Invité
| Sujet: Run Boy Run | Yloé&Kyle Lun 11 Fév - 3:45 | |
| Run Boy Run
« Yloé et Kyle »
Tu n'avais jamais vraiment eu peur des rôdeurs jusqu'à présent, quand tu en croisais tu ressentais plutôt un mélange de pitié et dégoût avant de les abattre sans vraiment y penser, c'était devenu une routine, un peu comme écraser un insecte à l'époque où le monde tournait encore rond, alors, lorsque tu étais tombé sur un groupe au détour d'un chemin, tu n'avais pas paniqué, tu ne t'étais pas inquiété plus que ça, plongeant simplement la main dans une de tes poches calmement à la recherche de tes fidèles couteaux de lancer.
Tu le savais pourtant, tu le savais depuis le début de la fin, que tu aurais dû choisir une autre arme de prédilection, tu avais certes un talent indéniable pour viser, tu trouvais certes très amusant de lancer tes couteaux avec la bonne force, la précision suffisante pour les voir tous s'écrouler un à un comme un château de carte putride mais tu avais aussi conscience des risques, tu savais que tu n'en avais qu'un nombre limité, tu savais que refuser de porter sur toi une alternative était comme jouer à la roulette russe, jouer avec ta propre vie, flirter avec ta propre mort, parier contre un destin qui essayait pourtant de t'attraper depuis le jour où tu étais né, mais tu avais fini par te dire, les années passant, que puisqu'il n'était jamais rien arrivé de tragique ou funeste jusque là, rien n'arriverait jamais. Et tu te retrouvais là, aujourd'hui, face à ce groupe, cette meute, cette horde ou ce troupeau, peu importe le choix du mot, tu comptais mentalement et tu réalisais qu'ils étaient trop nombreux, trop nombreux pour que tu les aies tous, trop nombreux pour fuir aussi, ce ne fut pourtant pas à cet instant que tu paniquas, tu te disais encore bêtement, dans toute la stupidité de ta jeunesse que tu aurais le temps de ramasser le couteau sur l'un pour l'envoyer sur l'autre, tu étais si naïf parfois, si idiot quand tu oubliais que la vie n'était pas un jeu vidéo.
Ce fut face à ton propre échec que tu commenças enfin à t'inquiéter, quand tu réalisas que tu avais tout lancé et qu'il était définitivement impossible d'agir selon ton plan premier, quand tu réalisas que tu étais seul, démuni, désarmé, face à des monstres qui avançaient vers toi, face à ta propre mort qui se rapprochait. Tu aurais pu courir, vainement certes, mais ton corps refusait de répondre, tu avais lu sur ce genre de phénomène, avant, quand tu avais encore des livres pour te donner des réponses, tu savais que parfois en cas de danger, la proie pouvait se paralyser pour faire croire au prédateur qu'elle était morte et dans ce cas précis tu maudissais ton cerveau, tes réflexes primitifs et tout ce que l'espèce humaine pouvait avoir d'encore animal en elle parce que le prédateur en question se fichait bien de savoir si tu étais vraiment mort ou non, le prédateur en question voulait simplement pouvoir planter ses dents et ses ongles dans ta chair, le prédateur en question approchait, si près que tu sentais presque le contact glacé de sa peau, si près que tu entendais distinctement les grognements qui s'échappaient de sa bouche, leurs grognements, les râles gutturaux si caractéristiques qui étaient partout, qui avaient remplacé le silence, dont tu te fichais jusqu'à présent mais qui te donnaient à présent l'impression d'annoncer ta mort prochaine. Tu avais envie de hurler mais même si tu avais pu le faire à quoi bon ? Personne ne viendrait ici, toute trace de civilisation était bien trop éloignée pour entendre tes appels désespérés. Tu avais envie de pleurer mais pourquoi ? Tu allais juste mourir comme des milliers d'autres avant toi, il n'y avait rien de triste à ça, tu pouvais même t'estimer plutôt chanceux d'avoir tenu jusque là. Pourtant tu ne pouvais pas t'empêcher de repenser au visage de ton beau-père lorsque tu avais pointé l'arme sur lui au tout début de la fin, à ses mots, ses interrogations, ses peurs qu'il t'avait confiées avant que tu presses la détente. Et s'il n'y avait rien après, et s'il y avait quelque chose de pire après ? Tu te disais avec horreur que tu devais avoir le même regard que lui à cet instant précis, le regard d'un homme qui réalise qu'il est condamné.
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