Sujet: Faites l'amour, pas la paix. Mar 16 Aoû - 2:00
♔ Mr & Mrs Rosario
« Faites l'amour, pas la paix.
Un. Deux. Trois. La tôle grogne et se plie sous les impacts. Tout le flanc de la voiture est arrosée d'une autre salve et la carcasse de la vieille Ford soupire doucement sa mort. Un. Deux. Les balles font voler les vitres et craquer les tympans. La hauteur sous plafond, c'est la cathédrale du bruit. A ciel ouvert et deux chargeurs plus tard, Gabriel ne s'entend pas plus tirer que penser ; ça devient possible, soudain, qu'il n'ait jamais rien perçu d'autre que les détonations salaces du Sig-sauer. Un. Deux. Trois. Enfoncé dans sa paume, le flingue sonne vide et il agresse méthodiquement la gâchette à l'index. Le même clic se fout compulsivement de sa gueule et il balance le pistolet sur la chaussée, les poings palpant sa ceinture et ses poches à la recherche d'une nouvelle arme à gaspiller. La route, largement défoncée par les infiltrations et le sol meuble, grimpe jusqu'à Stonebriar. Lui aussi. Quand il y sera, il ignore ce qu'il fera. Non. Bordel de putain de non. Il sait exactement ce qu'il fera : il abrègera la vie d'Arthur.
Les doigts plongés dans ses cheveux plein de sueur âcre, Gabriel déborde de rage. Insidieuse, la salope, elle le fait voguer d'un bord à l'autre du goudron, suivre le marquage jaune, largement étiolé par la flotte et les ans, trébucher, frapper, courir puis ralentir. Il ignore quelle forme lui donner. C'est un foutoir impossible à trancher, pour le ranger et l'éprouver, plus tard, par petites touches mortelles. C'est un monstre, qui grandit pour autant qu'il s'efforce de le vaincre. C'est un refrain qui dit explose-lui le crâne et, peu importe ce qu'il fait, à quel point il s'esquinte, Gabriel ne peut s'empêcher de le chantonner. « Va te faire foutre ! » Son cri est long, aussi interminable qu'une plainte. « Va t'faire foutr' ! Va t'faire foutr' ! » Les genoux jetés dans le fossé, Gabriel crache, les manches remontées jusqu'aux coudes. La figure sur laquelle il abat furieusement ses poings n'a que faire de sa violence. L'os cède facilement. Le type a tourné depuis longtemps et son homologue putréfié a lui-même été délesté de sa cervelle il y a quelques temps. Ce n'est que chairs avariées et restes moisis, qui s'étalent à la face et au front de Gabriel suivant qu'il martèle à un rythme qui ferait une partition ou se dégage la vue de mèches humides et crasses. Et le petit tas de viande qu'il abandonne dans son sillage n'a pas soulagé une goutte de sa haine folle, de son besoin primitif de bousiller une vie.
« Il s'est passé quoi ? » Le premier Jackal qui s'adresse à lui ramasse ses jointures. Le type, bien que solide, s'écroule et se rassemble, le révolver glissé dans la main. A sa surprise, succède l'orgueil et, néanmoins, il n'ajoute rien et ne se lève pas non plus. Les humeurs de Gabriel Rosario font la légende de Stonebriar et il n'oserait braquer cet homme que s'il était certain de bientôt mourir, si c'était lui ou l'autre. Or, le terrible bourreau ne le regarde plus. En vérité, il n'a pas donné l'air de le considérer une seule seconde. Ni aucun de ceux qui font le comité d'accueil, plantés partout sur le premier niveau. On met un abîme raisonnable entre Gabriel et soi puis on observe le silence nécessaire pendant qu'il déambule et fend les espaces. La plupart se désintéresse spontanément, parce que les affaires des uns ne concernent certes pas les autres – et puis qui voudrait réellement connaître des colères de Gabriel Rosario ? Survit cependant une curiosité morbide pour celui ou celle qui épongera bientôt sa vive folie et son inextinguible fièvre. Des mains d'une fille fluette, il attrape une batte et quelques vitrines volent. Ça fait tout un tapis de bris tranchants, un chemin qui ouvre les enfers. Jusqu'à la salle du trône. « Où il est. » Marisa n'est pas seule. « Où il est. » Gabriel a l'allure butée que possèdent les enfants. Dans ses sourcils froncés et ses billes résolues, il y a également la menace, le caprice. Foncièrement, il sait parfaitement où les Jackals ont conduit Arthur, sur les ordres de sa sœur. Il aurait pu descendre, et le trouver. Le tuer, ou le meurtrir. Ça, en dépits des recommandations qu'elle a du prodiguer aux geôliers et malgré l'interdiction qu'elle lui a faite. « OÙ IL EST ! » La pulpe de sa gorge est à vif. A trop gueuler, son timbre déraille. Et puis il dégouline encore de la danse macabre qui a failli le tuer. Le sang est partout. La chair aussi. Ça empeste. Gabriel est mort, un peu.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 16 Aoû - 3:03
Le sang lui bat encore brutalement dans les tempes et les tympans. Vaguement éteinte, Marisa ne prête qu’une attention distante à ce qu’il se passe autour d’elle. D’ailleurs, elle a congédié la majorité de sa suite habituelle pour ne garder auprès d’elle que quelques personnes qui dispensent un babillage léger qui tapisse un fond sonore parfait et régulier et qui ne demande pas de concentration. En réalité, elle n’entend rien tant son esprit s’agite de pensées et sentiments contraires. Dans sa poitrine, son cœur cogne encore violement alors que son esprit rejoue en boucle la scène avec une précision douloureuse. Les cris de Gabriel résonnent encore à ses oreilles et lui semble que chaque fois, ses tripes se serrent un peu plus. Rouer de coups Arthur n’a en rien soulagé Marisa. Impossible de décrire cet infâme sentiment qui lui empoisonne leur cœur et l’âme : celui de la trahison. Marisa fouille ses souvenirs et sa mémoire à la recherche du signe qu’elle aurait manqué, ce moment où leur histoire parfaite a basculé. A la douleur se mêle la frustration de ne pas comprendre et ne pas pouvoir justifier les actes d’Arthur. Ne pas pouvoir lui pardonner… Cruelle découverte que celle de la traîtrise d’un homme qu’elle chérit tant. C’est tout son être qui se déchire entre la haine, l’amour, le chagrin et l’amertume. Les pensées vont et viennent dans son esprit, s’entrechoquent parfois. Marisa plonge dans ses états intérieurs pour panser la plaie vive. En réalité, Marisa se sent vide, comme privée d’une partie de son âme qu’on aurait arraché de la manière la plus violente possible. Une autre partie d’elle s’inquiète ne de pas voir revenir Gabriel et tente vainement de juguler l’angoisse qui monte en elle à chaque minute qui passe. La culpabilité la ronge aussi, d’avoir refusé à son frère la mort d’Arthur. Oh, il lui en voudra. Il aurait raison. Alors quand les cris se font entendre, quand Gabriel enfonce la porte et pénètre dans la pièce, couvert de boue, de sang, de sueur, Marisa se sent revivre. Il est là. Il est vivant. La même journée ne lui a pas arraché les deux personnes les plus essentielles à sa vie et son équilibre. « Où il est. » Elle relève les yeux et confronte le regard de l’homme qui se tient droit devant elle, écumant. Ce qu’elle déchiffre dans le regard de son frère lui noue les tripes et provoque une nausée. La blessure de Gabriel est prodigieusement profonde et ni sa rage ni sa fureur ne peuvent vraiment le masquer. Marisa le connaitre trop bien, elle devine parfaitement les pensées et les pulsions de Gabriel. D’un mot, elle congédie les quelques personnes présentes – et tout le monde s’empresse de laisser la fratrie Rosario à leurs retrouvailles, l’allure de l’aîné comme argument le plus convaincant. Lentement, Marisa se lève et comble la distance qui la sépare du corps tremblant de son âme sœur. La main, douce, se lève et éponge le visage de l’homme, retrace les courbes de son visage, tandis qu’elle visse ses yeux à ceux de Gabriel. « Gabe.... » Ses lèvres cherchent à le tromper par les baisers qu’elle dépose ici et là, mais bien vite, elle abdique. « Il est sous bonne garde, elle répond alors. Il… Je m’en suis occupée. » Oh, ça ne contentera jamais Gabriel. Et Marisa s’en veut. Elle s’en veut tellement d’enfoncer cette lame chauffée à blanc dans la blessure vive de son frère en lui refusant la mort du traitre. Pour l’instant, pourtant, elle ne peut s’y résoudre. Pour la première fois, Marisa ne sait que faire pour apaiser son aîné. Elle qui le connait et le décrypte pourtant si facilement, elle peine cette fois à trouver les mots, l’attitude qui le soulagerait sans que ça lui coûte à elle aussi.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 16 Aoû - 4:34
Planté où il est, Gabriel tremble, des vagues de sa colère pour se jeter contre sa réquisition inflexible. La batte toujours dans la pogne, il serre avec l'inspiration ridicule que le bois va se rompre. Si elle ne l'exauce pas, il fera qu'il se rompe. Car rien de ce que Marisa dira n'y pourra quelque chose, à moins qu'elle ne lui fasse enfin justice. Aucun mot, aucun geste et aucun baiser ne peut éteindre ce qui saccage les états intérieurs de son frère (une maladie profonde, une infection vicieuse, qu'il ne sait pas encore nommer et dont l'étendue lui échappe). A l'inverse de ses cabots, qu'elle renvoie d'un silence exigeant, Gabriel ne plie pas l'échine. Lui, pourtant enclin à lui obéir et si disposé à lui plaire, ne peut admettre autre chose que de la voir, cette fois, lui céder. Tout à son égoïsme et tout à sa vengeance, il ne veut pas entendre les prétextes qu'elle acquiert au fur et à mesure que Marisa les imagine. Seule la carcasse offerte d'Arthur saura le satisfaire, ou du moins l'apaiser, et il n'écoute plus rien sitôt qu'elle dit son nom. Cette voix fléchie n'est qu'une drogue destinée à tromper et à anesthésier sa fièvre ; il la connait trop et trop bien, pour l'avoir souvent entendue et vue lancée contre tout et tout le monde à dessein d'agréger un empire à sa sœur. Le sursaut d'un animal qui flaire la ruse du prédateur, Gabriel reprend sa bouche et cercle, sans violence excessive, le poignet de Marisa. « Ah oui, tu t'en es occupée ? » L'éclat mauvais de son timbre perce le silence avec l'acuité d'une arme mortelle. Il ne lui inflige que rarement son sarcasme, son rire glacial et meurtrier. Quel besoin, puisqu'elle est de son camp, un prolongement de ce qu'il est, l'essence de ses besoins ? Aussi la trahison est double, si Arthur l'assassine et qu'au surplus elle le protège : oh, Gabriel n'en peut plus des coups qu'on lui porte comme s'il se lacérait lui-même et s'ouvrait le ventre qu'afin de voir ce que cela fait. « Ça veut sûrement dire qu'il est mort, se répand l'ironie peu commune. » Ils savent tous deux que leur frère d'élection respire, quelque part dans le ventre de Stonebriar, et ceci tient du prodige. Cette journée regorge de miracles et de cataclysmes. Après que son frère l'a jeté en pâture aux rôdeurs, sa sœur le tourmente en laissant vivre le régicide. N'importe quel autre humain aurait eu le crâne vidé... Naturellement, l'horreur du crime tient dans le fait qu'il ne s'agit pas de n'importe quel humain.
