La complainte des loups solitaires ▬ feat Abel[FINI]

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Le ciel pleurait de chaudes larmes d'acier contre le visage baissé du cadet des Rhodes. La terre s'était ouverte sous leurs pieds laissant renaître des créatures impies qui avaient emportés avec elles une part de lui. La personne qui lui avait donné naissance était redevenu poussière avec la naissance de ces immondices putréfiées qui dévoraient les chairs de ce qui furent auparavant leurs semblables. Les mots lui manquaient. Il n'avait aucune idée de comment exprimer le vide qui avait complètement pénétré son esprit qui effleurait lentement mais sûrement les prémices de la folie.

Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas décroché un mot ou un regard à tous ceux autour. C'était comme s'il ne voyait personne. Les larmes ne venaient, seule la pluie battante fouettait son visage. D'amers regrets et une souffrance sans nom bâtissait en son sein un océan de tristesse. Il avait évité tous les autres membres de la famille comme la peste. Des sourires lui revenaient en boucle. La chaleur de sa voix s'imprégnait dans son esprit et parfois quand le vent soufflait à ses oreilles, il ressentait sa présence et sa voix. Elle lui manquait terriblement. Elle qui avait toujours été pour lui un pilier. La seule qui semblait s'intéresser à lui et l'aimer. Qu'avait-il fait pour la remercier ? Rien, il n'avait jamais été juste avec elle car il débordait de trop de haine et de jalousie pour réaliser qu'elle avait toujours été là débordante de fierté et d'amour pour lui. Alors, la tristesse se mua en culpabilité et en ressentiment. Il alternait les phases du deuil à une vitesse exemplaire. Ses sentiments devenaient aussi erratiques que ceux du cher enfant chéri de la famille. Aucune nouvelle de Jenna, il aurait été un peu hypocrite de dire qu'elle lui manquait mais paradoxalement il s'inquiétait pour elle. Les liens du sang semblaient devenir plus forts en ces instants de crise où tout semblait instable, capable de disparaître dans les abysses comme un cri qui se perdrait dans un gouffre.

La lente agonie de ses sentiments ne s'apaisaient presque pas parmi les chevaux qu'ils aimaient pourtant plus que tout. Il pensa à ce cheval alezan que sa mère aimait tant. Elle s'appelait Perséphone, et ironiquement ce n'était pas elle qu'on avait traîné de force dans les Enfers. Quoi qu'aujourd'hui, il n'y avait plus besoin de mourir pour se retrouver entraîner dans les cercles infernaux que décrivait Dante. Ses pas le traînèrent vers la jument en question sans qu'il en eut bien conscience. Un sourire triste se peignit alors qu'il arrivait pour découvrir que son frère avait eu la même idée que lui. La tristesse les avait réuni. Le destin avait ce petit quelque chose de terriblement sarcastique qui permettait de savoir que si Dieu existait, il avait un sens de l'humour particulier. L'apocalypse disait surtout que ce devait être un sacré fils de pute si tel était le cas. D'un ton vague, il lança en s'accoudant à côté de son frère.

"C'était sa jument." Un profond soupir accompagna cette phrase. Il caressa le chanfrein du cheval avec lenteur. Sa voix lui avait semblé rocailleuse comme un homme qui n'a pas parlé depuis dix ans. Caden et Abel ne parlaient pas beaucoup alors ce n'était pas évident pour lui d'être celui qui engageait la conversation. Néanmoins, des situations désespérées entraînaient des mesures désespérées. Le noyau familial aussi étrange fut-il restait important pour tout le monde. Il fallait préserver une certaine solidité. Caden savait qu'Abel ne pouvait pas lui apporter de réconfort mais sans doute espérait-il qu'en souffrant de concert, ça soit moins douloureux. "On devrait lui faire faire un poulain avec Hadès en souvenir" Hadès était le cheval du père, un étalon pour le moins puissant et noir. Pas étonnant qu'une telle bête lui ait été nécessaire pour prouver une fois de plus sa virilité. Les mots se voulaient un substrat de plaisanterie tout en n'étant pas si drôle que cela. Même un bruit étouffé ressemblant à un rire lui aurait accordé un peu de baume au cœur. "On est dans une belle merde Abel." finit-il en soupirant lourdement repensant à sa mère, à sa sœur et sa fiancée disparue. Tout cela évident sans oublier les ordres de revenants évidemment. Il fallait prendre un problème à la fois. En général on commençait par le plus important. On savait bien, pensa-t-il avec ironie, que le plus gros problème vient toujours des femmes. Quand elles sont là, elles nous rendent folles. Quand elles ne sont plus là, elles nous laissent pour mort.

La discussion entre frères ne pouvait plus être évité. Les quelques mots qu'il avait lancé lui faisait réaliser que tous les deux devaient sortir de leur mutisme pour avancer. Dans le nouveau monde, c'était avancer ou mourir.

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♔ Caden & Abel

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La chaleur de l’écurie, le silence seulement brisé de temps à autre par un renâclement ou un animal qui se déplaçait, avait ce petit quelque chose qui donnait l’impression d’être isolé, loin de la réalité et de son lot de misère. Ici, on pouvait encore prétendre que tout allait bien et ne pas dévoiler quelques prouesses d’hypocrisie lorsqu’il s’agissait d’interagir avec les autres. Il était allé chercher cette quiétude pour se recueillir loin des hommes, parfois se prendre un peu de temps pour soi afin de se recentrer était nécessaire.
Abel aimait jouer à l’homme fort, être le donneur des directives, intransigeant et agaçant, c’était un fait incontestable. Mais porter un décès sur le cœur et le ranch à bout de bras n’étaient pas deux choses qui se conciliaient aisément même s’il était bien obligé de le prétendre sans rien avoir le droit de laisser paraître. Au moins ici il n’avait pas à faire semblant et même si ce n’était que pour dix minutes, ça lui paraissait déjà amplement suffisant pour attaquer la longue liste des tâches qui l’attendait.
Perséphone était calme comme à son habitude, complètement ignorante du drame qui s’était déroulé il y avait de ça quelques jours. La jument avait passé sa tête par-dessus la porte du box et s’offrait aux caresses machinales de l’homme qui, plongé dans ses pensées, tirait clope sur clope et empuantissait l’endroit avec l’odeur particulièrement forte du tabac qu’il affectionnait tant. Il pensait à sa mère, évidemment, qui lui manquait plus qu’il n’aurait bien voulu l’admettre, et forcément aux causes responsables de sa mort puisqu’il était plutôt difficile de ne pas constater qu’on vivait dans un monde qui visiblement avait soudainement décidé de vous en foutre plein la gueule. Il pensait à sa famille et surtout il se rongeait les sangs pour Silas qu’il n’avait pas vu depuis beaucoup trop longtemps et dont il n’avait pas eu la moindre nouvelle ces dernières semaines. Il fallait absolument qu’il passe voir Edith, parce que si elle ne disait rien c’était qu’il était arrivé quelque chose, en temps normal c’aurait simplement pu être parce qu’elle avait pas envie de lui parler mais rien n’était normal et il y avait eu une connerie, c’était obligé. Si sa propre mère s’était fait mordre pourquoi pas un gamin parfaitement inconscient du danger ?

Le bruit des pas le tira de ses pensées, il leva les yeux pour croiser ceux de Caden, pas si surpris au fond de le voir se ramener ici. C’était sa jument. No shit Sherlock ? Le haussement de ses sourcils associé au regard qu’il lui lança furent probablement suffisamment équivoques pour qu’il n’estime pas nécessaire de lui répondre et le cadet enchaîna sans qu’il l’interrompe. Un grognement amusé lui échappa, le truc le plus proche qui s’apparentait à un rire chez lui en ce moment à l’entente de ce que proposait le frangin. « T’es sérieux mec ? Avec tout ce qu’on est en train de se farcir, la seule chose à laquelle tu penses c’est un putain de poulain ? » Le reproche n’en était pas réellement un, une réplique "pour le principe" en somme. Il tira une taffe, encore une, et souffla la fumée entre eux deux. Ouais, on était bien dans la merde ça y avait pas trop à tortiller sur ce point. « Reste qu’à savoir si on y est déjà jusqu’au cou ou si y a toujours moyen de patauger pour s’arracher. » Dans l’immédiat, Abel avait plutôt du mal à visualiser la chose. « Enfin j’imagine qu’on doit être content de pas cuver dans une ville, ça laisse toujours plus de chance de s’en tirer. » Le mégot atterri au sol et fut piétiné d’un coup de ranger. « Quoique ça l’a pas aidé, elle. »
Est-ce que c’était une bonne idée que d’aborder ce sujet délicat avec une personne qui somme toute n’avait de frère que le sang ? Ou Abel venait-il de se jeter dans une pente glissante ? Il n’avait personne à qui parler de ça hormis peut-être le pater et il eut été euphémique de croire que ce dernier était d’humeur à taper la causette à ce propos. Caden, lui, était là, et il l’avait trouvé dans un de ces moments où l’aîné était disposé à s’ouvrir. Plus par besoin que par réelle envie certes, mais c’était déjà quelque chose, quelque chose dont il fallait profiter pour… pour quoi d’ailleurs, au juste ? Qu’est-ce qu’ils avaient à faire ensemble ? Ils ne s’entendaient pas mal, mais ils n’étaient pas complices, ils ne partageaient rien sinon peut-être cette passion des chevaux qu’on leur avait inculqué dès le début sans qu’ils aient réellement leur mot à dire. « Va falloir qu’on se serre les coudes, Cad. » Ouais, c’était peut-être le moment d’enterrer les rancœurs ou alors de faire semblant de les oublier le temps que le reste se tasse. « On peut plus continuer à prétendre que tout ce bordel ça nous touche pas. Plus maintenant. » Pas avec une tombe fraîche sur laquelle l’herbe n’avait même pas encore commencé à repousser.

and so it begins :

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Il haussa les épaules à la remarque d’Abel. Pourquoi pas après tout ? Parler de la vie alors que tout mourrait autour de lui ne semblait pas si irrationnel. Peut-être que d’une manière ou d’une autre ça conserverait l’étincelle de vie de leur mère encore bien vivante. Voilà qu’il recommençait avec ce sentimentalisme à la con qu’il avait toujours tout fait pour oublier. Tu es un grand sensible avait dit sa mère un jour. Son père aurait dit qu’il était une femmelette.

