause. Qu’il estime devoir déballer sans plus attendre. « Mes opinions et celles des têtes pensantes d'Olympia ne sont plus raccord. » L'ont-elles jamais été. Mais l'allégation est pour le moins ambiguë. S’il était à la place de son interlocuteur, il tiquerait sur ce détail de principes bafoués. Un type outré une fois peut bien monter au créneau une seconde fois, qu’importe la nouvelle bannière qu’il sert. Le fait est que ses raisons à lui sont bien moins nobles que sa tirade le laisse entendre. « J’ai du mal à côtoyer la merde, surtout celle qui dégorge des Carrières. » Ceci avoué, l’ultime confession franchit ses lippes avant qu’elles ne se closent pour de bon. « Personne n'a été prévenu. Ni de mon départ, ni de ma... destination. » Sans fierté. Sans remords. Il regrette peut-être un peu les médicaments qu’il a grugés, emplissant à eux seuls sa besace militaire, mais ça ne sera clairement pas du perdu. En outre, les cachetons sont sa dernière carte à jouer. Le poids qui appuiera peut-être un peu plus le verdict final (quoi qu'il en soit, la morale du toubib a, elle, définitivement flanché en faveur du cynisme).
Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Mar 5 Mar - 21:48
Anselm Abel « People only disappear when they have somewhere to go. »
Côte à côte, les deux hommes quittèrent rapidement l’effervescence du campement pour se diriger vers ce qui faisait le mieux office de château dans ce qui valait bien un royaume en période de vaches maigres. Abel regardait droit devant lui, tandis qu’ils avançaient d’un bon pas vers la promesse silencieuse d’un rempart contre la chaleur estivale et de quelque chose pour se désaltérer le gosier, et il n’y eut donc personne pour se porter témoin de la surprise qui lui transparut clairement sur le visage au moment où son compagnon annonça de but en blanc la raison précise de sa venue ici. L’homme manqua toutefois de s’arrêter, sonder l’autre du regard afin de déterminer dans ce que ça lui renverrait le degré de franchise, d’honnêteté de l’aveu. Une envie toutefois ravalée à peine envisagée, et qui ne se traduisit que par un tressaillement dans son allure, un infime bégaiement de la foulée aussitôt fait, aussitôt balayé, et déjà oublié. J’aimerais rester. Le cavalier était mieux habitué de ceux qui tentaient – réussissaient, parfois – de fuir son emprise afin de rejoindre le confort bien réel d’Olympia. L’inverse, a priori, n’était pas un cas de figure auquel on l’avait souvent confronté. Et qui voudrait de toute manière, se frotter à la rudesse du ranch et de ses lois quand une autre option autrement plus alléchante existait déjà à portée de main ? Il ne lui répondit pas, la tête pleine mais les lèvres pincées sur un mutisme rempli d’expectative. Il aurait pu lui demander pourquoi, forcément, mais il se doutait bien que son camarade n’avait pas besoin d’attendre qu’on l’éperonne pour se fendre d’un peu plus de détails, sachant pertinemment que le leader du ranch n’était pas homme à se contenter de si peu. De fait, la suite des explications ne se fit guère désirer trop longtemps.
Le bureau étouffait bien l’animation de toute la vie qui champignonnait de l’autre côté des murs épais et on pouvait presque avoir l’impression d’un retour en arrière ici tant la piège semblait figée dans le temps, ridiculement désuète à un point tel qu’elle n’avait probablement pas attendu la fin du monde pour se parer de ces airs vieillots. Forcément l’absence de tout ordinateur ou autre élément électronique, désossés depuis belle lurette afin d’exploiter tout ce qui était encore exploitable des entrailles de ces machines, ne jouait pas qu’un petit rôle dans cette impression. L’endroit était chaleureux cependant, ou plus en tout cas que son propriétaire – acte relativement aisé à accomplir –, lequel se permit néanmoins un léger rictus à la mention toute particulière portée sur Diggs et sa bande de bouseux vis-à-vis desquels son inimitié bien réelle n’était un secret pour personne. « Ça nous fait au moins quelque chose en commun », approuva-t-il simplement alors que l’amusement brièvement passé sur les traits de son visage s’en retournait déjà dans le néant. « Personne ne s’est demandé où un médecin s’en allait comme ça ? » Qu’on se l’accorde, l’idée était plutôt difficile à croire, mais Abel n’était cependant pas tant un imbécile en la matière qu’il ignorât tout du graissage de patte, et autres techniques visant à pousser quelqu’un à regarder ailleurs à un moment arrangeant.