Si Gabriel entend la douleur de Marisa (il ne sait pas ce qu'elle est ni où elle niche et, néanmoins, il la discerne nettement chez chacun d'eux), son orgueil entaillé se sent le courage de la surmonter. Il sait la convertir pour mieux procréer le meurtre, et les idées lui viennent avec la frustration. « Tu l'as assez épargné en m'empêchant de le tuer tout de suite. » Ses billes fébriles vont à celles de sa sœur, et il voudrait la débarrasser de ses scrupules. Les égards qu'Arthur n'a pas eus, il s'en est également privé. Voilà qui fera tout le procès et tout le châtiment. C'est d'une telle simplicité, d'une telle évidence, qu'il peine à comprendre qu'elle ne partage pas la sentence la plus naturelle qui soit. D'instinct et de réflexe, Marisa devrait déjà l'avoir lâché sur Arthur, ou s'en être acquitté elle-même. A vrai dire, Gabriel se fiche d'être celui qui séparera le corps maudit de l'âme absurde. Il faut seulement que le traître cesse. Son souffle, seul, l'insulte et aucun repos ne le trouve tant qu'il persiste à vivre. Fût-ce tout près de lui ou à mille kilomètres de là. Il doit mourir. « Il doit mourir, dit la bouche à la bouche. Et si tu ne fais pas qu'il meurt, tu le choisis. » Le frisson bloqué dans la gorge, Gabriel dévoile son chantage et sa crainte. Elle n'oserait pas... Si elle a longtemps divisé son amour entre eux, et lui de même, ils en reviennent désormais à s'appartenir. Exclusivement.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 16 Aoû - 5:34
Il est vivant. Quand il explose, quand il hurle, quand il écume, il est vivant. Cette simple idée tient du miracle ordinaire. Une douce chaleur monte depuis son ventre et l'envahit toute entière. Elle s'enivre de ce prodige quand elle réalise pleinement qu'elle a failli le perdre à tout jamais. Et si pour savourer cette victoire supplémentaire sur la vie elle doit affronter la colère, la rancœur et le chagrin de Gabriel, alors elle y consent. Sa confiance sans limite en lui l'empêche d'avoir peur ou de le craindre. Jamais elle n'envisage que sa violence se retourne contre elle. Il peut l’attraper comme il le fait et lui lancer ses sarcasmes belliqueux à la figure, Marisa garde un visage presque entièrement hermétique. Sa joie, brève, a fait naître un sourire qui a bien vite viré triste avant de disparaitre totalement. Elle mérite, elle le sait, ces phrases incisives destinées à la meurtrir autant qu’il l’est. Et Marisa accepte la sentence sans broncher, pour tout l’égoïsme dont elle fait preuve en refusant à Gabriel sa requête, en niant son désir de vengeance. Jamais elle ne détourne le regard et elle encaisse toute la méchanceté de son frère. Elle pansera ses plaies plus tard, pour l’heure, c’est celles qui torturent son frère qui lui importent. Elle se retient de se libérer de la poigne légère de Gabriel, de se coller à lui comme elle sait qu’elle peut le faire, de promener ses mains sur son visage, et ses lèvres sur la peau pour l’appeler au calme. Ce serait facile. Ce serait injuste. Ce serait lâche. Et Marisa refuse d’insulter son frère plus qu’elle ne le fait déjà. Pour toute la souffrance qu'elle lui procure, Marisa sait qu'elle doit la vérité à Gabriel. Mais l'idée que cette dernière ne fera qu'aggraver sa plaie à l'âme et au cœur tourmente encore plus la cadette. Loin d'elle l'idée et l'envie d'écharper encore plus son frère, de provoquer et prolonger son tourment. Et jamais son égoïsme ne lui a autant coûté. Elle n'envisage pourtant pas de cacher la cruelle vérité à Gabriel. Lui confesser qu'elle est incapable d'envisager un monde sans Arthur comme elle n’est plus capable d’imaginer un quotidien sans Gabriel. Ils savent ce que ça leur fait, tout le mal qu’ils endurent quand ils sont si loin l’un de l’autre. Ils savent qu’ils meurent pour moitié. Ce jour-là, quand ils se sont retrouvés chez leurs parents, ils se sont fait la promesse implicite de ne plus jamais s’infliger une telle peine. « Il doit mourir. Et si tu ne fais pas qu'il meurt, tu le choisis. » S’il voulait la blesser, Gabriel n’aurait pas pu mieux faire. Le visage de Marisa, jusqu’ici fermé à toute émotion se décompose tandis qu’un voile recouvre son regard. D’abord, elle baisse les yeux, puis elle recule d’un pas et s’échappe de l’emprise de Gabriel autour de son poignet. Pour la première fois, Marisa endure la vive morsure du venin que Gabriel lui crache à la figure. L’écorchure de son âme, déjà à vif, s’enflamme encore plus quand le poison fait son effet. « NON ! » Le cri lui échappe. Comment peut-il un instant imaginer qu’elle ne le choisirait pas, lui ? Qu’elle en préfèrerait un autre ? Et la question ne se posait pas, jusqu’ici…
Quand elle relève les yeux vers son aîné, toujours immobile, son regard ne masque plus cette fois la peine. « Je t’ai déjà choisi… Il y a des années, je t’ai choisi, elle murmure d’une voix étouffée. » Elle ne départage pas ce qui l’affecte autant : voir Gabriel dans cet état, savoir qu’elle ne l’apaisera pas par les mots qu’elle sera obligée de prononcer ou le savoir capable de la blesser autant. C’est un juste retour de bâton, pourtant. « S’il meurt maintenant, c’est moi que ça tue. » C’est une semi-vérité, ce n’est pas du tout ce qu’elle doit à son frère. Marisa le sait, elle ne pourra jamais se pardonner d’infliger une telle blessure à Gabriel quand elle consentira enfin à lui livrer la vérité. Pire que tout, elle craint qu’il ne lui pardonne jamais non plus. Dans un cas comme dans l’autre, il lui semble qu’elle doive perdre, elle aussi, un bout d’âme. Monstre d'égoïsme, elle ne s’y résout pas.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 16 Aoû - 7:20
Sans souci de stratégie (puisqu'il faudrait un esprit autrement plus affûté et autrement plus sain que celui de Gabriel pour cela), il lance son ultime argument dans cette guerre fraîchement inaugurée et, pour lui, perdue par avance. Lorsqu'elle aura balayé l'assaut – et c'est ce qu'elle fera car Marisa est d'une constance qu'il n'approche pas, il n'aura plus que ses entailles, profondes, inattendues, pour le soutenir. Invisible à l'oeil nu, il se réduit déjà à cette solitude inconfortable. Le fait qu'il défie Marisa n'en est-il pas la preuve ? A-t-on jamais vu Gabriel tenter d'ainsi blesser sa sœur, ou Marisa son frère ? Leurs fièvres ordinaires se conjuguent autrement et les Rosario ne s'affrontent guère que des reins pour les reins. Ce jour inscrit des colères sourdes et inédites à leur compteur et, par moment, il se demande s'il aime encore ou si, comme il le craint, la trahison d'Arthur l'empêchera toujours d'accueillir une autre âme que la sienne. Tout doucement, Marisa quitte son for intérieur. Brusquement, elle le quitte tout autant. « Quoi, non ? » Il rétorque, un éclat de panique fiché dans le ventre quand il constate le gouffre de distance qu'elle inflige à leurs êtres associés. Ce vide lui est insupportable et il ignore ce qu'elle refuse vraiment. Qu'il l'oblige, ou du moins qu'il essaie ? De préférer l'un aux dépens de l'autre ? Gabriel, qui n'avait jamais été jaloux d'Arthur (et pour quoi faire, puisqu'il était convenu qu'ils se vouaient une affection égale ?), convoite soudain l'inclination que Marisa lui porte. Cette clémence à l'égard du faux-frère devient ridicule à la longue ! A tout prendre et pour réconforter son âme, elle n'a qu'à se mentir – il s'en fiche. Tout ce qu'il veut et qu'il exige, c'est le permis de tuer le traître et d'écraser son existence jusqu'au dernier de leurs souvenirs. Car, après tout, ça ne lui coûtera jamais que sa vie tandis que, son souffle persistant, Gabriel perd tout ce qu'il est. « Choisis-moi encore, il s'empare, crocs plantés, de ce qu'il croit être un accès de faiblesse. » La voix de Marisa s'est rompue, mais la sienne est encore incisive. Elle l'est peut-être d'autant plus. Ses mots sont pleins d'une autorité quasi théologique, dont on ignore le pouvoir empirique mais auquel il convient d'obtempérer. Si cela suffisait, elle lui aurait déjà livré, les paumes ouvertes, les tripes d'Arthur... Or, ils sont là et les viscères ennemies gisent en-dedans. Explose-lui le crâne. Les tempes abruties par le refrain magique, Gabriel vit maintenant pour ce meurtre comme de l'avoir toujours alimenté, de n'être né qu'afin d'accomplir ce destin. Aucune autre pensée ne l'atteint réellement, et il sait qu'il pourrait tout obtenir à travers Marisa, en dépits de Marisa. « Laisse-moi le tuer, il supplie sitôt qu'elle explique. » La raison est, en outre, niée : à elle aussi l'exécution d'Arthur fera le grande bien de la délivrance. Par conséquent, il refuse d'écouter et il repousse l'idée avec la négligence moqueuse que le genre masculin réserve au sentimentalisme propre aux femelles. Obnubilé par l'interstice qu'il a creusé dans la résolution de Marisa, Gabriel vient contre elle, l'espoir maladif d'appuyer sa revendication par le moyen le plus trivial qui soit. Sa main libre trouve instinctivement la gorge et, néanmoins, il n'effleure pas la peau comme il le fait souvent. « Ce sera rapide, je te promets. Je ne le ferai pas souffrir. » Ses doigts se retiennent et, plus que d'hésiter, ils sont économes, même avares. Ils disent : et de quel droit pourrait-elle donc prétendre à davantage ? Compte tenu de ce dont elle l'ampute, c'est même fort généreux de leur part. Et, pour obtenir de son frère ce qu'il lui prodigue toujours volontiers, il faut verser tout le tribut.
« Qu'est-ce que tu aurais fait... » Gabriel se confie à la bouche, et à la bouche de sa sœur seule. « ...si j'étais mort ? » C'est cependant au regard de Marisa qu'il le demande. Car il ne faut pas seulement qu'elle lui accorde, il faut aussi qu'elle le veuille ; aucun motif n'empêche vraiment d'outrepasser son ordre, sinon la certitude que cela la blesserait intimement, bien au-delà des sentiments qu'il aiguise à présent contre elle. Il reste simplement impuissant, esclave de ce qu'elle souhaite et de ce qu'elle commande. Parfois, Gabriel oublie le pouvoir incroyable de sa sœur. Il est certes le premier à être tombé amoureux d'elle, mais il est également le seul à qui elle se soit révélée, et ça dès le plus jeune âge. Pourtant, parfois, il oublie et, en ce moment même, il oublie qu'il ne demande pas qu'elle choisisse entre Arthur et lui, il demande qu'elle choisisse entre elle et lui.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mer 17 Aoû - 0:13
Le désarroi manifeste de Gabriel lui noue les entrailles. Que ne donnerait-elle pas pour porter à sa place sa peine et sa douleur ? Ici, pas de plaie béante où plaquer des mains en promettant que tout ira bien. Démunie, Marisa ne sait plus comment réagir, quoi lui dire, quoi faire pour apaiser ses maux. Il comble à nouveau la distance qui les sépare et poursuit ses suppliques. « Ce sera rapide, je te promets. Je ne le ferai pas souffrir. » « Gabriel, s’il te plaît…, implore-t-elle ». Cette main qui se lève, tente sa gorge sans jamais chercher le contact de la peau est d’une torture incroyable. Un instant, Marisa ferme les yeux et le conjure en silence d’attraper sa nuque comme il sait qu’elle aime, de croquer dans ses lèvres pour mieux tromper son ressentiment. Elle se donnerait toute entière pour lui prendre sa douleur. Ca n’arrive jamais, bien sûr alors elle rouvre les paupières, trouve Gabriel toujours dans cette même position, et c’est elle qui provoquer le contact en s’y abandonnant. N’y a-t-il donc que le tribut du sang pour apaiser les tourments de Gabriel ? Parce qu’elle le connait mieux que personne, Marisa sait que ce serait un bien pour un mal, et que plus vive encore, la douleur de la trahison ressurgira un jour ; qu’il soit prochain ou lointain n’importe pas. Ce jour-là, quand la nécessité de trouver une réponse à ce pourquoi lancinant deviendra la seule chose qui occupera son esprit, qui pour y répondre ? Plus personne. Et rien pour jamais le soulager. Marisa préfère que Gabriel la déteste, le haïsse plutôt que d’imaginer cette souffrance que jamais elle ne pourrait épancher. Et bien sûr, ça ne forme pas l’entièreté de milliers de raisons que la reine trouve à cet instant pour épargner la vie d’Arthur. Mais comment dire à Gabriel cette plaie vive qui lui lacère le cœur et l’esprit à l’idée de perdre à tout jamais cette deuxième âme sœur qu’elle s’est choisie ? Qu’ils ont choisi ? Gabriel ne peut pas, pas maintenant, entendre et comprendre qu’elle a beaucoup trop à perdre, et que lésée d’une partie de son essence, elle fanerait lentement. Mais les mots de Gabriel tournent et résonnent dans son esprit, et bientôt entaillent sa résolution. Elle tente de se convaincre que c’est lui qui a raison. Elle se répète que son orgueil ne vaut pas le sacrifice de son frère. Bientôt, elle se sent indigne de lui, de l’amour sans artifice, plein et entier qu’il lui voue et dont elle se nourrit depuis des années. La peur qu’il ne lui pardonne pas cette lâcheté empoisonne son esprit. Des années durant, Gabriel représentait son univers entier, son port d’attache et l’essentiel de ce qui lui importait. A la certitude de ne pas pouvoir vivre sans lui s’ajoute l’idée qu’Arthur n’a pas toujours cheminé auprès d’eux, bien qu’il lui semble qu’il en a toujours été ainsi. Peut-être qu’il n’est pas si essentiel. Alors… « Qu'est-ce que tu aurais fait... si j'étais mort ? » La question, brusque, la prend au dépourvu. La brutalité de celle-ci provoquer un sursaut d’indignation. Les yeux rivés à ceux de Gabriel, elle tente de répondre, mais sa gorge subitement nouée l’empêche de prononcer un mot. Marisa réalise pleinement qu’elle ne conçoit pas de vivre sans Gabriel : ce n’est plus une idée possible. Sa poitrine s’agite d’un sanglot silencieux tandis qu’elle considère pleinement la question. Un élan de panique la prend toute entière. Son cœur manque un battement tandis que son souffle se perd un instant. De pâle, son visage devient translucide et le vertige la fait chanceler. « Je… je sais pas, elle commence d’une voix éteinte. J’ai jamais pensé à ça… Je l’aurais probablement égorgé moi-même. Puis, je t’aurais choisi. Comme toujours, elle confesse comme un aveu en demi-teinte. Le pauvre sourire qu’elle offre à Gabriel n’atténue en rien la cruelle vérité qu’elle vient de lui livrer. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Jeu 18 Aoû - 1:07
Pour se faire remettre la dépouille ennemie, il se jetterait à ses genoux, et ferait des forfaits plus criminels encore. Prêt à tout pour réclamer. Prête à tout pour refuser. Car si Gabriel se livre comme une putain, Marisa incline pour lui avec le clientélisme négligent d'un habitué. Elle observe le corps de son frère, le palpe, le presse, et elle se remémore sûrement les longues heures passées l'un dans l'autre. Quand Gabriel éprouve sa chaleur dans la sienne, il oublie qu'elle n'accepte pas tout à fait de se rendre. L'inaltérable besoin de la sentir remplace un moment sa fureur. Il n'essaie plus de la convaincre. Il n'essaie plus de tuer. Une fraction de seconde, ou peut-être est-ce toute une minute, il ne pense qu'à la dévêtir et à la prendre. Ce temps serait infiniment plus délicieux que ces deux dernières heures, et il pourrait se libérer de la souffrance insupportable qui l'étreint dans les os, dans les muscles, dans le cœur. Entre sa délivrance et lui, il n'y a que Marisa. Entre Arthur et lui, il n'y a qu'elle. Alors il s'insère où cela fait mal et il voit les éclats que cela provoque aux pupilles de sa sœur. Elle est atteinte si profondément qu'il se demande pourquoi il a, un jour, fallu imaginer les armes.
