Be sure you put your feet in the right place ∝ Janissa (terminé)

Be sure you put your feet in the right place

Parfois, lorsqu’elle sort comme ça, Janissa a l’impression de redevenir une adolescente. Cette époque où elle fréquentait un garçon qui n’était pas assez bien pour eux et qu’elle choisissait de faire le mur pour aller le voir, quand même. Il y en a eu, avant Braam. Mais c’est surtout pour lui que cela arrivait. Faut dire que ses parents ne l’aimaient pas, et que sa sœur criait sur tous les toits qu’il finirait par la faire souffrir. Oh, la rousse aurait aimé que sa sœur soit là pour lui crier ô combien elle avait raison. Elle s’aventurait comme ça, glissait par la fenêtre et se faufilait à l’extérieur. Parfois, elle manquait de se faire mal, faut dire qu’elle n’était pas toujours agile. Mais à l’époque, Braam ressemblait un peu à un gentleman et lorsqu’elle manquait de tomber, il était là pour la rattraper. Une époque si lointaine qu’un instant, son regard se voile. La femme qui reste est simplement désabusée et agacée par les choses qui ont pu se produire par la suite. Elle n’aime pas y repenser, d’ailleurs, mais c’est plus fort qu’elle et encore plus prenant depuis qu’elle l’a revu. Tout se passait bien quand il n’était pas là. Depuis qu’elle l’a revu, les choses ont considérablement changé. Le désespoir de l’incapacité d’oublier lui brise le cœur. Elle ne supporte pas de ne pas être capable d’avancer dans la vie. Parce qu’elle réalise assez simple que rien n’est facile. Parce que c’est de ça qu’il est question, en réalité. Il faut à tout prix qu’elle reprenne sa vie en main. Mais… Bien sûr, elle n’y arrive pas. Un jour peut-être, pour cela, il faudra déjà qu’elle parvienne à accepter la mort de sa file.

Depuis qu’elle n’est plus là, elle persiste à toujours aller trop loin, à courir trop de risques et à jouer l’imbécile. Elle ne le fait pourtant pas exprès, c’est clairement plus fort qu’elle. Mais elle se permet de penser, malgré tout, que cela finira par changer, un jour ou l’autre. Elle en vient juste à croire que ce ne sera visiblement pas pour tout de suite. Ce qui est éreintant. Mais là, alors qu’elle vient d’explorer la ville désaffectée en ne croisant rien d’autres que de grosses masses de rôdeurs, Jani se permet de croire qu’elle finira par perdre la vie. Est-ce que cela la dérange vraiment ? Elle a du mal à le savoir, elle ne parvient pas à se résoudre à cette idée et de toute manière, elle n’a pas particulièrement envie d’y réfléchir, non plus. Elle sait qu’elle ne prend pas les bonnes décisions, qu’elle est devenue impulsive et qu’elle fait des erreurs. Est-ce qu’on peut vraiment le lui reprocher ? Elle a du mal à le croire.

