mauvaises graines
Sidney Rodrigo juin 2019 + L’étrangère n’avait pas la langue dans sa poche et elle l’avait divertie un temps mais il avait fini par lui fausser compagnie au bout d’un moment, l’estomac (ou bien son intérêt pour les interactions sociales) repu. Peut-être aurait-il dû lui demander son nom, trouver un moyen de lui remettre la main au collet dans d’autres circonstances mais le vacarme, en bas, l’avait distrait.
Oh, Rodrigo ne s’inquiétait pas réellement, persuadé qu’il ne risquait pas grand chose de la part de ces nouveaux arrivants, mais il n’avait nulle envie de se laisser prendre au dépourvu. Qui pourrait l’accuser de quoi que ce soit, de toute manière ? Il faudrait déjà qu’on vienne le pointer du doigt en tant que lazarus au milieu de tout ce bordel, et même si quelqu’un prenait le temps de s’en apercevoir, cela ne suffirait pas à prouver qu’il avait pris part à quoique ce soit. Tout juste cela réveillerait-il les vieilles rancœurs qu’il avait laissées derrière lui en quittant Olympia. Le raider qu’il avait tué de sang froid pour assurer sa fuite, et sa traîtrise avérée.
Sauf que les lazarus étaient libres d’arpenter le mall au même titre que n’importe qui d’autre : personne n’avait donc ce droit de lui mettre les fers ici pour une querelle extérieure à Stonebriar.
Rodrigo s’était peu à peu écarté de la zone de commerce et de ses arpenteurs inhumains pour se retrouver à rôder dans une ancienne allée de boutiques désaffectées à priori vides de toute présence. Il fallait qu’il rejoigne les autres, maintenant : il n’y avait pas grand chose d’autre à faire que ce chaos qu’ils avaient créé ici. Il fallait qu’ils s’en aillent, tous, sans partir comme un troupeau de moutons groupés et bêlant sous peine de s’attirer immédiatement un œil suspicieux. Si ses souvenirs du plan de Stonebriar étaient correct, il y avait une porte vers les couloirs de service à vingt mètres. Derrière elle, des escaliers qui descendaient vers le parking souterrain, et l’issue de secours par laquelle ils s’étaient introduits discrètement dans le mall. Il tâtonna ses poches à la recherche de sa lampe torche.
Et peut-être n’était-il sûrement pas aussi bien sur ses gardes qu’il l’aurait dû, ou peut-être que ses pensées accaparaient trop son cerveau pour qu’il ne se rende compte qu’on l’avait suivi.
Dans un cas comme dans l’autre, c’était une erreur.
L’homme perçut la menace, ou l'impression désagréable qu’un regard noir vous colle à la nuque, alors qu’il n’avait guère plus que quelques mètres à franchir avant la porte menant à son objectif. Et il se figea tout net, tandis que ses muscles se contractaient par automatisme.
Et il n’était pas armé.Il lui restait bien ses poings et sa science des combats au corps à corps, ceci étant, mais cela ne lui serait pas vraiment d’une quelconque utilité face à un flingue, face à n'importe quelle arme à longue portée. Lentement, l’air aux aguets mais la posture tranquille, Rodrigo se retourna, cherchant une cible à donner en pâture à ses yeux attentifs. Laissa un éclair de surprise traverser fugitivement son expression alors qu'il accrochait la propriétaire dudit regard noir senti rivé à sa nuque tantôt. Puis croisa les bras et, haussant un sourcil, demanda simplement : «
Qu’est-ce que tu veux ? » Il n’aimait pas trop l’idée de se savoir démuni et du mauvais côté de l’arme. Elle n’avait pas vraiment l’air de quelqu’un qui vient aborder une
vieille connaissance simplement pour le plaisir d’échanger quelques nouvelles…