smoking gun

Plus personne n’a vu Alexandra Wright après son passage à l’infirmerie, le premier jour d’août. Elle s’était rendue directement à son camping-car préparer ses affaires, ensuite elle s’est reposé le restant de l’après-midi pour être en forme pour le lendemain. Le jour ne s’était pas encore levé qu’elle a enfourché sa moto pour filer vers ses objectifs du moment. Au fur et à mesure des pillages, les trajets d’Alex étaient de plus en plus long. Personne n’osait approcher les grandes villes car il y avait beaucoup de rôdeurs. De ce fait, c’était quasiment impossible de s’en sortir vivant. Pourtant, c’était dans ce genre d’endroit que l’éclaireuse pourrait trouver du matériel médical. Alors, elle se rendit à Austin et plus précisément, à l’hôpital. L’aventure risquait d’être périlleuse, cependant la jeune femme n’avait pas peur. Elle savait qu’en étant seule, elle risquait de moins attirer l’attention des walkers. Après tout on l’avait choisi comme éclaireuse justement parce qu’elle était capable de se faufiler entre les morts-vivants sans se faire remarquer. L’allée sera un jeu d’enfant pour la grande brune. Par contre, le retour risquait d’être plus compliqué. Elle était seule et ne pouvait donc pas emporter tout ce qu’elle trouvait. Elle devait faire le tri, prendre ce qui était prioritaire et que ce ne soit pas trop lourd dans ses sacs. De plus, elle devait parfois enrouler les objets dans du tissu pour éviter qu’ils ne s’entrechoquent et fassent du bruit. Du coup, il y avait encore moins de place pour rajouter d’autres bibelots importants. Elle devait donc faire parfois plusieurs allers-retours entre sa bécane et sa caverne d’Ali Baba. Augmentant davantage la possibilité de rencontrer un problème. C’était pour cela qu’en général, elle ne partait pas vraiment toute seule en vadrouille, des raiders l’accompagnaient très souvent. Ils restaient à l’écart en attendant qu’elle revienne pour leur donner la marche à suivre. Elle devait leur dire leur itinéraire et les dangers qu’ils pouvaient croiser sur leur route. Or, cette fois-ci, elle avait un réel besoin d’être seule, c’était presque vital. Pendant deux jours, elle est restée à Austin. Un peu malgré elle car un événement inattendu a fait qu’elle a dû attendre que les rôdeurs se dispersent.

Sur la route du retour, l’ancienne escorte girl a rencontré un autre cavalier aux prises avec un groupe de rôdeurs. Dans l’optique de lui prêter main forte sans se mettre en danger, Alexandra a sorti son pistolet de son étui et a tiré dans le tas. Malheureusement, elle n’était une experte en arme à feu. Bien que ça fasse plusieurs années qu’elle avait le glock 19 qui a servi à tuer son amie, elle ne l’avait pas beaucoup utilisé. La belle brune préférait les armes blanches aux armes à feu. Elle s’était toujours débrouillée pour utiliser soit son épée, soit son couteau ou un autre objet à portée de main. Au moins, même si elle n’avait pas explosé tous les crânes et manqué quelques fois de toucher son camarade, son intervention a permis à l’homme de se dégager. « Aller ! Fonce ! Fonce ! » Lui hurlait-il à l’oreille en s’installant sur la moto.

Après quelques heures de route, ils se sont arrêté à une station essence pour se restaurer et se reposer un peu. Aucun d’eux n’avaient parlé durant tout le trajet et pendant le repas, son compagnon de fortune lui adressa la parole pour la première fois. « Dis donc, il va falloir sérieusement que tu apprennes à mieux viser. Tu as failli me toucher plus d’une fois. » Alex aurait bien eu envie de l’envoyer chier, mais il avait raison. « Et c’est toi qui vas me l’apprendre ? » L’homme pouffa de rire et répliqua : « Non, mais je sais qui pourrait te l’apprendre. » Sa curiosité piquait à vif, l’éclaireuse leva la tête vers le raider. « Ah ouais ? Qui ça ? » Le petit sourire qu’il avait sur les lèvres est devenu plus large. « Idyl. » Ce prénom fit l’effet d’une bombe, Alex se redressa et se renfrogna. « Tu plaisantes ! Il y a bien quelqu’un d’autre qui pourra m’apprendre à mieux viser qu’elle ! Hors de question ! »

Alexandra est rentré de son périple, elle a donné ses trouvailles au toubib, s’est reposé et puis dans l’après-midi du trois août, elle décida d’aller voir le raider qu’elle avait sauvé. « D'accord. Tu as gagné. Si t’arrives à la convaincre. Je veux bien qu’elle m’apprenne à tirer. » Pendant qu’elle installé des bouteilles de verre vide et des canettes sur les rondins de bois, le raider chercha Idyl Hawkins pour la convaincre qu’elle était la seule à apprendre à Alexandra Wright à utiliser son arme à feu correctement.

Quelle putain de belle journée. Idyl était probablement la seule connasse à profiter du beau temps. Elle allait sans doute profiter également d’un magnifique coup de soleil, mais elle s’en fichait. Elle avait l’habitude. Installée juste en dehors de son cabanon, des lunettes posées sur le bout de son nez, elle était en maillot de bain dans le hamac qu’elle avait troqué quelques mois après son arrivée au ranch. Il lui manquait plus qu’à boire ; mais ça, elle avait pas trop le choix. Elle était malheureusement à sec, et elle se creusait les méninges pour trouver une solution à ce problème. Voir avec Fran, peut-être. Cette conne était diaboliquement efficace dans la matière.

Elle fut extirpée de ses pensées par des bruits de pas. Elle tourna la tête, affichant une moue blasée, alors qu’elle découvrait Murphy qui l’interpellait. Elle poussa un soupir, et lâcha un : “Qu’est-ce tu veux ?” presque méprisant, pas trop quand même. Elle appréciait passablement le bonhomme, surtout parce qu’il lui ramenait souvent des trucs de dehors ; probablement parce qu’il était intéressé par elle. Le pauvre. En attendant, il rétorqua : “J’sais peut-être comment tu pourrais chopper de quoi troquer. Y’a l’éclaireuse, là, la grande brune, Alex je crois. Elle tire comme une tanche, et elle aimerait apprendre” si ça partait bien, la suite révulsa un peu Idyl. mais elle haussa les épaules, se disant qu’il avait raison. Elle se mit promptement sur ses jambes, récupéra son pantalon et son débardeur accrochés sur un clou de sa cabane. Elle porta à nouveau son attention sur le type, qui était resté planté là, en faisant rapidement ses lacets. Elle lui annonça : “Merci, mon poulet. Si je choppe une bouteille, j’sais avec qui la partager” elle lui fit un clin d’oeil, avant de se lever et d’aller d’un pas pressé vers l’armurerie.

