the Angry & the Grumpy - Ana

survit depuis le : 25/10/2018

Ana Lucan
«the Angry & the Grumpy »

octobreLucan ne savait pas ce que l'on ressentait quand on devenait un zombie. Sa partie la plus romanesque imaginait les tourments d'une âme damnée en wendigo, cependant il s'agissait là de licence artistique, rien de plus. Ce que l'homme savait en revanche, c'était quand un mauvais coup de froid vous prenait en traître.
Sans raison en plus.
Râclure...
Il n'avait pas le nez pris, pas encore, mais quelque chose guettait à ses tempes, comme un animal embusqué, féroce. Parce qu'il n'était plus dans une forêt immense, sans aucun secours à attendre, mais dans un endroit en compagnie d'autres gens, Lucan avait la mélancolie que l'on prenne soin de lui, un peu.
Même pour de la température, même pour de l'anodin.
A l'écart des contacts humains en général, heureux face à la solitude, il ne rechignait pas cependant à des marques d'affection et de chaleur. Des choses difficilement trouvables au ranch...
L'homme n'avait heureusement aucun raid de prévu. Il alla s'acquitter de ses corvées du jour, ainsi qu'on l'attendait de tous. Avant la fin de la matinée, la fièvre était désormais complètement installée, meurtrissant ses muscles par des courbatures, envoyant également dans sa grande carcasse de longs frissons de froid alors même que Lucan grelottait.
Il n'y avait aucune foutue raison logique pour lui d'être malade comme cela, surtout pas au Texas quand il avait pourtant survécu dans des milieux plus extrêmes.
Peut-être n'était-ce pas le temps qui le rendait malade ainsi, peut-être était-ce la solitude?
Une explication qui lui creusa la cervelle en même temps que la fièvre. Il parlait peu, se mêlait aux autres à regrets, était imbuvable parfois. Pas ainsi qu'on l'attendait d'un coeur humain, alors son âme malade contaminait son corps de la même façon.
Gamin, son père lui farcissait le crâne d'explications de ce genre jusqu'à ce que lui-même ne se retrouve au lit pour une grippe pendant dix jours ainsi que, juste après, une crise d'appendicite. Suite à cela, un peu honteux, l'homme changea de discours face à son fils, essayant d'arrondir les angles.

Lucan soupira, frottant ses mains contre la toile de son jean. Il gagna d'un pas rapide l'endroit du campement où, se souvenait-il, vivait Ana.
Un peu penaud, l'homme s'annonça.

”J'suis malade”, avoua-t-il ensuite. Il avait les yeux brillants, le front brûlant. Il avait les mains vides aussi, et cela le dérangeait.
Ce n'était pas correct, n'avoir rien à donner en retour alors que l'on demandait à quelqu'un de faire quelque chose pour vous....

”C'est normal qu'il fasse si froid?”

Non, il ne faisait pas froid mais Lucan l'avait oublié. Son sentiment de solitude était exacerbé, dangereux presque. Comme si l'homme comprenait soudain que tout cela n'était qu'un rêve, qu'il se retrouvait en réalité coupé du monde sur une banquise étrange sans aucun espoir de retour.
Là où seuls la mort et le froid l'attendaient.
Et il était déjà presque à eux, n'est-ce pas?

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Ana Lucan
«the Angry & the Grumpy»

Quand elle ne voulait pas être dérangée à l’infirmerie ou dans son petit chez elle, Ana avait déjà songé à peindre un panneau ne pas déranger près de l’entrée. Mais elle savait aussi que si un tel panneau existait, elle ne l’enlèverait probablement jamais et cela risquait de ne pas plaire à tout le monde. Quand bien même, les gens s’habitueraient rapidement à la présence dudit panneau et ils finiraient sans doute par l’ignorer lorsqu'ils réaliseraient qu'il n'a aucune valeur indicative. Donc, ça ne valait pas le coup de le faire, ça ne valait pas le coup d’utiliser de la peinture de la réserve pour ça, c’était beaucoup trop d’effort pour un résultat moindre. Peut-être que ça aurait suffi pour repousser Lucan aujourd’hui, ou peut-être pas, dans tous les cas, il était là, déclarant le plus simplement du monde qu’il était malade.