Elle avance simplement, se faisant discrète pour ne pas se faire choper bêtement. Parce que oui, elle sait qu’il y a pire que la mort et c’est une chose qu’elle aimerait éviter au maximum. Sauf que, un galop dans sa direction lui fait comprendre qu’elle n’aura pas la chance de fuir. A pieds, les chances sont minimes. Elle ne l’a pas entendu tout de suite, ce qui fait qu’elle ne peut qu’à moitié s’évader, maintenant. Elle tente une fuite lorsque l’individu finit par arriver à sa hauteur. Au moins, il s’agit de quelqu’un qu’elle connaît. Peut-être aurait-il juste été préférable que ce ne soit pas Abel, le leader de son camp. « Tu cherches à te faire crever en zonant dans le coin ? C’est pas ta place ici, qu’est-ce que tu fous toute seule ? ». Est-ce qu’elle cherche à crever ? Ce n’est pas vraiment une si grosse évidence pour elle. Il est vrai qu’elle prend des risques ou du moins, de très nombreux risques qu’elle serait capable d’éviter. Elle est nécessaire au campement, ou du moins, elle y est utile. De ce fait, sans doute est-ce la raison à sa présence ici. Bien que cela lui échappe encore un peu. Pourquoi être venu la chercher ? Si elle vient à mourir là, dehors, en quoi est-ce que cela sera un problème ? Si on la trouve seule, personne ne pourra faire le lien avec les Crimson Riders, non ? Cependant, que ce soit sa place ou non, elle n’est pas certaine que ça les concerne vraiment. Mais ça, évidemment, elle va le garder pour elle. Elle ne peut pas vraiment prendre le risque de dire « Je me promène. Il me semblait que ce n’était pas interdit, tant que je ne dis rien à personne. Cela dit, pour cela, il aurait encore fallu que je croise quelqu’un ». Elle fait une pause, lâche alors un soupir. « Tu t’inquiètes pour moi ? Je n’ai rien fait de particulier. J’avais besoin d’air. J’ai souvent besoin de souffler. C’est tout. La solitude m’apaise ». Et elle hausse alors les épaules. Parce que de toute manière, bien qu’elle lui disse la vérité, elle ne voit pas forcément en quoi cela pourrait se révéler nécessaire. Elle ne veut pas non plus qu’il imagine qu’elle sort pour les trahir. Mais depuis que Nima n’est plus… Elle a du mal à rester en place. La solitude l’aide à se concentrer, du moins. Un peu. Mais il est vrai qu’elle persiste à courir des risques parfaitement inutiles.

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Partir du campement en s’abstenant de prévenir les gens, oui, en effet, ce n’est pas l’action la plus intelligente qui soit. C’est un fait. Lorsque l’on est entouré d’autant de zombie dans chaque coin, ce n’est pas évident. Et en même temps, Janissa ne cache pas qu’elle en a besoin. Le ranch, c’est le lieu où Nima a été tuée. Cela n’a rien d’évident, ce n’est pas facile d’accepter tout ça. Certains jours, les difficultés sont étouffantes. Alors elle prend le large, parce que faire face à ses démons à longueur de temps n’a rien d’évident. Dehors, le danger est colossal, c’est vrai. Le drame est dans chaque recoin. Un problème dans chaque recoin, une ombre au tableau de la survie. Après tout, trouver un ranch avec des survivants et ce qu’il faut pour survivre, c’est un miracle, une grosse chance sur laquelle il n’est pas conseillé de s’arrêter. Et c’est sans doute bien mieux comme ça. Est-ce que l’on peut vraiment le lui reprocher ? Un moment de paix, un soulagement, également. Et il n’y a rien de particulièrement surprenant, non plus. Jani voyait un abri pour sa fille, un lieu dans lequel elle serait en sécurité. Mais l’évidence n’était pas la même pour les autres. Et Nima a perdu la vie. Un mois seulement. Un tout petit mois de tranquillité. Même pas le temps d’en profiter. Alors oui, la douleur de son cœur était grande, se reprochant d’avoir été au mauvais endroit, voir Braam alors que cela lui semblait impossible. C’est insupportable oui, et revenir sur ça lui paraît impossible. La douleur ne disparaît pas.