« Il ne nous reste que les chevaux Abel. Ils ne se transforment pas eux. » avait-il dit sobrement évitant e loin ou de près ce qui aurait ressemblé de trop à des sentiments d’êtres humains. Caden se rendait compte qu’il ne savait pas grand-chose des conceptions de son frère sur les enseignements de son père. Il lui avait toujours fait l’effet de l’élève modèle qui connaissait toutes les leçons alors même qu’il n’avait jamais eu à réviser. Il jeta un coup d’œil à son frère comme s’il essayait de lire dans ses pensées. Il observa sa clope au bec en se disant qu’en temps normal il lui aurait demandé de ne pas fumer dans l’écurie pour des raisons évidentes de sécurité. Toutefois, cette phrase, aux vues de la situation actuelle, n’aurait pas manqué d’être ironique. « Ça ressemble bien au genre où plus tu te débats, plus ça t’engloutit. Enfin ce n’est pas genre de détails qui arrêterait un Rhodes te dirait Papa. » La dernière phrase avait été dite avec un ton faussement ferme pour rappeler le ton irascible du paternel qui semblait parfois ne s’exprimer qu’en bougonnant et en parlant avec un air sévère. « Avec le ranch, je pense qu’il y a moyen de s’en sortir. On va devoir se battre mais c’est faisable. » Alors qu’il prononçait ses mots avec une certaine conviction, sa véritable pensée lui semblait qu’ils finiraient par tous y passer. Les zombies, rôdeurs ou dieu seul savait comment on pouvait encore les nommer arriveraient ici et détruirait tout. Néanmoins, ils auraient un sacré combat à faire avant de pouvoir gagner. Il n’en démordrait pas, il sauverait ce ranch qu’il avait toujours aimé aussi longtemps que son corps pourrait tenir debout. Il ne se battrait probablement pas physiquement mais il avait plus d’un atout pour cela. Il hocha silencieusement la tête à la remarque de son frère. Caden avait raison. Malgré ses travers, il savait souvent curieusement où taper juste quand il parlait. Peut-être car il savait aussi où taper quand il fallait jouer des poings.

« On n’a pas appris à faire ça Abe. Je sais pas si on en est réellement capable. Bien sûr que ça nous touche directement, c’était notre putain de mère et ils nous l’ont pris. » Ses traits se durcirent et son regard se fit froid et déterminé. « Il ne se passera pas un jour sans qu’on fasse regretter à ses fils de pute de s’en être pris à elle. Ce sera notre manière de leur montrer qu’on ne s’attaque pas impunément à nous. » Il comprenait maintenant, en l’absence de Jenna qu’il avait une carte à jouer. En s’unissant avec son frère, ils étaient plus forts, ils pouvaient sans doute tenir le fort et regrouper des survivants. Les employés habituels du ranch seraient déjà d’accord pour participer. «Serrons-nous les coudes comme tu dis. Il y a beaucoup à faire et si on vit chacun de notre côté, on ne fera rien. On le doit à maman, d’être forts, de lui montrer qu’en fin de compte on écoutait quand elle parlait. » Les frères Rhodes rapprocher par la mort d’un être cher. Il aura au moins fallu cela pour que les deux frères si différents se rendent compte de l’importance de faire front commun face à la menace. Ça et une invasion de marcheurs pour le moins cannibales. Le destin avait une drôle de manière de réaliser nos souhaits. Caden avait espéré longtemps avoir une relation proche avec son frère et maintenant que son souhait était réalisé, il regrettait qu’il ait fallu ces circonstances pour le rendre réalité. « On va survivre à cette putain d’apocalypse, et en plus de ça on va devenir les rois. » Il eut un sourire alors qu’il lui tendait une main. Une main qui ne changerait pas le monde mais qui aurait des répercussions insoupçonnées à cet instant. « Pour maman. » rajouta-t-il en laissant s’échapper un peu de son émotion contenu. Il observa un long moment son frère alors que la pluie tombait drue se reconnaissant dans ses yeux pour la première fois. Il lut dans son reflet le besoin de se réconforter avec un vice. Aucune ne pointerait le bout de son nez à part la vieille gouvernante qui n’était clairement pas de première fraîcheur. Tout était un peu difficile à obtenir actuellement sauf l’alcool. La cave était pleine à craquer. Autant en profiter. « Si on allait boire un verre. J’en ai assez de toute cette flotte qui nous dégueule au visage. »

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♔ Caden & Abel

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Un ricanement s'arracha de la bouche d'Abel face à l’imitation qu'avait fait Caden de leur père, et c'était sans doute ce qui s'approchait le plus d'un éclat de rire franc chez lui ces derniers temps. Quoi qu'on en pense, l'humour restait toujours une bonne barrière contre les jours de grisaille. Et même si ce n'était que pour une poignée de secondes, se détendre faisait du bien.
Abel s'adossa contre la porte du box, ses doigts jouant machinalement avec le zippo qu'il tenait dans sa main gauche. Le clic répétitif de l'objet ponctuait les répliques de son frère et aurait pu se montrer particulièrement agaçant si le son n'avait pas été assourdi par celui, autrement plus insistant, de la pluie battante qui frappait le toit du bâtiment dans lequel ils avaient tous deux trouvés refuge. « J'pense pas que le truc qu'on pourra leur carrer dans la caboche s'ra des regrets. Plutôt une bonne dose de plomb si tu veux mon avis. » N'empêche, il était plutôt du même avis que le frangin pour ce qui était de faire payer à cette bande d'abrutis décérébrés la mort de leur mère. Elle n'avait même pas pu partir dignement, achevée comme le chien affamée qu'elle était devenue après cette morsure. L'aîné pouvait bien se vanter autant qu'il le voulait sur ce qu'il était et ce qu'il avait commencé d'entreprendre en ces temps de crise, n'empêche qu'il ne faisait pas le fier quand il repensait à ce qui s'était passé alors. Jour marqué d'une pierre noire. Pour sûr qu'il ne risquait pas de sitôt d'oublier ça.

« Un peu qu'on va survivre, j'ai pas l'intention de clamser aussi facilement. C'est pas parce que le monde est en train de crever qu'on va s'laisser faire bien gentiment. » La poignée de main scella l'accord, le partenariat... le début de l'entente ? Le geste semblait bien trop formel considérant le lien qui les unissait et pourtant il avait une symbolique bien plus forte que n'importe quelle accolade fraternelle. Devenir roi... ouais, l'idée lui faisait de l’œil, bien que dans sa visualisation il n'y avait pas de "on", juste lui. Tout seul à la tête, comme cela avait toujours été le cas, comme il ne s'imaginait pas que cela puisse être différent, même maintenant.
Alors même si au moins un des deux n'en avait pas conscience, il y avait déjà une ombre au tableau dès le début.

« Belles paroles et bonne idée. Noyons la flotte dans l'alcool. » Caden avait dit un verre mais l'idée sous-entendue était très bien passée sous le couvert de la sobriété. Un verre ou deux... ou plus ? Quelle différence. Fallait bien passer le temps de toute façon.
Lui faisant signe de le suivre, Abel se décolla de son appui et prit le chemin de la cave. L'averse au dehors les accueillit à bras ouverts et les força à se hâter pour ne pas finir en serpillières.