Elle ne tarda pas à se diriger vers le rendez-vous que lui avait fixé l’autre, ayant pu récupérer le matériel qu’il fallait auprès de l’armurier et une trentaine de cartouches. C’était pas des armes de guerre, loin de là ; c’était du 22LR, un petit mais abondant calibre. Mais ça allait suffire à former l’autre.

Elle ne tarda pas à l’apercevoir, visiblement en attente. Elle s’annonça directement, et très simplement : “Alex” avant de s’approcher un peu plus, pour annoncer d’une manière très commerciale : “Débutante, hein ? J’peux te proposer une formation de base arme de poing avec dix cartouches, une formation de base arme d’épaule avec dix cartouches aussi ; et j’ai une dizaine de cartouches en rab si tu veux continuer le drill, pour prendre le coup. J’te laisse choisir et me proposer un prix pour chacun” elle se campa devant elle, croisa  les bras. Le bonjour, ça va, c’était du small talk, et elle avait pas que ça à faire de ses journées.

Les minutes passèrent et Alexandra était presque convaincu qu’Idyl ne viendrait pas. Après tout, pourquoi se ferait-elle chier à l’aider ? Surtout que ça impliquer de passer du temps en compagnie avec une personne qu’elle appréciait moyennement. De ce fait, l’éclaireuse a commencé son entrainement sans son instructeur. Avec son glock 19, elle se concentra, visa et tira. La balle effleura la canette la plus proche et la fit tomber. C’était pas mal, mais ça manquait toujours de précision. Elle recommença sa manœuvre et visa une bouteille en verre.  

Elle était sur le point d’appuyer sur la détente lorsqu’une silhouette familière se matérialisa dans son champ de vision. Puis sa voix brisa le silence. Contrairement à la garde, Wright garda le silence. Elle fit un simple signe de la tête. Hawkins était là pour lui enseigner à tirer, pas pour faire la causette et parler de la pluie et du beau temps. Bien sûr, le service ne sera pas gratuit, Alexandra en avait bien conscience. Et de quoi aurait bien besoin de la garde ? Un bon coup de pied au cul, pensa la grande cavalière. Les deux femmes ne se sont plus vues depuis deux jours et Alex avait l’impression que l’abattement d’Idyl avait empiré depuis la dernière fois. Ça devait être dur pour l’ancienne militaire de passer d’une vie trépignante à attendre que quelque chose se passe. L’ancienne escorte girl avait entendu dire que la petite brune aux yeux clairs passait son temps libre à se dorer la pilule au soleil. D’ailleurs, elle l’aurait remarqué sans qu’on lui dise. L’envie de lui faire remarquer son bronzage était très forte, mais Alex s’est retenu de faire tout commentaire. Elle ne souhaitait pas avoir la guerre avec Idyl tout de suite. D’abord, elle avait besoin de ses connaissances en armes à feu. Elle allait donc agir en élève sérieuse et concentrée. Mais d’abord, elles devaient se mettre d’accord sur le choix de l’arme et aussi le prix. « Arme de poing pour commencer, on verra le reste plus tard. » L’éclaireuse possédait seulement le pistolet en arme à feu, petit et facile à cacher sous ses vêtements. Néanmoins, elle s’en servait très rarement. Sa préférence allait pour son épée ou son couteau surtout lorsqu’elle était dans un endroit infesté de rôdeurs. Et puis, sur une moto, un fusil l’encombrerait. Toutefois, Alexandra ne disait pas non pour apprendre à utiliser aussi des armes d’épaule. C’était toujours utile d’avoir les bases, par exemple, si le ranch est attaqué par des pilleurs ou d’autres survivants, un fusil sera plus pratique pour tuer tout en restant à distance. Avec un couteau ou une épée, elle serait obligée de foncer vers l’attaquant et se prendrait à coup sûr des balles avant d’atteindre qui que ce soit.  

Ensuite, elles devaient négocier le prix. Étrangement, Idyl n’imposait rien, Alexandra devait donc deviner en plus ce qui pourrait intéresser la garde. « Se serait plutôt à toi de me dire ce que tu voudrais. De l’alcool, peut-être ? Alors dis-moi, ce que tu veux en contrepartie, qu'on commence la formation. » Intérieurement, Alex espérait que l’autre femme n’allait pas lui demander des drogues, mais avec la conversation qu’elles ont eu quelques jours plus tôt, c’était tout à fait normal de se poser la question.

à sa première intervention, Idyl se contenta de hocher la tête pour approuver. Elle ôta la bandoulière du fusil, posa ce dernier contre un arbre, avant de sortir l’arme de poing de l’arrière de son pantalon. Pendant ce temps, l’autre avait repris la parole, et entamé mollement des négociations. Elle lui avait tendu une perche, elle ne l’avait pas saisi ; tant pis pour elle. La petite brune répondit immédiatement : “De l’alcool, ça ira très bien. Une bouteille pour dix cartouches ” elle fit mine de lui présenter le flingue, mais se ravisa en annonçant pour souligner son argumentaire : “Elles sont sur mon compte ; pas d’entraînement pour moi ce mois-ci si j’te file ce coup de main” puis, elle acheva son mouvement pour tendre l’arme, un pistolet chambré en 22LR, avant d’une nouvelle fois la reculer quand son interlocutrice voulut le saisir.

Elle haussa les épaules, et annonça : “Le théorique, d’abord. Range ton flingue, j’ai pas envie que tu fasses une connerie, et c’est pas la peine de gâcher des balles de 9 mm pour ça. Regarde moi bien. Tu répèteras après voir si t’as bien tout capté” elle approcha son arme, et commença des manoeuvres, en expliquant à chaque fois : “Chambrer une balle. Déchambrer une balle. Décharger une arme. La recharger. Tap Rack Bang si ton arme s’enraye. Rien de fou ; montre moi chacune des manoeuvres, et dis moi ce que t’es censée faire et pas faire une arme à feu en main” elle lui tendit l’arme, vraiment cette fois-ci, et attendit qu’elle la saisisse pour s’écarte un peu. En croisant les bras, elle adopta une position d’observation ; attentive aux manoeuvres de l’autre, mais surtout à son attitude par rapport aux règles de sécurité.

Idyl avait peut-être une âme d’instructrice, dans le fond. Même si elle était loin d’être pédagogue, elle était devenue, grâce à Connor, une spécialiste en arme à feu. En matière d’entretien, de drill ou de tir, elle était vachement douée. Et ce, encore aujourd’hui, malgré le temps passé au ranch. L’avantage était qu’elle pouvait justement s’entraîner ; 30 cartouches par mois, certes, de .22, mais quand même. Seule, dehors, il lui était arrivé de passer plusieurs semaines sans tirer une seule balle. Peut-être que c’est ce qu’elle devrait faire, au final ; instructrice. Mais, non. Elle ne serait pas payée comme elle l’est maintenant pour le faire officiellement, alors ils pouvaient alors se faire foutre.

