Sorry not sorry | ft. Idyl Hawkins

La matinée semblait bien partie, à la base. Un ciel dégagé, un vent frais qui préservait tout le monde de la chaleur. Mais les choses étaient toujours trop belle pour durer. D’abord, l’autre teubé de Mike ; il avait pas l’air vraiment en forme. S’il avait commencé le tour de garde en pleine forme, il avait commencé à se crisper y’a une trentaine de minutes. Et voilà que y’a dix minutes, il s’était barré pour aller au petit coin. Il était probablement pas aller très loin ; ou du moins, c’est ce qu’elle espérait ; mais si Wyatt passait, et qu’il la voyait seule, et elle serait définitivement baisée.

Fallait en plus qu’au moment où Mike se casse, elle remarquait quelque chose de suspect. C’est pour ça qu’elle était plantée là, à se forcer à agir normalement. Un éclat au loin lui avait donné l’envie de jeter un coup d’oeil aux jumelles ; et il lui semblait avoir vu quelque chose. Quelqu’un, peut-être ; potentiellement en observation. Il était loin, très loin ; entre huit cent mètres et un kilomètre, elle pensait. Mais ça restait un problème. Alors que les bruits de quelqu’un qui montait à l’échelle se faisait entendre, elle était en train de faire mine de ne pas être sur ses gardes du tout. Restant silencieuse, elle jetait des coups de jumelle à droite, puis à gauche, en évitant soigneusement la zone suspecte pour l’instant. Mais, alors qu’elle baissait ses jumelles, et faisait mine de rien, un autre éclat lumineux vint lui titiller la rétine. Elle ne se crispa pas, se contentant d’afficher une moue légèrement inquiète. Mike était visiblement de retour, sur la plateforme depuis quelques instants. Alors qu’elle s’apprêtait à lui parler, elle se crispa ; cet abruti lui aurait probablement dit quelque chose. Elle se crispa, passa sa main de ses jumelles au couteau qu’elle avait à la ceinture au moment où elle sentit un contact froid au niveau de sa nuque. L’espace d’un instant, elle se dit qu’elle était baisée ; mais, sa formation lui permit de retrouver son calme très vite. La voix était familière ; Cillian, supposa-t-elle. Traître ; c’est tout ce qu’elle pensa à cet instant.

Elle commença à écarter une première main, alors qu’elle s’apprêtait à lancer un SOS en morse sur son talkie, quand le ton de cet abruti changea et que le toucher glacial du canon s’arrêta au moment où elle envoyait le premier signal court. Elle ne manqua pas de directement lui annoncer : “Trou du cul, bordel. Arrête ton cirque, j’ai pas que ça à foutre et peut-être du contact” elle se tut un instant, mais sans lui laisser le temps de répondre, elle se tourna, lui lança un regard noir, et continua : “Mets toi de ce côté, fais genre tu montes la garde” avant de se retourner vers son côté. Elle n’allait pas tarder à remettre un coup de jumelle, et si ses doutes continuaient, elle utiliserait son talkie pour envoyer une patrouille. Mais en attendant, elle se renfrogna, et annonça à l’autre : “T’es vraiment débile ; si Wyatt passe, je balance ta putain de blague, j’m’en tape. Et tu vas l’admettre” et la sanction allait probablement être très sévère. Mais elle la serait pour elle si elle ne pouvait pas justifier la présence de l’autre teubé à son poste. Elle n’allait pas prendre de risques pour couvrir un connard. En réfléchissant, elle s’indigna un peu plus ; qu’est-ce qu’il faisait armé ? Elle lui demanda directement, d’un ton sec : “Qu’est-ce que tu branles avec ton arme, en plus ? La première putain de chose que t’as à faire en rentrant c’est de la déposer à l’armurerie”

Cillian faisait de l’effet à Idyl. Dans le sens où, à force de l’étonner par sa stupidité et sa témérité ; deux traits qui se confondaient probablement chez le garçon ; elle remuait tellement ses sourcils qu’elle devait se les muscler, elle en était certes. Elle ne put s’empêcher de tourner la tête vers lui, et de lui lancer un regard abasourdi à sa dernière intervention. Hors de question de rester désarmé ? Putain. Elle s’apprêta à lui répondre séchement, l’invectiver, mais elle se contenta de se mordre la lèvre pour se forcer à se taire alors qu’il reprenait en justifiant sa visite. Elle passa son regard de ses yeux à ce qu’il tenait, et une étincelle s’amusa dans ses prunelles quand elle vit le produit.