Alors elle s’éloigne, elle en est obligée. Elle a besoin de souffler à distance parce que cela lui paraît vital à sa survie. Qu’elle soit physique ou mentale. « C’est pas pour toi que je m’inquiète. » ; Elle baisse le regard, et serre les dents pour éviter de dire quelque chose de désobligeant. Bien sûr, il se soucie pour son groupe, pour ceux qu’elle pourrait sacrifier en parlant, pour ceux qui pourraient mourir si elle n’est pas là pour les soigner. Pour les autres. Elle ? Ils s’en moquent, elle n’est pas là depuis suffisamment de temps pour mériter quelque chose. Cependant, elle reste surprise de le voir, lui, de le voir venir à sa suite sans réelle raison. Elle allait rentrer, ne pouvait-il pas l’attendre, simplement ? « Je n’en doute pas. ». Et elle n’a pas besoin de parler davantage. A quoi bon ? Il la prend sur le fait, fautive. Il pourrait lui demander de ne pas revenir, il en a le droit, puisqu’il a le plein pouvoir. Mais elle se garde bien de le rappeler, elle n’est pas en position de force. Pas du tout, même. Un soupir s’échappe de ses lèvres face à lui. Insupportable. Elle n’apprécie pas d’être jugée comme ça. La fautive. C’est ce qu’elle ressent. Une enfant qui se fait disputer par un adulte. Sauf que ce n’est pas sa place et que les choses sont censées être considérablement différentes. Mais si elle veut rester dans le ranch, elle doit se taire. Baisser la tête, assumer ce qu’il dit.

« Alors quoi, tu te promenais ? Dans ce trou rongé jusqu’à l’os par les rôdeurs ? ». Il ne la croit pas. Le ton accusateur de sa voix ne plaît pas à la rousse. Elle est là depuis quelques mois mais putain, ils ne se connaissent pas. Qu’il la suive ainsi, qu’il lui demande des enfants et qu’il s’emporte comme il le fait, ça n’a absolument pas de sens. Et en même temps, elle suppose qu’il est devenu un peu suspicieux sur tout. « A d’autres, Janissa. Te fous pas de ma gueule. T’es pas le genre de meuf qui fait gicler de la cervelle pour tuer le temps, alors va pas me dire que tu t’es ramenée ici parce que le coin avait l’air sympa. ». Alors oui, en effet, il ne la croit pas. Et elle trouve ça lourd. Difficile de rester dans un campement où la confiance n’existe pas. Elle est encore en période de test, à attendre qu’on lui fasse confiance. Et elle ne se voit pas attendre éternellement. Est-il à ce point incapable de comprendre ? Elle hésite un instant, à lui balancer la réalité. A lui dire la chose. Et en même temps, elle sait aussi que si elle ne dit rien, il va continuer à la poursuivre comme il le fait. Et ça, elle est bien incapable de le supporter. « Le but de la chose, c’est que je puisse m’éloigner du ranch. J’ai besoin de souffler et pour cela, il faut que je m’en éloigne. Le coin n’est pas sympa mais ici, ma fille n’a pas été tuée ». Elle baisse le regard, le songe est difficile, une nouvelle fois. Et elle ne peut pas vraiment y faire grand-chose. En tout cas, elle ne risque pas de revenir sur ses mots qui sont, certes, difficile, mais qui sont nécessaires malgré tout ce qu’elle peut dire. « Je ne veux pas quitter le ranch mais à l’heure qu’il est, je ne réussis pas à y rester constamment ». Et c’est tout. Maintenant, s’il lui demande de partir, elle ne pourra pas vraiment y faire grand-chose. Sans Nima, elle n’a pas raison de ramper pour le forcer à la faire rester.