Alexandra observa quelques instants la garde. Cette dernière avait toujours cette façon d’être qu’elle n’arrivait pas à comprendre. Alex fronça les sourcils, pensive, elle se demandait ce que l’autre femme attendait vraiment d’elle. Après tout, la logique voudrait que ce soit à Idyl de réclamer ce qu’elle voulait en échange de ses connaissances. Pourtant, tout portait à croire qu’elle attendait qu’Alex propose un prix. Un autre prix visiblement car à l’annonce de l’alcool, l’ancienne militaire avait l’air déçue. Qu’aurait-elle voulu d’autre ? Que pourrait bien lui offrir l’éclaireuse du ranch qui vaille la peine à ses yeux ? A chacune de leur rencontre, la grande brune se posait toujours plus de questions sur le compte de la garde. En temps normal, l’ancienne escorte girl arrivait à cerner les gens assez facilement. Mais là, impossible de savoir à qui elle avait à faire. Déjà, elle était persuadée qu’Idyl ne viendrait jamais l’aider à améliorer ses tirs et au final la voilà. Et de surcroît, elle avait apporté plusieurs armes à feu, ce qui donnait l’impression qu’elle allait vraiment lui accorder du temps. Pourquoi ? Après leur dernière rencontre, Wright était persuadé que Hawkins n’aurait plus envie de passer une seconde avec elle. Ou était-ce elle qui n’avait pas envie de passer plus de temps que nécessaire. Il est vrai qu’au final, c’était elle qui était le plus fâchée des deux à la fin de leur conversation. De plus, étant une jeune femme très rancunière, elle avait beaucoup de mal à oublier les mots de l’autre cavalière. Mais aujourd’hui, elle allait faire abstraction car avant tout, elle souhaitait apprendre. « Marché conclu. » Lui répondit-elle en balayant ses pensées d’un léger mouvement de la tête. « Tant de générosité ! On aurait pu mettre ça sur mon compte. Je me serais débrouillé pour trouver d’autres cartouches à l’extérieur. » Une petite réplique qu’elle risquait bien de regretter, cependant elle ne pouvait pas s’en empêcher. Tant pis, elle allait faire avec. L'orpheline tenait quand même à souligner que son interlocutrice n’était pas forcée de mettre ça sur son compte car elle détestait être redevable ensuite.  

Alexandra s’attacha les cheveux en une queue de cheval haute tout en écoutant son instructrice parler. Elle était sur le point de prendre l’arme que lui tendait Idyl et stoppa son geste lorsque l’arme repartit du côté de la garde. Puis, elle laissa tomber sa main sur le flanc et fronça à nouveau les sourcils. La suivre s’avérait toujours aussi compliqué, une fois c’était blanc et d’un coup ça pouvait virer au vert sans comprendre comment on en arrivait là et pourquoi. Mais pas le temps de tergiverser, elle rangea son arme comme on le lui ordonna. « Compris. » Annonça-t-elle pour que sa formatrice soit au courant qu’elle l’écoutait. Puis Alex se saisit de l’arme et fit presque à l’identique les manœuvres qu’elle venait de voir. Ses côtés observatrice et autodidacte lui permettaient d’apprendre vite et efficacement tout ce qu’elle voyait. Avant l’épidémie, la texane a connu 37 familles d’accueil et 20 foyers sociaux. A chaque fois, elle fuguait et a dû apprendre à se débrouiller seule pour survivre dans la rue. Une fois les gestes accomplis, la grande brune leva ses yeux noirs vers la naine et essaya de ce souvenir des instructions que le père de Maureen leur avait donné huit ans plus tôt. « Humm... Toujours vérifier si l’arme est chargée lorsqu’on la prend. Avec un revolver, il faut désenclencher la sécurité... Ne pas mettre son doigt sur la détente à moins d'être sûr de tirer... Tenir l’arme à deux mains pour plus de stabilité... » C'était un peu prêt tout ce qu’elle savait et Alex s’en doutait, ce n’était pas grand-chose, mais avant l’épidémie, elle n’avait jamais touché à une arme.

Idyl fronça des sourcils quand l’autre lui parla de trouver des cartouches à l’extérieur. Trouver des balles se faisait de plus en plus dur, et l’ancienne pilote trouvait complètement stupide de dépenser des cartouches qui pouvaient tuer en entraînement. Certes, le recul n’allait pas être le même. Mais ce dernier ne surprenait qu’une fois, si on était pas demeuré, et il était négligeable avec un 9mm. Mais, elle garda son discours pour plus tard, et se contenta d’afficher une moue perplexe avant de passer à la suite.

Elle regarda l’autre faire ses manipulations, en montrant clairement son approbation. Elle se contenta de hocher le visage, satisfaite, avant que son visage affiche une certaine déception. Elle secoua la tête, poussa un soupir avant de lui annoncer : “Bon, t’as l’essentiel, mais c’est un peu confus. On va fixer les règles d’or, celle qui vont t’éviter de flinguer quelqu’un qui n’aurait pas dû l’être” elle prit une inspiration, fouillant rapidement dans sa mémoire. Les trois règles d’or de la NRA, elle les connaissait depuis toute petite. Son père était un membre fervent, et elle l’avait honoré en étant membre de celle-ci. Ramassa le fusil, pour illustrer ce qu’elle allait dire. Elle lui annonça, presque machinalement : “Toujours, pointer son arme dans le vide si t'as pas de cible en vue” elle tenait son fusil comme elle le faisait normalement, soit en pointant le sol “Toujours, garder le doigt en dehors de la cachette sauf si t’es prête à tirer. Mais ça, tu le savais” elle se tut un instant, tapotant de son doigt sur l’arme pour lui montrer la bonne position, avant de rajouter : “La troisième règle, c’était de garder ton arme déchargée tant que pas prête à tirer, mais t’es une fille intelligente, et tu sais probablement que c’est plus une bonne idée. Du coup, remplace ça par : prends toi un holster plutôt que de glisser l’arme à ta ceinture, parce que tu risques de te retrouver avec une balle dans l’cul” elle se tut un instant, puis leva la main pour stopper une potentielle réponse. Elle fit deux pas, se posa sur un siège de fortune. Presque tendrement, elle déposa sur ses jambes pour se sortir une cigarette.

En commençant à l’allumer, la clope déjà dans le bec, elle reprit point par point la réponse qu’elle lui avait faite : “Toujours tout vérifier tout court, plutôt. Y’a pas de sécurité sur les revolvers, t’as juste à armer le chien. Et oui, c’est une question de bon sens. Mais tu devrais t’entraîner à…” son briquet décida enfin d’embraser le gaz, et elle dût se taire pour allumer sa clope. Elle prit en expirant sa première bouffée de fumée : “... Tirer d’une seule main, parce que t’auras peut-être pas l’choix. M’enfin, on verra ça plus tard” elle se leva, lui demanda ou plutôt ordonna : “Pour l’instant, on va juste driller. Fais comme si t’allais tirer sur cette canette, mais tire pas” en désignant un des objets probablement placés là par Alex.