Elle va lui rendre Arthur. Elle va le tuer elle-même. Ils vont vivre heureux, pour toujours sur une flaque de son sang.
« Tu l'aurais égorgé ? » Le petit rictus qui écorche la bouche de Marisa trouve un jumeau aux lippes de Gabriel. Néanmoins, le voile de son regard a disparu et il apparaît, soudain, que ces sourires sont tous deux faux, ridicules et finalement vains. « Tu l'aurais égorgé... » D'abord, il opine. Et le mouvement de sa tête est toujours plus lent, toujours plus hésitant, comme si elle menaçait de se décrocher du reste. Puis Gabriel s'humecte les lèvres d'un coup de langue. Et un autre. Un troisième. Plus bas, si bas que c'est presque un silence, il répète encore : tu l'aurais égorgé. Enfin, ses yeux quittent la silhouette de Marisa et il prend deux, trois, six pas de distance. La batte est dressée comme s'il s'apprêtait à entrer sur un terrain et à frapper le coup du siècle. « Très bien ! » Gabriel clame, et toute la salle résonne de cette nuance légère et hystérique. Car s'il est capable de dompter sa colère le temps d'une comédie, son échec à convaincre ravage toute la raison qu'il est capable de s'inventer. « Alors cap de me tuer ! » Il se venge à la fois d'Arthur et de Marisa, à présent. « Oui, très bien, il récite son couplet. Faisons ça. Allez, il dit avec un emportement qui agite tout son être et broie ses pensées. C'est ça, je suis mort... ! » Sa course la persécute mais, au dernier moment, il la contourne, une violence invincible pour rouvrir les portes qu'on a fermées en partant. Une petite troupe se disperse aussitôt, demeurée là afin de propager les rumeurs et de glaner tous les détails sur l'affaire qui secoue les Rosario. Néanmoins, on réfrène facilement sa curiosité quand Gabriel attrape le premier Jackal sur son chemin. « Toi ! » Par l'épaule, il l'empoigne et le fait pivoter jusqu'à aviser Marisa du regard. « Lui, ça ira ? » Il remue le type, qui ne dit rien pendant qu'il arbore un révolver, coincé à sa ceinture. « Est-ce que ça ira s'il me tue ? » A cette idée, absurde, venue de nulle part, le prisonnier proteste mais on ne l'écoute pas. Qu'importe, car Gabriel le relâche presque immédiatement et il attrape successivement une femme, une autre, et puis encore un homme. Chaque fois, il ne s'interrompt qu'une seconde. « Toi ? » Puis son esprit bascule et s'en prend au suivant. « Allez, quelqu'un ! » Les Jackals n'ont pas envie de connaître l'issue et, en même temps, ils restent plantés là, parmi eux et parmi leurs affaires, avec la certitude que quelqu'un va se prendre une balle dans le crâne. Et, si possible, que ce ne soit pas eux.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Jeu 18 Aoû - 2:16
Quand le monde s’est-il retourné contre elle ? Quand tout a-t-il foutu le camp ? Quand les frères ont-ils décidé de se déchirer ? Quand ont-ils décidé de la tourmenter ? Impuissante et démunie, Marisa ne peut que contempler Gabriel vriller totalement. Ses yeux ne quittent jamais la silhouette de son frère et chaque mot, chaque geste brusque, chaque marque d’humeur lui fait l’effet d’une décharge dans le corps. La pensée, obsédante, que c’est elle qui le pousse dans cet état la ravage encore plus. Il suffirait d’un mot, pourtant. D’un éclat différent dans son regard. Il suffirait d’un rien pour calmer et apaiser Gabriel, totalement hors de contrôle. Au bord de la rupture, Marisa envisage alors de céder et d’accepter de livrer la moitié de son âme pour soulager celle de son frère. Il ne lui en laisse pas le temps. Pour la première fois, la peur s’insinue en elle quand elle voit Gabriel resserrer ses doigts autour du bout de bois, quand il fend les espaces en hurlant ces mots. Sa main couvre sa bouche pour masquer le sanglot qui s’en échappe. Les palpitations folles de son cœur font battre le sang dans ses tempes et la douleur qui lui vrille les arcades la force à plisser les yeux. A moins que ce ne soit les larmes qui coulent à torrent le long de ses joues. Quand il sort, ça demande un temps à Marisa pour se jeter à sa suite. « Lui, ça ira ? Est-ce que ça ira s'il me tue ? » Il pourrait lui planter un poignard dans le ventre, porter un autre coup au cœur, l’effet serait identique. Quelle folie le pousse à vouloir la quitter à jamais ? Son visage meurtri observe paré d’une grimace désespérée Gabriel demander à la foule que quelqu’un se dévoue pour le tuer. « Gabriel, s’il te plait… » sanglote-t-elle franchement. « Arrête ça. » Le corps parcourut de tremblements nerveux, Marisa n’ose plus bouger, de peur de provoquer l’irréparable. Pour la première fois, c’est Marisa qui subit les humeurs de son frère, et de plein fouet. Pour la première fois, Marisa ne trouve pas les mots, les gestes, ou la bonne attitude pour le calmer et le réconforter. Plus exactement, pour la première, accéder à la requête de son frère lui coûte trop pour qu’elle accepte de payer la rançon qu’il réclame. Ne peut-il pas simplement savourer l’air qui fait soulever ses poumons et lui permet de beugler ? Ne peut-il pas profiter du sang qui bat toujours dans ses veines et de ce cœur qui cogne toujours plus dans sa poitrine ? Ne peut-il pas simplement se satisfaire d’être encore auprès d’elle ? Ou alors… il doute tant que ça d’elle ? de l’amour inconditionnel qu’elle lui porte ?
Elle n’y réfléchit pas vraiment quand elle avance à son tour. Attrape le flingue du premier type et l’oblige de gestes fébriles à la tenir en joue. L’autre n’en mène pas large et se contente de tenir le canon sur la tempe de sa reine, convaincu que l’issue sera plus tragique encore s’il n’obtempère pas.
Le corps toujours secoué par des hoquets, Marisa relève la tête et défie à son tour Gabriel. « Cap d’en finir ? elle interroge la voix toujours parcourue de trémolos. Parce que c’est ça, que tu veux ? Quel sens tu crois que ça a, si t’es plus là ? ». Le timbre frôle l'hystérie la plus complète. Autour d’eux, on se retient de bouger, de respirer presque. L’ambiance est si tendue qu’un rien pourrait mettre le feu aux poudres et chacun des chacals se suspend à la réaction de l’un ou de l’autre. De mémoire de chacal, on n’a jamais vu la fratrie Rosario se déchirer. Et comme tout ce qu’ils font, c’est d’une violence incroyable, quand bien même ce sont eux-mêmes qu’ils blessent. D’un geste, Marisa oblige le type qui la braque de lever le cran de sécurité. « Un mot. Tu n’as qu’un mot à dire. ». Quelle est cruelle, cette femme blessée quand elle renverse les rôles dans une dernière tentative de convaincre son frère en jouant avec les mêmes cartes que lui. Ou, plus exactement, quand Marisa essaie de lui ouvrir les yeux sur le monde que Gabriel tente de lui imposer. Marisa ne veut pas mourir, elle aime bien trop la vie, cette vie. Elle aime bien plus Gabriel. Et pour lui, elle ferait tout et n’importe quoi.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Jeu 18 Aoû - 4:01
L'énième délire de Gabriel fatigue son entourage. Dans les visages et les paumes posées sur les flingues, on devine la tension qui asphyxie lentement l'étage. Les luttes de pouvoir, quand elles se produisent dans les murs, sont toujours source de morts en nombre et il fait bon savoir quel camp choisir ou quel camp fabriquer. Alors les regards insistent et ils épient, avec la fébrilité ostensible de celui qui veut prédire l'avenir pour en tirer profit, pour le contrôler. A l'usure, on est moins patient et on aimerait qu'il se décide. Qu'il tue quelqu'un ou quelqu'un le tue, mais que ce petit cirque finisse... Parce que le flegme de Marisa n'est pas intact non plus, quelques épaules demeurent nerveuses et on s'interdit d'être sereins. Stonebriar implose-t-il ? Est-ce la fin du règne des Rosario ? Une autre question déborde : sont-ils en train de s'entretuer par pistolet interposé ? Si c'est le cas, la femme que Gabriel tient maintenant en otage aimerait qu'ils arrêtent. Elle ne lui fera pas sauter la tête, bien que l'envie la démange. Ce serait une sale idée, peu importe combien la féliciteraient. Il suffit de chercher au regard de Marisa pour garder l'arme dans son holster. S'il tient tant à mourir, il y a une armée trébuchante, là dehors, qui se fera un plaisir de lui bouffer les tripes. En attendant, elle lutte, les gestes retenus, contre la poigne de Gabriel. Il sait qu'elle s'appelle Jane, ou qu'elle se fait appeler comme ça. Elle a une quarantaine d'années, les cheveux courts et, de toute évidence, ce qu'il faut pour tuer un homme. Est-ce que Marisa l'égorgerait si elle le tuait ? et si elle essayait ? Jane, qui n'aime pas être chahutée comme un appât, se dégage de la main phalange après phalange. Ils ne se regardent même pas, parce qu'ils sont suspendus à l'attitude de Marisa. Ce qu'elle dit, ce qu'elle fait... Avec toute l'attention qui converge vers elle, elle est d'autant plus scrutée, jaugée, appréciée. Ce n'est pas n'importe quel Jackal, c'est son frère et il défie n'importe qui de l'exécuter sommairement ici-même. Qu'est-ce qu'ils doivent faire, obéir ? Ces réponses ne viennent pas. Eux autres n'existent pas. Comme toujours, les Rosario se servent du tout-venant pour aller de l'un à l'autre et baiser joyeusement sur le charnier humain qui leur sert de royaume.