La réserve du ranch était un endroit sombre et poussiéreux salement éclairé par quelques vieilles ampoules jaunasses peu engageantes. Les bouteilles qui sommeillaient ici, en revanche, l'étaient bien plus. Abandonnant son manteau dégouttant de pluie à l'entrée, Abel se dirigea aussitôt vers le coin qui les intéressait, celui qui ne recensait pas la piquette de bas étage que l'on servait aux invités lambda quand on ne souhaitait pas les voir s'attarder trop longtemps. Si l'aîné songea un instant à réellement servir un verre à son frère, comme ce dernier l'avait suggéré, il renonça bien vite à l'idée et lui tendit carrément à la place une bouteille de whisky. Plus simple comme ça. Et puisqu'il fallait bien les boire, lui-même s'en choisit une autre vu qu'il y avait, de toute façon, de fortes chances qu'elles finissent gaspillées à attendre un bon événement qui ne viendrait jamais. Autant ne pas se priver en jouant les rapiats.
« A la santé de l'apocalypse, de ces putains de rôdeurs et de toutes ces merdes qui attendent encore une bonne occase pour nous tomber sur le coin de la gueule. » Si c'était pas une bonne raison pour célébrer, alors qu'est-ce qui valait le coup – hormis bien sûr cette soudaine entente inattendue et sortie de nulle part.
L'odeur forte lui sauta au visage dès qu'il ouvrit la bouteille mais ça ne l'empêcha pas de s'en envoyer une bonne giclée au fond du gosier dans la foulée. Puis de tirer une drôle de grimace : ouais, on le sentait passer quand même. Le bougre n'avait plus l'habitude, faut dire aussi que les opportunités ne s'étaient pas trop présentées ces derniers temps. Celle-là serait l'occasion de décompresser un bon coup avant de retourner s'offrir à la dure réalité. Passer un bon moment – espérons – avec un frère qu'il ne connaissait somme toute que très peu. « Père va nous tuer s'il nous trouve ici. » Tuer. Verbe de circonstance. « A taper en plein dans sa putain de sacro-sainte réserve personnelle que personne a le droit de toucher. » Comme des grands gamins pris la main dans le sac en train de faire les quatre cent coups. « Comme la fois où il t'avait collé une soufflante parce qu j'avais fait verser l'étagère avec ses liqueurs préférés et qu'il avait cru que c'était toi. Tu t'souviens ? » Sans doute, mais il ne devait pas placer cet épisode dans le tiroir des bons souvenirs... à l'inverse d'Abel, qui en souriait encore d'avoir laissé son cadet se faire saucer à sa place et de s'en être tiré sans un regard de travers. La cruauté de l'enfant trop heureux d'échapper à la punition, trop désireux de ne surtout pas décevoir le chef de famille. Il se rendit compte, mais trop tard bien sûr, qu'évoquer ce genre d'anecdote n'était pas son choix le plus judicieux de la journée. Et choisit de le noyer dans une seconde lampée qui passa bien mieux que la première puisque la voie était déjà tracée.

« Pour maman » :

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Il fut ravi que son idée soit si facilement acceptée. Il n’en avais jamais douté une seule seconde cela dit. En général, ils étaient toujours du même avis quand il s’agissait de se jeter un verre, deux verres et ainsi de suite jusqu’à arrêter de compter. Il s’interrogea se demandant si c’était purement masculin ou simplement si le monde entier ressentait ce besoin universel quand le monde semblait lui aussi avoir pris un coup dans le nez. « C’est tellement vrai. Au moins maintenant on peut dire qu’on a une vraie raison de dire que le monde c’est de la merde. On pourra pas dire qu’on est des dramaqueens. » Il se fendit d’un sourire en coin « pas comme d’autres dans notre famille ». Il se souvint à cet instant en l’évoquant qu’on était sans nouvelles d’elle. « Je suis sûre qu’elle va bien là où elle est. C’est sûr qu’on finira par nous la rendre. C’est tellement une teigne et en plus c’est une Rhodes. » La première gorgée fut tant salvatrice que stérilisante pour sa gorge. Il se retint de justesse mais toussa un peu quand même. « La gnôle de not’ père c’est pas de la merde en tous les cas. » Il suspectait l’alcool d’avoir peut être un peu dépassé la date de consommation car elle goûtait presque le pétrole pour lui mais il n’en dit rien. Tous les alcools forts lui donnaient l’impression d’être une voiture qu’on remplit avec de l’essence. Il l’observa pensif. Les événements n’avaient pas été si amusants ce soir là pour lui mais il n’en fit pas la remarque. Il se contenta de répondre. « Oui je m’en rappelle bien, j’ai cru qu’il m’avait déplacé une vertèbre le bougre. Il a jamais eu la main douce. » Il se servit de sa main pour prendre un verre de plus en le finissant cul sac. « Buvons encore plus à sa santé. De toute façon, aujourd’hui, il pourrait bien essayer de nous cogner qu’il ne gagnerait pas pour autant.

Sa gorge était maintenant bien anesthésiée par la boisson. C’était beaucoup plus facile, il observait son frère qui faisait de même alors que la discussion se poursuivait. « Enfin, c’est pas comme si on avait essayé de monter SON cheval. Tu sais comme il devient con dès qu’on aborde le sujet. » Il se servit un verre qu’il but plus tranquillement que la dernière fois. Le tord-boyau lui faisait du bien alors qu’il se demandait s’il n’allait pas percer en même temps un trou dans son estomac. Il avait vu une fois un ulcère sur un chat qu’il opérait et ça n’était pas très joli. « Dis.. Qu’est-ce que tu penses de papa ? » Il n’aurait jamais posé cette question en n’étant pas sous l’effet de l’alcool qui commençait lentement mais sûrement à le désinhiber. Cependant, la situation de ce soir, l’alcool et les circonstances le permettait. « T’as toujours été son chouchou, je sais pas si c’est vraiment la place du privilégié. » Disant ces mots, il se rappela que lui aurait bien voulu les inconvénients de cette place plutôt que d’être ignoré et traité comme un déchet quand on le voyait. Il avala son verre après sa question. L’alcool l’aidait à garder une certaine contenance. « Enfin, moi il me déteste, alors au final, je suppose que ça pourrait nous mettre à égalité. » Il soupira s’affalant un peu lui qui tenait toujours une posture très droite. Il n’avait pas envie de faire des efforts ce soir. Il n’avait pas envie d’être le parfait petit fils à papa qui fait tout ce que tout le monde lui demande mais n’est jamais récompensé. « Et puis toi et Jenna vous vous serez les coudes. » rajouta-t-il avec une certaine amertume. En temps normal, il se contenant le plus possible de parler pour éviter de se dévoiler. Ce soir, il mettrait tout sur le compte de l’apocalypse. Il y avait fort à parier qu’elle aurait bon dos pendant les prochaines décennies cette crise. Il réalisa qu’il ne savait pas bien qu’elle en était l’origine. Si on lui avait demandé son avis, il aurait sans doute répondu que ça devait être les humains les responsables. C’était toujours eux qui finissent par foutre le boxon. Il ne savait pas s’il y avait une quelconque information là-dessus. Il se rendit compte qu’il ne s’en foutait pas tant qu’il aurait cru. Il ne se soucia pas plus de cela car il savait qu’un jour ou l’autre par la force des choses il finirait par savoir ou par devenir l’un d’eux. Une belle expérience en réalité augmentée. Le cinéma en 3D pouvait aller se rhabiller.

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La conversation allait bon train, les bouches se déliant au fur et à mesure que l'alcool faisait son office. Si les premières gorgées avaient fait de l'effet, Abel ne profitait à présent plus du goût relevé de la bouteille de qualité qu'il s'était octroyé : tout ce qui lui importait, c'était cette euphorie qui s'emparait de lui alors qu'il riait avec son frère sur quelque bêtise qui ne lui aurait même pas arraché un rictus en temps normal. Dans la cave, loin de tout et isolé de la réalité, on aurait presque pu croire que l'apocalypse n'avait pas eu lieu et qu'ils se contentaient simplement de partager un bon moment entre frangins complices.
« Me parle pas de Hadès c'est une véritable plaie. Pour sûr l'est beau m'enfin en dehors de ça c'est un bon à rien, il a peur de tout et il a un caractère de merde, c'est vraiment pas une bête faite pour vivre dans un ranch. » Et si d'habitude Abel soutenait le pater dans la plupart des décisions, celle-là n'en avait pas fait partie et cela était d'autant plus vrai maintenant qu'ils avaient plus que jamais besoin d'animaux capables de ne pas sauter en l'air au premier coup de feu tiré entre les deux oreilles.

« Qu'est-ce qu'il y a, t'es jaloux ? » Se tirant une chaise branlante qui traînait dans un coin, l'aîné se laissa choir dessus avec toute la dignité d'un homme sur lequel les effets de la boisson s'expriment au travers des mouvements exagérés et peu précis. « Tu veux que j'te dise quoi ? Que j'approuve pas comment il te traite, que c'est injuste que tout soit toujours pour ma pomme ? » Ben compte là-dessus et bois de l'eau. « Allez Cad si t'es pas content t'as le droit de l'ouvrir tu sais, t'es un grand garçon, il va quand même pas contrôler ta vie indéfiniment. » Caden s'était lancé en plein dans le sujet délicat de la famille et ça ternissait un peu la bonne humeur qu'il avait gagné au prix de la moitié de sa bouteille. Réveiller les vieilles rivalités était supposé être une bonne idée ? « Moi et Jen on se serre les coudes ? Putain, l'alcool te monte vite au cerveau on dirait. » Il eut un rire un peu amer qu'il noya à travers une nouvelle gorgée. Abel avait beau jeu de dire ça alors qu'on sentait à sa manière de s'exprimer, la façon qu'il avait de buter sur les consonnes et de laisser filer les mots en entier sans merder sur la prononciation. « Ça fait un bail qu'on s'est pas causé elle et moi. » En même temps, dans la mesure où il l'avait pratiquement reniée depuis qu'elle était partie il n'y avait rien de très étonnant à ça. Et maintenant qu'il n'aurait pas craché sur quelques nouvelles afin de s'assurer qu'elle était toujours en vie, il était entendu qu'il pouvait s'asseoir dessus.
« Tu sais pas Cad, oublie Jen, oublie papa aussi tant que t'y es, parce que si le but c'est de parler des trucs qui fâchent va m'falloir beaucoup plus que ça – il leva la bouteille qui tirait de plus en plus la tronche – pour te supporter sans dégriser à chaque fois que t'ouvres la bouche. J'préfère encore te laisser en tête à tête avec ta bibine et aller voir ailleurs si j'y suis. A la base l'idée c'était décompresser. » Se sortir les idées noires du crâne, ne pas revivre en boucle cette scène encore trop fraîche où Caden logeait une balle dans le cerveau de leur mère.