S’asseyant sur le rebord de son bureau, il croisa les bras sans dévisser son regard de l’invité inopiné. Anselm était exactement le type de personnalité qu’il pouvait apprécier, qu’il pouvait désirer avoir sous ses ordres, ceci en plus de ses compétences précieuses sur lesquelles il lui serait impossible de passer. Peyton le savait forcément… à vrai dire, n’importe quelle personne appréhendant un minimum la manière de fonctionner l’aîné des Rhodes, pouvait le savoir. Le doc, tout honnête qu’il puisse bien en avoir l’air, n’était pas encore exclu d’une accusation de mensonge. Et tout ceci pouvait parfaitement n’être qu’une vaste plaisanterie, une mascarade visant à lui placer juste sous le pif un soldat parfait, un présent qu’il ne pouvait refuser, un conspirateur idéal pour cette nouvelle alliance qu’Abel ne pouvait voir autrement que d’un très mauvais œil. « Je serais ravi de te compter dans mes rangs, von Brandt. » … Oui mais ? Rien n’était jamais aussi facile, surtout pas ici, surtout pas avec lui. « T’admettras tout de même que tout ça a l’air un peu trop beau, non ? Yates sait très bien que je cracherais jamais sur l’opportunité de récupérer un médecin, l’occasion donnée de le faire… » Il ne cherchait pas à l’acculer, néanmoins, et son attitude de même que le ton de sa voix restaient affables – du moins aussi affables que le cavalier savait l’être dans son austérité froide et fermée. « Et tu fais un candidat idéal, personne viendra dire que tu fais tache ici ; t’as le bon profil. » Pas d’accusation nette et franche mais une simple évocation des faits dans le ton de la conversation tandis que la seule personne qu’Abel pointait du doigt était à des miles et des miles de cette pièce.
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Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Ven 8 Mar - 15:57
Abel Anselm « People only disappear when they have somewhere to go. »
(JUILLET 2018) La pièce dans laquelle ils naufragent ne l’étonne pas. Elle est à l’image de cette bâtisse qui, surannée, fourbue de toutes parts comme un quiet géronte allongé dans les champs, conserve malgré tout l’élégance d’un vestige. On imaginerait difficilement quelque autre tableau dans lequel peindre Abel Rhodes, lui dont les foudres n’ont rien de moins intemporel. « Personne ne s’est demandé où un médecin s’en allait comme ça ? » L’inverse aurait froissé le toubib s’il était homme à s’en soucier. « À l’heure qu’il est, c’est probablement le cas. » Comme le texan prend ses aises, Anselm piétine encore de quelques pas supplémentaires le plancher grinçant, sans pour autant chercher à rejoindre une fenêtre. Ses lazurites en fixent cependant les confins vibrants de chaleur, nonobstant l’analyse discrète qu’il opère en se fiant à ce que sa vision latérale lui permet de sonder – c’est qu’il repère toujours tout, des dangers potentiels du terrain écumé à ses avantages les plus infimes, qu’il s’agisse d’un camp comme de son plus petit enclos. Il sent d’ailleurs peser sur lui le poids d’un autre regard, manifesté sans une once de formalité quoiqu’intrinsèquement opiniâtre.
D’un naturel roidi, von Brandt pivote calmement vers le potentat et, plantant là ses semelles, croise ses bras dans son dos, juste sous le sac. On lui prêterait volontiers des airs stoïques, si pas carrément coincés, lorsque c’est à la discipline militaire qu’il abandonne ses attitudes. Tout au plus une posture, en vérité, un aplomb pour les uns rassurant, pour les autres inquiétant, sinistre lorsqu’il est question de déclarer une mort et que la gueule ne se fend d’aucun émoi. « Je serais ravi de te compter dans mes rangs, von Brandt. » Le soldat patiente que son interlocuteur éclaircisse ce conditionnel sous-jacent, en lequel gigotent des mais et des toutefois à qui il tord habituellement le cou en présence de laïusseurs – ce que n’est pas le leader du Ranch, pour son plus grand bonheur. « (…) Yates sait très bien que je cracherais jamais sur l’opportunité de récupérer un médecin, l’occasion donnée de le faire… » En revanche, Rhodes est paranoïaque. Trait de caractère qu’on aurait bien du mal à lui reprocher, par les temps qui courent, et qui néanmoins ébranle le déserteur dans ce qu’il lui reste de noble. Le voilà qui tique, fronce des sourcils, lorgne dans le vague comme pour y glaner un sens (digeste), puis revient planter ses orbes dans ceux vifs d’Abel dès lors que ce dernier conclue ses insinuations. Une torsion amère frappe les lippes de l’allemand, soudain bien moins dressé, soudain bien moins docile.