Au premier pas de Marisa, Jane se tend. Une seconde d'inattention peut faire la différence. Une seconde d'attention accrue lui fait profiter de la sidération de Gabriel. Il ne sent même pas qu'il relâche son étreinte. Son regard, noir de colère et d'indignation, soutient celui de sa sœur. C'est tellement injuste, et c'est tout à la fois génial. En silence, la lèvre coincée entre les dents, il oscille entre l'admiration et le dégoût. C'est ironique, alors, parce qu'il est tout près d'aboyer au tireur d'arrêter ça tout de suite. Peine perdue car, des deux, c'est à Marisa qu'il obéira. Et, même s'il l'abattait pour rompre le défi, ça ne ferait que retarder l'instant puisqu'un autre imbécile prendrait sa place. Tourmenté, le désir de répliquer qu'il est cap grimpe en lui pareil à une brûlure. N'est-ce que pour ce qu'elle fait, elle le mérite. Un dernier cap. Ce serait la fin du jeu. Pour toujours. « Tu fais chier. » Dans son timbre, la résignation surplombe la haine. Gabriel ne doute pas qu'elle le ferait. Dès qu'il prononcerait l'odieuse syllabe, elle ferait exécuter son ordre de suicide. « Arrête ça ! » Ce n'est pas elle qu'il invective, mais le tireur, et ce dernier s'empresse de replacer le cran de sûreté et de plaquer le flingue contre sa cuisse. Finalement, il décide qu'il sera encore mieux par terre. « Tu fais chier, Marisa... » A deux mains, il attrape la batte et, s'arrachant à la vue de sa sœur comme au supplice le plus délectable qui soit, il tourne brutalement les talons et se fraye un passage parmi les autres. Il bouscule ceux qui n'anticipent pas et, avant de disparaître complètement, on entend le craquement sonore d'une mâchoire et le hurlement du Jackal que Gabriel laisse derrière lui.
Il fait nuit depuis longtemps lorsque les bottes de Gabriel pile les éclats et déchets qui jonchent le sol du grand magasin. Sa façade vante toujours le meilleur de l'ameublement alors que ses allées ont été pillées ou simplement saccagées depuis des années. Ça n'en reste pas moins le territoire particulier des Rosario, un endroit vaste et défendu aux autres. L'endroit qu'ils préfèrent, et c'est là qu'il trouve Marisa, tient dans deux cent mètres carrés de sommiers, matelas et chambres aménagées. Si les décors sont piteux, Gabriel les vénère avec le sentiment confus, et dévorant, que c'est la vie rêvée, normale, la vie qu'ils méritent, la vie qu'ils auraient eu si le monde avait été totalement différent. Il se débarrasse de ses vêtements et se rince le visage à l'eau trouble d'un baquet. Son corps lui est douloureux, las de plusieurs heures à dégonder des rôdeurs. Gabriel dépose le révolver à ses pieds puis il plonge dans le lit de la reine. Là, il l'étreint, les mains dans sa chaleur. Il embrasse prudemment la gorge et, un long moment, il ne fait rien de plus.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Jeu 18 Aoû - 5:31
La confiance inaltérable, inébranlable et sans limite des Rosario s’est construite au fil de défis et de bravades toujours plus stupides et risqués, constamment dans la surenchère et dans la recherche de celui qui ne serait plus cap. Bien sûr, aucun des deux n’a jamais refusé un seul pari. Un jour, Gabriel l’a emmené sur le toit d’un immeuble. La moiteur de la fin de l’après-midi annonçait un orage. A ce moment-là, déjà, le vent soufflait un peu et le ciel s’assombrissait. D’abord, ils ont bu, puis fait l’amour plusieurs fois. Son frère marié depuis quelques mois, il devenait chaque fois plus compliqué de se retrouver seuls, rien que tous les deux. Alors, dès que Gabriel pouvait s’échapper, quelques heures, ils se donnaient rendez-vous. Finalement repus et enivrés de stupre, enlacés l’un contre l’autre, ils ont observé la nature se déchaîner, admirant les éclairs et sursautant à chaque coup de tonnerre plus violent que le précédent. Complètement ivre, c’est là que Gabriel l’a défiée de se tenir sur le rebord du toit. Juste pour voir, qu’il a même ajouté, avec le petit sourire en coin auquel Marisa ne pouvait pas résister. Alors, elle s’est relevée, riant aux éclats comme une gamine ingénue, et s’est approchée, la démarche chancelante de la bordure du faîte. La pluie la rendait terriblement glissante et conjugué aux bourrasques de vent, l’inconscience de Marisa et de son frère frisait à cet instant la folie la plus totale. L’idée de déraper et de chuter lui a vaguement traversé l’esprit, mais celui-ci trop empêtré dans les vapeurs de l’alcool et celles de l’adrénaline a oublié bien vite cette pensée à peine formulée. Les gestes de Marisa formaient un ensemble complètement désordonnés quand elle s'est hissée sur l’arête de zinc. Une première rafale a manqué de lui faire perdre l’équilibre et il ne tint qu’à un prodigieux réflexe pour ne pas chuter. A la seconde, ce sont les bras solides de Gabriel qui l'ont retenue. Marisa se souvient encore de cette sensation grisante du vertige alors qu’elle se trouvait sur ce toit, à défier la vie et la gravité. Elle se souvient de la peur qui l'a saisie toute entière et paralysée un instant quand un éclat de lucidité lui a fait prendre conscience sa situation précaire. Elle se souvient du réconfort de sentir Gabriel dans dos pour la rattraper. Elles se souvient surtout de leur rire complice. A cet instant, Marisa se sent à nouveau comme au bord de ce toit, prête à chuter.
Et quand Gabriel se retourne et s’arrache, il n’est pas à pour la rattraper, cette fois. Immobile, les boyaux retournés, Marisa contemple son frère qui part sans plus lui accorder un regard. Et elle plonge dans l’abîme.
Ses jambes se plient et les doigts se referment sur le pistolet tombé au sol. Elle ne voit pas vraiment le type qu’elle braque quand elle lui colle le canon sur la tempe et qu’elle presse la détente. Longtemps, la détonation résonne dans le mall et chacun des chacals se souvient ce qu’il en coûte de désobéir à la reine, même si c’est au profit du roi. On prie et on espère surtout de ne plus jamais se retrouver entre eux. Comme dégoûtée, Marisa se détourne de ses sujets et embarque le flingue avec elle. On ne commet pas deux fois la même erreur, et cette fois, chacun libère le passage pour elle.
Encore couverte de sang, de crasse, de larmes et de sueur, Marisa scrute en silence Arthur, sans jamais rien dire. Elle l’a fait réveiller et asseoir sur une chaise sur laquelle il est attaché. A moitié plongés dans la pénombre, ils ne se distinguent que mal, et peut-être a-t-il à nouveau sombré. Jouant avec le barillet, Marisa se perd dans ses pensées, confronte ses arguments à ceux de Gabriel, pèse ce qu’elle a à perdre et à gagner. Jamais elle ne prononce un mot. Au contraire, son visage conserve maintenant une expression dure et figée qu’on lui connait plus de coutume. Longtemps, dans le parking, ne retentit que le bruit régulier du cylindre de métal qui tourne sur lui-même. Bien après encore, elle quitte l’endroit. Dans la pièce, posé sur la chaise, le pistolet. En face, Arthur, qui respire encore.
Allongée la semi pénombre, Marisa conserve les yeux grands ouverts. L’angoisse lui torpille les entrailles à chaque minute qui passe. Gabriel ne revient pas. Et s’il ne revenait plus ? Cette pensée lui flanque une nausée incroyable si bien qu’elle l’écarte pour mieux la considérer l’instant d’après. Alors, quand elle distingue le bruit des bas, qu’elle devine au son les gestes de Gabriel, la terreur reflue pour laisser place au soulagement. Les mains sur la peau, le baiser dans sa nuque déclenche une succession de frissons grisants. Ils restent immobiles dans cette position un moment. Les mains de Marisa s’agrippent à celles de Gabriel, et elle se colle tout contre lui pour sentir sa chaleur contre sa peau, et son souffle régulier dans son cou. Finalement, elle brise le silence pour demander d’un murmure penaud « Tu m’aimes encore ? ». L’idée qu’il ne l’aime plus la terrifie, elle a besoin de l’entendre. De le savoir. D'être rassurée.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Ven 19 Aoû - 0:33
Il ne ressent strictement rien. Couché sur le côté, le dos de Marisa contre son torse, il est plein de ce vide. Sa rage, il l'a vidée contre les figures déchiquetées, les corps en lambeaux, les marcheurs sans âme. Son chargeur et son esprit sont dépeuplés, totalement creux, et il goûte la béance étalée dans le lit de ses entrailles. Ce gouffre a quelque chose d'angoissant mais Gabriel reste insensible. La douleur dans ses muscles accapare toute son attention et la fatigue l'enlace doucement, faisant battre ses paupières et brûler ses pupilles dès qu'il les ferme. Il inspire doucement, sa paume sous le sein de Marisa, la peau régulièrement gonflée par un pouls régulier, bien présent, rassurant. Bien que Stonebriar soit toujours plein de bruits, ça de jour comme de nuit, la rumeur des conversations, le fracas des rires et des injures, le mugissement des tôles cognées, déplacées, bousculées et les battages discordants de l'ordre et du désordre, ne le pénètrent pas. Gabriel pourrait s'enfouir en lui, et disparaître, si sa sœur ne l'attachait pas à cet endroit, à ce présent.
Il sent le vague mouvement de Marisa en même temps qu'elle chuchote. Elle ne se tourne pas non plus vers lui, et il s'en félicite avant d'en concevoir une certaine amertume. A force de se détruire la conscience dans la guerre, il ne sait plus vraiment s'il veut qu'elle l'aime absolument ou s'il suffirait qu'elle le laisse tranquille. Naturellement, il est là, lové contre elle, car c'est sa place et qu'il l'aime désespérément. Néanmoins, il lui faudrait interroger ses états intérieurs pour répondre sérieusement à cette question : aujourd'hui, cette nuit, pour l'instant, il dirait que non. Et, en même temps, la chaleur dans son ventre et le feu dans sa poitrine lui rappellent qu'il lui appartient éternellement. Il y a longtemps, d'une façon dont les mariages sont incapables, il s'est lié à elle, ou on l'a lié à elle, et il lui est désormais impossible de la quitter. Même s'il la haïssait suffisamment, Gabriel serait là, ses bras autour de Marisa, comme une forteresse et une prison. Et, à cette seconde précise, il la déteste encore. Pourtant, il s'entend murmurer, les deux syllabes aussi distinctes que s'il les criait d'un bout à l'autre de la pièce : « Toujours. » Les pensées éparpillées par l'asthénie, il le pense aussi certainement qu'il s'imagine planter un flingue contre ce joli dos et tirer une cartouche en travers de la colonne. Les sensations sont particulièrement vives, prégnantes, et Gabriel réalise tardivement que c'est parce qu'il promène ses doigts, vertèbre après vertèbre, entre elle et lui.
Il est obsédé par sa sœur. La nuance de sa peau. La saillie des côtes sous la peau. L'inclinaison de sa pente. Gabriel ne connait aucune autre créature qui vaille de vivre pour elle. Comment, sinon, pourrait-il s'empêcher de l'égorger ?
« Tu l'as tué ? » Pas Arthur. L'autre type. En attrapant l'épaule de Marisa, il veut savoir. Ce franc larbin a désobéi. Et les autres, qu'ont-ils fait ? Son appétit pour le sang le fait renverser sa sœur contre lui et, lorsqu'elle échoue sur le dos, Gabriel se couche sur elle. La curiosité éclôt au coin de son regard et elle dispute la présidence aux autres émotions, qui s'amoncèlent, plus loin, discrètes. L'avidité la seconde distraitement, et il y a l'instinct qui ballade ses phalanges à tous les endroits que les draps découvrent et que la lumière, rare et pleine d'ombre, baigne d'un gris-bleu. « Je l'aurais tué, moi. » En même temps qu'il parle, Gabriel ouvre les cuisses de Marisa et il lui fait doucement plier les genoux pendant qu'il pèse sur elle par le bassin. Appuyé sur ses paumes, il penche au point que leurs poitrines se pressent et les pulsations de son cœur trouvent aussitôt l'écho. Le contact de sa sœur lui brutalise les sens et, cependant, il continue avec la même impatience dans le ton, l'envie du spectateur pour l'issue de l'histoire. « J'ai voulu le tuer. » Le souvenir de cet homme, braquant Marisa, sans le moindre courage et sans la moindre audace, suffit à dégourdir son âme d'assassin. Qu'elle l'ait demandé ne compte absolument pas. Il est fatalement coupable : parce qu'il a obéi et parce qu'il a désobéi.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Ven 19 Aoû - 2:12
S’il ne répond pas immédiatement, les craintes de Marisa s’apaisent légèrement au contact de Gabriel dans son dos. La chaleur qui émane de lui l’enveloppe toute entière et elle s’enferme dans cette bulle imaginaire qui les coupe entièrement du monde. Tout pourrait s’écrouler autour d’eux, le monde pourrait rendre son dernier souffle que ça ne compterait pas. Pourtant, elle se suspend au verdict de Gabriel et s’interdit de plonger totalement dans cet état de sérénité. A la place, elle se concentre sur la respiration régulière de ce dernier et sur le souffle chaud qui balaie sa nuque. Sa main irradie d’une chaleur douce et agréable. Marisa attendrait l’éternité s’il le fallait. Le murmure qui lui répond lui fait l’effet d’une déflagration. Alors enfin, elle s’autorise à se détendre. Un par un, ses muscles abandonnent la tension latente qui les crispait depuis le début de la soirée – depuis le début du cauchemar plus exactement. Chaque geste, chacune des caresses de Gabriel provoque une réaction en chaine en elle, depuis sa peau qui frissonne en même temps qu’il laisse des traces brûlantes. Injustement, il lui affole les sens et l’esprit. Et pour autant, Marisa savoure l’instant à sa juste valeur, ce sentiment de plénitude qui l’envahit toute entière. Toujours. Elle se répète ce mot inlassablement, en décortique le ton, le sens. Entièrement, elle s’en empreigne. Dans le même de temps, de son ventre jusque dans sa poitrine, un délicieux braiser s’installe et ronronne, attendant son heure.