Un silence contemplatif s'installa durant lequel Abel sembla se passionner par l'étiquette collée sur sa compagne de beuverie. Et comme si la solution semblait avoir été planquée dans la liste des ingrédients, il bondit sur ses pieds comme si un ressort avait lâché juste sous son cul. « J'ai une idée ! » ... avant de se rendre compte que le monde tanguait gentiment et qu'il avait tout intérêt à prendre appui sur le montant de l'étagère juste à côté de lui. « Tu sais c'quon a besoin de faire ? Une bonne course. Comme au bon vieux temps. Pas mieux pour se changer les esprits tu penses quoi ? » En dehors du fait qu'il pleuvait comme vache qui pisse.

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Il gronda silencieusement mais il ne dit rien d’autre se contentant de ruminer comme toujours. Il n’obtiendrait sans doute jamais de son frère qu’il fut de son côté. Il soupira, que pensait-il de toute manière ? Abel aimait son père et le soutenait. Cela lui sembla d’un coup évident. Il se punit en se forçant à ingérer deux verres d’un coup. Le silence devint gênant comme toujours, ils n’étaient jamais sur la même longueur d’ondes. Sauf peut-être lorsqu’ils montaient ensemble quand ils étaient jeunes. La voix de son frère semblait parvenir d’un endroit lointain. Il redressa la tête alors qu’il finissait par saisir le sens de ses mots. Il n’avait sans doute pas tort. Encore un peu embrumé par ses propres pensées, il finit par se souvenir comment fonctionnait sa langue.

« C’est mieux que de passer la soirée à remuer la merde du passé et celle du présent. » Il ne parvenait plus à compter le nombre de verres. Cela ne pouvait signifier qu’une chose, c’était que la boisson commençait à faire son effet. Il attrapa la bouteille avec une dextérité relative. Buvant une rasade, il se redressa pour se diriger vers l’écurie.

« Qu’est-ce que t’attends ? Qu’il neige ? » Sans se retourner vers lui, se doutant que sa provocation suffirait, il se dirigea vers le lieu dans lequel il avait eu leur discussion précédemment. Tout était calme et silencieux. Seul le bruit de respirations des chevaux interrompait parfois le calme. Des bruits de sabot se faisaient parfois entendre également. Ils se dirigèrent vers le fond de l’écurie. Caden se tournant vers son frère adoré à l’approche du box d’Hadès. « Je suis sûr que t’es pas chiche de monter le cheval de notre cher père. » En lui lançant un regard de défi, il se dirigea vers Pythagore, son cheval. C’était une belle bête baie aux crins dorés présentant à la fois des traits espagnols et allemands. L’animal avait un bon caractère avec les cavaliers qu’il connaissait mais pouvait être la pire des teignes avec une nouvelle personne. Le père de Caden pouvait à peine approcher la bête sans que celle-ci se rebiffe au souvenir des coups de cravache que ce dernier lui avait déjà mis pour tenter de la mater sans succès. Ils burent encore une bonne partie de la bouteille alors qu’ils se dirigeaient pour attraper les selles. Ils ne regardèrent pas vraiment le nom des bêtes sur les écriteaux et prirent les premières qui se présentèrent à eux. Il sourit en constatant qu’Abel avait décidé de relever son défi. Il observa la selle comme si c’était la première fois qu’il la voyait. Alors qu’il buvait encore comme si ça pouvait l’aider à se souvenir de comment on plaçait cette chose barbare sur un cheval. Aucune sens ne lui convenait, il avait beau s’acharner, ça ne passait pas. Il râlait de frustration en bougonnant dans son coin lorsqu’il entendit la voix de son frère l’appelant.

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Ravi que Caden accepte aussi facilement son idée, il se leva à sa suite et chancela jusqu'à la sortie de la cave non sans avoir au préalable pris le soin de finir la bouteille, la laissant en plan à côté de sa chaise en se promettant de venir débarrasser plus tard. Les escaliers furent une première épreuve mais ne posa aucun obstacle, pas plus que de refaire le même trajet en sens inverse sous une pluie toujours pas décidée à se calmer. Et pourtant, sortir courir avec les chevaux lui paraissait toujours une idée tout aussi excellente que lorsqu'il l'avait laissé échapper alors qu'ils étaient tous les deux bien à l'abri et au chaud. « Tu paries combien ? » Il rétorqua dans un rictus, toujours prêt à relever ce genre de défi. « J'vais le mater en un rien d'temps il va pas comprendre. » Et visiblement, plus le défi était stupide et plus il fonçait tête baissée dedans... le bonheur de l'alcool qui n'avait à priori pas fini de lui monter à la tête.

Hadès eut droit à un pansage sommaire et présentait déjà des signes de nervosité assez évidents face à ce cavalier dont il n'avait pas l'habitude et qui en plus se comportait de manière étrange. Il roulait des yeux et s'agitait, piétinant sur place et semblant prêt à tirer au renard à la première occasion. Si l'étape du filet fut passée sans problème majeur, celle de la selle causa en revanche une toute autre misère. Impossible de sangler la bête quelle que soit la manière dont il s'y prenne et Abel dut se rendre à l'évidence après moult tentatives infructueuses : il s'était gourré de matériel. « Oh puis merde », il grommela dans sa barbe en rendant les armes et balança la selle dans un coin sans la moindre délicatesse. De toute façon, qui avait besoin de ça pour être capable de tenir sur le dos d'un cheval ? Certainement pas lui, qu'on se le dise !

« CAD ! » Cinq minutes plus tard, il en était toujours rendu au même stade : celui où il essayait de grimper sur le dos du cheval réfractaire à son autorité, sans sembler rencontrer le moindre signe de succès à l'horizon. « Ce crétin fini à la pisse refuse de rester immobile. » Quoi, son orgueil était blessé parce qu'il n'était pas foutu de se hisser là-haut comme un grand ? Pas possible. « Il me tourne autour. Tu m'file un coup de main ? » Eut alors lieu une scène mémorable pour laquelle il fallait probablement s'estimer heureux qu'aucun palefrenier ou autre personnel du staff ne traîne dans les parages : Caden eut la bonté de lui faire la courte échelle mais les deux frères, beaucoup trop alcoolisés pour coordonner leurs mouvements correctement, foirèrent complètement leur coup. Abel réussit à passer sur le dos du cheval certes, il y réussit d'ailleurs tant et si bien que son élan l'entraîna carrément de l'autre côté. Hadès ne se priva bien évidemment pas de faire un écart, heureusement l'aîné de la fratrie tenait toujours les rênes dans son poing et enraya sa tentative de fuite tout en jurant comme poissonnier.
Au second essai, il réussit enfin à se tenir correctement sur le dos se sa bête. Manquait plus que le frangin suive le mouvement, et les deux imbéciles partirent s'aventurer hors des frontières du domaine familial.

Spoiler:

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Il se dirigea vers le box de la bête récalcitrante se marrant comme un baudet. « Bah alors Babybel, on sait plus monter sur un cheval ? » dit-il narquoisement alors qu’il allait maladroitement vers lui pour lui faire la courte échelle pendant qu’Abel maintenait la bête. Il se demandait lui aussi comment il allait pouvoir monter sur son cheval. Au moins, il montait un cheval dont il avait l’habitude. Il savait que Pytha ne bougerait pas trop. Le tabouret devrait suffire. Alors qu’il réfléchissait, il poussa un peu trop fort la jambe de son cher frère envoyant celui-ci valdinguer par-dessus croupe. L’hilarité le gagna. Il ne pouvait pas s’empêcher de rire à gorge déployée devant la scène improbable qui venait de se passer. Cela ne serait sans doute jamais arrivé s’ils avaient été tous les deux dans un état potable. Rire comme cela lui fit un bien fou. Il se demanda pourquoi son propre rire le surprenait. A bien y penser, cela faisait des années qu’il ne riait plus tant que cela. Sa vie avait pris ce tournant morose de la monotonie. L’apocalypse l’avait aidé à se libérer du poids de sa vie quotidienne d’une certaine manière. Il ne l’aurait pas dit mais parfois il rêvait de rentrer chez lui et que tout ait purement et simplement disparu. Que sa femme se soit barrée avec le jardinier et qu’il retrouve la paix à laquelle il aspirait tant. La seconde fois fut la bonne et il put s’en retourner pour monter sur sa propre bête qui l’attendait sagement. La détachant, il trouva un tabouret qui lui sembla incroyablement instable et se retrouva après un long moment de calcul lui aussi à cheval. La balade pouvait commencer. Ils se dirigèrent vers la forêt déserte aux alentours.