Alexandra savait parfaitement qu’elle ne trouverait plus beaucoup de cartouches à l’extérieur. Tout a était pillé à l’exception des grandes villes. Or, c’était du suicide de s’y rendre seule ou même en groupe. Il y avait trop de rôdeurs pour s’en sortir indemne. Elle y allait parfois lorsqu’elle n’avait pas le choix. Mais ça relevait souvent du miracle qu’elle s’en sorte. Dans ce cas, où pouvait-elle trouver des munitions ? Sur les cadavres généralement, des anciens Jackals ou tout autres pourritures croisaient sur la route. Principalement, Alex évitait l’affrontement, préférant fuir pour s’éviter des blessures idiotes. Cependant, il lui est souvent arrivé qu’elle n’avait pas d’autre choix que de se battre. Ainsi, l’éclaireuse s’est retrouvée avec vingt-quatre morts sur la conscience. Des meurtres qu’elle ne regrettait pas. Se serait facile de dire qu’elle n’avait pas eu le choix car bien au contraire, elle aurait pu choisir un autre moyen. Parfois, elle n’était pas obligée d’ôter la vie. Mais elle l’a fait parce qu’elle savait qu’ils ne s’arrêteraient pas là. Ils auraient attaqué d’autres personnes, tués et torturés, pour la seule et bonne raison qu’ils pouvaient le faire. Dans ce monde post apocalyptique, il n’y avait plus de lois, plus de personnes pour appliquer ces lois. Bien sûr chaque groupe possédant un leader ou un conseil avait ses règles et une milice pour veiller que tout le monde les respectait. Mais à l’extérieur des communautés, chacun était en droit de faire ce qu’il lui plaisait. Partant de ce principe, Alex a pris l’habitude de voler les autres survivants qu’elle rencontrait et de tuer tous ceux qui l’attaquaient.  

Alexandra guettait les réactions d’Idyl. Le changement d’expression ne lui échappa pas. La grande brune se doutait bien que sa réponse n’était pas satisfaisante, mais elle n’y pouvait rien non plus. Avant l’épidémie, elle et sa colocataire n’avaient pas besoin d’arme. Elle vivait dans un quartier paisible, ne fréquentaient pas des gens dangereux et en plus, le père de Maureen était lieutenant de police. Si une personne louche rôdait à proximité, elles n’avaient qu’à lui en parler et il envoyait une voiture surveiller l’individu. Puis les emmerdes ont commencé en 2010, le lieutenant Westfall est passé, à donner l’arme et quelques directives puis a disparu de la circulation. C’était Maureen qui avait l’arme avec elle constamment pendant six mois. En y repensant, Alex se demanda pourquoi elle n’avait pas laissé le revolver avec le cadavre de son amie. Au début, ils ne lui servaient pas à grand-chose, peut-être juste à effrayer les importuns. « C’est bien pour ça que tu es là. Avoir une arme sur soi pendant huit ans et affronter tous les jours rôdeurs et fous dangereux ne font pas tout. » Lui répondit-elle avec un sourire sur les lèvres. Ensuite, elle écouta attentivement les points énoncés par sa formatrice, se les répétant dans sa tête pour les imprimer. « Un holster ? » Alors qu’Idyl s’éloignait pour s’allumer une cigarette, Alex se surprit à s'interroger à voix haute. Elle ne connaissait pas le nom de l’étui avant que l’ancienne militaire le dise et celui de son glock 19 se trouvait avec le corps en décomposition de Maureen. Il faudra vraiment qu’elle y retourne un jour. En attendant, elle ira à l’armurerie récupérer un là-bas.  

« Je suppose que je dois le faire à une main ? » Elle se mit donc en position, le corps en biais, le bras gauche qui tenait l’arme tendu et aligna ses yeux avec le viseur. « Alors, madame la professeure ? Est-ce que j’ai la bonne posture ? »

En guise de réponse, Idyl se contenta de tapoter celui vide qu’elle avait à la cuisse. Puis, elle se leva à nouveau, s’approcha de l’autre en croisant les bras. Trop occupée à tirer sur sa clope pour répondre directement, elle attendit simplement qu’elle se mette en place. Elle regarda sa posture, la jaugea, avant de conclure : “Mouais. Pas super, après, j’ai vu bien pire” elle s’approcha d’elle, lui replaça le pied en les poussant avec les siens. Puis, elle lui annonça : “M’enfin, on va déjà commencer par la base et une posture de tir plus classique” elle lui récupéra l’arme des mains, avant de lui annoncer : “Le plus important, au final, ça va être de répéter les gestes que j’vais te montrer. Faut que ça devienne un mécanisme, sinon, ça sert à rien. Parce dans une situation réelle, tu vas être stressée, que tu le veuilles ou non” Idyl parlait en connaissance de cause. Les pilotes étaient formés pour faire preuve de sang-froid dans les situations les plus intenses ; elle n’avait pas la discipline d’une machine de guerre des forces spéciales, mais il était difficile de la mettre dans une situation où elle allait s’affoler. Et même malgré ça, elle évitait au maximum les potentielles fusillades. Parce qu’elles étaient mortelles. Et parce, au fond, si elle aimait croire le contraire, elle était terrifiée à l’idée de mourir.

Elle rangea l’arme dans son holster, avant de faire pivoter sa tête pour analyser le terrain dans lequel elles se trouvaient. Il lui fallait un drill facile, réaliste, qui allait pouvoir faire travailler des techniques utiles à Alex. Elle pondit donc quelques choses en quelques instants, mais avant, elle lui montra comment dégainer et se poster. En accompagnant la parole des gestes, elle lui expliquait : “Pour dégaîner, regarde bien. Tu dégaines, tu pivotes en baissant ton coude. Là, t’es en position de contact. Là, en position de tir. En fin de tir, tu évalues toujours la situation” elle illustra en tournant la tête à droite puis à gauche, puis en se remettant en position de contact “Regarde comment je tiens mon arme ; y’a d’autres façons de le faire, mais j’trouve que c’est la meilleure” elle bascula sa main, pour bien qu’elle voit la position de chacun de ses doigts autour de l’arme. Elle éjecta retira ensuite le chargeur,  avant d’enlever la balle en chambre en tirant la culasse et de finalement rengainer  son arme. Elle s’enleva la cigarette du bec pour pouvoir respirer un peu. Elle leva son doigt, et lui annonça : “Donc, j’vais te montrer un exercice, que tu vas faire une dizaine de fois dès qu’on aura vérifié que t’as bien les bonnes positions”