Quand Gabriel l’oblige, elle se laisse faire, et se contente de chercher le reflet des yeux de son frère dans le clair-obscur pour y débusquer le fond de ses pensées. Son corps, lui, réagit comme animé d’une conscience propre, à chaque nouvelle provocation de son frère. « Juste après ton départ. » Le ton est posé et calme, presque détaché. Seules les pupilles dispensent cet éclat joueur absolu hors contexte compte tenu de la discussion. « Une balle dans la tête, de son propre flingue. Il n’a rien vu venir, elle poursuit sur le même ton, la voix teintée d’accents indécents. » Elle libère ses mains pour attraper le visage de Gabriel et l’obliger à la fixer. Longtemps, ses doigts tiennent la tête et retracent doucement chacune des courbes de son portrait. Les pouces dessinent le menton et la mâchoire avant de trainer sur le contour des lèvres. Les index s’attardent sur l’arête du nez, les paumes avant de trouver les tempes où ils se fixent. Du bout des doigts, elle trace des cercles concentriques, d’une pression d’abord caressante avant d’entamer un réel massage. Sans jamais s’arrêter, Marisa relève sa tête de quelques centimètres pour trouver la bouche. De la même façon qu’elle a commencé son massage, elle taquine ces lippes de baiser furtifs. La langue agace la pulpe, puis se fraie un vrai passage. Elle y mord alors plus franchement, et plus longtemps, et plus lascivement. « Ne pars plus… ». Le murmure l’implore. Et comme pour se gorger de la présence de son frère, elle l’embrasse encore une fois, puis une autre. Elle abandonne les lèvres pour le cou, et les épaules avant de tout simplement agripper le corps de Gabriel pour le plaquer tout contre elle et l’enlacer. Il pèse de tout son poids sur elle, mais qu’importe. Il n’est jamais aussi vivant qu’à cet instant et Marisa s’enivre de sa présence. Il est parti quelques heures seulement, ça lui a semblé une éternité. Quels mots pour lui dire tout ce qu’il déclenche et provoque en elle ? Quels mots pour décrire tout ce qu’elle ressent pour lui, tout ce qu’il représente ? Elle se décide, incertaine et convaincue à la fois. Il temps de panser leurs plaies. Qu’ils se souviennent. « Pardonne-moi… elle commence doucement, les lèvres contre l’oreille. Je t’aime. Je t’aime tant, elle achève. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 23 Aoû - 0:58
La fin brutale d'une vie humaine, c'est une histoire pour s'endormir. Les Rosario se les racontent sur l'oreiller, pour s'apaiser et s'aiguiser. Aussi Gabriel l'écoute-t-il sagement, sachant très bien le sort qu'elle lui a fait. Mais l'entendre, l'entendre est d'un plaisir qui surpasse l'imagination. La bouche de Marisa lui fait l'amour et il se laisse convaincre par l'habitude, par le bonheur que d'être en sa présence lui fait toujours, et la sentir contre lui, et lui contre elle, taraude ce qu'il est de plus vulnérable. Ils s'embrassent et la réalité, pénible, fuit devant les frissons qu'elle répand sous sa peau. Doucement, Gabriel oublie les dernières heures, et ce qu'elles lui ont coûté. Il ne se souvient pas qu'il avait mal. Il ne se souvient pas qu'autre chose que sa sœur existe. Il baise le murmure qui s'échappe de la bouche et ses doigts dégringolent depuis la gorge jusqu'aux cuisses. Ses yeux persécutent Marisa, et cet l'éclat qui lui répond depuis qu'ils sont enfants, et il fouille derrière les derniers vêtements. Après, ce n'est que le froissement des corps qui se pardonnent. Quand Gabriel lui murmure, à son tour, qu'il l'aime, il est loin dans son ventre, là où les hommes aiment toujours les femmes.
Elle s'est endormie contre lui après qu'ils se sont épuisés. En dépits de sa lassitude et du délabrement de son être, Gabriel n'atteint jamais qu'un simili sommeil. Une heure, peut-être deux, il vogue d'une rive à l'autre sans tout à fait s'éteindre. Par moment, il s'agace que son esprit, pourtant si insouciant (même inconscient), soit à ce point affolé. Pour se distraire, il compte. Les années. Les rôdeurs. Les visages. Et dès qu'il imagine pouvoir se reposer et presser les paupières, il se repasse le film de trois ou quatre souvenirs intenses. La mort de ses parents est un épisode récurrent mais, cette nuit-là, elle l'enracine à Marisa et ça lui est insupportable. Pour déserter la maudite impression, il repousse sa sœur, la paume sur son épaule, un peu trop sévèrement. De peur de l'avoir réveillée, d'être découvert, Gabriel attarde un demi mouvement, un regard prononcé et un battement de cœur. Tout aussi éprouvée qu'il l'est, elle roule seulement sur le matelas et rassemble le drap autour d'elle. Le salaud, il l'épouse. Car l'univers gravite autour de Marisa, et de sa volonté infléchissable. Sans avoir jamais l'audace de l'avouer, Gabriel répugne à la servir un jour de plus.
Il a passé la même tenue que la veille, et ses vêtements dégueulent de tellement de déjections humaines que c'en est à peine supportable pour l'odorat inhabitué. Après une demi heure et avoir dégringolé d'un étage dans le Mall, il émerge dans l'aube parce qu'il n'a pas dormi. Ses yeux le brûlent et une sorte nausée règne sur son ventre. On lui propose deux fois le contenu d'une conserve éventée et c'est à la première bouteille d'un alcool âcre qu'il cède et prend quelques gorgées. Gabriel rumine le courage qu'il est incapable de posséder et ça le fait s'asseoir (ça, et puis la menace de vomir) un bon moment parmi ceux qui n'ont pas non plus trouvé le sommeil et ceux qui violent le petit matin. Un verre après l'autre, il se détend et son humeur se dégage dans les vapeurs. Stonebriar bruisse. Certaines prunelles s'attardent. On lâche quelques commentaires. Gabriel ne les entend pas, ou il ne les écoute pas. Néanmoins, on en cause, c'est aussi tranchant que la lame qu'on aiguise, en haut de l'escalator, négligemment vautré sur la rambarde. « Qu'est-ce que tu prépares ? » Irving lève un regard compact vers lui – on dirait celui qui ne voulait pas être choisi alors qu'il était bien planqué dans le fond de la classe. Après une seconde ou deux, il hausse cependant des épaules. « On va chercher du liquide. » D'expérience, Gabriel sait qu'il ne parle pas d'essence. « Combien de temps ? » Les bottes mieux fichées sur le carrelage crasse, Irving donne l'impression d'y réfléchir pour la première fois. Encore, mouvement solidaire des épaules et du menton. « Quatre jours ? » A sa façon de le dire, ça pourrait être huit. Ou vingt. A sa façon de le dire, il s'en fiche. Le verre de Gabriel frappe la caisse qui sert de table au petit groupe et il avale d'un trait le contenu épouvantable. « D'accord. Mais on part maintenant. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 23 Aoû - 2:02
Le premier jour, Marisa ne s’est pas inquiétée. Froissée tout plus, de s’être réveillée seule, mais la journée s’est déroulée normalement. On lui a rapporté des rumeurs d’un raid alentours, et elle a supposé que Gabriel accompagnait le groupe. Quand, le soir, ils sont revenus, elle a attendu fébrilement qu’il vienne la retrouver. La nuit a été longue et agitée, entrecoupée de cauchemars et d'insomnies. Au petit matin, prendre l'air frais n'a en rien apaisé ses nerfs à vifs et son humeur maussade. En début d'après-midi, elle a demandé à certains de se préparer et se tenir prêts à partir à la recherche du roi. Tous sont restés sur le qui-vive, peu à peu gagnés eux aussi par l'agitation de Marisa. Mais l'ordre n'est jamais tombé. Le climat de Stonebriar s'est peu à peu figé dans cette attente électrique et ne s'est apaisé que lorsque Marisa s'est retirée. Ainsi s'est achevé le second jour. Au matin du troisième, personne ne dit rien quand elle traverse le mall, les traits tirés par la fatigue et l'angoisse qui lui ronge l'esprit et les tripes. Le premier qui ne se recule pas assez vite récolte un violent coup du front dans le nez. Le second est propulsé au sol et roué de coups jusqu'à ce sa carcasse s'immobilise et que ses cris cessent. Quand elle se relève, il respire encore, mais faiblement. Et Marisa brûle toujours du supplice de l'attente et des questions sans réponse. L'ordre de se tenir prêt circule à nouveau, on se presse et comme la veille, on attend. Et le silence obstiné de Marisa les contraint à nouveau à l'attente fébrile et douloureuse. Déjà, on espère en silence que ce règne de terreur prenne fin et on se prend à espérer un retour prompt de Gabriel. Si on pense à renverser Marisa, on se raisonne bien vite quand on en vient à imaginer la réaction de du frère bien aimé, dans l’idée d’un éventuel retour. Au quatrième jour, Marisa ne se donne pas la peine de se présenter. Elle reste prostrée sur le matelas et macère sa peur insoutenable, sa colère, sa culpabilité. Les pensées et les idées les plus sombres naissent et se cognent les unes contre les autres, se défont et se reforment plus incisives encore. Peu à peu, son angoisse évolue, prend des formes plus opaques. Marisa ne se sort pas du cercle vicieux des idées noires qui lui grignotent l'esprit et occupent entièrement ses pensées. La sensation de l'abandon reste la plus terrible à endurer. C'est aussi bien physiquement que moralement qu’elle l’éprouve. Et étrangement, elle ne se sent pas plus légère, mais plus lourde. C'est le poids de l'angoisse qui pèse sur les épaules, la poitrine et les tripes, qui bloque la respiration déjà erratique et provoque sa fièvre et ses pleurs. Gabriel lui fait payer. Il lui fait payer ce refus de lui livrer Arthur et la torture en la quittant et en ne revenant pas. Gabriel part souvent sans elle, avec d’autres des chacals, mais jamais il n’oublie de lui dire qu’il part. Il n’hésite jamais à la réveiller pour lui murmurer que les gars ont trouvé quelque chose, et dans un demi sommeil, elle acquiesce toujours avant de se rendormir. Son angoisse, disproportionnée, se nourrit de l’idée persistante qu’il l’a abandonnée, et que contrairement à ce qu’il a répété, il ne l’aime pas. Il ne l’aime plus.
Les larmes ont creusé des sillons sur ses joues, mais ses yeux sont secs depuis plusieurs heures quand elle entend quelqu’un pénétrer dans le repère. Le bruit de la démarche, légère, lui apprend que ces pas ne sont pas ceux de Gabriel. Dans son ventre, son estomac déjà atrocement noué se tord un peu plus encore. La fille approche prudemment, mille précautions dans les gestes et le regard. Marisa est comme un animal traqué et blessé, qui mordrait au premier signe qui la contrarierait. Dolores déteste être ici, mais elle a perdu ce stupide pari et maintenant, c’est à elle d’approcher la reine. Silencieuse, Marisa l’observe, caresse l’idée de la refroidir sur le champ pour avoir défié l’autorité avant de décider d’admirer le courage qui pousse l’autre à s’aventurer dans la tanière des Rosario. Finalement, la femme se plante devant Marisa, qui l’interroge du regard. Dolores n’hésite qu’un instant, avant de se lancer. « Un groupe est parti y’a quelques jours, en raid. Vers Austin. Gabriel est parti avec eux. On voulait te le dire… ». Le visage de Marisa s’agite d’un tic nerveux. Une fois. Deux fois. Sa main glisse sur le sol où traine son pistolet, et Dolores se fige en apercevant l’éclat de métal. « Très bien, répond seulement la voix de la reine d’un ton froid et détaché qui glace encore plus le sang. Merci. » Marisa se relève et quitte la pièce sans rien ajouter de plus. Longtemps après, Dolores se rend compte de son cœur qui tambourine contre la cage d’os et de ses jambes qui tremblent légèrement.
