Sujet: and then there were none. Ven 8 Mar - 18:16
And then there were none
feat. alex wright
La sueur de sa marche forcée aux tempes, Absalom redresse son bandeau du bout de ses doigts crasseux. Il éponge son front et scrute un moment l'horizon. On n'y voit rien à plus de trente pieds, la faute à la densité d'arbres au mètre carré dans ce coin de la forêt. Il ne reconnaît absolument rien et, d'ailleurs, ça n'a aucune importance. Il est fasciné par l'espace, la grandeur, cette étendue totale de liberté humide et fraîche. Il peut distinguer tellement d'odeurs à la fois qu'il nourrit l'étrange sentiment de n'avoir jamais vécu la ville. En un sens, c'est vrai depuis assez longtemps pour tenir du réel. Le plaisir de la redécouverte est d'autant plus intense que l'on s'habitue. À force de parcourir le Texas, à force de rencontrer des survivants avides, des armes chargées, à force de mourir chaque fois un petit peu, des blessures les plus modestes aux gouffres creusés dans les entrailles, on s'habitue à la peur et, surtout, on s'habitue à l'imminence de sa disparition. Certaines choses prennent de la valeur. La plupart en perdent. Le curieux de ce qu'un type comme lui ressent, à l'usure, chaque jour plus puissamment, c'est la certitude de mourir couplée à l'incertitude de vouloir vivre. Ce n'est pas une pulsion de mort. C'est la résignation, une vérité générale qui s'impose de plus en plus, qui taisait son nom mais affirme sa forme. Il n'est plus aussi pétrifié de traverser la forêt qu'il y a sept ans. Il n'est même plus effrayé de se trouver seul.
Son campement est des plus sommaires : un lit de feuilles et d’herbes jeunes, un feu pusillanime et une souche contre laquelle poser ses reins. Le jeune adepte l’a rapidement installé sur un surplomb à taille humaine, de telle sorte que les éventuels rôdeurs en maraude ne pourraient le surprendre que sur un flanc (et les humains de même). La paume abîmée, rouge de la garde qui frotte continûment contre la peau, Absalom tranche, inlassable et concentré, dans les bandes de caoutchouc. La lame taillade, le chuintement des matières qui cèdent pour satisfaire ses mouvements du poignet et les coups de lame frénétiques. Les morceaux – rectangles grossiers – sont séparés des chutes, inspectés à une dizaine de centimètre de l’œil pis fourrés sous les tissus afin de prodiguer un peu d’imperméabilité à sa tenue. Il ne s’arrête, après une heure de labeur à suer dans son costume, qu’en se bandant les poignets avec du cuir doublé dont un carré, mal découpé aux angles, lui mange les paumes. Bien affamée la mâchoire qui passerait ce renfort... C'est alors qu’il s'estime prêt à la chasse que ses oreilles frémissent. Les bois sont pleins de vie, voilà qui est naturel. Le silence, précisément, qui se répand comme une drogue sale dans le sang active son alerte. « Tu f’rais mieux de te montrer. Si j’te cherche et que j’te trouve… » La sommation n'est pas spécialement sincère et, cependant, ses doigts empoignent la hachette assoupie contre sa cuisse. En admettant que son visiteur-assaillant se soit armé d'une arme à feu, il n'aurait pas le temps de se jeter sur ses jambes et d'ouvrir une riposte. En admettant qu'il veuille le tuer, Absalom serait déjà mort.
« Je compte jusqu'à trois. » Et il compte.
(c) DΛNDELION
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Sujet: Re: and then there were none. Mar 12 Mar - 19:07
alex absalom « and then there were none »
(JANVIER 2019) Ça tient de la musardise, que de pister tel animal, lorsqu’on est rompu à giboyer une faune qui, en la manière d’échapper à son prédateur, fait montre d’une pléthore de ruses. Celui-ci, au contraire, n’est pas même conscient d’être traqué, ou n’en montre rien. L’éclaireuse se méfie des faux-semblants de l’espèce ; en effet, aucun d’entre eux n’a survécu par quelqu’opération de grâce. Alex conserve ainsi ses distances, et flaire plus qu’elle n’épie le sillon du bipède à travers bois. Rien que pour le sport, d’ailleurs. Elle ne lui veut pas le moindre mal. Il n’est le problème — éventuel — que d’Olympia, ronflant à deux pas de là. Donc pas le sien, ni même sa proie. Ça fait des lustres, qu’elle ne braque plus son prochain pour rien que des bricoles, des broutilles. Or, de ce qu’elle en sait, le vagabond ne bat la campagne que lesté d’sa bite et d’son couteau. N’empêche que des incursions de va-nu-pieds étrangers à proximité de la cité, ça n’est plus si ordinaire... et ce qui l’étonne encore mérite qu’elle s’y penche. Tant pis pour le temps sûrement perdu ; ça n’est pas comme s’il était compté. Puis, c’est l’hiver, de toute façon. Elle tourne en rond. Au moins, suivre une piste lui offre le luxe éphémère de leurrer l’ennui des saisons mortes.
Il a fini par faire halte, là où le feu n’a pas fait fuir la vie. Quoique la pâleur solaire, à la faveur des brises, parvienne à percer les hautes frondaisons, il lui est désormais impossible de s’enquérir de ses occupations. Le ramdam qu’il génère bientôt asticote sa curiosité ; peut-être est-il venu exhumer un butin ? Elle décide de se rapprocher, de façon à ne jeter qu’un œil, rien qu’un seul. D’arbre en arbre, la braconnière se faufile jusqu’à rallier un clos de haies suffisamment broussailleux pour embusquer ses indiscrétions. Armé d’une hachette, de dos, l’inconnu s’acharne sur elle ne sait quoi ou qui. Il ne creuse donc pas, il débite et puis... son trafic est original. On dirait qu’il harnache de ce qu’il coupe ; comme d’une armure. Quoiqu’insolite, le spectacle n’est pas pour ainsi dire palpitant. D’autant qu’il n’a pas l’air bien dangereux. Aussi se résout-elle à rebrousser chemin, tandis qu’il achève. Mais n’a-t-elle pas parcouru deux mètres qu’on la repère — à son silence, précisément. Elle tique, en portant une main à sa cheville, sans s’emparer du couteau planqué à revers de botte. Ainsi donc il n’est pas si insouciant, songe-t-elle, avant que de sourciller derechef, lorsque l’ultimatum retentit. Non pas que la sommation l’alarme ; trois secondes, il lui donne. C’est assez pour filer en douce. Mais c’est que le phonème a réveillé l’intérêt ; pas physionomiste, Axel a bonne mémoire des sons, et celui-ci, ah ! sa main à couper, elle le connaît. Cependant qu’il finit de décompter, elle cogite, questionnant l’envers du trappeur et ses lignes effilées...
Puis, émet une hypothèse. « Lavvie ? » Désarmée, paumes au clair, elle franchit son breuil, caboche penchée. « C’est toi ? » N’approchant pas de front, mais le contournant de biais, elle le scrute alors, et puis opine. « ’tain... », qu’elle jure, en s’immobilisant. Lentement, ses mains s’abaissent. « C’est moi... Mae. »
and then there were none.
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