« Por Dios, combien de fois je te l’ai dit ? T’es plus malade ! T’as autant de fièvre que moi j’ai d’beurre au cul, pendejo ! » avait-elle hurlé sans même prendre le temps de le regarder. Mais en se retournant dans sa direction, elle se rendit compte que son premier diagnostic était peut-être faussé : il avait mauvaise mine et l’infirmière fronça les sourcils en se rapprochant de lui. Quand on le voyait, on était bien loin de s’imaginer que le gaillard pouvait avoir une santé aussi fragile, et pourtant… Qu’est-ce qu’il pouvait bien couver celui-là ? À cette époque, c’était la fin de l’été, certains étaient particulièrement sensibles au changement de température, peut-être que c’était son cas. Ou peut-être que pas du tout.

Son air penaud, c’était pas lié à la maladie, c’était probablement de la gêne. Il lui avait dit une fois qu’il lui revaudrait ça, parce qu’elle avait déjà soigné dans le temps : elle s’en rappelait comme si c’était hier, c’était une méchante coupure qui s’était infectée, un truc bien crado comme il faut. Et voilà qu’il revenait ramper devant elle à agoniser : peut-être qu’il était temps de l’abattre ce grand couillon ? Non, ça serait plutôt dommage, parce qu’Ana perdrait un de ses seuls amis Rider, enfin un équivalent d’ami tout du mois, on va pas mettre un label sur ça, c’est pas du poulet non plus, merde. « Non c’est pas normal, abruti ! » dit-elle en passant sa main sur son front. Ces symptômes, ce n’étaient pas des symptômes cool, parce que ça pouvait être ceux de la grippe, et la grippe à cette étape de l’histoire de l’humanité, c’était vraiment pas cool du tout. « Depuis combien temps tu te sens comme ça ? » demanda-t-elle : il était question de savoir s’il s’agissait là d’une grippe saisonnière ou du fameux virus H1N1... Ou... Lazare ?

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Ana Lucan
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Les jurons de la jeune femme ne l'effrayaient pas, de même que les quelques expressions mexicaines capables de se glisser entre les mots. Ils étaient là, entre eux, à se parler en foutu anglais/américain/whatever comme si aucune autre langue n'existait plus désormais avec la fin du monde, et pourtant...
Lucan lui-même ne pouvait parler en ojibwa, ni même en pied-noir ou bien, s'il le faisait, personne ne saurait capable de l'écouter et de comprendre.
Cela lui manquait, d'une certaine façon, mais l'homme n'était pas encore capable de se parler à soi-même pour simplement entendre le son de ces langues, alors...

Il s'apprêta à tourner les talons, obéissant comme toujours, quand Ana lui rétorqua que non, il n'était pas malade. Et puis la jeune femme changea d'avis...
Une tension nouvelle sembla se glisser entre la peau et les os de la brune, aussi Lucan resta immobile, tâchant de ne pas alarmer son amie plus que de raison.
”Ce matin... e me suis réveillé pas très bien mais ça semblait plus une gêne qu'autre chose”, répondit-il.
Un peu plus loin, les rumeurs du ranch ne changeaient pas de d'habitude. Une personne en héla une autre, sans que le prénom ne soit reconnaissable avec la distance.
”Du coup commença Lucan, tu veux de la confiture avec ton beurre ou tu préfères abréger mes souffrances avant?”

Un demi sourire lui étirait le coin des lèvres à présent. Puis lucan considéra à nouveau la jeune femme en silence, avant de se décider à parler:

”Tu me fais rester un peu? J'me repose et comme ça je fais fuir ceux qui viennent t'emmerder parce que comme moi, ils ont choppé un rhume. Enfin sauf si t'as trop de boulot évidemment...”

Rien n'empêchait l'homme de rentrer dans sa propre cabane, si ce n'est le désir de compagnie. La fièvre poussait parfois à de bien étranges choses après tout... Chez lui, Lucan n'aurait que les quelques livres survivants qu'il récoltait et amassait entre patience et tristesse, mais l'étau dans sa tête était un peu trop serré pour que le jeune homme songe à lire.
Un frisson le secoua alors, il le réprima du mieux qu'il le put.

”Dans tous les cas je pars en raid dans la semaine, je regarderai pour te rapporter quelque chose et....ah, il y a quelqu'un avec toi?”

Il semblait en effet à Lucan voir comme une forme sombre derrière la brune, mais celle-ci (la forme, pas Ana) était trop floue pour qu'il ose véritablement dire “bonjour monsieur.”
En vérité, Lucan voyait juste l'ombre de la jeune femme, rien de plus, mais son esprit fatigué était comme incapable de traiter l'information. Au moins, il n'en était pas (encore) au stade des lapins roses.
Ca faisait très peur, les lapins roses...