Be sure you put your feet in the right place

Elle garde son calme, parce qu’elle n’a pas le choix, ou disons, elle ne se voit pas repartir seule, elle ne se voit pas s’aventurer en solitaire juste seule, parce qu’elle ne le supporterait pas. Lorsqu’elle était seule, elle était avec sa fille. Elle ne s’est jamais aventurée en extérieur sans personne à part pour ses expéditions mais ces expéditions ne durent jamais bien longtemps. Pour le moment, elle ne se voit pas partir, c’est tout ce qu’elle sait. Alors elle garde son calme ou du moins, elle essaie. Elle n’y arrive pas toujours. C’est parfois un peu compliqué dans le ranch, de se faire une place. Obtenir la confiance d’Abel semble impossible, cependant. Il lui donne l’impression que la méfiance prime sur tout. C’est insupportable. C’est tout. Elle ne prétend pas que ce n’est pas normal, mais les mois s’écoulent, les mois filent et elle est encore là. Oui, ça ne fait pas non plus six mois, oui, un pas après l’autre, mais bordel. Il est agaçant d’être regardé comme il est en train de le faire là, maintenant. « Ressasser le passé va pas t’avancer très loin. Et si elle est pas morte ici, ça sera toi dans pas long à continuer ton petit manège. Tu vis pas dans une époque où tu peux te permettre de chialer sur ceux qui sont restés derrière. On a pas le temps pour ces conneries, si on commence tous à s’apitoyer sur nos morts on est pas tiré d’affaire. Si tu peux pas comprendre ça, ta place tu vas pas la garder. ». Elle reste ainsi, silencieuse, tentant d’accepter et de cogiter ce qu’il vient de dire, elle en est incapable. Qu’il soit le leader est une chose, qu’il agisse comme si elle ne pouvait pas comprendre la situation ? Non, ce n’est pas normal. La rousse a perdu son enfant, sa fille. La chair de sa chair… Et elle est censée ne plus penser à elle ? Elle bouillonne de l’intérieur, pendant que ses points se serrent. Elle chiale si elle en a envie, il ne la connait pas suffisamment pour qu’il ait le droit de se permettre de la juger. Son petit manège, elle en a besoin pour survivre, à l’heure actuelle. « Je ne m’apitoies pas sur n’importe qui. Je parle de ma fille, morte au ranch alors que j’y suis allée pour qu’on soit enfin en sécurité quelque part. Si toi, tu ne peux pas le comprendre, je ne vois pas quoi te dire de plus. Je ne m’excuserais pas d’avoir mal parce que j’ai perdu ma fille ». Son regard est dur. Trop dur mais elle ne peut guère s’en empêcher. Si son ton n’est pas agressif, son regard l’est. Elle n’y peut rien, il l’agresse sur une chose qu’il n’a pas le droit de toucher.

« T’es utile au ranch. Si on a besoin de toi et que tu t’es tirée à perpette, tu nous sers plus à rien. ». Elle est utile oui, ça, elle l’a compris depuis bien assez de temps. Elle n’est pas stupide. Pour autant, ça ne veut pas dire que c’est si facilement supportable de l’entendre. Utile mais humaine. C’est un aspect qu’il ne semble pourtant pas comprendre. Elle n’est surtout pas à la seule capable de soigner au campement. Et si en rentrant, elle arrive trop tard, et bien soit, c’est la vie. Ne vient-il pas de dire qu’il ne faut pas pleurer les morts ? Il l’agace, mais elle serre les dents pour éviter de le lui dire. Elle se moque pas mal de servir à rien. Mais elle le garde pour elle, parce que ça ne servirait à rien. Il ne l’a pas suivie pour amorcer un dialogue, il lui expose sa réalité, et si ça ne lui plaît pas, elle peut se casser. Elle n’est pas idiote, elle a bien compris l’idée. « Je sais », se contente-t-elle de dire. A quoi bon.

« J’avais oublié Nima. ». Non. Trop facile. Elle ne peut pas accepter une telle réplique comme justification de tout ce qu’il a pu dire auparavant. Il la dégoute, en réalité. Mais ça, elle ne le dit pas non plus. Il est là, à faire sa loi, lui l’homme qui ne ressent visiblement plus rien. Est-ce dont là la manière qu’il utilise pour s’excuser ? Ce n’est pas ainsi que ça fonctionne. Mais ça, bien sûr, elle ne le dit pas non plus. Il semble tout mieux savoir que les autres. A croire qu’il est le seul à vivre dans cette galère. Alors elle garde son venin pour elle, elle ne dit rien.

