through the valley | Malini

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Idyl Malini
« through the valley »

La journée se fait longue. Fatiguée à force de ne rien faire, Idyl s’appuie sur l’un des pilliers qui tient le toit de la tour de guet et se laisse glisser. Elle expire, pose ses deux mains sur son arme maintenant sur ses cuisses. Elle réalise que l’un de ses bras est rouge, l’autre, toujours blanc ; un coup de soleil fantastique en perspective. Elle laisse sa tête basculer en arrière, alors que ses mains décrochent sa gourde de son attache, et qu’elle prend quelque gorgée d’une eau qui n’est plus très fraîche. Une fois désaltérée, et alors qu’elle referme son bouchon, elle aperçoit du mouvement dans sa vision périphérique ; la relève arrive. Tant mieux. Elle arque un sourcil alors qu’elle réalise que ses collègues ne pas seuls ; impossible à cette distance de savoir qui les accompagne exactement. Elle a son idée, mais, rendue impatiente par cette journée passionnante, elle se lève, épaule son fusil pour jeter un coup d’oeil à sa lunette. Son binôme ne tique pas, se contente de jeter un coup d’oeil, comprend sa curiosité, et se remet à surveiller aux jumelles son côté. C’est bien Malini ; elle l’a croisé plus tôt dans la journée, elle voulait lui parler mais elles n’ont pas eu le temps à ce moment là. à croire qu’elle a hâte d’en parler ; ou qu’elle a été prise d’une envie de se dégourdir les jambes.

Enfin, qu’est-ce qu’elle en a foutre, de toute façon ? Elle hausse les épaules en réaction à son dialogue intérieur. Ayant vécu seule pendant longtemps, c’est une habitude qu’elle ne parvient pas à faire partir. Elle se dit qu’elle doit avoir l’air putain de malpolie à les braquer, comme ça, alors qu’ils arrivent ; même s’ils doivent se douter que c’est juste pour voir qui arrive. Mais dans le doute, elle entreprend de faire un petit tour d’horizon, épaulant occasionnellement son fusil pour profiter de son optique. C’est avec étonnement qu’elle constate que rien n’a changé, et que tout est aussi calme. Elle laisse tomber son arme, accrochée par une bandoulière, et passe celle-ci dans son dos en la resserrant pour une position plus confortable alors qu’elle commence à s’étirer.
Le temps de son petit manège et de ses étirements, ils sont arrivés ; et elle sent déjà la tour trembler alors qu’on monte à son échelle. Elle baille, puis, lui annonce alors que le deuxième arrive, et que son binôme entame sa descente :

“Rien à signaler ; amusez vous bien”

Puis, sans demander son reste, elle entame sa descente pour rejoindre son amie. Un barreau, puis un autre, puis elle en a marre, s’accroche aux barreaux verticaux et se laisse glisser jusqu’en bas. Elle touche le sol, se retourne, esquisse un mouvement de révérence assez pittoresque. Elle s’immobilise un instant, soupire, et annonce :

“Désolée. Le soleil, la chaleur, ça m’a tapé sur le crâne” elle regarde son bras, continue : “et pas que. M’enfin, ça va toi ?”

La question est sincère, sa réponse l’intéresse vraiment, et la preuve : elle se tait quelques instants, se gratte la tête, en profite pour repasser une mèche de cheveux derrière son oreille. Bref : elle fait un effort pour se contenir. Un an est passé, et pourtant, certaines de ses mauvaises habitudes persistent ; comme sa tendance à parler trop, et trop vite. Là, en l’occurence, elle écoute sagement la réponse de son interlocutrice, plisse légèrement des yeux, trahissant sa concentration, et se met à marcher en direction d’un endroit autre que la tour dans laquelle elle passe ses journées pour discuter un peu plus tranquillement. Son pas est lent, pour laisser volontairement de la distance entre elles et son binôme. Pas un méchant type ; juste un peu con, et lourd, estime-t-elle.

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Idyl Malini
« through the valley »

Sa décision est prise. C'est acté, c'est dans sa tête, c'est bon et on en parle plus.
On en parle plus ? La blague. Elle savait déjà la vague que ça allait créer, d'abord ici dans un soulèvement de rumeurs, d'étonnement, d'interrogatoires poussés et de colère (principalement celle d'Abel en fait). Sans compter ceux qui s'en frotteraient les doigts, prêts à récupérer sa place, ses privilèges et l'assurance de ne plus se faire taper sur les doigts par Wyatt parce qu'elle avait encore réussi à se barrer. Et puis il y aurait le même phénomène à Olympia, où les habitants idéalistes verraient son arrivée d'un mauvais oeil, pestant contre son caractère de merde, contre son rôle chez les cavaliers, contre sa relation avec Bass. Une vague de jugement allait s'abattre sur elle et ses vieux démons grognaient à l'idée, l'enjoignant de fuir tout simplement de disparaitre dans Pedernales où personne ne pourrait poser un regard suspicieux sur elle. Dehors, il n'y avait pas d'attentes, pas de contraintes, pas d'obligation de faire bonne figure, juste un chemin en solitaire.
Mais sa décision est prise. Elle part à Olympia. Définitivement.