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Ana Lucan
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Malheureusement pour elle, la maladie de Lucan était encore récente, il était peut-être trop tôt pour établir un diagnostic efficace. La perspective de devoir le surveiller régulièrement durant les jours à venir pour suivre l’évolution de la maladie ne l’enchantait guère, mais après tout, c’était pour ça qu’elle avait signé en intégrant le clan, non ? Le petit malin jugea bon de rebondir sarcastiquement sur le premier constat de l’infirmière, ce qui intérieurement la fit rigoler, mais cela ne l’empêcha pas d’adresser un doigt d’honneur à son cobaye. Son patient. « Ça serait encore le plus simple tiens, j’f’rai ça rapidement, sans souffrance, hélas. Mais au moins, on en parlerait plus ! » déclara-t-elle en ayant bien du mal à masquer le petit sourire qu’elle avait en coin.

Consciencieusement, Ana alla inscrire sur un petit carnet ses premières observations sur le raider cacochyme en grommelant quelques phrases incompréhensibles même pour quelqu’un qui se trouverait juste à côté d’elle. Lucan en profita pour demander l’asile : sa proposition présentée comme un contrat était accompagnée d’arguments certes alléchants, mais vraiment peu honorables pour le post qu’elle occupait. « J’m’en fiche : fais c'que tu veux. » dit-elle toujours penchée sur son bout de papier. Un rhume ? Il était docteur lui maintenant ? Non, bon ben, il avait qu’à fermer sa gueule, alors ? De toute façon, pour un rhume ou pour autre chose, les gens ne se gêneraient pas pour venir qu’il y ait Lucan ou pas dans les parages, à moins qu’il ait véritablement un pouvoir répulsif dans cet état.

Il lui adressa une nouvelle fois la parole, mais cette fois-ci, une moue de dépit s’était installée sur son visage. Puis, le dépit laissa place à la surprise et Ana se dirigea vers un petit tiroir qui fermait mal pour en sortir une plaquette de médicaments. « ¡Ni a bala! Tu vas nulle part, tu restes là et tu t’reposes, c’est moi qui te dirais quand est-ce que tu pourras repartir en raid : si j’te vois partir sans mon aval j’te flingue, compris ? dit-elle en s’avançant vers lui, cachet à la main. Tiens, ça fera retomber la fièvre. J’veux pas te décevoir, cabrón, mais y’a que nous deux, là. T’es en train d’halluciner, de manière plutôt sévère d’ailleurs… Non, j’ai pas d’eau avec, fait pas ta chochotte et avale ça ! » dit-elle d’un air agacé en le regardant faire. Pas de chance, un raider en moins... Ça risquait de poser problème à Abel. Avec un peu de chance, elle pourrait lui proposer en remplacement ça ferait un bon argument ça...

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Ana Lucan
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Il avala le cachet, le visage sombre, presque inquiétant. Véritable animal sauvage, Lucan tolérait la vie au ranch, acceptait même de se laisser apprivoiser par les hommes et les femmes qu'il y croisait, quand il ne choisissait pas tout simplement de les ignorer, y préférant son propre monde de silence. Et puis il y avait la liberté. Ce n'était pas la même que l'ancien monde, l'apocalypse redéfinissait les règles, mais c'était une liberté quand même, pouvoir s'éloigner parfois dans les vestiges de ce qui fut, de ce qui ne sera jamais plus, simplement accompagné des chevaux et d'autres hommes et femmes, capables de se faire pareil à des ombres.
Ne pas être emprisonnés par le temps et la survie, du moins pas tout le temps...
Parce qu'il portait ses émotions à bras le coeur quand d'autres préféraient à bras le corps, Lucan ne pouvait cacher sa colère à l'idée d'être enfermé.
Il ne la laissa pas exploser, la portant simplement au visage en un masque impassible, et d'autres ombres s'ajoutèrent à son regard. Il était malade cependant, devait aller mieux pour...
Pourquoi?
Pour ne pas disparaître bêtement lors d'un raid. Laisserait-il un si grand vide? Peut-être pas.
Ses yeux regardèrent derrière la jeune femme, là où était l'ombre qu'il avait prise pour un homme.

”Ou alors je deviens capable de voir les fantômes...”

Il n'y croyait pas un mot, du moins pas maintenant. Les superstitions et les peurs évoluaient vite selon la place du soleil dans le ciel, après tout...
Son attention revint à Ana, boule de nerfs, de muscles et de cheveux. Il l'appréciait, elle aussi avait ses colères et il y avait quelque chose d'admirable à la manière dont la jeune femme arrivait à les porter encore.