Il semble voir quelque chose, elle n’a pas vu. Faut dire que se taper la discute là, comme ça, forcément, ça attire du monde. Si elle, il ne lui arrive jamais rien, c’est parce qu’elle s’aventure, discrète, c’est qu’il ne lui arrive jamais rien. Mais ça non plus, visiblement, il ne semble pas le comprendre. Venir ainsi et faire une scène, c’est tellement plus dangereux que sa petite escapade. « Il faut qu’on bouge. Impossible de savoir si c’est vivant ou mort ». Et elle se moque bien de son avis. Avec son cheval, il est bien plus visible qu’elle.

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Il est plus facile de serrer les dents que de déverser un venin qui n’a pas sa place. Lorsqu’elle est ainsi, au pied du mur, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle est supposée faire. Un peu mal à l’aise, un peu perturbée. Parce que là, en réalité, dans la situation actuelle, il ne voit pas ce qu’il pourrait bien faire. C’est compliqué, de toute évidence. La jeune femme ne veut pas le pousser à bout, et elle ne veut pas qu’il la foute dehors. Parce que bien que ce soit difficile, pour elle, de faire face à autant de monde, elle n’est pas certaine de pouvoir faire face à une solitude forcée. Elle ne s’imagine pas retourner dehors, elle ne se voit pas redevenir seule. Parce que bien évidemment, c’est plus compliqué que cela. Alors elle tente, elle essaie de garder un calme absolu, elle n’y arrive pas. Elle fait de son mieux, c’est pourtant un échec. Elle tombe de haut en réalité. Elle essaie de faire ce qu’il faut pour que les choses s’arrangent mais elle n’y arrive pas vraiment. Janissa a peur, plus encore de la solitude que de la mort. Parce que si là, elle sort pour souffler, s’il la fout dehors, qu’il l’oblige à ne plus revenir, la chose sera bien plus compliquée. Et elle ne s’estime pas prête pour ça. Elle n’a pas envie d’y penser, elle n’a pas envie de se concentrer sur ce qui ne lui plaira pas. Elle continue, en réalité, à avoir peur d’une histoire qui lui échappe. Elle estime qu’il faudra attendre avant qu’elle ne soit capable d’affronter tout ça. C’est tout. Et pourtant, elle retient bien trop de choses pour supporter tout ça. Elle n’y arrive pas, et en plus de ça, elle n’a pas particulièrement envie d’y parvenir. C’est bien assez compliqué comme ça pour qu’elle n’ait pas à y réfléchir plus que ça. Cela n’a pas le moindre intérêt. Oui. Elle serre les dents pour ne pas dire toutes les grossièretés qui lui viennent. Et elle sait que lorsque l’on réprimande quelqu’un, le plus difficile est de se heurter à un silence évident, à un mur. Les choses ne sont pas toujours simples, non. Au contraire.

« T'as de quoi te défendre, t'es armée ? ». Bien sûr, là, il n’est plus temps aux remontrances. Tout bruit peut provenir de toute source de problèmes. Des zombies comme des problèmes. Tout est possible. Et c’est peu appréciable, pour tout dire. Janissa ne veut pas savoir de quoi il s’agit, elle a déjà du mal à croire qu’li puisse l’imaginer stupide au point de ne pas venir avec des armes ici. Venir solitaire ? Elle ? Franchement ? Disons que ça n’a vraiment pas de sens. Et que ça l’irrite autant que le reste. Ce n’est pas le moment de continuer sur une voie aussi sensible. Ce n’est pas le moment. Et pourtant, évidemment ? Jani a suffisamment rongé son frein pour qu’à certains moments, ce soit plus difficile. Et là, dans l’immédiat, c’est dur à avaler. « J’ai du mal à comprendre. Me trouves-tu stupide au point de sortir sans arme ? ». Le pique est délicat, elle ne peut pas y faire grand-chose. Elle aurait aimé réussir à se retenir, mais elle n’y est pas arrivée. Il va peut-être aussi lui reprocher d’avoir parlé ainsi. C’est tout aussi possible. Et puis bon, elle ne néglige pas non plus que son pistolet, elle ne sait pas vraiment viser avec. Alors que du côté du couteau, il faut être en contact pour utiliser des lames. Armée, elle l’est. Elle ne l’est pas forcément si on l’attaque de loin. Il sort son arme, lui, en tout cas. Prêt à tirer, pourtant, elle ne parvient pas à visualiser, sur quoi. « Allez, monte. On dégage. Dépêche. ». Et le voilà, se penchant sur le côté, libérant un étrier pour qu’elle puisse monter. Allant même jusqu’à lui tendre la main. Au moins, il cesse de se prétendre complètement idiot, allant même jusqu’à proposer de l’aider. Elle n’ajoute rien, le regarde le temps d’une seconde, se demandant même s’il est sérieux, tant elle a du mal à le croire. Mais bien sûr, encore une fois, l’évidence la frappe. Ils n’ont pas vraiment le choix, ni le temps de cogiter sur des absurdités. A quoi bon ? Quoiqu’elle veuille faire, il n’est pas tant de chercher. Alor selle monte, elle s’appuie sur sa main, le laisse la tirer et elle grimpe. Il faut filer. Ils parleront plus tard.