Elle était à sec, littéralement. Mais qu’est-ce qu’était cette situation ? Cet abruti pensait venir picoler avec elle pendant ce tour de garde ? Non, il serait pas assez débile quand même. Encore une fois, elle resta bouche bée, arqua son sourcil en guise de réaction. Elle poussa un soupir, et tourna la tête pour reprendre son travail, alors que l’autre esquissait probablement un mouvement. Elle n’y prêtait même plus attention. Puis, vint la menace. Elle laissa passer un instant, puis, consumée par la torture qu’était de savoir qu’une telle boisson allait être gâchée elle se tourna. Elle croisa son regard, passa à la bouteille, revint au premier. Elle hocha la tête pour lui faire comprendre qu’il la fatiguait, en y ajoutant une moue au cas où il serait assez débile pour ne pas le comprendre. Puis, elle lui annonça très calmement : “Qu’est-ce que tu veux, Cillian ? Qu’est-ce que tu crois, plutôt ? J’ai d’autres choses à foutre que de m’occuper de ton petit chantage, là, actuellement” à ce moment, sa radio grésilla. Elle la saisit, alors qu’on y annonçait : “Hawkins, j’me sens trop mal. J’vais à l’infirmerie. Hopps arrive” elle répondit formèlement : “c’est bien pris” avant de raccrocher sa radio et d’annoncer à l’autre : “T’as cinq minutes pour m’expliquer, du coup. Bouge ton cul”

Elle tourna la tête, ne comptant pas le regarder en écoutant sa réponse. Elle avait un périmètre à sécuriser. Alors que l’autre commençait à répondre, elle plissait des yeux pour voir si le mouvement suspect qu’elle avait remarqué se confirmait en tant que menace. Elle vit alors cet éclat lumineux, porta les jumelles à ses yeux, fut rassurée de voir qu’il ne s’agissait que d’un rôdeur. Elle se tourna donc pour écouter la fin de la réponse de l’autre, en croisant ses bras pour bien lui faire comprendre la joie qu’elle éprouvait à l’idée de le voir ici.  

Idyl tourna la tête pour regarder Cillian avec l’air le plus suspicieux au monde. Son histoire, ça sentait la poudre. Sa proposition également. Elle regarda par dessus les rambardes de la tour, de chaque côté, fit un petit tour d’horizon alors que l’autre continuait de lui déblatérer son flot de conneries. C’était un prank, hein ? Ou un coup monté de Wyatt. Non, probablement pas. C’était Cillian qui était juste con, en conclua-t-elle alors qu’il finissait son charabiat. Ou du moins, il en était à la partie sur le sexe, et elle ne put s’empêcher de rouler les yeux de manière  exagérée pour bien lui faire comprendre qu’il était barbant. Quand il termina son petit monologue, Idyl resta immobile. Comme un animal sauvage qui venait d’être surpris et qu’on essayait de nourrir, et le regardait, regardait la bouteille, le regardait. Après un instant, elle prit une grande inspiration, et toujours sans esquisser le moindre geste, commença à lui répondre : “Mes piètres opinions sont fondées, en général. Et je doute que la pure gentillesse existe encore aujourd’hui” elle était honnête, sur ce point. Tout le monde faisait quelque chose par intérêt, ne serait-ce que pour de la reconnaissance. C’était le cas avant, c’était encore plus le cas dans ce contexte post-apocalyptique.

Mais Idyl n’était pas une connasse pour être une connasse. Elle avait entendu ce qu’il avait à dire, alors, elle le regarda dans les yeux encore quelques instants, avant d’annoncer en lui tendant la main, non pas vers la bouteille mais vers sa main libre : “Je vois ça comme une excuse, et je les accepte, ducon. T’amuse plus à me faire ce genre de connerie, par contre, sinon j’te fais sauter le caisson” avant de concrétiser cet accord, et de potentiellement prendre la bouteille pour la mettre dans sa sacoche, elle comptait bien lui serrer la main, histoire de concrétiser tout ça. Elle avait envie d’en vouloir à Cillian ; m’enfin. Elle lui en voulait parce qu’il avait manqué de respects à des morts, mais ça ne faisait plus de sens dans le contexte actuel. Elle avait envie de penser qu’ils étaient morts pour rien, mais ce n’était pas le cas ; son père était mort pour sauver ses camarades. Ce n’était pas rien, et l’un de ses types était potentiellement encore en vie, encore utile grâce à ses connaissances et sa formation, grâce au first sergeant Hawkins.

Consciente de s’être montrée un peu froide, Idyl décida de rajouter avant que l’autre ne saisisse potentiellement sa main : “J’étais de mauvais poil, aussi. J’suis toujours de mauvais poil, mais voilà” elle lui esquissa un vague sourire, clairement forcé, mais peut-être qu’il allait évoluer en quelque chose de plus naturel si l’autre faisait preuve d’un peu de bonne foi.