Ils auraient pu tomber sur des rôdeurs ou des pilleurs mais s’en foutaient complètement. Au mépris de tous les dangers, et même du temps qui se vouait plutôt gris, ils sortirent dans la pénombre qui s’installait. L’air frais fouetta le visage de Caden qui trouva qu’il n’avait pas bu depuis assez longtemps. Il se servit dans la bouteille qu’il avait pris la précaution d’emmener avant de partir. Il n’en restait qu’un fond qu’il tendit à Abel. Il eut du mal à la lui mettre dans la main mais l’échange fut finalement fait. Le cadavre de la bouteille fut bientôt abandonné. Le petit détail amusant fut qu’elle retomba sur le crâne d’un rôdeur définitivement éliminé dont le crâne se fendit un peu plus sous l’impact. Ils n’y prêtèrent pas attention plus que cela. Ils firent plus de trente minutes de balade avant d’arriver à l’endroit où ils faisaient la course étant jeune. C’était une longue ligne droite qui serpentait parfois un peu entre les arbres. Du côté gauche se trouvait des arbres à ne plus savoir quoi en faire et du côté droit une petite ravine qui longeait le rebord de la forêt. Un peu plus à l’est on trouvait une petite clairière avec un point d’eau. Pas besoin de préciser, qu’ils avaient tournés en rond une fois ou deux et qu’ils étaient bien incapables de se souvenir du chemin qu’il fallait prendre pour rentrer. Aucun d’eux ne devait savoir d’ailleurs leur emplacement exact.

« T’es prêt à te faire rétamer, frérot ? » Il se rendit compte que l’alcool le rendait provocateur et bravache. Il se sentait rajeunir de plusieurs années.

Spoiler:

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Finalement, l'averse s'était calmée pour eux semblait-il. Le soleil, bien planqué derrière les gros nuages noirs, n'éclairait plus grand chose et n'allait pas tarder à sombrer derrière l'horizon. Ils étaient partis complètement à l'arrache, sans prendre de quoi s'éclairer ni de se défendre en cas de problème, des parfaits touristes en somme. Parce qu'il était de notoriété publique qu'en ces temps de catastrophe, rien n'était plus judicieux que de se casser d'une zone sécurisée avec les poches vides.
Les deux cavaliers s'étaient arrêtés en bout de cette piste qu'ils avaient autrefois parcouru à bride abattue alors qu'ils étaient gosses et n'avaient à se soucier que de rentrer à l'heure pour le goûter. « Parle pour toi, j'vais te foutre la misère comme ça t'es pas arrivé depuis longtemps. » Très sûr de lui, comme à son habitude, Abel accompagna sa réplique d'un sourire plein de défi.

Le signal fut donné et les deux chevaux démarrèrent au quart de tour, vivement sollicités par les sac à vins qui réussissaient à tenir sur leur dos par on ne sait quel miracle. Le deuxième miracle fut qu'aucun des deux ne glissa dans une des ornières boueuses que la pluie avait creusé et parsemé tout le long du chemin de terre, parce que c'était un coup à se payer une mauvaise chute, du genre à casser quelques éléments osseux dans le corps.
Hadès ne se fit pas prier pour prendre le mors aux dents et fuser comme une flèche en martelant le sol rageusement. Abel était courbé sur son encolure, se redressant de temps à autre pour jeter un coup d’œil à Caden et voir où il en était, passant le reste du temps à gueuler pour encourager le pauvre animal qui n'avait guère besoin de ça pour se donner à fond.
L'étalon de son père n'était peut-être pas bon à grand chose mais au moins savait-il avancer correctement et gratifia son cavalier d'une première place dont il n'allait pas se gêner pour s'en vanter. « Tu vois, je t'avais bien dit que j'étais capable d'en faire c'que j'en voulais ! » Retenu par la main de fer de son cavalier qui l'avait forcé à s'arrêter alors qu'il aurait très bien pu continuer comme ça encore un bon bout, Hadès piaffait et s'agitait en tous les sens, tournant autour du cheval de son frère qui, lui, semblait beaucoup plus tranquille. « Alors ? T'as perdu. Encore. » Abel était mauvais perdant et encore plus mauvais gagnant, néanmoins cette petite victoire réjouissait fort son humeur embrumée par l'alcool. « Va falloir t'y faire. Même avec un canasson rétif je reste meilleur. On se fait la revanche sur le retour ? » Quoi qu'il voyait ça plutôt comme une manière s'assurer sa suprématie une bonne fois pour toute en collant sur la tronche de son bro ses talents de cavalier hors pair.

C'était bien sûr sans compter sur le bel éclair qui déchira les nuages de manière spectaculaire, accompagné dans son effort par un bon coup de tonnerre bien retentissant. L'aîné avait relâché sa prise sur le mors de sa monture, trop occupé à gonfler son ego face à son frère, et fut donc totalement impuissant face à ce qui, de manière totalement prévisible, suivit : Hadès, en bon trouillard imbécile qui se respecte, fut absolument terrifié par ce boucan infernal. Il n'eut pas besoin d'être encouragé pour s'emballer et décoller à bride abattue, évidemment dans le sens opposé à la direction d'où ils venaient.
A défaut de se viander dans une flaque de boue comme une vieille tanche, Abel avait laissé filé les rênes sous l'effet de la surprise et ne devait qu'à la longue crinière d'avoir une prise pour pallier à son déséquilibre. Il ne contrôlait rien du tout et avait juste à espérer que Caden lui filait le train. Et pourtant il se débrouillait encore pour trouver ça drôle, mais c'était probablement dû au fait qu'il était bourré comme un coing.
Evidemment, il ne fut pas en état de distinguer le virage sec qui s'amorçait et qui longeait la ravine. Hadès ne tourna pas à temps et dérapa, tenta d'amorcer un freinage d'urgence tandis que ses antérieurs plongeaient dans le fossé. Abel fit un piqué par dessus l'encolure et dévala la pente sans trouver une seule prise à laquelle se raccrocher. Et il dût probablement heurter quelque chose, parce que d'un coup tout devint noir.

c'est moi que j'ai gagnéé:

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La course commença. Caden savait bien que son cheval n’était pas le plus rapide mais on pouvait toujours espérer que cet âne d’Hadès fasse une connerie à un moment. L’espoir ça fait un peu vivre. Le cheval noir aimait aller vite et ça se sentait dans sa manière de se courber comme s’il voulait raser le sol le plus possible. « Ouais, ouais « se contenta-t-il de rétorquer dans un premier temps afin de taquiner l’ego de son frère. N’ayant jamais été un bon perdant, il rajouta au bout d’un moment. « Enfin, avec le cheval le plus rapide du ranch, c’est pas si dur hein. » Il avait toujours considéré Abel comme meilleur en tout. Peut-être était-il réellement le meilleur cavalier des deux. Ce ne serait pas bien surprenant, c’était déjà le meilleur fils. Alors que son frère fanfaronnait, Caden s’agaçait intérieurement. Il aurait pu avoir la défaite beaucoup moins rageuse si l’autre n’avait pas eu la victoire aussi mauvaise. Il en était à espérer que le cheval fasse un écart inattendu et désarçonne le cavalier lorsqu’il regretta amèrement son souhait que le divin avait décidé d’accomplir. Caden voulut venir au secours de son frère mais ses réactions étaient ralenties par l’alcool. Il eut l’impression que de très longue secondes s’écoulèrent alors qu’il voyait le cheval d’Abel tourner dans un angle. La bête filait comme le vent et la nuit noire le rendit bien vite invisible. Il n’entendait que le bruit des sabots qui finit par devenir lointain. C’est ainsi que dans la nuit, bourré comme un coin, perdu au milieu de la forêt sans savoir où il était, il se mit en devoir de chercher son frère.

Il se morigéna d’avoir tant abusé de la boisson car il peinait à réfléchir. Tout était flou alors qu’il criait le nom de son frère comme une formule magique. « Abbbel !Bebel ! » grognait-il de sa voix pâteuse. « Troufion reviens ! » Il grommela et alors qu’il bifurquait vers la droite ; Abel avait-il pris la gauche ? Impossible de s’en souvenir ; il se sentit incroyablement las. Il était fatigué et son frère ne répondait pas à ses appels. Le désespoir s’emparait de lui ainsi que sa phase descendante après l’amusement de l’alcool. Il avait terriblement sommeil. Il voulait juste dormir. Il sursauta quand ce cheval passa un petit ravin sans le prévenir. Il soupira, à présent encore plus au cœur de la forêt. Il aperçut un tronc d’arbre recouvert de mousse sur un côté. Sans y penser plus que cela, il descendit de cheval. Il trouverait plus facilement Abel à la lueur du jour quand il se serait enfin reposé car il avait le corps qui s’engourdissait. Sans plus penser à tout ça, il caressa la mousse et s’endormit d’un sommeil lourd d’ivrogne.