Quelques silhouettes apparaissent. Elle ne les voit que parce qu’il les voit. Encore une fois, elle est incapable de savoir. Vivants ou mort ? Trop de distances pour savoir. Dans tous les cas, elle doute, ils ne sont pas amis, sinon, ils se seraient fait remarquer. C’est la seule évidence sur laquelle elle parvient à s’arrêter. Lui aussi, se permet-elle de supposer. « Tiens-moi les rênes. ». Elle les attrape, ne sachant pas vraiment ce qu’il fait, ne cherchant pas particulièrement à comprendre. Il tire et elle attend. Eux, ils ne tirent pas. Il est temps de se demander s’ils se jugent trop loin, ou s’ils ne sont, tout simplement, pas totalement humains. « Pas humain ! ».

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Le caractère de Janissa n’est pas toujours facile. D’ailleurs, il est bon de rappeler assez régulièrement que la situation peut être déstabilisante. Et chiante, aussi. La jeune rousse s’est souvent écrasée, ou plutôt, le point de Braam s’est souvent écrasé dans sa gueule, de manière détestable et un lourd poing lui écrasant le nez. Elle n’a jamais apprécié. Elle n’a pas pu y faire grand-chose pourtant, il était bien plus fort qu’elle. Qu’aurait-elle pu faire pour l’empêcher de lui faire mal ? Elle avait son caractère aussi et parfois, c’était plus difficile encore. Lorsqu’elle se permettait de répondre ou qu’elle était incapable de ne pas le faire, elle avait envie de mordre. De le tuer. Et elle se rebellait. Plus elle le faisait, plus les coups étaient lourds et les pleurs de Nima nombreux. Mais elle sait désormais quand il est judicieux de se taire. Face au scepticisme de Abel, elle a préféré gardé le silence, que cela lui plaise ou non. Mais une remarque a filé parce qu’elle ne peut pas taire éternellement celle qu’elle est. La rousse a un fort caractère qui s’est montré plus fort encore quand les zombies ont pris le pouvoir. Encore plus quand sa fille est morte et qu’il n’a plus resté qu’elle. Elle est emplie de noirceur et de haine, elle n’y peut rien, c’est plus fort qu’elle. Elle ne retient plus rien, elle n’en a plus les épaules. Il faut juste que les choses se passent comme elles le doivent, désormais. Si elle se tait devant lui, c’est avant tout parce qu’il a le plein pouvoir au ranch, que s’il le souhaite, il peut lui ordonner de partir et alors, elle n’aura d’autre choix que d’obéir. Et non, elle n’est pas particulièrement à l’aise avec une telle demande. Tout simplement parce qu’elle n’a nulle part où aller, et personne à retrouver. La solitude l’effraie, malgré les bols d’air qu’elle prend parfois, la nuit. Elle ne s’imagine pas en solitude complète, reprendre la route et tout ça. Elle n’en a pas la force, ni le courage. Mais elle essaie. C’est déjà ça.