”Tu n'as pas des taches à me donner, quelque chose à me faire faire avant que je ne devienne fou?”

Du moins, plus fou qu'il ne l'était déjà, aurait-il pu rajouter.

”Chochotte, chochotte...on doit toujours se faire une soirée bras de fer et lancers de couteaux”, grommela-t-il sans animosité. La présence d'Ana était appréciable, sa brutalité aussi, comme une invitation à le redevenir également, brut. Cela n'était pas dans le caractère premier de Lucan mais avec Ana, l'homme s'y laissait guider comme dans une danse. Une danse où il était impossible de trébucher.

”Et toi?”, sa voix était douce désormais, rauque toujours, douce quand même. ”Comment vas-tu?”
Lui posait-on seulement cette question, à la jeune femme, ou estimait-on qu'elle n'avait d'autre but que de soigner, peu importe ses états d'âme et ses souffrances?

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Ana Lucan
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Il n’y avait plus rien à faire dans l’immédiat : il fallait se contenter d’attendre et de suivre l’évolution des symptômes… Alors, qu’est-ce qu’il foutait encore là ? La Mexicaine se demandait si l’autre grande asperge ne confondait pas infirmière avec psychologue… Qu’est-ce qu’il avait à tant vouloir faire la causette avec elle ? Les autres la fuyaient, lui restait, pourquoi ? Lorsqu’il supposa qu’il était capable de voir les fantômes, Ana leva les yeux au ciel, ne trouvant le postulat ni drôle ni pertinent. Pire encore, elle en arrivait au stade où elle trouvait sa simple voix insupportable, surtout quand elle était utilisée pour proposer de l’aide. Agacée, elle avait même fait tomber un truc par terre, une boite de médicaments dont les gélules s’étaient répandues sur le sol. « Tu peux commencer par ramasser ce que tu viens de faire tomber ! Enfin, c'que tu viens d'me faire faire tomber ! » hurla-t-elle en se dirigeant vers un kit de premier soin vide.

Ce kit, elle ne savait plus pour qui il était, mais elle faisait attention à ne pas y mettre n’importe quoi dedans. Lucan était toujours là, il ne risquait pas de partir de sitôt : il fallait vraiment qu’elle se mette ça dans le crâne. Lui, pas du tout rebuté par les colères d’Ana, continuait à parler comme si de rien n’était, en allant même jusqu’à proposer des jeux à Ana. « Pff, tu perdrais ! » dit-elle par-dessus son épaule en riant à moitié. N’empêche que ça n’était pas une mauvaise idée d’organiser une petite compétition comme celle-ci, mais uniquement s’il y avait quelque chose à gagner et qu’un public était présent pour assister à son humiliation.

Lorsque le garçon lui avait demandé comment elle allait, elle avait fermé les yeux de désespoir. Elle trouvait cela très malsain de s’acharner comme ça pour lui parler… Qu’espérait-il, une récompense pour être celui qui avait réussi à lui parler le plus longtemps possible sans se prendre un vent ou une baffe ? Il serait bien triste d’apprendre qu’à la fin, il n’y avait rien : il n’y avait rien derrière cette écorce qui lui servait de peau, il n’y avait rien d’amusant en elle, rien. « Pourquoi ? demanda-t-elle en se retrouvant vers lui. Pourquoi tu veux savoir, t’es d’la police ? » Elle avait planté son regard dans le sien, croisant les bras en attendant sa prochaine réplique fantaisiste.

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Ana Lucan
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”Non.”

Non, il n'était pas de la police. Une réponse simple à une question qui l'était tout autant. Un genou à terre, Lucan ramassait les gélules ayant chuté de leur boîte. L'homme n'avait pas demandé cela pour calmer la mauvaise humeur d'Ana, pas quand celle-ci faisait partie intégrante de son caractère. Ce n'était pas pour qu'elle change, soit plus polie, moins agressive, pas quand Ana avait ses codes et ses propres dictats. Il était sur son territoire à elle, à lui de les suivre.
La jeune femme aimait la solitude, sa solitude, ce que Lucan comprenait (du moins à sa propre échelle). Comme lui néanmoins, elle se devait à présent de faire partie d'une communauté pour survivre. Cela faisait du mal parfois, de se rendre compte que nous n'étions pas là où l'on désirait être, et Lucan lui-même pouvait en souffrir quand au milieu de la nuit, il ouvrait les yeux, à moitié fou, à contempler le plafond d'une cabane n'étant pas celle qu'il avait occupé au fond des bois.
Ici, les gens mouraient ou vous trahissaient, aucune carapace, aucune armure ne pouvait empêcher cela.