Elle lui fit signe de s’écarter un peu, fini de tirer sur sa cigarette avant de l’écarter par terre. Elle alla fouiller dans ses poches, à la recherche de ses bouchons d’oreille qu’elle ne tarda pas à mettre. Inutile de se niquer les tympans pour rien. Elle se dressa ensuite, debout normalement, avant de dégainer brusquement son arme, y insérer le chargeur, chambrer une balle, retirer et ranger le chargeur, faire feu une première fois. la détonation retentit, mais elle l’entendit à peine. Elle appuya ensuite une deuxième fois sur la gâchette dès qu’elle estima être à nouveau sur sa cible initiale. Le chien s’abattit, mais l’arme sans chargeur était à sec. Alors, elle fit trois pas sur le côté pour se placer en couverture derrière un arbre, répéta la manoeuvre d’insérer le chargeur, de chambrer une balle et de l’enlever, pour ensuite se décaler et ouvrir le feu une deuxième fois sur une autre bouteille qui éclata. Puis, à nouveau tirer sans balle. Puis, fin de tir, elle baissa son arme en position de contact, regarda à droite puis à gauche.

Elle s’approcha ensuite de l’autre, en lui tendant l’arme et en parlant trop fort à cause de sa surdité artificielle : “Montre moi, pour la position. Si c’est bon, on passera à l’exercice ; tu feras une première fois sans moi, et ensuite…” les mains enfin libre, elle put enlever ses bouchons et reprendre : “Ensuite j’t’accompagnerais, au besoin. Des questions, en même temps ?” en attendant que l’autre se mette en place, elle commença à enlever et régler son holster pour lui prêter le temps de l’exercice.

Les températures des mois d’août au Texas tournaient aux alentours des 40°C. On pouvait dire qu’il faisait très chaud et malgré qu’Alexandra soit habituée à ces chaleurs, elle aurait bien apprécié un peu de vent. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y en avait pas. De plus, elle était en plein soleil pour son entraînement au tir, ce qui n’était franchement pas agréable. La sueur perlait sur son front et ses vêtements lui collaient à la peau à certains endroits. Elle était peut-être une texane de pure souche, mais elle avait hâte de retrouver son ventilateur dans son camping-car et prendre une douche “fraîche”. On pourrait penser que le fait de ne pas avoir accès à l’eau chaude de la maison Rhodes ne dérangerait personne pendant la période estivale. Malheureusement, avec cette chaleur l’eau froide en hiver était tiède en été. Bref, à présent que Idyl clopait à côté d’elle, Alex était bien contente de ne pas avoir la fumée dans la figure. Un jour, elle lui prendra sa cigarette du bec et l’écrasera sans scrupule avec sa godasse. Mais là, elle n’avait pas envie de se prendre le chou avec cette femme. Déjà que cette dernière a bien voulu venir lui donner des leçons sur les armes à feu, elle n’allait pas tout gâcher seulement parce qu’elle ne supportait pas la fumée.  

Alexandra ne parut pas surprise de la réponse d’Idyl. Elle ne s’attendait pas à des compliments de la part de l’autre femme car ce n’était clairement pas dans son caractère. De ce fait, elle ne prit pas en compte sa remarque. Après tout, elle ne devait pas être la seule qui ne sait pas adopter une posture correcte pour tirer. A bien y réfléchir, qui s’inquiète de la position de son pied quand une horde de rôdeurs leur fait face ? Pas beaucoup certainement et peut-être que c’est pour cela que certains sont morts de manières idiotes, comme se fouler la cheville, tomber d’une certaine hauteur. Justement parce qu’ils n’avaient pas le pied correctement posé et donc ils manquaient d’équilibre. Puis les paroles de la garde ont rejoint les pensées de l’éclaireuse. Il fallait que la posture devienne un mécanisme car dans une situation réelle, le stress l’empêchera de réfléchir à la position de ses gambettes. Ensuite, tout en l’observant faire son show, l’ancienne escorte girl en profita pour boire quelques gorgées d’eau provenant de sa gourde qu’elle avait mis dans la poche arrière de son jeans. Elle écoutait et observait attentivement, tout en prenant note mentalement de tout ce que lui disait Idyl. Quand elle était à l’école, Alexandra Wright n’était pas aussi studieuse. Quand elle ne séchait pas les cours, elle dormait en classe. Le blabla des professeurs ne l’intéressait clairement pas et elle ne voyait pas l’utilité de savoir le théorème de Pythagore ou de de Thales pour son avenir. En fait, à cette époque, elle ne se projetait pas dans l’avenir. Elle vivait au jour le jour sans penser au lendemain.  

Idyl termina sa démonstration et tendit l’arme à la grande brune. Alexandra récupéra l’arme et se plaça comme lui avait montrer sa formatrice du jour, en pensant à placer correctement son pied cette fois-ci. « Tu te trimbales vraiment tout le temps avec des boules quies sur toi ? » Elle n’avait pas pu s’empêcher de poser cette question. Il est vrai que dans les séries qu’elle regardait avec son amie avant l’épidémie, elles voyaient tout le temps les flics mettre des casques lorsqu’ils s’entraînaient dans la salle de tir. Mais aujourd’hui, dans ce monde post-apocalyptique, c’était étrange de voir quelqu’un s’inquiéter de son audition. Le sourire malicieux sur ses lèvres s’effaça et elle reprit un air sérieux tout en se concentrant sur la marche à suivre. L’arme rangeait de son étui, Alexandra commença les manœuvres de positionnement. Elle dégaina, pivota en baissant son coude, se mit en position de contact puis de tir et analysa la situation en tournant la tête de chaque côté. Enfin, elle se remit en position de contact dans l’attente de réflexion de l’autre cavalière. Elle en profita pour poser une autre question, plus sérieuse cette fois-ci : « Tu as appris tout ça chez les militaires ou te savais déjà avant ? » Un peu plus loin sur sa gauche un rôdeur entra dans son champs de vision. L'éclaireuse lança un petit regard à la garde comme pour avoir son approbation, se mit en position en appliquant consciencieusement ce qu'elle venait apprendre. Il faut dire que vu la rapidité de ce qui était autrefois un homme, elle pouvait se permettre de prendre le temps d'avoir une bonne posture. Le chargeur dans le pistolet, elle tira deux balles, la première traversa la gorge et la seconde passa par la joue pour se loger dans le crane.

Idyl haussa les épaules, et répondit par un simple hochement positif à la première question. Oui, elle avait toujours des boules quies sur elle. Comme elle avait toujours de quoi faire les  premiers soins. C’était dans son kit de base, une sécurité essentielle quand on utilisait des armes à feu. En situation réelle, Idyl ne les mettait que si elle y était forcée ; comme dans un bâtiment, par exemple ; où la réverbération des 150 décibels d’une détonation d’arme à feu pouvait la laisser sonnée. Là, en l’occurence, elle n’était clairement pas disposée à se niquer les tympans pour le plaisir. Libre aux gens de penser ce qu’ils voulaient, mais un sourd ne risquait pas de vivre très longtemps dans ce monde.