L’angoisse qui a grandi au sein de Marisa s’est peu à peu transformée en une colère et une rancœur proportionnelles à l’état dans lequel elle a évolué durant des jours. Aussi solides, sournoises et incisives. Entièrement tournées à l’encontre de son frère. A-t-elle jamais ressenti pareil détestation pour Gabriel ? Elle ne se souvient pas. Le quotidien de Stonebriar a repris quand le petit groupe revient de leur expédition, dans les bruits et la clameur qui accompagnent chaque groupe de chasseurs quand ils reviennent au bercail. Quand on se précipite pour lui signaler le retour du commando, Marisa se contente de hocher la tête en silence. Le bruit venant des entrailles du mall forme une parfaite annonce. Quand ses yeux se posent sur la silhouette de Gabriel, elle le hait encore plus. Parce qu’un bref instant, toute sa haine laisse place au soulagement de le voir encore marcher, respirer, sourire même. Elle se déteste. Le sourire plaqué sur son visage ne laisse rien devenir pour qui ne sait pas le lire, de même que le ton coulant de son timbre lorsqu’elle approche. « La chasse a été bonne ? elle interroge presque guillerette, tout ce qu’elle n’est jamais vraiment. » Son visage porte encore les marques des jours éprouvants qu’elle a traversé, et ni son sourire factice ni son attitude travaillée ne le dissimulent vraiment.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mar 23 Aoû - 15:08
L'humeur de Gabriel s'est sensiblement améliorée aux abords d'Austin. C'était le deuxième jour. Ils avaient gaspillé le carburant d'une jeep d'autant plus vétuste qu'elle devait déjà l'être avant l'épidémie. Elle avait du servir à sillonner une réserve naturelle, ou une zone protégée, mais les marquages délavés à son flanc n'en laissaient plus rien deviner. Ils tenaient à sept dedans, à condition qu'ils s'arrêtent fréquemment pour se dégourdir les jambes et les flingues. Ils inspectaient n'importe quoi, ruines et impasses, aussi ne firent-ils les quatre-vingt kilomètres qu'à un rythme raccourci. Comme ils étaient lourds, la jeep en était ralentie et un vagabond, esseulé mais armé, les avait retenu le temps d'une chasse de plusieurs heures. Avec un autre Jackal, Irving avait harnaché sa tête dégoulinante sur le capot, pareille à un bouchon de radiateur. Ça les avait amusé une bonne dizaine de kilomètres, puis ils n'avaient plus surveillé les liens relâchés et elle avait fini par rouler, éjectée, dans un virage serré. En entrant dans Austin – ses faubourgs car son centre devait toujours grouiller, ils avaient débusqué une silhouette chétive, mais vive. C'est là que Gabriel avait jeté un fusil sur son épaule et que le premier rictus de ces dernières quarante-huit heures avait éclos sur ses lèvres. Ils avaient laissé la jeep là, car c'était eux les pires salopards à la ronde.
Cette idiotie leur a fait perdre un temps considérable sur le chemin du retour. Ils ont marché, cette fois sans se disperser. Après deux ou trois des bouteilles raflées, cette mésaventure n'avait plus aucune importance. En fait, Gabriel se félicitait de n'avoir rien ressenti ces trois derniers jours.
Comme les six autres, il est ivre. Ça n'est pas l'état décousu, lourd, gauche, qu'on peut attendre de sept ivrognes rincés jusqu'à la moelle parce qu'ils n'ont tout bonnement jamais dessaoulé. Leurs sens, quoi que partiels, sont aiguisés et Gabriel n'a jamais eu aussi bien conscience de lui. Les voix braillardes des Jackals l'effleurent, lointaines, mais il voit nettement chaque visage et le vent lui caresse la nuque avec la force d'une poigne. Il n'a pas quitté ses vêtements. Il pue. La sueur fait des flaques à tous les endroits du tissu, et il y a tellement de sang séché que les fibres sont sèches, rigides, cassantes. Sa chemise est éventrée, à droite, sous les côtes et sa peau y est sale, brune et carmin. Gabriel n'essaie pas de se dissimuler pour ne pas laisser croire aux autres qu'il a été mordu. Ils sont tous intacts, et ravis, et chargés de litres affreux, âcres et délicieux. Les premiers échanges se font d'ailleurs dans les étreintes et on jette un regard à l'éventuelle marchandise qui racolerait un foie malmené par la diète. Le roi ne porte rien. Il n'était pas sorti pour ça.
C'est le sourire le plus faux qu'il ait vu. Il étire la bouche de Marisa, lui donne cet air laid du mensonge. C'est si crevant d'évidence que Gabriel sait que c'est pour les autres et non pour lui. « Je sais pas trop, il admet pour répondre. On a perdu la jeep. » Sa bouche se fend, à son tour, d'un sourire et la nuance qui y loge est très différente de celle de sa sœur : il y a son mépris éternel pour toutes les choses ordinaires, quotidiennes, puis une véritable légèreté de l'esprit. La perte du vieux véhicule ne l'affecte absolument pas. Il s'en fout. Il n'a même pas envisagé de traquer leur voleur. Ç'aurait été amusant, pourtant, mais il voulait rentrer. Cette sensation ne s'était pas tout de suite affichée, et les kilomètres l'avaient simplement affirmé. Maintenant, et en dépits des émotions qu'il sait dans la carcasse de Marisa (c'est aussi franc et aussi prodigieux que si une bête s'échinait à sortir du corps d'un homme – d'une femme), Gabriel aime être chez lui. Et, chez lui, ça n'est pas Stonebriar. C'est elle. Alors il lui attrape le bras et il l'attire à lui. « J'ai envie de toi, murmure impatiemment sa bouche. » Il mord doucement aux lèvres de Marisa avant de l'embrasser. On ne fait pas plus attention à eux que s'ils n'étaient pas là, et néanmoins, les quelques billes qui musardent de leur côté n'ont rien à voir que les mains de Gabriel qui bloquent les poignets de sa sœur et ses manières, brutales et désinvoltes, qui les esquintent, debout l'un contre l'autre comme s'ils étaient étendus l'un sur l'autre. « Tu es en colère, hm ? » Ce qu'il ne demande pas vraiment le fait rire dans un souffle. « À quel point t'es en colère, dis-moi. » A ces yeux pleins de fièvre, on sait qu'il n'espérait pas trouver autre chose. Qu'il l'attendait. Qu'il le souhaitait. Et, plutôt que de le refroidir, cette haine jetée contre lui le raidit contre elle.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Jeu 25 Aoû - 2:31
Un moment, Marisa résiste à l’irrépressible envie de se jeter dans les bras de son frère. Elle se répète combien elle le déteste, elle le hait pour les tourments dans lesquels il l’a plongée bien trop longtemps. Mais, sa colère s’étiole bien trop rapidement. En vouloir à son frère lui demande une énergie qu’elle préfère consacrer à d’autres choses. En vouloir à Gabe est vain, un non-sens. Et quand il lui répond avec ce sourire, Marisa a déjà oublié ses griefs contre lui. Bien sûr, elle reste de marbre, pour le petit plaisir puéril de titiller Gabriel. Le murmure déclenche une vague d’émotions indécentes dans son ventre, sa poitrine et entre ses cuisses. La chaleur se répand à une vitesse folle et si elle conserve un visage fermé, déjà dans le fond de ses pupilles brille une lueur taquine, parfait reflet de l’incandescence du regard de Gabriel. Peut-on vraiment haïr l’autre moitié de soi-même ? Le prolongement de tout son être ? Ses mains qui bloquent les siennes, son timbre qui la provoque, ses attitudes qui l’échaudent. Il est brusque, avide et impérieux, comme elle l’aime. Tout conspire à lui plaire et pourtant, elle s’échappe des lèvres de Gabriel et détourne la tête, l’expression hautaine. Ses yeux cherchent ceux de son frère, et le masque glacial se brise pour laisser place à un sourire malicieux, parfait écho aux reflets fiévreux de leurs regards. « Cap ? elle susurre doucement, les lippes mutines ». Il pourrait lui arracher ses vêtements dans d'un geste, la pousser contre l’un des murs du niveau, attraper ses lèvres et la prendre dans l’instant, Marisa se laisserait faire. Elle a déjà oublié les autres, ceux qui gravitent autour d’eux, s’exclament et acclament la meute triomphante. Son point d’ancre à nouveau à portée de ses doigts, de ses lèvres, peu lui importe qu’on les observe. L’idée ne lui déplait pas forcément… Mais elle tient sa revanche sur son frère, et plutôt que de céder à ses caprices, elle transforme l’instant en ce qu’ils savent faire de mieux. Jouer. Elle connait déjà la saveur de la récompense, et les idées et les images qui lui tournent dans l’esprit suffisent à piquer ses sens. L’agrémenter d’attente, jouer de leur impatience ne la rendra que plus délicieuse. A force de contorsion, Marisa se défait de la poigne pour tirer Gabriel contre elle par le col de sa chemise crasseuse. « Cap d’être le loup ? elle continue sur le même ton, un peu plus lascif. » L’autre main a déjà plongé sous la taille et séduit l’entrejambe du bout des doigts. Son rire fuse, espiègle. Et elle se libère de l’emprise de son frère. De la chasse fructueuse, elle dérobe une bouteille d’un bourbon passé d’âge avant de s’enfuir dans les étages en courant, semant ses éclats de joie dans les couloirs du mall. « Tu as jusque dix ! elle s’exclame » Sa course l’emmène dans les étages. Oh, elle sait ce qu’elle provoque en Gabriel, elle l’attend et l’espère. Elle voudra qu’il la retrouve et l’attrape avec toute sa hargne et son amour, elle voudra qu’il lui attrape la bouche avec violence et tendresse, que leurs mains se cherchent et se repoussent. Elle le voudra fougueux. Entier. Elle résistera un temps, bien sûr. Parce que c’est le jeu. C’est la meilleure – et la seule- façon de provoquer Gabriel et de se venger de lui. Joueuse, Marisa ralentit la cadence, pose la bouteille sur le sol le temps d’abandonner son chandail par terre avant de reprendre sa course et de se glisser dans leur repère. Elle sème ses vêtements, de ça, de là, ne conserve qu’un haut léger et ses sous-vêtements avant de se dissimuler dans l’une des dernière chambres témoins encore en bon état. Sereine, elle attend, sirote au goulot l’alcool âcre. La mixture lui brûle longtemps la gorge et l’estomac, avant de se transformer en douce chaleur chaude. Quand elle distingue les pas de Gabriel, elle se tient prête à bondir pour changer de planque, aussi longtemps que l’envie le lui dictera, aussi longtemps qu’elle ne sera pas rattrapée.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Lun 29 Aoû - 0:28
Sa colère, Marisa l'infléchit et la range. Elle est comme lui : elle répond à l'instinct qui les mange, ensemble, par le ventre. Ils sont incapables de ne pas s'obéir quand leurs deux corps s'invoquent et se conjurent. Il suffit souvent d'une poignée d'heures, parfois – rarement – de quelques jours. Et puis le manque, soudain, violent, infatigable, les attrape à la gorge et les dévore d'angoisse. C'est ce qu'elle a ressenti, tout le temps où il n'était pas là, et c'est la raison qui lui a ramené son frère. La main de Marisa le faisait accourir avant qu'elle ne dispose de lui par la braguette. « Cap, il répond. » Les sourires se répondent et ils mordent à la même idiotie passionnée. Ils se sont manqués et, pour les temps qui viennent, ça suffira à étouffer l'horreur qui les disperse. L'attention qui persécute la course de sa sœur, Gabriel ne se l'imagine que dévêtue. Crue. Nue. Elle est belle, quand elle se déshabille. Et il compte à voix haute en s'élançant dans ses ornières. « UN ! » Bien sûr, il est le loup. Il est tout ce qu'elle veut qu'il soit. Et elle, c'est pire encore. Car, sans candeur, Gabriel sait qu'elle va l'affliger d'affres trop sévères pour n'être qu'une punition et néanmoins trop souples pour relever de la torture. « DEUX ! » Il la devine, la prédit, avec acuité, comme un enfant que l'on a fait ou comme un animal que l'on a vu grandir pendant qu'on le soignait. « TROIS ! » A son tour, Gabriel débouche sur l'étage. Un moment, il hésite. Ou, plutôt, il piétine. Son regard balaie les vitrines défoncées, les boutiques dévastées et bondées de déchets, des objets ou des hommes. Par le côté, il scrute tout Stonebriar et il n'entre dans le magasin qu'une fois satisfait de ce qu'il voit sans qu'on sache vraiment ce que c'est. « Quatre. » Le pull de Marisa habille le sol. « Allumeuse... » Un