”Je demande juste parce que même quand on peut pas blairer les autres, parfois ça fait du bien qu'on autre que nous-même nous pose la question.”

Un temps, un haussement d'épaule.

”Ca fait juste chier aussi parfois.”

C'était à elle de choisir de répondre à ses questions ou non, tout comme Lucan le faisait lorsqu'elle répliquait par des questions elle-même.
Laisser à l'autre le choix, l'une des politesses les plus élémentaires et les plus rares à la fois depuis l'Apocalypse, alors que tous portaient un lot conséquent de traumatismes.
Il tendit finalement le pot de médicaments à la jeune femme, paume ouverte, attendant qu'elle le saisisse.
Et Lucan savait qu'il ne savait pas s'y prendre avec les autres : il énervait Wyatt, n'était qu'un sous-fifre d'Abel, et à présent courait sur les nerfs d'Ana.
La forêt lui manquait, bien que l'homme tentait tant bien que mal d'exister au sein du ranch. Quelle importance? S'il retournait dans la forêt, ce serait pour y mourir, aussi triste soit Lucan à sa manière, il n'était pas prêt à ça.

”Désolé du dérangement, désolé que ce soit tombé à cause de moi.”

Le pot. Parce qu'il avait fait perdre son temps à Ana. Une logique qu'il ne discutait pas. Désormais les mains vides, Lucan recula de la place de la jeune femme.
Un cavalier qui passait par là les surprit, fit un commentaire sardonique. A propos de Lucan, à propos d'Ana aussi, alors Lucan se détourna simplement et, d'un geste souple, éclata son poing sur le visage de l'autre homme.
Les incivilités, il détestait.

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Ana Lucan
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Ana l’observait ramasser le bordel qu’elle avait foutu, mais dont elle l’avait désigné responsable, par pure méchanceté, évidemment. Elle abandonna ce qu’elle était en train de faire pour le regarder plier sa grande silhouette en deux tandis qu’il ramassait méticuleusement les gélules. La Mexicaine était déçue qu’il obéisse ainsi sans broncher, ce n’était pas… fun. Oh, elle savait bien qu’elle avait une vision bien étrange de ce qui pouvait être fun ou de ce qui ne pouvait pas l’être, et là pour le coup, Lucan lui tuait un peu son délire. Elle ne savait pas si c’était la fièvre qui lui faisait dire toutes ces niaiseries, mais elle avait l’impression qu’il ne s’arrêterait pas tant qu’elle ne lui donnerait pas une réponse concrète. « Oh, je vais bien, merde ! » finit-elle par lâcher.

Brutalement, elle s’empara du pot de médicaments : c’était tellement rude qu’elle avait bien failli le faire retomber et les deux seraient partis pour jouer une étrange et inconfortable scène en boucle. Elle fourra tout aussi délicatement le pot dans la trousse de premiers soins tandis que le raider s’excusait. Vraiment ? Maintenant ? Comme ça ? Ana éclata de rire. « Ha ha, fais attention hombre, tu pourrais faire chialer quelqu’un avec ta culpabilité larmoyante ! déclara-t-elle en s’approchant de lui. Tu veux que je regarde dans la réserve si j’ai un médicament ou un truc qui te fera pousser des couilles ? » dit-elle tout sourire. Dans le dictionnaire, à côté du mot charmant, on ne trouvait nulle part la mention d’Ana dans la définition, c’était bizarre non ?

À ce moment-là, un cavalier surprit leur conversation. Il avait probablement entendu la fin de la phrase d’Ana, qui parlait de couilles, et ne put s’empêcher de faire un commentaire désagréable. Elle n’eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que Lucan lui décocha une droite magistrale. Elles étaient bien là les couilles, c’est juste qu’il ne s’en servait pas à bon escient. Le gars au sol se releva péniblement et sans doute découragé par la délicatesse notoire d’Ana et la douceur bien établie de Lucan, il partit enragé, promettant qu’il allait se plaindre auprès d’un garde. « Bastardo… Je te couvrirai pour ça si t’as des ennuis à cause de cette sous-merde : j’dirais que c’était la fièvre qui t’as fait réagir comme ça… C’était grandiose ! Il a eu ce qu’il méritait ! » affirma-t-elle en souriant.