S’il est une chose qu’il ne supporte pas, c’est la calomnie ; de ses vices, jamais n’en a-t-il contesté les motifs, et de ses erreurs, toujours en a-t-il affronté les conséquences. Qu’on lui prétende des accointances douteuses avec les complotistes d’Olympia le fait renâcler. « C’est précisément Yates qui m’a viré du Conseil. Pourquoi diable enverrait-elle un pantin sur lequel elle ne peut tirer aucun fil ? » Une babine tressaute. Et de quitter son maintien, roulant des épaules pour se débarrasser de son sac qu’il éventre face au cavalier. « Y a de quoi soigner une trentaine de tes gars – moitié moins si tu ne confies pas le matos à des mains expertes. » Il dépose le bagage au sol et le pousse d’un coup de rangers vers Rhodes. Le butin glisse avec paresse. « C’est tout ce que tu trouveras là-dedans. Je n’y cache pas la moindre récompense, pas la moindre petite faveur qu’on aurait pu glisser pour me soudoyer. Ils n’arriveraient même pas à me faire chanter, Abel, plus rien ne me retient là-bas. » Sa dextre se lève, signe un nonchaloir proche de la lassitude, succédant à la colère sourde ayant jusqu’alors coiffé ses syllabes. « T’auras qu’à me plomber le cul au moindre doute. » Un pari risqué au regard de la défiance que leader entretient à l’endroit de tout, et de tout le monde. Faut-il que le médecin soit sans peur ni reproches – ou juste très couillu – pour le challenger de la sorte.
Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Lun 18 Mar - 21:46
Anselm Abel « People only disappear when they have somewhere to go. »
Pas compliqué de comprendre ce que l’insinuation d’un double jeu pouvait avoir de déplaisant pour le concerné mais c’était là aussi tout le but de la remarque : observer la réaction, juger de l’attitude en conséquence… Abel se fichait bien que ses paroles puissent être mal reçues, préférant s’ouvrir de ses doutes d’entrée de jeu plutôt que de se retrancher derrière une hypocrisie mielleuse et le faire coller au train ensuite par un petit oiseau qui lui rapporterait tout de ses moindres faits et gestes. « Pourquoi pas ? il rétorqua en haussant les épaules, sans se départir de son calme froid. Je ne suis pas au fait des détails de votre relation. » Il savait qu’elle l’avait jarté du Conseil, oui. Il savait aussi que certains marchés pouvait être conclus, avec ou sans accord commun. N’avait-il pas lui-même utilisé Meera malgré l’animosité apparente qu’elle lui vouait ? Il suffisait simplement de trouver un moyen de s’attacher la personne, d’une manière ou d’une d’autre, pour en faire son pantin… « Et elle prendrait certainement pas le risque de me balancer quelqu’un qui lui présenterait une affection apparente. » Le raisonnement n’était pas si aberrant que ça quand on connaissait tous les petits jeux de pouvoirs des chefs de clan, ou alors était-ce simplement le cavalier qui trouvait ça normal parce qu’il s’y adonnait par trop souvent. Quoi qu’il en soit, il n’allait certes pas s’excuser d’avoir insinué une potentielle traîtrise en gestation chez le médecin.
Celui-là, toutefois, semblait avoir d’autres arguments à lui présenter que de simples belles paroles. La mention des cachetons lui fit dresser l’oreille, à Abel, et son regard dévia un instant du rouquin pour suivre le voyage du sac-à-dos à travers la pièce. Sans mot dire, il se pencha pour se saisir d’une des bretelles et récupérer l’objet, glissant une œillade distraite à l’intérieur comme pour s’assurer que l’autre ne lui jetait pas de la poudre aux yeux – réflexe purement machinal, puisqu’aucune personne sensée n’aurait eu le culot de lui mentir de la sorte au nez et à la barbe, ou bien simple curiosité, un besoin de s’assurer qu’il n’avait pas simplement imaginé se faire offrir un tel trésor. Car c’était bien de ça dont il s’agissait, un trésor. Présent à la valeur pratiquement inestimable et un vol pur et dur à l’infirmerie d’Olympia qu’on ne saurait lui imputer puisqu’il n’en avait nullement été le commanditaire. Et puisqu’il n’avait donc rien à se reprocher, il n’aurait pas non plus ni l’obligation ni le devoir de rendre le larcin à sa propriétaire initiale si d’aventure la demande venait à lui en être faite. Le seul à blâmer serait et Anselm. Or Anselm, présentement, venait de s’offrir une protection assurée à défaut de se gagner la confiance du maître des lieux.