Elle observa attentivement l’exercice, haussa les épaules. C’était pas mal, elle allait apprendre vite. Elle enleva ses bouchons en s’approchant d’elle, s’apprêtant à lui faire une remarqua quand l’autre lui posa une question. Elle poussa un soupir, s’apprêta à lui répondre ; mais alors qu’elle ouvrait la bouche, un rôdeur vint les importuner. Idyl posa la main sur la poignée de son couteau, mais l’autre sembla vouloir en profiter pour s’exercer. Elle lui fit un vague signe de la main, et l’observa faire. Deux tirs. Idyl eut une moue pensive, avant de s’approcher de l’autre et de lui annoncer : “Un peu plus de discipline sur ta gâchette ; prend le temps de bien te réaligner avant de faire feu à nouveau. Tu peux pas te permettre de perdre une balle contre un rôdeur” contre un humain, c’était différent ; là, le stress et la peur de mourir rentraient en compte. Une balle qui claquait et sifflait, ça donner plus envie de se mettre à couvert que de riposter immédiatement ; la précision devenait moins importante. Elle secoua la tête, puis, se souvint de la question de l’autre et décida d’y répondre. En temps normal, elle ne l’aurait pas fait, mais, elle voulait tendre une perche à l’autre grognasse en se montrant amicale : “Plus ou moins. J’ai appris à tirer très tôt, avec mon père. J’étais pas mauvaise, en intégrant l’armée. Et j’suis devenue une machine, grâce à l’expertise d’un ami” le mot lui brûla presque la gorge. Mais, pas le temps de se laisser envahir par la nostalgie. Mieux valait se concentrer sur ce qui allait lui apporter de l’alcool. Elle fit deux pas en arrière, remis ses bouchons d’oreille et annonça à l’autre : “Tu sais quoi faire. Tu vas répéter ce que t’as fais, jusqu’à ce que tu sois à sec. Mémorise bien, faudra que tu répètes autant que tu peux”

Elle se plaça donc en observatrice, surveillant la bonne position de l’autre ; prête à la corriger verbalement en cas de problème, lui donnant les indications nécessaires s’il fallait. Elle ne se pensait pas pédagogique ; mais, peut-être qu’au fond, elle l’était un peu. Elle maîtrisait le domaine, faisait preuve d’une certaine… patience ? De la tolérance, plus. Avec un élève moins doué, elle se serait probablement déjà montrée désagréable, m’enfin.

La raison principale qui faisait qu’Alexandra n’utilisait pratiquement jamais son glock 19, c’était justement le bruit. Les coups de feu attiraient les rôdeurs et les pilleurs, mais ça a également des effets néfastes sur l’audition. Et il n’était pas permis de devenir sourd dans un monde pareil. Perdre l’ouïe pouvait être fatal. Certes, les marcheurs n’étaient pas des êtres très discrets. Ils faisaient beaucoup de boucan pour des êtres morts et grâce à ça, les survivants pouvaient les entendre et éviter d’être surprit. De ce fait, Alex comprit vite qu’il était indispensable d’avoir des boules quies. Certainement trouvera-t-elle une boîte dans le magasin d’une station essence. La jeune femme était pratiquement sûre d’en trouver, les autres humains ont dévalisés les rayons de médicaments, de nourritures et de bricolages mais ont peu touchés aux autres rayons. Ce qui était logique après tout, qui se soucier de laver son linge, de nourrir les animaux ou même de son hygiène corporelle ? Plus personne à part les quatre clans. Les gens à l’extérieur des zones protégées telles que le ranch, Olympia et la mine vivaient comme des sauvages. Ils bougeaient tout le temps d’un point à un autre pour fuir les hordes de zombies ou les brigands. Les déplacements à répétition les obligeaient à prendre que le strict nécessaire avec eux, c’est-à-dire, la nourriture et le matériel de soin. Pour ce qui est de l’éclaireuse, elle ne se posait plus la question sur le nécessaire à prendre, lors de ses sorties, elle amassait un maximum de choses qu’elle ramenait à la Crimson Valley. Ensuite, c’était aux autres de faire le tri sur ce dont ils avaient besoin dans l’urgence et les autres bibelots à entreposer pour une autre fois. En tout cas, pour la prochaine fois, elle se nota dans un coin de la tête qu’il faudra trouver des protections contre les coups de feu, en attendant, elle fera sans.

Alexandra manqua sa cible au premier coup car le walker a marché sur une petite pierre ce qui l’avait légèrement élevé. Mais aussi, et ça la grande brune ne l’avouera jamais, parce que le souvenir de la mort de Maureen lui était revenu en mémoire. Huit ans après, elle y pensait toujours comme si ça venait de se produire. C’est l’autre raison qui fait que l’orpheline n’aimait pas les flingues. Ils lui rappelaient le suicide de son amie. Cet instant où elle essayait de dormir, l’esprit tourmenté par le départ du lendemain, puis le coup qui résonnait dans l’appartement, les pas des zoneurs qui approchaient, la flaque de sang, le fauteuil. Bref, elle ne se souvenait plus du visage de la blonde, de sa voix ou de ses rires, mais sa mort, elle avait une image très claire de la scène. Du coup, le premier tir la surprenait toujours. Tandis que le second toucha sa cible et traversa la tête pour sortir de l’autre côté avec des morceaux de cervelle et d’os. Puis, Alex soupira après avoir reçue quelques conseils de la garde. C’était ce soupir qui en disait long, il disait, je sais et tu as raison. « Je pense que contre les rôdeurs, je vais continuer mes bonnes vieilles techniques. C’est-à-dire les éviter le plus possible ou les tuer au couteau et à l’épée. Ça m’évitera d’utiliser inutilement les balles et surtout d’en attirer d'autres dans le coin. Ce qui m’inquiète le plus, ce sont les humains. J’en ai déjà tué un certain nombre, mais c’était très limite à chaque fois. » Vingt-quatre humains était le nombre exact de ses victimes. Elle ne s’en vantait jamais car comme elle venait de l’avouer, ça tenait de la chance. La plupart était des Chacals qui l’attaquaient. L’instinct de survie a fait le reste, Alex s’est défendu du mieux qu’elle pouvait.  

Finalement, contre toute attente, Idyl répondit à la question avant l’apparition du rôdeur. Une perche tendue que Alexandra avait bien envie de saisir. Toutefois, elle était pratiquement certaine que l’autre femme ne poursuivra pas la conversation dans ce sens. « Une machine ? » Tant pis, la curiosité était trop forte. Pour la cavalière être une machine c’était tuer toutes les personnes se dressant sur son chemin sans avoir de remords, en instant bien sur le dernier mot. Sinon, ce n’était pas une machine.  