Quand il se réveilla un peu plus tard, le soleil était déjà très haut dans le ciel. Il se redressa et c’était encore pire que de se réveiller avec une inconnue moche dans son lit. Il avait carrément dormi sur l’inconnue alors que la menace des rôdeurs était une réalité. Il avait une barre sur le front. Son cheval broutait non loin de lui quand soudain, il se souvint. Abel avait disparu ! Il était peut-être mort à l’heure qu’il est. Toutefois, rien que d’imaginer crier son nom, sa tête lui tombait des épaules. Il prit le parti de remonter à cheval et de l’appeler avec une voix normale, en espérant que ce dernier ne s’était pas paumé trop loin. Hadès manquait à l’appel mais cette lopette avait du retourner fissa au ranch. Il commença alors sa marche de la honte à cheval et en appelant son frère de la voix la plus forte qu’il pouvait tolérer. « Abe ? T’es là ? »

ps : je propose que tu fasses les retrouvailles et le retour triomphal des frères au ranch XD

le petit Caden dans la forêt:

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Sa reprise de conscience s'effectua lentement et d'une manière particulièrement peu agréable. Il se sentait pâteux, comme embourbé dans du coton collant, et un mal de crâne lancinant à l'arrière de la nuque laissait présager qu'il n'y aurait pas que la migraine post-alcool pour taper au marteau et au burin dans sa tête aujourd'hui. Parlant de jour, d'ailleurs... combien de temps avait-il passé ici ? Impossible à dire, mais il faisait nuit noire alors que lorsqu'Hadès s'était emballé la nuit n'avait pas encore commencé à tomber. Abel était trempé jusqu'aux os, s'étant mangé de plein fouet l'orage sans abri au dessus de la tête sinon les quelques buissons épars dans lesquels ses vêtements l'avait accroché tandis qu'il glissait le long du terrain boueux. Il tenta de se redresser, constata avec une satisfaction fort bienvenue qu'il pouvait à priori se mouvoir normalement et qu'il n'avait donc rien de cassé ou de fêlé. Les seules douleurs qui alourdissaient son corps étaient sûrement dues aux courbatures et à la collection de bleus qu'il s'attendait à trouver lorsqu'il aurait le temps d'y jeter un œil.
En attendant, l'on n'y voyait guère plus que dans le cul d'une vache ici et, sans avoir la moindre idée de la direction dans laquelle il se dirigeait, Abel tenta avec des efforts plus ou moins fructueux de remonter le ravin qui l'avait pourtant accueilli à bras ouverts tout à l'heure. Sur une énième glissade, sa patience cassa tout net. « Merde. » jura-t-il à mi-voix. « Merde, merde, MERDE ! » Il se sentait beaucoup moins gris tout d'un coup, prisonnier des caprices de la nature, frissonnant de froid et sans cheval. D'ailleurs, il était passé où celui-là au juste ? « Putain de canasson consanguin débile. » L'humeur exécrable dans laquelle il se trouvait le portait sur une difficulté croissante à s'exprimer autrement que par quelques propos orduriers. Evidemment qu'Hadès s'était tiré sans demander son compte, ce crétin de cheval n'allait pas attendre bien sagement que son cavalier revienne à lui. Son père allait le tuer si sa carne avait la bonne intelligence de se faire bouffer par des rôdeurs, ou capturer par des personnes qui ne faisaient pas partie du ranch. « Caden ? » Il appela son frère quelques instants avant de se rendre à l'évidence : il était parfaitement seul. Et même si l'alcool était encore loin d'avoir déserté son organisme, la situation avait tout perdu de son côté drôle et il se maudissait intérieurement d'avoir eu une idée aussi stupide. Coincé dans son coin, il n'avait plus qu'à attendre que l'aube éclaire un peu mieux les sentes praticables qui lui permettraient de remonter sur le chemin principal. Las et frigorifié, il se terra dans un coin en attendant de retrouver un peu de motivation mais, son état ayant raison de lui, le sommeil de l'ivrogne finit par le trouver bon gré mal gré.

Le retour du jour le surprit avec un sale mal de cheveux prévisible au vu de la race qu'il s'était mis la veille avec son frère. Quelques secondes atrocement longues furent nécessaires pour qu'Abel percute l'endroit où il se trouvait, les souvenirs remontant difficilement à la surface. Putain mais quel con. L'inconscience de leur sortie lui sauta au visage. La chance de n'avoir croisé personne, et surtout pas de rôdeurs. Où était Caden, à ce sujet ? Il regarda autour de lui, étudiant son environnement dans la grisaille du petit matin. Pas étonnant qu'il n'ait pas réussi à sortir de la en pleine nuit vu l'état désastreux de la pente après l'averse qui était tombée le jour précédent. Il ne lui restait pas cinquante choix : marcher jusqu'à un terrain plus attaquable.
Une chose était sûre, il n'était pas prêt de rentrer au ranch...

L'aîné des Rhodes avait presque oublié que son frère manquait toujours à l'appel lorsque le son de sa voix le fit sursauter. Il avait finalement réussi à s'extirper du ravin tant bien que mal et marchait déjà depuis un bon bout de tant en lisière de la forêt, évitant de se montrer de manière trop ostensible alors qu'il n'avait pas la moindre arme pour se défendre. « Putain t'étais où ? Qu'est-ce que t'as foutu tout ce temps ? » On avait vu des retrouvailles plus gaies. Néanmoins, Abel était soulagé de voir que son frère était visiblement en bon état, du moins si l'on omettait la tronche de déterré qu'il arborait après avoir passé une nuit à coucher dehors. Lui-même n'avait, à vrai dire, pas conscience d'être couvert de boue de la tête aux pieds. « T'as pas vu mon cheval ? » La question était purement rhétorique : s'il savait où Hadès était, Caden ne l'aurait certainement pas laissé moisir dans son coin. Il jura une nouvelle fois puis se rendit à l'évidence qu'il valait mieux préparer un plan d'attaque afin d'expliquer à son père pourquoi et comment il avait perdu sa monture. D'avance, il se réjouissait de cette confrontation.

Le chemin du retour se passa dans un silence plutôt morne, chacun décuvant dans son coin tout en cultivant sa gueule de bois. Le whisky cognait dur, quand on en avait perdu l'habitude. Et force était d'admettre qu'ils n'avaient pas grand chose à se raconter après tout ce qui s'était échangé la soirée précédente. La piste qu'ils avaient parcouru à vive allure lui semblait à présent interminable et le ranch de Crimson Valley, un but inaccessible quelque part loin devant eux.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et ce charmant petit tête-à-tête aussi. La fin du calvaire finit par se profiler à l'horizon. Ils arrivaient, enfin. « Un pas de plus et vous êtes morts. » ... ou pas ?

c'est dur les lendemains:

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« Putain mais t’étais là en fait ! » Il se sentit bien con d’avoir abandonné les recherches alors que manifestement son frère n’était pas très loin. Il avait l’impression qu’on tambourinait à son crâne. C’était comme si des milliers de singes avec chacun des cymbales s’amusaient à faire le bruit de possible. Il soupira de soulagement se disant que sa famille l’aurait tenu responsable si jamais Abel n’était pas revenu sain et sauf. Il fut rassuré même si les mecs ne se disaient pas ce genre de trucs entre eux voyons. « Et toi alors troufion ? Je t’ai cherché presque toute la nuit ! » heu.. dix minutes avant de s’endormir peut-être mais bon il ne fallait pas toujours la vérité ou la première chose qui nous venait en tête. « Ha…ha… je te parie que ce saligot est juste retourné au ranch en te laissant en plan. Ça te fait quoi de te faire poser un lapin par un cheval Abel ? » il ricana un peu en observant son frère. Quelque chose s’était débloqué dans leur relation, il arrivait à lui parler plus familièrement sans prendre ce ton sérieux et cérémonieux qu’il gardait tout le temps. A la place de cela, il s’était même permis de badiner un peu. Après une soirée comme celle-ci peut-être était-ce complètement logique. Ils finirent pas retourner au ranch prenant des tours sur le cheval parce que Caden n’était un enfant de salop qu’au sens figuré et pas au sens propre.

Le moins que l’on puisse dire c’était que le chemin avait pris une éternité. C’est fou comme la nuit et alcoolisé tout semble bien plus facile. Enfin, ils finirent par apercevoir les terres promises. « Je pensais pas être aussi content de revoir ce ranch un jour. » Quelques pas plus tard pourtant, ils furent tenus en joue. Et dire qu’il pensait que les gens du ranch seraient content de les voir rentrer sain et sauf.