Rien ne me retient là-bas. Il pouvait choisir de le penser excellent comédien et menteur, Abel. Ou bien il pouvait croire les rumeurs entendues, et la sincérité apparente de l’homme qui se tenait devant lui, la stature droite et roide. De toute façon, il avait besoin d’un médecin. Un rictus déforma ses lèvres, dénonçant un début d’amusement mêlé à une pointe de sarcasme. « Je le prend comme une invitation. » Une qu’il n’était pas du genre à manquer, on lui savait la gâchette facile et cette réputation-là n’était – hélas ? – pas usurpée… « Assieds-toi, Anselm. » Toujours appuyé contre le rebord du bureau, le plat de sa godasse vint s’appuyer contre le rebord du siège à côté de lui ; il poussa ce dernier de quelques centimètres, appuyant du geste l’invitation – laquelle sonnait d’ailleurs plutôt comme un ordre, mais c’était là sa manière de causer et l’homme, de toute manière, parlait toujours comme s’il s’attendait à ce qu’on fasse exactement ce qu’il disait jusque dans les actes les plus anodins. « Je demande qu’à croire en ta bonne foi et louer la Providence qu’un type comme toi se pointe aux portes de mon domaine comme ça. » On se contenterait peut-être simplement de la première partie… « Mais je serai plus là depuis longtemps si j’ouvrais grand les bras sans y regarder à deux fois. » Au moins admettait-il sa paranoïa. Et les raisons de la justifier, ne manquaient malheureusement pas… « Va falloir que tu fasses tes preuves ici aussi. » Parce que c’était comme ça que ça marchait, ici, et que retourner sa veste équivalait à tout recommencer de zéro.
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Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Mar 26 Mar - 19:35
Abel Anselm « People only disappear when they have somewhere to go. »
(JUILLET 2018) « Je ne suis pas au fait des détails de votre relation. » Et il s’en étonne, von Brandt. Non pas qu’il se considère à ce point intéressant que Rhodes en vienne à étudier ses accointances ; au contraire de Peyton Yates, que même le plus retardé des citoyens d’Olympia sait être une fréquentation majeure du texan. Il faut cependant être un peu plus finaud que le premier des abrutis pour savoir qu’en revers de décorums officiels, une guerre de l’information est menée à couteaux tirés entre les chefs de camps — c’est là tout ce qu’il sait, le toubib, qu’on juge certains transferts avec soupçon et qu’on délie les langues à la moindre occasion. Or, rien n’a jamais été confirmé. Encore moins officialisé. Le doute aurait donc pu s’installer dans la cabèche de l’allemand et sommer une présomption d’innocence quelconque : mais rien ne vient.
Cependant mutique, il attend de son hôte qu’il achève ce réquisitoire auquel il n’a ni apologie, ni beau discours à opposer. Ses cartes, il considère les avoir posées, rien de plus ne peut donc être ajouté aux éléments constitutifs de sa présence. En outre, s’envaser dans une supplication est hors de question. Il s’avère décidément orgueilleux, le mastodonte, un trait de caractère rarement mis en avant si ce n’est lorsqu’on provoque son honneur (ou ses aptitudes). L’occurrence veut d’ailleurs qu’il s’écrase : sur une chaise, meuble raclé à son attention comme on présente à un chien de salon son panier. Au geste, la parole, couvée par l’autoritarisme d’un homme que le hasard a hissé en haut de la chaîne alimentaire. Les élans frondeurs du jeune gars qu’il a été, y a une éternité de ça, versent un court instant sur ses traits tirés un rictus dédaigneux. Nonobstant et comme tous les émigrés réfugiés sur ces hectares, Anselm obéit.