« Tu sais, tu pourrais faire profiter les autres de tes connaissances. Bien sûre pas gratuitement. Mais je suis sûre que je ne suis pas la seule à ne pas savoir tirer. » Wright reprit son entraînement, prête à enchaîner les techniques jusqu’à être à sec. Elle visualisait chaque posture que l’ancienne militaire avait prise tout à l’heure et l’imita. Au bout d’un certain nombre de fois, c’était devenu un automatisme. Pour terminer, elle baissa l’arme en position de contact, regarda à droite puis à gauche.

Idyl se gratta la tête, perplexe face au discours de l’autre. Elle croisa les bras, haussa les épaules. Elle n’allait pas annoncer à l’autre qu’elle aussi, elle avait tué un certain nombre d’humains, parce qu’elle avait largement dépassé le stade. En y repensant, elle pensait qu’elle en avait tué des centaines et des centaines, et avait peut-être tapé dans le millier. Mais les moyens étaient différents ; il n’y était pas allée à l’arme légère. Et, pas vraiment de bon coeur. Elle a fait ce qu’elle pensait avoir à faire ; ce qui au final avait et n’avait pas été une bonne idée en même temps. Ces zones de quarantaine étaient perdus ; ces gens allaient mourir. Elle leur a épargné de devenir des rôdeurs. Une bien maigre justification pour des actes qui lui auraient probablement valu la peine de mort par une cour martiale. Elle ne commenta pas, du coup.

Elle haussa les épaules à sa question, répondit directement : “Ouais. J’tire bien, et je dégaine assez vite. C’est… mécanique, comme mouvement maintenant ? Automatique ?” ce qu’essayait de faire son élève, elle le faisait sans réfléchir tellement elle avait répété les mouvements encore et encore. Elle était donc d’une efficacité redoutable dans l’utilisation d’arme à feu, dans le sens où elle était surprenante. Elle ne payait pas de mine, au premier abord ; mais elle avait presque les capacités de tir d’un seal. Elle ne pensait pas par contre atteindre un jour le niveau de Connor. Son tuteur avait des réflexes, et surtout une vision sur les choses tellement impressionnants. Elle pensait encore aujourd’hui qu’il avait fait le choix de mourir pour elle ; qu’il savait ce qu’il faisait en prenant cette ligne de tir le jour de la tragique embuscade des années plus tôt.

Elle continua de l’observer silencieusement un instant, ne réagissait pas directement à sa remarque. Elle était trop occupée à analyser la posture et l’attitude de l’autre, et ne voulait pas la déconcentrer ce faisant. Quand elle termina sa dernière série, Idyl lui annonça : “Ouais, j’vais pouvoir me refaire en alcool au moins” elle se tut un instant, et reprit son cours sans aucune forme de transition : “Donc, avec ce drill ; tu travailles plusieurs choses à la fois. C’est le but. Tu pourras te faire tes propres drills toutes seules, dès que t’auras compris le plus important. C’est à dire, savoir ce que tu fais, savoir ce que tu travailles” elle se tut un instant, récupérant l’arme des mains de l’autre et en lui annonçant : “Mais pour l’heure, ce que tu vas travailler sans moi, c’est des trucs que tu vas isoler. Genre, le rechargement. L’acquisition de cible. L’alignement des yeux avec ta mire. La gestion du recul. Une fois que tout ça sera mécanique, t’auras plus à te soucier de faire trop de la merde avec ton flingue. Garde le holster, c’est cadeau” pas vraiment, puisqu’il n’était pas tout à fait à elle. m’enfin. Elle s’adossa à un arbre, et demanda à l’autre : “Des questions, du coup ?”

Alexandra le remarqua, cette expression perplexe qui traversa le visage d’Idyl. C’était bref, seulement quelques secondes, mais cela ne lui échappa pas. Evoquer des humains tués avaient visiblement raviver des souvenirs chez la garde. L’éclaireuse pouvait deviner que l’autre cavalière en a tué des humains lorsqu’elle était militaire. Avant l’épidémie, c’était des ennemis des Etats d’Amérique, donc là, il n’y avait pas de problème d’ordre moral. Elle a suivi les ordres. Mais après, peut-être a-t-elle dû abattre des gens innocents pour protéger d’autres durant la période des zones de quarantaine. Alex supposait seulement mais elle comprenait que face à la mort celui qui méritera de vivre et celui qui vivra sont deux choses bien différentes. Et aussi, parce qu’elle-même a été forcé de faire des choix pour protéger sa vie et celles de personnes proches.

Dans la foulée, Idyl croisa les bras, ce qui était un signe visible de replie sur soi-même. La garde se renferma et une fois de plus n’avait pas l’intention de partager ses souvenirs. Certes, Alex ne s’attendait pas à ce son interlocutrice lui raconte dans les moindres détails sa vie avant le ranch, mais qu’au moins elle lui fait part de certains évènements. Cela prouverait au moins qu’elles ont passées le stade d’étrangères. Mais visiblement, c’était trop demandé même après tous ces petits moments passés ensemble depuis quelques mois. Tant pis, ce n’était pas comme si la grande brune souhaitait absolument s’en faire une amie. Si elle avait voulu en savoir davantage, Alex aurait très pu bien lui poser des questions, voir la pousser à bout jusqu’à ce que l’autre femme fasse une erreur et dévoile quelques secrets. Néanmoins, ce n’était pas son but, pas aujourd’hui en tout cas. L’espionne n’avait aucune raison de harceler Hawkins. Cette dernière était étrange, cependant, elle n’avait pas l’air d’une traîtresse, ou du moins celle qui pouvait retourner sa veste par profit. Elle n’avait pas l’air non plus d’une grande fidèle d’Abel, mais ne donnait pas l’impression qu’elle ferait quelque chose contre lui. Bref, la relation étrange qui les liée suffisait à Alexandra.  

« Tu étais militaire depuis longtemps avant l'épidémie ? » Une question tout à fait anodine, sans réelle valeur, seulement pour engager la conversation. Elle lui a traversé l’esprit pendant qu’elle faisait sa démonstration, mais Alex a préféré attendre d’avoir terminé pour la poser. Puis elle se rappela de la partie de poker et de la conversation qui avait mal débuté entre elles. Elle s’est aussi souvenu que la garde lui a dit qu’elle était un an sur USS Nimitz et cinq en cavale. Mais était-elle militaire que depuis un an avant l’épidémie ? C’était peu probable au vu de ses connaissances en matière d’armes à feu et même si son père lui avait déjà appris avant cela. « Ne le cri pas trop fort ou tu vas avoir de la visite pour t’aider à liquider ton stock d’alcool. » L’alcool ce n’était pas ce qui manquait le plus dans ce monde. N’ayant pas vraiment de date de péremption, on pouvait donc boire du vin qui avait 10 ans d’âge. Et dire que certains les garder en collection et ça coûté une vraie fortune pour un goût parfois vraiment dégueulasse. Ses clients, à l’époque où elle était escorte girl, disaient que l'arôme était pétrolé. « C’est tout ? Pas de réflexion sur ma posture ? » Alexandra était surprise, elle s’attendait à ce que ce soit plus difficile et plus long aussi. Mais peut-être qu’Idyl n’avait tout simplement plus envie de donner des cours ou peut-être était-ce l’heure de son tour de garde ? « Ce n'est pourtant pas encore mon anniversaire. Mais merci quand même. » L’éclaireuse récupéra son glock 19 et le rangea dans le holster. « Je n’ai aucune question. Et si ma formation est terminée, il n’y a plus qu’à aller récupérer tes bouteilles d’alcool que j’ai dans ma caravane. Sauf, si tu veux qu’on enchaîne avec celui-là. » Dit-elle en montrant d’un geste de la tête le fusil posait contre l’arbre.