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Ana Lucan
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Le sourire d'Ana, il détourna les yeux devant. Question de prudence, question de survie aussi: ce n'était pas parce qu'elle souriait que Lucan avait le droit de regarder. Quant à aller lui chercher des couilles... la paire qu'il avait déjà depuis le jour béni de sa naissance continuait de tenir, alors bon. Il se demanda un instant si cela valait le coup d'expliquer ça à la brune. Non, ce type d'information, on pouvait survivre sans. Ana était forte.

”J'dirais qu'il s'est pris une porte.”

Il desserra le poing, songeur. Ca défoulait de tabasser un abruti...

”Dommage qu'il ait aucun ami, on aurait pu se le faire avec ses potes, Ikwe”
Elle l'appelait homme, il l'appelait femme. Chacun sa langue et les rôdeurs seront bien gardés, non? Prononcer le mot lui fit du bien aussi, pas autant que le tabassage en règle d'une petite merde, mais voilà.
Perdu au milieu du monde des hommes et du ranch, Lucan oubliait un peu trop ce qui pouvait le libérer. La brutalité d'Ana qu'il ne fuyait pas n'avait été qu'un indice pour le mener à la violence. Une violence qui ne pouvait pas complètement s'échapper peut-être mais qui avait été là, qui était sortie le temps de quelques secondes.

”Tu peux répéter que j'ai été grandiose s'il te plait? J'ai pas bien entendu la dernière fois...”

Le grand guerrier peau—rouge oubliait cependant qu'abuser avec Ana, c'était risquer sa vie ou celle de ses testicules chéries (en réalité, elles n'étaient pas chéries tant que ça, les longues périodes d'abstinence ayant mené à un rapport froid entre eux pour ne pas dire simplement qu'elles lui en voulaient).

”Et puis tu le dis si bien.”

Humour à la Lucan, humour qui ne voulait rien dire. Comme si le reste de l'univers pouvait encore avoir du sens de toutes façons, l'homme ne faisait que suivre le mouvement.
D'ailleurs en parlant de mouvement, depuis le geste brusque (coup de poing) de tout à l'heure, des points noirs dansaient devant ses yeux. Ana était peut-être pas loin de la vérité finalement, en parlant de fièvre...
Hé merde.
Il se rappelait une nuit fiévreuse (en vérité, une bonne semaine), seul dans sa cabane au fond des bois. Il se rappelait les hallucinations aussi, le chat maléfique, roux comme....comme un truc roux, qui feulait et menaçait de prendre son âme.
Plus jamais ça, PLUS JAMAIS.

”J'ai aucune raison de me transformer en rôdeur, non?”

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Ana Lucan
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Était-ce inquiétant de constater qu’Ana devenait plus aimable lorsque les gens devenaient violents ? Oui, assurément. Le petit spectacle improvisé avait fait sourire celle qui ne souriait jamais, rien que ça. « Non tu fermes ta gueule, je te couvre et puis c’est tout, personne viendra t’emmerder avec ça ! » dit-elle en inspectant les phalanges rougies de Lucan. « C’est ça… une bagarre, pour qu’on se fasse jeter dehors comme des merdes. T’en as des bonnes ! Garde ta rage pour les infectés ! » L’autre était déjà parti depuis longtemps que son sang commençait à peine à sécher sur la poussière. Bien évidemment, un compliment de la part d’Ana, c’était quelque chose de rare et le raider malade, mais encore bien valide l’avait bien compris. À ce stade, c’était presque de l’insolence… Et Ana aimait jouer avec ça.

Totalement blasée, elle le fixait d’un regard noir presque gris clair. « Ooooh, tu veux pas que je te lustre les boules non plus ? » demanda-t-elle. Au moins, elle consentait à l’existence d’une paire de roubignoles maintenant, ce n’était pas le cas il y a encore quelques minutes. Jamais elle ne répèterait ce qu’elle venait de dire, parce que si ça lui faisait plaisir, ça la ferait trop chier. Elle se disait que l’avoir dit une fois et que continuer de le penser suffisait amplement : lui, il n’aurait pas droit à sa récompense. Il avait eu l’approbation de la Mexicaine, s’il voulait quelque chose de plus, il faudrait sans doute un miracle. Ça s’agitait un peu dehors : on cherchait à comprendre ce qui s’était passé exactement. La curiosité est un vilain défaut, s’ils s’approchaient trop près d’Ana, elle saurait les faire fuir.