« Mais je serais plus là depuis longtemps si j’ouvrais grand les bras sans y regarder à deux fois. » Le convive opine. C’est un prétexte qui se vaut, comme n’importe quel autre poncif. « Sûr. » S’il n’éprouve à l’égard de son vis-à-vis pas la moindre compassion, il comprend néanmoins le faix qu’un tel rang impose. Il faut un mental d’acier pour porter seul ou presque les charges du commandement, de la gestion et de la protection. Ceci et un goût prononcé pour le pouvoir, étoffe de tous les héros lorsqu’on gratte un peu derrière la féérie ; ce n’est après tout pas par miséricorde que les Rhodes ont ouvert leurs portes. Il a quitté un gouvernement démocratique pour quêter asile dans un système féodal. Après tout pourquoi pas. L’autocratie exercée au Ranch ne lui plaisait déjà pas du temps d’Olympia, mais quelque chose lui dit que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. « Va falloir que tu fasses tes preuves ici aussi. » Ici aussi. La précision lui arrache un sourire anémié. Pendant une poignée de secondes, von Brandt rêve l’extérieur comme une libération. Vivre moins longtemps, mais vivre. Loin des sociétés hiérarchisées et de leurs protocoles. Marcher jusqu’à la côte ouest, construire un radeau et se barrer sur une putain d’île. « Bien entendu », qu’il ânonne pourtant, las, sonné par la réalité et l’odeur de renfermé. « Tout ce que tu voudras. »
Sujet: Re: People only disappear when they have somewhere to go. Ven 5 Avr - 0:04
Anselm Abel « People only disappear when they have somewhere to go. »
« Bien. » La bonne volonté du doc n’effaçait en rien toute la suspicion qu’Abel pouvait bien entretenir à son égard – à l’égard de n’importe quel nouveau venu pour ce que ça valait – mais il n’y avait aucun intérêt à continuer de lui chercher des poux à ce stade de la situation. Si quelque chose ne tournait pas rond, cela finirait forcément par être su. Et en attendant, du moment qu’il faisait son job – et qu’il le faisait bien… Abel se remit d’aplomb sur ses pieds et contourna Anselm, cap sur un petit meuble en bois poli et usé par les ans. De ses entrailles, il retira bouteille et verres avant de se ramener à son point de départ, poser l’ensemble sur le bureau et remplir les deux derniers avec la première. « Bienvenue au ranch. » Non sans un léger brin de sarcasme perçant à travers l’évidente fausse chaleur de l’accueil officiel – il s’agissait après tout d’un camp de survivants, pas d’une colonie de vacances –, les quelques mots glissèrent en même temps que le verre vers son destinataire tout désigné tandis que celui qui les avait prononcé retrouvait son appui contre le coin du bureau.
Le whisky en ce qui le concernait, était loin d’être aussi exécrable que son propriétaire, vestige passé d’un paternel ayant toujours eu à cœur de conserver et stocker les belles bouteilles, quoique la réserve de la cave touchât lentement mais sûrement à sa fin après tant d’années sans réel approvisionnement autre que les coups de chance en raid (qu’il fallait, alors, partager de manière à peu près équitable afin que les râleurs se tiennent coi). La première rasade, dans son gosier séché par le cagnard et le labeur éprouvant de la journée qui s’achevait, fut savourée et appréciée. « Je vais pas te faire la leçon quant à comment te comporter ici, t’es un grand garçon et je pense que t’as suffisamment entendu causer du coin pour savoir les limites à pas franchir. » Quoique les rumeurs fussent souvent excessive, mais on pouvait toujours dénicher un fond de vérité dans la plupart. Et pour ce qu’il ignorait, il s’y heurterait probablement bien assez vite ; il connaissait le ranch, à l’inverse du premier péquenaud ramassé dans un fossé, aussi Abel n’estimait-il pas vraiment nécessaire de lui réciter le règlement intérieur dans ses moindres détails – et autre chose à foutre de son temps que de se plier à l’exercice, à vrai dire. « Tu vas avoir du pain sur la planche, il continua. Plus qu’à Olympia. Et des imbéciles qui vont essayer de te soudoyer ou de te faire chanter pour te monnayer des cachetons à prix réduit sous prétexte que t’es le p’tit dernier en date. » Il n’avait toutefois pas vraiment de doute quant au fait que Von Brandt serait capable de s’imposer face aux fouilles merdes opportunistes qui évoluaient dans ses rangs, mais si le doc’ était forcément au courant que la populace, ici, différait quelque peu de ce dont il avait eu l’habitude ces dernières années, il n’allait pas tarder à se rendre compte d’à quel point l’écart était conséquent. Les cavaliers n’étaient pas des cadeaux, aucun d’entre eux, et en même temps il était plutôt difficile de survivre ici sans avoir au creux des poings une bonne dose de hargne. « Quoi qu’il en soit, j’espère que t’as bien mûri ta décision. A partir du moment où tu choisis de poser ton cul ici y a plus de retour en arrière, pas de période d’essai pour décider si c’est à ta convenance ou pas. Je fais pas relais routier pour les indécis. Et j’aime pas vraiment les fuyards. » Comprendre : à quelques exceptions près, la plupart des cavaliers ayant décidé de se remercier tous seuls pour leurs bons et loyaux services n’avaient, aujourd’hui, plus grand-chose de vivant. Si Anselm avait réussi avec brio à se barrer au nez et à la barbe de Peyton, l’exploit ici n’avait pas vraiment intérêt à être seulement tenté.
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People only disappear when they have somewhere to go.