sourire attaque, profond, sa bouche. Du bout des yeux, il inspecte l'horizon de pénombre. On n'y voit jamais rien à dix pas, comme si c'était l'antre d'un monstre. Le leur. « Cinq ! » S'il aboie le décompte, c'est pour qu'elle sache qu'il chasse. Néanmoins, il a tout le temps que, bientôt, elle lui fera de toute façon souffrir. Gabriel ne se précipite pas contre son calvaire. Au contraire, il lui fait même grâce de se nettoyer. A six, il est torse nu, ruisselant d'une eau grise. Avec des tissus qu'il a du porter il a des semaines, ou des mois, il s'éponge les tempes, les bras. Et quand il scrute encore les environs, il fait sauter la boucle de sa ceinture. « Sept ! » Les pieds, nus, esquivent les épaves et les débris. Dans les allées, Gabriel se promène. Les matelas se succèdent, comme s'ils ne racontaient qu'une seule histoire : le bonheur que les Rosario se font toujours. Encore, il ressasse gentiment la mort de ses parents. Il s'échauffe. « Huit. » Il oblique sur la droite, puis à gauche. Ça ne connait aucune logique ni aucun plan. Marisa est là, quelque part, et elle l'attend. A certains moments, il l'entend rire. Il croit. « Neuf ! » Sa sœur est ridiculement facile à pister, parce qu'ils sont de la même espèce et parce qu'elle veut être trouvée. Tous les tissus qu'elle abandonne pour le mener le prouvent et il prend un malin plaisir à dévier son chemin. Longtemps. En fait, il a eu le temps de beaucoup de choses quand il l'avise, moins planquée qu'elle ne lui est offerte. Aussi nette que s'il avait la vue acérée de n'importe quel prédateur. « Dix... » Ce n'est qu'un murmure, quasiment inaudible parce qu'il est transpercé par le carreau fiché à, quoi ? vingt ou trente centimètres du visage sidéré de Marisa ? Quand il abaisse l'arbalète en carbone, Gabriel ne sourit plus. L'oeil froid contraste terriblement avec le brûlant de son ventre. « Cap, conclut-il. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Lun 29 Aoû - 4:34
Cette connivence et cette alchimie parfaite n'existe qu'avec Gabe. Depuis toujours il lit en elle parfaitement, décrypte la moindre de ses envies ou de ses humeurs comme s'ils les partageaient. De la même façon qu'il savait qu'il la retrouverait furieuse, il se doutait probablement qu'elle ne le resterait pas longtemps. Qu'elle serait acquise à ses provocations. Elle n'a connu que Gabriel pour se donner entièrement, elle n'a jamais eu envie de s'offrir pleinement qu'à lui. Seul son frère est capable de la troubler, de la plonger dans ces états douloureux ou, le plus souvent, de joie et d'extase. Les années passées loin de lui ont constitué la pire des tortures, que les quelques rares hommes qu'elle a connus n'ont jamais su soulager. Souvent, elle imaginait le visage de son frère à la place de celui de ses amants, elle soufflait même son prénom. Sa mémoire inventait les mains chaudes et puissantes de Gabriel sur ses hanches, son souffle dans sa nuque ou son nez plongé dans sa poitrine. Parfois, ça suffisait. Souvent, elle restait frustrée. Alors quand il plonge sans limite dans le jeu, Marisa glousse de plaisir, endure l'attente avec une impatience frénétique. La timbre dur et vif de Gabriel qui compte à haute voix provoque mille délices, milles images et mille fantasmes. Il se fait attendre, et Marisa en profite pour se perdre dans les méandres lubriques de l'anticipation. Elle guette, avide, chaque nouveau chiffre qui cinglera l'air et brisera le silence de la tanière, transformée en terrain de chasse. Le loup, c'est pas simplement ce jeu d'enfant où l'un trouve l'autre et doit l'attraper. Depuis longtemps ils ont découvert comment pimenter une partie. L'attente devient vite insoutenable, et il tarde à Marisa que son frère mette fin au suspense. Comment la traquera-t-il cette fois ? Et quel rôle endossera-t-elle pour y répondre ? Les sens fatigués par l'alcool, elle ne l'entend pas approcher. Elle entend et distingue par contre parfaitement le bruit du trait qui fend l'air et qui se plante avec violence à une distance raisonnable de son visage. Les effets de l'alcool s'estompent brutalement quand son corps réagit à l'instinct et pulse dans ses veine l'adrénaline. Mille picotements parcourent son ses bras, ses jambes, le sang reflue, sa respiration s’interrompt et de toutes les sensations, c’est celle que Marisa préfère le plus. Quand le corps répond par l’instinct à ce qu’elle provoque mais ne craint pas. Elle aime confronter sa simple humanité et frôler les limites de cette condition, pour les repousser et les modeler. Le loup, c’est une vraie chasse, une traque, parfois longue, parfois courte. Et jamais dans la demi-mesure. Au regard froid de Gabriel, elle répond par un rictus, une fois sa contenance retrouvée. Il la vise toujours de l’arme, un carreau prêt à filer pour transpercer à nouveau la cloison. Ce qu’elle lit et déchiffre dans le regard clinique de Gabriel traduit bien d’autres choses, encore. Elle y débusque la flamme qui danse toujours dans les yeux de son frère, depuis toujours, et qui l’a acquise à lui pour l’éternité. Cette lueur unique qu’elle n’a jamais retrouvée chez personne d’autre. Elle brille uniquement pour lui. La chaleur de son ventre s’installe à nouveau, un brasier prodigieux qui exalte ses sens. Son sourire s’aiguise, quand doucement, elle lève les bras en signe de reddition. La vue du torse de Gabriel qui se soulève et s’affaisse au rythme de sa respiration provoque en elle une myriade de sensations toutes plus grisantes les unes que les autres, et ses rétines se perdent un instant sur le torse de l’homme en face d’elle et dont elle retrace tous les détails qu’elle connait parfaitement, avant de s’attarder sur la boucle de la ceinture défaite. Le sourire s’accentue plus encore quand elle s’agenouille, toujours dans la même posture de renoncement. Elle accepte pour l’heure d’être la proie débusquée d’un chat particulièrement joueur. « Je vous en prie, monsieur le loup, elle minaude, ne me faites pas de mal. Je ne suis qu’une jeune fille innocente. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mer 31 Aoû - 12:50
Ce post contient des propos non-explicites mais pour un public averti.
Gabriel sait qu'il est ivre. Il a visé la cime du crâne. L'idée qu'il aurait pu lui ficher le carreau en plein milieu du front, sous la pommette ou bien dans l'ombre que fait la mâchoire dans la gorge ne le traverse qu'à peine. Elle est prestement rejetée comme une perspective farfelue. Marisa est aussi intacte qu'elle ne l'est guère entre les cuisses. La mire de l'arbalète voguant de la gauche vers la droite puis de la droite vers la gauche, sa provocation intérieure lui tord le coin de la bouche. Néanmoins, sa sœur doit croire qu'il s'amuse de son abandon, aussi grossier et mensonger que son sourire de retrouvailles. Et la comédie de Marisa ne fait, en effet, que creuser plus profond le rictus dans sa bouche. Le menton dressé, Gabriel se campe plus fermement sur ses deux pieds, l'air d'ausculter très sérieusement la scène, de l'inspecter dans ses détails et de jouer aux sept différences avec la véritable Marisa au fond du regard. Elle n'est plus innocente depuis longtemps (l'a-t-elle jamais été, même lorsqu'elle ne possédait qu'une poignée d'années et le jetait déjà dans le danger ?). Et ce n'est plus une jeune fille. Son frère se souvient si bien de la pression de ses lèvres autour de lui qu'il est catégorique, et qu'importe si ce n'est que pour lui-même. Alors, quand elle se met à genoux, un souffle brûlant lui explose dans le ventre et son pantalon rétrécit. « À qui tu veux faire croire ça ? il agite l'arbalète comme si c'était l'instrument de mort qui le demandait. » Elle n'escompte certes pas le convaincre, lui. Gabriel lui a fait trop de choses. Et Marisa a fait de même avec lui. Depuis qu'ils se sont retrouvés, depuis la la fin du monde (qui, curieusement, dure déjà depuis six ans), ils n'en ont été que plus dépravés, intenables et obscènes. La précision de chaque éclat de mémoire lui donne l'envie furieuse de jouer avec la fermeture de sa braguette. Des fois, il réalise que sa sœur est la plus belle femme qu'il connaisse et pouvoir, en de rares occasions, retrouver cette sensation, cette découverte fiévreuse (où se mélangent la crainte adolescente et l'avidité animale), n'a pas d'équivalent. « Tout le monde sait, dit-il sans qu'on départage s'il l'insulte ou s'il la complimente, que t'es la pire salope des ex États-Unis d'Amérique. » Quelques secondes, Gabriel la jauge avec hauteur quand même il se tient si loin d'elle qu'il n'a pas réellement besoin de baisser les yeux pour la voir entièrement. Il a, un temps, toutes les raideurs que peuvent connaître les hommes, puis il détend, la lueur évidente de celui qui convoite son prochain. En ajustant la ligne de tir de l'arbalète, il maintient fermement la crosse placée sous l'arc. Pour cette arme, il n'a que deux carreaux et l'un d'eux gît toujours dans la cloison ridiculement mince. Le levier d'armement l'aide à bander le câble d'embrayage et il place la dernière de ses munitions dans le sillon. « Je crois que je rendrais service à ton innocence si je... » La crosse contre l'aisselle, Gabriel n'achève pas sa phrase et vise avec concentration. Prenant la pointe du carreau pour signet (ce qui, si l'on veut réussir son tir, est d'une bêtise insupportable), il détaille le creux de la gorge et devine le pouls quelque part sous la peau. Après quoi il décroit et redessine rigoureusement la courbe des seins. « Déshabille-toi. » Le timbre sec, autoritaire, il lève les yeux de l'arbalète comme de regarder au travers de jumelles. Ça ne lui prend qu'une seconde, et il reprend son inventaire des milliers de raisons qu'il a de vouloir faire l'amour à Marisa. Il a tellement envie d'elle que c'est douloureux. Cela fait des jours. Des jours. Gabriel veut le gueuler pour que le monde comprenne l'insoutenable de son supplice. Il a tellement envie d'elle qu'il a l'impression confuse de ne l'avoir jamais touchée. Qu'il n'a jamais touché de femme. La figure fugitive de Joan lui monte à la tête quoi que ce n'est, à vrai dire, qu'un éclat de couleur spécialement terne qui ne s'accroche pas à son esprit. Il bout, cette expression consumée d'avoir le choix tout en s'affligeant lui-même sans que personne ne l'y oblige. Quand sa sœur s'exécute, séparant doucement sa peau des tissus, c'est encore plus pénible de l'observer. Elle est magnifique, bien entendu. Mais il n'a pas envie de lui dire de jolies choses. Son unique obsession consiste à décider où et comment il veut le plus la prendre. Pour rompre avec son épouvantable abstinence, il n'a que cette occasion et des milliers d'images parmi lesquelles choisir. Il pourrait gémir dans son jean rien que de se refaire le film. « Viens là. » Il ne cesse jamais de la mirer de son arbalète. À cause de ses composants modernes, elle est légère et tolérable pour son épaule et pour ses bras. Le carreau emprunte la trajectoire de Marisa et on dirait qu'il s'apprête à tirer au moindre signe de fuite qu'elle laisserait surgir. Elle ne fait rien de tout cela. Au contraire, elle se traine jusqu'à lui et Gabriel fait le reste de l'abîme. Sa sœur est restée sur ses genoux et elle lui jette un regard qu'il prend pour le Paradis même. Il n'a jamais vraiment cru en Dieu, et ses parents n'étaient pas spécialement chrétiens. Néanmoins, il croit deviner l'absolu que les croyants se cherchent. Il l'a trouvé. Et si ça fait de Marisa Dieu Tout-Puissant... « Ouvre la bouche, il dit, le ton égal mais une tension caniculaire logée dans le fond, et n'arrête pas d'ordonner comme s'il n'y avait rien de plus naturel pour sa sœur que de lui obéir. » Pendant que son souffle étranglé exige, il libère sa main droite qui, à son tour, libère la fermeture du jean. Gabriel attrape la nuque de Marisa et, quand elle le prend dans sa bouche, il pousse un râle si obsédé qu'il oublie qui d'elle ou de lui commande à l'autre.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mer 31 Aoû - 20:02
Poste destiné à un public averti.