Pendant ce temps-là, elle crut voir le grand brun se dégourdir le poing. Il s’était peut-être un peu fait mal, ou alors c’était autre chose qui le gênait. Elle n’eut pas trop le temps d’y penser qu’il lui demanda s’il avait une raison ou pas de se transformer. « J’sais pas trop… » avait-elle répondu promptement. Mais elle savait bien qu’un médecin ou une infirmière qui ne savait pas était quelque chose d’assez angoissant pour les patients. Comment fallait-il développer le truc ? Jouer sur son territoire, répondre sur le ton de l’humour pour dédramatiser le truc ? Ou alors fallait-il répondre complètement sérieusement ? « J’dirais que non. C’est le début de la maladie, ça peut être plein de choses, des choses graves ou des choses pas graves. On verra dans une semaine déjà ce qui se passera. » dit-elle tranquillement.

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Ana Lucan
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Il haussa un sourcil, l'équivalent chez Lucan de “Non merci madaaaaame” concernant n'importe quelle histoire sexuelle un peu trop loin de sa zone de confort. Pas qu'il était prude ou quoi que ce soit, mais il se savait plus proche de l'ogre que du prince charmant. Comme s'il était là non pas pour faire rêver et fantasmer quand certains connards à gros bras du ranch parvenaient à toujours avoir l'air sexy (tout en puant comme des chacals, soyons honnêtes), quand on attendait plutôt de lui qu'il agresse et force.
Parce qu'il était grand, musclé, mais à moitié sauvage surtout, étrange. Alors oui, même une plaisanterie comme celle que venait de faire Ana le rendait mal à l'aise, bien que la jeune femme n'ait jamais été cruelle envers lui.
Elle semblait le tolérer différemment désormais. Parce qu'elle l'avait vu capable de violence peut-être, un langage qu'elle comprenait, qui lui faisait sans doute comprendre qu'ils n'étaient pas que deux étrangers l'un envers l'autre.
Il acquiesça.

”Ca veut dire que tu m'autorises à repartir en raid pour défoncer des rôdeurs?”

Un petit sourire en coin toujours, les deux pieds bien arqués dans la terre, prêt à subir une nouvelle avalanche de colère d'Ana. Ou de dédain. Ou peut-être les deux à la fois, la jeune femme savait manier les émotions les plus improbables pour vous les envoyer en bon gros revers dans la gueule. La conversation redevint sérieuse ensuite, pour constater que les symptômes de Lucan pouvaient dire à la fois tout et n'importe quoi.
L'homme acquiesça, se perdant dans ses pensées. On avait refilé à ses ancêtres des couvertures remplies de bactéries pour les éliminer. Choléra, varicelle, maladies du vieux monde... Il avait eu la varicelle, gamin, mais monde moderne oblige cela n'avait été que quelques longs jours de désagréments. N'y aurait-il pas quelque chose d'aussi ironique à ce que lui, le dernier indien du ranch, ne soit destiné à mourir d'une maladie à la con?

Malgré tout, l'homme comptait bien guérir et se remettre. Inutile de le répéter à Ana cependant, la jeune femme n'était pas très portée états d'âme des autres.

Merci de ton aide”

Il la regardait dans les yeux, hochant légèrement la tête dans un salut furtif.

”Je vais aller me reposer une heure ou deux”

Il tourna les talons, se ravisa, penchant la tête vers elle à nouveau.

”Hum...la ...euh...proposition de me lustrer les couilles, c'était pas une menace voilée de mort, dis, hein?”

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Ana Lucan
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Bien que fébrile, il restait particulièrement lucide le Lucan, ce n’était pas le médicament qui faisait déjà effet, non il coriace. Ou alors, il était juste habitué à être malade, et c’était grave. Ana ne savait pas si c’était de l’entêtement pur ou la volonté de servir honorablement son clan, mais il était vraiment décidé à repartir en mission malgré les contre-indications d’Ana. « T’arrives à mettre à terre un imbécile, bravo... Donc, ça veut dire que tu peux remonter à cheval, affronter des rôdeurs, supporter les ordres d’Abel ? Tiens, ça doit être celui-là le plus difficile, dit-elle en riant. Non, tu te reposes. T’es dans un état ou tu risques de te mettre en danger ou de mettre en danger quelqu’un d’autre. Attends une semaine. » ordonna-t-elle sèchement. C’était non négociable, Lucan pouvait le lire dans son regard.