« Oui, oui c’est ça. Tu vas nous tirer dessus peut être Wendel ? » demanda-t-il sarcastiquement alors qu’il se rapprochait les mains en l’air pour observer l’un des plus vieux employés du ranch accompagnés de plusieurs autres employés. « J’espère qu’au moins vous nous reconnaissez. » Il ne se rendait manifestement pas compte de son aspect extérieur. Couvert de boue et de crasse, les vêtements déchirés, il était à peine reconnaissable. Tout le monde connaissait le Caden qui faisait attention à son apparence et qui veillait à ne pas ressembler à un tas de boue qui aurait pris vie. « Vous nous prenez pour des cons,c’est ça ?! Vous ressemblez à personne que j’connais. C'est suspect que vous connaissiez mon nom ! » rajouta Wendel qui manifestement avait décidé de ne pas utiliser ses yeux ce matin. Il soupira alors que le canon de l’arme se trouvait à présent pointé contre son nez directement. « Heu, Abel, un petit coup de main ne serait pas de refus ici. » Visiblement, le ranch devait s’être mis en alerte quand Abel et Caden étaient restés introuvables. Il aperçut au loin Hadès qui broutait dans un pré. Si on lui avait demandé, il aurait juré que la sale bête le narguait du regard en ricanant bien du ridicule de la situation. Leur père n’était pas encore présent mais peut-être que le remue-ménage le ferait sortir de la sacro-sainte demeure des Rhodes.

ps : si tu veux que je rallonge fais moi signe ♥

ils furent tenus en joue:

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On aurait probablement pu voir Abel blêmir de colère si la crasse accumulée par une nuit passée à se rouler dans les fourrés et à prendre des bains de boue n'avait pas recouvert son épiderme d'un hâle naturel – naturel étant ici à prendre dans un sens du terme on ne peut plus littéral. Ses poings se serrèrent, résistant tant bien que mal à l'envie séduisante de s'écraser contre la face de l'employé qui les menaçait de son arme : il n'était pas stupide au point de croire qu'un mouvement brusque de sa part n'irait pas aussitôt déclencher les hostilités. « Ecoute Wendel, personne te prend pour un con mais si tu baisses pas ça tout de suite j'te garantis que tu vas le regretter avant la fin de la journée. » Que ce soit le timbre de sa voix ou l'autorité qui en émanait, l'hésitation se lut sur le visage de leur opposant. Il n'en fallait pas plus pour qu'Abel attrape le canon de l'arme d'un geste vif et le pointe aussi sec vers le sol. Sous la surprise, l'homme appuya sur la gâchette et on put voir quelques brins d'herbe voler à un cheveux d'une des bottes de Caden. Restant néanmoins fermement accroché à son arme, il fut entraîné vers l'avant lorsqu'Abel, qui n'avait pas desserré sa prise sur le fusil, le tira à lui jusqqu'à ce que les deux hommes se retrouvent nez-à-nez. « Alors Ducon, t'as laissé tes facultés cognitives sous l'oreiller en te levant ce matin ou bien ? » Ses yeux paraissaient d'autant plus bleus et clairs que le reste de son visage était sale et ce fut sans doute l'élément qui laissa la lumière divine de la compréhension tomber sur Wendel, lequel devint soudainement écarlate et bafouilla quelques paroles incompréhensibles.

Autour d'eux, les deux autres gus qui avaient d'office dégainés leurs armes quand Abel s'était approché du troisième larron arborèrent un air un peu perdu tandis que leur copain laissait tomber son fusil au sol, brûlant de honte face à la réalisation soudaine.
Est-ce que la veille tout le monde s'était beurré la tronche comme des tartines au point de ne plus avoir les yeux en face des trous ? Ils allaient quand même pas être rendu au point de déclamer leur identité pour avoir un passe-droit, si ?

« On vous avait pas reconnu, 'scusez », marmonna Wendel en détournant le regard et faisant signe aux deux autres que c'était bon. « Pardon ? » La colère gonfla la voix d'Abel de manière exagérée ; il était tout, sauf d'humeur à rire. « C'est que... euh...vous ressemblez pas à grand chose erm vous êtes un peu sale quoi... » Il se perdit dans ses mots, heureusement un de ses collègues eut la bonté de venir à sa rescousse et semblait trouver la situation hilare maintenant qu'il avait percuté. « Vous ressemblez à des pouilleux qu'auraient passé quelques jours dans un marais. » Il devait pas être ici depuis longtemps, celui-là. « James, c'est ça ? » Le ton trop doucereux de la voix aurait dû mettre la puce à l'oreille du concerné, qui se contenta d’acquiescer d'un hochement de la tête tandis que l'aîné des Rhodes s'approchait de lui.
Un bon crochet du droit plus tard, la leçon s'imprima dans le glaviot sanguinolent décoré de deux dents que le prénommé James cracha par terre. « J'vais en buter un putain. » Difficile de savoir si c'était l'agacement qui parlait ou si Abel était franchement sérieux.

Abel right now :

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Caden haussa les yeux car il savait déjà ce qui allait suivre. C’était prévisible. Il réalisa que c’était le nouveau palefrenier qui avait prononcé les dits mots. Le gars n’était pas une lumière pour sûr et il avait la langue un peu trop bien pendue. Il ne fit pas un mouvement pour arrêter le coup de poing bien mérité dans le visage de l’inconnu. Peut-être qu’il apprendrait à tourner sept fois sept sa langue dans sa bouche avant de parler ainsi au boss. Cependant, il n’allait pas pouvoir non plus le laisser défigurer un des nouveaux employés. Voilà qu’arrivait la bonne personne pour qu’Abel finisse par décolérer tiens. La silhouette fatiguée de son père faisait son apparition sur le perron. L’homme avait le poids des années qui le marquait. Ça lui donnait un air plus vulnérable qui le rendait encore plus terrifiant quand il explosait. Ce qui vu la plissure intense de son nez risquait de ne pas tarder. Il se retrouva bientôt à hauteur des autres. Sa voix ferme et autoritaire imposait naturellement le silence.

« Abel » car c’était évident que celui qui venait de cogner le palefrenier ne pouvait être que le sanguin. Son ton commença à devenir de plus en plus menaçant. « Ton frère et toi avez disparu, en n’oubliant pas de siffler une bouteille de MON alcool, en emmenant MON cheval et maintenant en plus vous revenez la fleur au fusil tout en profitant pour frapper MON palefrenier ! » Le ton avait monté crescendo. « Si j’avais encore ma force d’antan, c’est à toi que j’aurais fait perdre des dents mon garçon » Il exultait de rage ne faisant pour l’instant pas attention à Caden qui représentait pour lui une quantité négligeable. Caden n’avait pas assez de caractère pour être l’instigateur de tout cela à son avis. Ce n’était qu’un reliquat de ce qu’il y avait de meilleur chez les Rhodes. Il n’avait pas grand-chose pour lui que le père admirait sincèrement. Il avait toujours eu du mal avec ce fils qui ne lui ressemblait pas et qui ne serait jamais celui qu’il avait toujours attendu. Le fils sur lequel il plaçait tous ses espoirs ne pouvait pas le décevoir. Il n’en avait pas le droit. Caden vit la main se lever et pour la première fois de sa vie, il eut la réaction de vouloir défendre son grand-frère. Il se plaça entre la main et son frère regardant fermement son père et répondant froidement.

« Au cas où tu ne m’aurais pas vu, je suis là père. Tu ne frapperas plus jamais personne de cette famille tant que je serais vivant. Tu devrais être rassuré que tes deux fils soient en bonne santé. Oui parce qu’au cas où tu ne saches pas, tu en as deux des fils. Ton cheval va bien, ta cave s’en remettra, tes fils vont bien et ton ego tout le monde s’en contre fout. Maintenant, tu retournes te coucher parce que tu sais toi-même que tu dois te reposer. C’est pas que ça m’intéresse si tu cannes ou non mais ça ferait tâche si je ne me comportais pas en bon fils pour mon si bon père. » Caden n’avait pas réfléchi à ce qu’il faisait. C’était sans doute une des premières fois qu’il faisait front contre son père pour protéger un membre de sa famille. Il ne pensait pas qu’Abel avait besoin d’aide, loin de là, mais il avait ressenti cet élan de fraternité comme si en ce matin même il avait découvert qu’il était le frère de quelqu’un.

haaaan tu sais pas quoi répondre hein ?:

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Et comme si ça ne suffisait pas, il fallait bien qu’une dernière personne se ramène dans l’esclandre, sans doute attiré par les bruits et le coup de fusil qu’Abel avait involontairement provoqué en forçant Wendel à baisser son arme. Le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau – mais une cerise un peu fripée sur un gâteau aux senteurs de crottin –… le patriarche Rhodes.
En voyant sa silhouette reconnaissable entre toutes s’incarner sur le perron de la demeure familiale, l’aîné sut qu’il allait prendre cher. Il avait envie d’être à des lieues d’ici, de ne pas avoir besoin d’affronter la colère de son père en plus de devoir gérer la sienne. Pas parce qu’il craignait sa déception non, à trente ans révolus heureusement il s’en souciait comme d’une guigne, mais surtout parce qu’il était fatigué et n’avait que l’envie de guerroyer contre tout ce et tous ceux qui se dresseraient sur son chemin, raison valable ou non. Sa maigre réserve de patience s’était vidée la veille au soir lorsqu’il tentait désespérément de sortir du piège dans lequel son cheval l’avait balancé et elle n’avait toujours pas eu le temps de se reconstituer depuis puisqu’il n’avait guère eu le loisir de prendre un peu de vrai repos.
En témoignaient James et sa mâchoire qu’il était en train de masser.