Tout part en vrille, l’instant suivant. Rôdeurs qui se profilent à l’horizon alors qu’elle prend les rênes et qu’il fait feu. Elle n’y arrive pas, elle, elle ne sait pas viser, elle apprend encore mais les corps à corps lui paraissent plus simples. Elle réussit mieux à faire ça, à s’entraîner pour y parvenir aussi. Son monde lui paraît plus simple. Mais elle sait aussi que malgré tout, elle n’est pas forcément disposée à faire que les choses se passent comme elle veut. Elle essaie de faire en sorte que ce ne soit pas la misère, déjà. Mais ce n’est pas vraiment une réussite. Elle se contente donc de manier la monture, pour qu’elle ne se cambre pas et qu’ils restent ensemble. Si l’un d’eux vient à tomber, il se retrouvera dans une salle situation, une situation qu’ils ne peuvent absolument pas gérer. Pas maintenant. Se retrouver déstabilisé, c’est la meilleure façon de perdre la vie.

Quelques minutes s’écoulent avant qu’ils ne s’arrêtent. Abel a déjà repris les rênes et il fait ralentir l’animal dès que le danger est écarté. Jani se permet de souffler un grand coup, de reprendre vaguement ses esprits mais ce n’est pas l’exercice le plus simple de cette histoire. Elle essaie, du moins, et elle se permet de croire que c’est un assez bon début. De toute manière, il n’y a rien de plus à ajouter, rien de plus à en dire. Les choses sont peu agréables, mais elles sont comme elles doivent être. Au moins, ça s’arrange. Et si le cheval s’arrête, c’est surtout parce qu’ils ne sont plus en danger. La mâchoire de la rousse est toujours serrée, cependant. Agacée par le comportement d’Abel, par le fait qu’ils aient été dérangés, par l’attaque, également.

« T’en veux une ? », lâche-t-il en lui proposant une cigarette, n’attendant pas une réponse pour allumer la sienne. Elle n’a pas fumé depuis le début de tout ça ? Menteuse, elle fumait dans la voiture. C’est depuis qu’elle est au camp qu’elle ne fume plus et pourtant, elle en a horriblement envie là, en cet instant. « Je veux bien oui ». C’est pourtant une étrange grimace qui ne quitte pas ses lèvres quand elle l’attrape entre ses doigts. « Je n’ai pas fumé depuis quelques mois. Certaines situations nous en donnent pourtant envie ». Elle ne sait même pas pourquoi elle se justifie de la sorte mais elle ne parvient pas à s’en empêcher. Elle profite également de l’allumette qu’il a allumé, puisqu’elle en a la possibilité. Tirant un premier coup, le lourd soupir qui s’échappe ensuite la fait grimacer. Cela lui fait bien trop de bien pour qu’elle soit en mesure de véritablement l’assumer. C’est chiant les addictions. Celles qu’on est incapable de laisser tomber même lorsqu’on croit qu’on y est parvenu.

« J'te largue ici ou bien t'es enfin décidée à revenir là où on a besoin de toi cette fois ? ». Elle soupire un instant, il ne semble pas vouloir se démonter, c’est ennuyeux. Et en même temps, la jeune rousse remarque que cette fois, il ne l’agresse pas, que son ton est déjà un peu plus agréable. Elle ne prétend pas que c’est plus supportable, et que le message n’est pas bien compris mais au moins, il lui paraît moins animal et stupide. « On rentre. Mais à l’heure actuelle, je suis certaine que je rentre pour aller dormir ». Qu’il n’imagine pas une seule seconde qu’elle rentre parce qu’il a raison. Bien que… Mais sa fierté l’empêche de véritablement le dire.