La tension se loge dans le corps sans qu'elle sache départager celle de la crainte et celle du plaisir, qui vont crescendo au rythme de l'adrénaline qui pulse par le cœur dans les veines. Si quelques instants auparavant, elle en a dessoûlé, elle s'enivre cette fois de la sensation. Son corps devient lourd, presque étranger, et certains moments, il lui semble qu'elle s'échappe de la carcasse d'os et de chair pour contempler la situation d'un étrange point de vue à la fois interne et externe. L’impression est aussi étrange qu’électrifiante. En silence, elle contemple son frère, ses mouvements agités et impérieux ; fous. Elle écoute ses mots, âcres et ne s'en offense guère. Au contraire, c’est ce qu’elle voulait de Gabriel, et tout ce qu’elle espérait provoquer. C'est une bataille qu'ils se livrent et qu'ils jouent, et malgré les allures, Marisa se sait en position de force pour l'instant. La libération de son frère ne se suspend qu'à son bon vouloir après tout. Alors, la pupille brillante, elle attrape les bords des quelques rares vêtements qu'il lui reste et met un temps infini à s'en défaire. Les mouvements sont longs, soignés et appliqués, et tout ce temps elle observe avec un plaisir non dissimulé celui qu'elle fait à Gabriel et l'évolution de ses humeurs. La pièce de coton rejoint finalement le sol, dévoilant sa peau de marbre. Les doigts tracent un chemin tortueux sur son propre épiderme, provoquent les frissons qui secouent la peau avant de trouver la première bretelle. Elle joue un moment avec la petite bande de tissu, puis la fait glisser le long de l'épaule avec mille précautions. Sa jumelle suit bientôt, sans pour autant que les broderies ne libèrent la poitrine. Il a raison. C'est une salope, ou tout ce qu'il veut bien l'appeler, quand il s'agit de lui. Marisa roucoule d'un petit rire travaillé, et observe, fascinée les variations dans le regard de Gabriel, sans réussir à toutes les déchiffrer. Elle s'en moque. Que peut-il lui faire qu'elle craigne vraiment ? Un esprit sage et sain redouterait Gabriel Rosario, ivre et gesticulant, une arme létale et facile à la main. Quelqu'un de réfléchit s'alarmerait de ce trait fiché dans le contreplaqué comme il aurait pu fendre les chairs. Ils n'ont jamais été ni sages ni réfléchis ensemble. De longues secondes s'écoulent et tissent des minutes avant qu'enfin les doigts crochetèrent les agrafes et qu'elle laisse le galbe ferme de ses seins apparaître. Un sourire gourmand plaqué sur le visage, la main fine de Marisa se promène sur sa poitrine, s'attarde. A son tour, elle s'échauffe l'esprit et le corps. Retirer le dernier vêtement demande plus de contorsions, pour lesquelles elle prend autant de soins et de réserves. Aucun geste brusque et après un temps, elle se dévoile enfin entièrement nue. A l'injonction d'avancer, Marisa s'exécute, le mouvement toujours aussi lascif. A celui d'ouvrir la bouche, elle obéit, victorieuse. Son plaisir, elle le puise dans celui qu'elle offre à Gabriel. La bouche et la langue s'appliquent doucement et consciencieusement, d'abord lente. Marisa titille et provoque la fureur et l'impatience de son frère pour mieux le combler ensuite. Et dès que la paluche se fait plus autoritaire, Marisa se venge immédiatement en cessant l’attention. Chacun des soupirs rauques s'échappant de la gorge de Gabriel forment à ses tympans la plus douce des mélodies. Les mains perdues sur les reins ou dans le bas du dos éraflent la peau sans qu'ils n'y prêtent aucune attention. Marisa aime Gabriel, de la manière la plus triviale et simple possible. Ils laissent les corps parler, si bien qu'au plaisir de Marisa se mêle bientôt une frustration proportionnelle qu'elle ne sait plus combler seule.
Alors, ses mains montent vers celles de Gabriel et le délestent de l'arbalète pour mêler ses doigts aux siens. Elle se relève et confronte le regard fiévreux de Gabriel. Il n'a pas ordonné et le loup pourrait s'en agacer, si bien qu'elle prend les devants. « Aime-moi, grand méchant loup, elle murmure, les lippes contre l'oreille et les doigts pour affoler les sens. « Aime-moi, Gabriel. » Elle fait peser son corps contre celui de Gabriel, capture les lèvres une fois, deux fois, dix fois. Elle en perd le souffle et sa cage thoracique lui semble brûler d'un brasier insoutenable. Et pourtant, inlassablement, elle le cherche, et le trouve. Le bout des doigts retrace le torse, les bras, plonge dans le dernier vêtement qui recouvre à moitié Gabriel pour lui retirer délicatement. Ses lèvres quitte la bouche, pour trouver la mâchoire, le menton, la nuque puis l’épaule. Parfois, les dents mordillent un carré de peau. Depuis la clavicule, Marisa trouve les pectoraux, se perd à nouveau, revient sans cesse aux lippes. Son souffle se perd aussi, et finalement… « Maintenant ! »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Mer 7 Sep - 18:21
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Il caresse les cheveux de Marisa, aussi possessif et jaloux que si elle inclinait pour un autre que lui. Son souffle contenu, mal retenu, entre ses lèvres entrouvertes et captivées, Gabriel aime l'observer, la scruter et la dévisager pendant qu'elle joue à l'aimer en retour. Il se saoule en entrant dans cette bouche qui l'adore et il déchante amèrement à chaque abandon, bref et interminable, de sa sœur agenouillée. Elle est superbe, et maligne, et cruelle. Elle prend son temps, le martyrise, alors qu'il s'impatiente de la sentir longtemps, infiniment. Aucun contact n'est assez bon et toute l'absence qu'il leur a infligé se retourne aussitôt contre lui. Il a mal dans tout le bien qu'elle lui fait. Il grogne avec envie en songeant à tout le bien qu'ils se feront. Bientôt, Marisa lit ses pensées parce qu'ils boivent à la même frénésie et qu'il leur faut se battre ensemble dans le ventre. A ses ordres, Gabriel lui attrape la nuque et la serre contre lui. Maintenant qu'elle l'a dépouillé de son arme et que leurs peaux se touchent, se frottent et s'exaspèrent, il voit nettement tous les détails de son désir. Un carreau planté entre de si jolis yeux, c'est la pensée qui flotte sous le front du roi fantoche de Stonebriar. Elle serait belle, Marisa ; elle le serait encore ; elle le serait toujours ; une longue trainée de sang pour sinuer le long de son nez, au coin de la bouche, sur la mâchoire et s'exploser, en perles rouges et sombres, sur sa poitrine. Il empoigne un sein et mord la lippe. Il mord dans la chair et il empoigne ses cheveux. Les billes rivées à sa sœur, Gabriel la renverse brutalement sur le lit, qui craque et couine sous le poids des carcasses mêlées. Ils n'y sont pas tout à fait vautrés qu'il pousse dans les reins de Marisa, le râle inépuisable de celui qui enfonce les portes du Paradis.
La sueur roule depuis son front, pourlèche ses tempes et meurent sur le matelas humide, humide d'eux deux. S'il était plus conscient de lui, il se répugnerait certainement, de ces dernières heures, de ces derniers jours. Or, il est épuisé, desséché par l'effort et l'alcool. Son cœur est lent, son corps vaincu, et flotte, dans son esprit, une sorte de rempart qu'aucune chose ordinaire ne peut franchir. La chaleur de Marisa recoupe vaguement la sienne et il sent ses phalanges à portée des siennes. Il est plein d'elle, littéralement. Gabriel peut la sentir, où qu'il regarde de lui-même. Cet état de grâce lui fait croire qu'il est un et entier, qu'elle est en lui aussi certainement qu'il était en elle. C'est physique. Invincible. Totalement artificiel, et absolument délicieux. « C'est d'accord. » La voix rauque, il s'entend distinctement, avec l'acuité de celui qui assiste, serein, à la décision d'un autre. Pourtant, Gabriel est en paix avec cette idée : par un processus qu'il lui est impossible de comprendre (bien que ce soit, il le sait, étroitement lié à l'amour sans limite qu'il éprouve pour sa sœur), sa colère s'est tarie. Parce qu'elle ne disparaît jamais, il devine déjà son bras assassin cherchant par tout moyen à le poinçonner et, néanmoins, il persiste. « Il peut vivre, il dit plus bas. » En roulant sur le côté, il caresse Marisa du regard et son ventre de l'index. « Mais je veux qu'il souffre. » Assez curieusement, il n'en ressent pas le besoin immédiat (et la perspective ne lui inspire aucun plaisir particulier). C'est cependant pour son lui du futur qu'il négocie sa reddition en de tels termes. Le Gabriel de demain s'en trouvera ménagé, qu'importe combien la haine aura regagné sur lui et combien il voudra tuer Arthur. « Je veux qu'il souffre assez pour réaliser qu'il préfèrerait être mort. » Sa main dégringole, dans l'aine, entre les cuisses, sous le genou. Il aime cette peau et se sent vibrer rien que de la parcourir encore.
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix. Dim 18 Sep - 13:19
Poste destiné à un public averti.
Gabriel pille ventre et chairs et Marisa s’offre à lui sans limite. Il est pressé, et avide, et impérieux, et impatient. Il l’aime entière et entièrement. Le souffle de Marisa se perd, erratique, se transforme en plaintes de plaisir. Les mains se cherchent, se perdent, éraflent la peau, tandis que les corps se répondent. Les Rosario s’aiment et se le prouvent de la meilleure façon qu’ils connaissent, rompant leur carcasse l’une contre l’autre, mêlant souffles et gémissements, les lippes contre les lippes, et toujours, les yeux dans les yeux. Marisa débusque au fond du regard de son frère la lueur qui brille uniquement pour elle, et elle s’amuse à l’attiser et la provoquer. Jusqu’à la libération des tensions des corps, de celle des esprits, et la sérénité qui les enveloppe après l’amour.
Du coin de l’œil, vautrée contre son frère, Marisa observe sa poitrine qui se lève, puis s’affaisse et s’enfonce à nouveau. Un fin sourire barre son visage tandis qu’elle s’amuse à mêler ses jambes à celles de son frère, quand lui agace l’épiderme du bout de ses doigts. Quand la voix rocailleuse de Gabriel brise cet instant, Marisa craint un temps le pire. Elle se tend brièvement, mais les mots de son frère l’apaisent aussitôt qu’ils sont prononcés. Il n’est plus en colère, du moins, pour l’instant. Il ne lui en veut plus. Elle garde le silence et roucoule presque aux caresses de Gabriel, roule contre lui, explore sa carcasse éreintée de légers baisers avant de se hisser sur lui et de s’avachir contre son torse. Marisa aime quand il continue de l’aimer de ses mains et tout ce qu’il provoque dans ses entrailles. L’âme, le regard et le sourire apaisés de la résolution de son frère, elle échange avec lui en silence, un moment. Ils n’ont pas besoin de mots pour se comprendre. « Il souffrira assez pour combler ce qu’il nous a pris. », elle murmure et promet. Au fond de ses yeux, luit en résonance avec les pulsions à venir de Gabriel, l’envie de vengeance qu’elle refoule depuis des jours. Arthur a pêché de bien des manières, en tentant de tuer Gabriel, il a aussi brisé les Rosario d’une manière qu’ils n’ont jamais eu à éprouver, puisque longtemps, ils se sont suffis et comblés et complétés parfaitement. « Il suppliera pour le pardon. Pour mourir, sûrement. Et nous serons assez bons pour lui refuser. » Les murmures de Marisa accompagnent ses mains qui s’attardent sur les épaules de Gabriel. Les Rosario s’échauffent l’esprit à imaginer ce nouveau jeu où le faux frère payera le prix de sa trahison, des blessures qu’il leur inflige et payera dans le même temps les intérêts. Et parce que les Rosario sont faits du même feu, ils sont d’accord sans forcément avoir à le signifier. « Je lui arracherais des explications. Et des cris, sûrement. Des supplications » Ils conviennent de ce qu’il faut faire au traitre, c’est implicite. Marisa ne refusera rien à Gabriel, elle ne mettra plus jamais personne entre lui et elle, et ne prendra plus jamais le risque de le perdre. Elle sait, maintenant, que son univers entier tient à la présence essentielle de son frère. Elle pourrait se remettre de la perte de celui qui lui ravi une partie de son cœur. Gabriel comblera ce vide béant, et elle pansera, elle aussi, cette plaie pour son frère. Ils se suffisent, et c’est cette pensée rassurante qui la conforte. Pourvu que, plus jamais, ils ne se déchirent ainsi. Pourvu que plus jamais, ils ne se blessent. Un moment, Marisa garde le silence et se love tout contre Gabriel, repose de tout son poids contre lui. La tête posée contre le poitrail, elle écoute les battements réguliers du cœur qui bat dans la cage d’os, et se laisser bercer par le mouvement du corps qui respire. Gabriel promène sûrement ses mains sur elle et renforce son sentiment de félicité et de sérénité. « C’est toi et moi, elle lui murmure. C’est à nouveau toi et moi, pour toujours. »
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Sujet: Re: Faites l'amour, pas la paix.
Faites l'amour, pas la paix.
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