La question étonna un peu Idyl. Elle haussa les épaules, tout d’abord, en guise de réponse. Puis, elle poussa un soupir avant de finalement lâcher : “Trois ans sous contrat, environ. Trois déploiements à l’étranger. Quatre ans d’école militaire, avant, si ça compte” elle avait répondu machinalement, comme elle le faisait quand elle était encore militaire. C’était un réflexe, pas vraiment une fierté. Elle s’était engagée pour sauver des vies à la base ; ne l’avait fait que dans une certaine mesure, dans des conditions qui la faisaient doucement rire. L’amertume, c’était ce qu’elle avait retenu de ses différentes missions. Si elle avait voulu des vies, elle aurait dû directement essayer d’être prise dans un régiment d’hélicoptère de combat. Rien qu’à y repenser, ça la frustrait. Des gens étaient morts, parce que son appareil était dans l’impossibilité d’aller les secourir parce que la zone était jugée trop dangereuse. Elle aurait voulu prendre tous les risques ; elle aurait dû le faire. Mais elle ne l’a pas fait. Pour derrière, obéir à des ordres qui ont mené à la mort de centaines d’innocents. Elle détourna le regard un instant, alors que ses lèvres s’étiraient en une étrange moue pensive.

Elle haussa les épaules face à l’étonnement de l’autre, se contenta de lui rajouter : “T’as les clés du succès, ma belle. La posture, elle est simple. Le geste aussi. Ce qui est dur, ça va être de t’imposer la discipline de travailler ça tous les jours. Alors que c’est le plus important. Garde ça en tête. ça doit être mécanique” elle hocha simplement la tête, quant à ses remerciements. Ce n’était rien ; même pas son holster à la base. Alors, libre à elle de le garder, elle en prendra un autre.

à la question suivante, elle haussa une nouvelle fois les épaules. à croire que c’est un geste qu’elle faisait beaucoup en compagnie d’Alex. Elle lui indiqua très simplement, tout à fait honnête : “Tant mieux. Là, c’est comme tu veux ma grande. Tu connais mes tarifs. Juste, la maison fait pas crédit. Et, encore une fois, ce sera juste les bases” au final, tirer au fusil est largement plus simple qu’au pistolet. Mais l’arme était plus encombrante, plus difficile à utiliser en combat urbain parce qu’il fallait avoir conscience de la longueur de son arme, chose pas toujours évidente pour un novice. Elle alla saisir le fusil, soit pour le ramener à l’armurier, soit pour proposer une autre leçon à la brune.

Alexandra fixa Idyl, surprise que cette dernière lui ait répondu sur son passé de militaire. Décidément, cette garde était un vrai mystère pour l’éclaireuse. Parfois, elle s’agaçait aux questions les plus anodines et d’autres moments, elle y répondait comme à cet instant. Perdue dans ses pensées, ce qui attisa encore plus la curiosité d’Alex. La jeune femme brûlait d’envie de poursuivre son interrogatoire, savoir toujours plus, c’était dans sa nature. Elle ne parlait pas beaucoup, mais elle écoutait les autres raconter leur vie. Avant l’épidémie, elle rêvait de vivre la vie de ses clients, voyager dans le monde entier pour pouvoir boire des champagnes très chères devant un coucher de soleil sur une plage privée. Parfois, ça l’agacée aussi, surtout lorsque ses gosses de riches se plaignaient de ne pas posséder le dernier truc en vogue. Ils avaient tout, mais ils étaient toujours insatisfaits. Mae les écoutait et les questionnait pour satisfaire leurs egos. Elle était leur amie, attentionnée et toujours souriante. Mais ce qu’ils ne voyaient pas c’était qu’elle faisait semblant. Elle voulait juste le temps d’une soirée vivre comme une princesse. Pouvoir se pavaner en robe de créateur et attirer l’attention. Boire et manger sans devoir dépenser un rond. Cependant, elle ne souhaitait pas vivre cette vie ad vitam aeternam. Être l’épouse d’un héritier fortuné ou d’un vieux esseulé, Wright savait très bien qu’elle ne serait pas heureuse très longtemps. De plus, elle avait d’autres projets en tête, des projets malheureusement avortés à cause de l’apocalypse. Aujourd’hui, elle était l’éclaireuse du ranch et se contentait de son rôle. Toutefois, certaines choses ne changeaient pas comme le fait de vouloir interroger ses interlocuteurs sur leurs vies passées. Un défaut professionnel en quelque sorte mais qui pouvait avoir son utilité. Surtout pour débusquer des traîtres puisque la jeune femme espionnait ses petits camarades à titre officieux.  

Finalement, Alexandra n’aura pas l’occasion de poser d’autres questions à Idyl. Alors qu’elle lui rappelait ses tarifs, une raider arriva à leur hauteur. Pliée en deux pour reprendre son souffle, elle mit un certain temps avant de parler. « Alex. Je te cherchais. On a besoin de toi pour une mission de ravitaillement. » En clair, ils avaient besoin qu’elle aille en première ligne pour se prendre toutes les merdes à leur place. Un soupire lui échappa. Bienvenue aux pays des merveilles, Alice ! Ce pays merveilleux remplit de morts-vivants qui veulent vous bouffer et de survivants prêt à vous tuer pour trois barres de céréales et un chargeur à moitié vide. « J'arrive. » Sa leçon de tir était donc terminée. Elle se tourna vers sa formatrice et lui donna les clefs de sa caravane. « Merci et prend ce que tu veux. C’est dans le placard en-dessous du lit. » De toute façon, elle ne trouvera rien d'intéressant ailleurs dans le camping-car. Alexandra n’avait pas beaucoup d’affaire personnel. Déjà avant l'épidémie, elle ne possédait pas grand-chose et le peu qu’elle possédait, l’éclaireuse le portait sur elle. Après un bref sourire, la grande brune quitta la garde et alla rejoindre l’équipe de ravitaillement qui l’attendait du côté du campement.