Alors lorsque les remontrances se déversèrent de la bouche du paternel pour lui sauter à la figure, son premier réflexe fut de serrer les dents et de crisper les poings, s’enjoignant lui-même au silence avec tout ce dont il était encore capable. Il adorait son père, là n’était pas le problème, et il savait que l’engueulade était mérité, qu’il l’avait bien cherché – ils d’ailleurs, mais à priori dans l’immédiat il était seul fautif – et qu’il n’avait pas à répondre, pas à chercher la querelle à celui qui, au dernières nouvelles, restait tout de même la personne à la tête du ranch même si Abel se chargeait désormais de la plupart des tâches de gestion.
Sauf qu’il était dans un tel état d’énervement que même avec toute la meilleure volonté du monde, il aurait eu bien de la peine à se refréner et ne pas répliquer face à cette attitude clairement hostile. C’était sans compter sur Caden qui, sans crier gare, s’interposa et interrompit le geste de leur père.
Etonné par une telle réaction, pour ne pas dire plus vulgairement qu’il s’en retrouva sur le cul, Abel fut tellement pris de court que cela désamorça tout net toute velléité de riposte.

Le pater considéra le plus jeune des frères comme s’il venait juste de remarquer sa présence, voire le voyait pour la toute première fois. Visiblement, lui aussi en avait eu le sifflet coupé. Sa main retomba lentement le long de son corps tandis que ses yeux passaient de l’un à l’autre dans un espèce de silence gêné où les trois employés extérieurs à la famille ne savaient plus où se mettre, plus ou moins forcés d’assister à une scène familiale qui ne les concernait pas. « Mes fils auraient pu mourir du fait de leur stupidité », reprit-il d’une voix glaciale en appuyant sur le pluriel que Caden avait rappelé à son bon vouloir, « Et je devrais n’avoir rien à y redire ? » Si les mots du cadet avaient touché juste, du moins certains, il avait réussi l’exploit de s’attirer les foudres de son père au leu de son indifférence. « Est-ce que tu as la moindre idée de ce qui s’est passé ici pendant votre absence ? Est-ce qu'il faut que je te rafraîchisse la mémoire sur les derniers événements en date ? Votre mère est morte, Jenna pour ce qu’on en sait l’est peut-être tout autant, as-tu seulement idée de ce qu’on a pensé lorsqu’on a vu Hadès revenir l’œil fou et les flancs en sueur ? » La colère faisait vibrer sa voix mais il ne s’arrêta pas et monta même d’un cran tandis que son index rythmait ses mots en frappant sur la poitrine de Caden. « Et tout ça pour quoi ? Deux imbéciles qui ont trouvé intelligent de boire et de sortir passer la nuit dehors alors que des rôdeurs traînent dans le parage ? » Au temps pour l’idée initiale qu’Abel avait eu et qui consistait à prétendre qu’ils avaient eu une bonne raison de s’aventurer dehors sans prévenir personne. De toute évidence, en ne les voyant pas revenir on avait sonné le branle-bas de combat. Le ranch avait dû être retourné de fond en comble et entre les traces laissé dans la cave et celles à l’écurie, les conclusions s’étaient tirées d’elles-mêmes. Pour plaider l’innocence, ils pourraient toujours repasser. « Que vous allez bien, oui, c’est bien la moindre des choses après ça.[/color] » Le vieil homme sembla se calmer, épuisé par son accès de rage soudain. Il chancelait un peu et l’on voyait bien qu’il aurait bien eu besoin de prendre appui sur quelque chose, ou quelqu’un, mais que sa fierté mal placée – l’apanage de la famille – l’en empêchait.
Abel, qui avait vu son propre énervement douché par ce monologue principalement balancé à son frangin, vint à la rescousse du patriarche en faisant fi de cette main pourtant si bien partie pour le frapper tout à l’heure. « C’est bon t’es calmé ? » grommela-t-il tandis qu’il l’épaulait. « T’as vu dans quel état ça te fout ? Cad a raison quand il dit que tu dois te reposer et tu le sais très bien. » Jouer le rôle du modérateur ne lui seyait pas vraiment. Il se garda cependant bien soigneusement de ramener sur le tapis de la conversation le moment où il avait dit s’en foutre de le voir clamser. « On est désolé ça te va ? » Les mots d’excuse semblèrent lui arracher la gorge en passant mais même lui, pourtant si prompt à chercher la bagarre et l’accrochage verbal, n’avait pas envie de s’embarquer là-dedans avec son père et son frère.
Malheureusement, que l’excuse vienne de lui fut un mauvais calcul : il était spontanément venu aider son père quand celui-ci avait eu un moment de faiblesse, avait eu la décence de faire acte de contrition pour deux… bref le cadet des deux fils, en s’étant ouvertement opposé à son père et laissant à son aîné le soin de recoller les morceaux, redevenait une fois de plus le vilain petit canard. « De toute façon j’imagine bien que c’est Caden qui t’a entraîné dans tout ça. » Difficile d’éviter le facepalm devant autant de mauvaise foi.

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Invité

Caden n’avait pas bougé et il n’avait pas desserré les dents non plus. Ça ne servait à rien de se défendre contre cet homme qui ne comprendrait jamais rien à rien. Il l’observait silencieusement déverser son venin avec la force de l’habitude. Il ne voulait pas se livrer, il ne voulait pas parler de sa mère car ça aurait été la salir que d’essayer de faire entendre raison à cet individu. Il soupira, et en le voyant chanceler ne réagit pas. Pourquoi ? Pas parce que, comme il le clamait il n’en avait rien à foutre, mais parce qu’il savait que c’était le rôle du fils prodigue de s’occuper de son père. Ce vieux fou aurait été fichu de refuser son aide avec sa fierté mal placée. Sa faiblesse fut d’ailleurs bien passagère parce que déjà il reportait l’accusation sur Caden. Le vétérinaire n’était pas si con que cela, et sa volonté avait été de faire en sorte de prendre le coup pour son frère. Jeune, il en avait voulu plus d’une fois à Abel quand il se faisait gronder ou rosser pour lui, mais aujourd’hui la donne était différente. Décider d’assumer le blâme, ça n’avait rien de difficile. Il portait le blâme d’être né depuis toujours. Son amertume se trouva titillé malgré tout. Il avait envie de lui hurler sa rage et de lui dire qu’il avait tout fait pour être aimé pour être le meilleur et que ça n’avait jamais été suffisant. Il voulait lui demander pourquoi est-ce que c’était si difficile de l’aimer ? Est-ce qu’il était si monstrueux ? Qu’est-ce qu’il avait bien pu rater pour que son propre père ne daigne lui accorder de l’importance que lorsqu’il y avait un poulain à la clé ? Il voulait lui dire qu’il avait toujours voulu qu’on soit fier de lui. Il aurait aimé entendre ces mots et ressentir leur force car on n’avait qu’un seul père et que ça soit un connard ou non, ça ne changeait foutrement rien. On voulait la reconnaissance, et plus que cela, on désirait l’amour. Caden savait qu’il ne serait jamais ni aimé ni apprécié comme il l’aurait voulu et sa rage bouillonnait intérieurement. Il ne supportait pas d’être ainsi rejeté tous les jours. Encore et encore. Nuit après nuit il ressassait tout ça dans la solitude de sa chambre. Ça ne changeait rien, et ça ne faisait qu’embraser le feu de sa rancœur. Toutes ses pensées passèrent en un éclair dans son esprit.

Il n’avait pas besoin de répondre pour approuver ou désapprouver la remarque de son père. Il se contenta de se détourner pour aller voir à quoi il ressemblait. Ce ne devait pas être très joli à voir vu que les membres du ranch ne les avaient même pas reconnu. Il ne demandait pas de remerciements de la part d'Abel, car il ‘était bien assez clairvoyant pour savoir qu’il n’en aurait pas. Ils n’étaient pas assez proches ni assez complices pour parvenir à savoir ce que l’un attendait de l’autre. Au fond, Caden se complaisait à penser qu’Abel comme son paternel n’attendait pas grand-chose si ce n’est qu’on lui foute la paix. Il appréciait sans doute d’être le digne héritier des Rhodes. Caden ne lui en voulait pas parce que ça n’était pas un titre qu’il briguait. Ce qu’il aurait voulu était bien plus inaccessible. Il en prenait à chaque instant un peu plus conscience. N’ayant jamais véritablement connu l’amour d’une femme et découvrant à peine son lien fraternel, il se sentait cruellement seul. Il n’avait aucune idée de ce qu’on ressentait quand on donnait et qu’on nous offrait en retour. Il n’avait jamais réalisé que c’était sa mère qui tenait ce rôle avant qu’elle ne meure. Il s’en voulait de lui avoir infligé ce que lui-même avait subi. Il arriva bientôt à l’écurie en se disant qu’avec l’âge qui passait et l’apocalypse qui n’aiderait sans doute pas, il risquait de finir par passer sa vie seul avec les chevaux. Il n’avait pas de mal à trouver une demoiselle pour lui tenir compagnie le temps d’une nuit mais il n’avait jamais ressenti une véritable connexion avec personne. Sa première femme était juste le meilleur rapport qualité/prix qu’il avait trouvé. C’est dans ses pensées moroses qu’il parvint jusqu’à l’écurie laissant sa jument se reposer. Alors qu’il l’étrillait, il se dit que le tableau n’était pas si noir car il avait la sensation pour la première fois de sa vie d’avoir un frère.

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