Le garçon avait bien du mal à rester silencieux ne serait-ce que trente secondes. Mais, quand c’était pour la remercier et annoncer qu’il allait se reposer comme elle le lui avait prescrit, elle fut soulagée. C’est pas qu’il était chiant, pas plus qu’un autre tout du moins, mais elle avait des choses à faire, et elle aimerait terminer tout son bazar avant qu’il fasse nuit. En vrai, cette petite intrusion du natif lui avait été bénéfique : une pause avait été nécessaire, il était arrivé à point nommé... « Ouais, fais donc ça… » dit-elle sèchement. Ana n'était pas vraiment du genre à vouloir faire durer les bonnes choses, il ne fallait pas non plus que la pause se transformât en vacances.

Alors qu’il était sur le point de disparaître, Lucan fit demi-tour et ne put s’empêcher de relancer la conversation. Nerveusement, Ana éclata de rire. « Ah ? Sujet sensible ? J’suis sûre que tu trouveras quelqu’un pour te faire briller les boules dans ce camp ! Mais oui, quelqu’un sera sans doute prêt à y donner un coup de langue ou deux ! » dit-elle en mimant la chose. La Mexicaine finit par soupirer et baissa les bras, littéralement. « Je menace pas les gens de mort, je les tue directement. Tout le monde gagne du temps, crois-moi, c’est bien mieux comme ça. T’es un emmerdeur Lucan, mais je veux pas te tuer… ou tout du moins, j’en ai pas assez envie ! affirma-t-elle en souriant. Allez va te coucher, ça nous f’ra des vacances… Pendejo ! » dit-elle avec un sourire qui lui montait jusqu’aux oreilles.

survit depuis le : 25/10/2018

Ana Lucan
«the Angry & the Grumpy»

Un soupir quasi désespéré lui fit secoué la tête : ouais, c'était sans doutes cela le plus difficile, obéir aux ordres d'Abel. Non pas que ceux-ci étaient idiots, mais Lucan avait trop souvent à combattre sa propre nature solitaire pour faire passer les ordres en premier, y compris lorsqu'il voyait une meilleure solution.
Sa fidélité à Abel n'était plus à prouver, certains allant jusqu'à le comparer à un pauvre chien devant son maître avec le propriétaire du ranch, néanmoins Lucan savait difficilement naviguer entre ses choix et ceux des autres. D'un autre.
Obéir à Ana, acquiescer, cela lui demandait un effort. Elle avait raison bien sûr, mais le jeune homme avait l'habitude de la solitude, de se gérer seul.
Il était venu lui demander de l'aide pourtant, alors oui, il se devait d'obéir.

”Evitons de souhaiter du mal à ces pauvres femmes en imaginant qu'une rencontre avec moi est possible sans vêtements” voulu-t-il plaisanter.
La facilité avec laquelle Ana pouvait rire de cela le faisait sourire lui-même. Est-ce que la sauvagerie de la jeune femme était de la méchanceté? Pas vraiment, simplement une sincérité brutale. Lui-même n'avait rien à y redire, cependant il fut surpris de voir un sourire s'attarder sur son visage à elle.
Un équilibre semblait se trouver entre eux, chose dont Lucan ne se plaignait pas.

”J'vais pas t'insulter et dire que t'es quelqu'un de bien, Ana, mais j'suis content de te connaître”

De la même manière que la jeune femme, Lucan disait les choses sans filtre aucun. Bien sûr, la brune le secouait dans tous les sens avec ses phrases, sa poigne et ses mots, bien sûr il y avait du fiel dedans, du poison aussi mais n'était-ce pas la portée première de ces mots, être des armes?
Non Ana n'était pas quelqu'un de bien, pas comme ceux que l'on pouvait rencontrer dans les années d'avant.
Avant le virus.
Elle était quelqu'un de nécessaire, toujours prompte à réagir, et surtout capable de s'adapter de la même manière qu'elle avait peu à peu adapter sa conduite avec lui.
La confiance était une chose étrange à donner de nos jours, de même que les responsabilités peut-être. La première, Lucan savait désormais pouvoir la donner à Ana cependant : le matériel médical du ranch était...bon c'était même pas la peine de parler de matériel médical, mais s'il se retrouvait malade à nouveau, ou blessé, l'homme savait désormais pouvoir consulter Ana.
Parce qu'en bien comme en mal, la jeune femme ferait ce qu'il fallait faire.
Il hocha la tête en un dernier salut, s'éloigna, obéissant enfin.