À Olympia où Bass lui promettait que tout se passerait bien. Olympia, ce fameux pays du merveilleux, joli pays des oiseaux bleus... ou roses ou de toutes les couleurs tiens ! À l'écouter, tout était possible là-bas. Et tout comme Alice dans son propre univers de merveilles, Malini allait devoir se faire petite pour y entrer et se faire sa place. Mais c'était pour la bonne cause, c'était pour Ellie, cette boule d'innocence qui sans le savoir venait de faire une entrée tragique dans le monde en perdant père et mère; c'était pour Bass, pour l'aider et pour être à la hauteur de ses promesses maintenant qu'elle lui avait fatidiquement avoué qu'elle l'aimait; et c'était pour Meera, pour qui l'air au ranch devenait insupportable et qui rêvait d'une communauté comme à Millbrook. Et peut-être que c'était un peu pour elle, pour tourner la page finalement, pour entamer une vie et pas juste une survie...

La recruteuse se triture les doigts alors qu'elle approche de la tour de guet, flanqué de Charles qui bougonne à côté d'elle parce que c'est pas un temps à rester planté sous le cagnard. Il est tellement loin de ses préoccupations que Malini a cessé de l'écouter, concentrée sur la silhouette de son amie qui se profile. S'il y avait une personne qui saurait quoi dire, ou juste l'écouter – même si elle avait une plus grande propension à parler qu'à laisser parler – c'était Idyl. De toutes ses relations au ranch, il y avait quelque chose d'incroyablement singulier et de réconfortant qui s'était créé avec l'ancienne militaire. Dès leur rencontre, l'Indienne avait réussi à baisser sa garde, car elle était ainsi la jeune Hawkins, toujours une boutade au coin des lèvres et une remarque sincère et désarmante. Elle était sans filtre, elle était sincère, loin des jeux de manipulation qui changeaient les hommes. Et pour Malini, c'était une bouffée d'air.
Mais si Idyl lui annonçait que sa décision était une très mauvaise idée ? Au diable, elle était prise cette décision. C'était dans ses veines maintenant, pulsant à chaque battement, la même folie réfléchie qui l'avait poussée à quitter le Texas pour un pélerinage en Alabama. Ce voyage n'avait-il pas été fructueux ? Alors quel mal pouvait lui attendre maintenant ?

Sauf que mise face la jeune femme, Malini s'essoufle. Son assurance est balayée d'un coup. Sa vie lui glisse entre les doigts. "Je sais pas trop si ça va. J'ai un truc important à te dire." Et comme si Idyl lisait dans ses pensées, elle ralentit légèrement pour laisser s'éloigner les oreilles indiscrètes du garde devant elle. Lentement, elles prennent une autre direction. Pas question de retourner au campement où elles n'auraient jamais la tranquillité nécessaire à une telle discussion. Quand finalement le calme commence à les entourer suffisamment pour que la recruteuse se sente en confiance, les mots sortent, abrupts. "C'est la merde à Olympia. Enfin, pas autant qu'il y a quelques semaines, mais là Bass se retrouve avec la garde d'un nourrisson sur les bras et je peux pas l'aider autant que je voudrais parce qu'Abel a encore niqué les relations avec Olympia. Ils font tous les gros yeux aux cavaliers qui osent pointer le bout de leur nez et ils font tout pour que je reste le moins longtemps possible." Et plus elle énumère les arguments qui fondent sa thèse encore incomplète aux yeux d'Idyl, plus Malini gagne en confiance. Elle a ses raisons et elles sont bonnes, elles sont en béton et elle ne se laissera pas démonter. Jamais. "Mais il a besoin de mon aide. Et moi j'ai besoin de lui." Et les pièces s'emboitent lentement vers la conclusion qui ne tarde pas. "Idyl, je crois que je vais m'installer à Olympia. Je crois pas en fait, je vais le faire..."
Et toute la pression retombe, maintenant qu'elle n'est plus seule avec cette bombe entre les mains, maintenant qu'elle a trouvé le courage de le formuler à voix haute. "Tu es la première à qui je le dis..."

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Idyl Malini
« through the valley »

En voyant l’air grave de Malini, et en écoutant sa première réponse, Idyl comprit que quelque chose clochait. Une moue inquiète fit une apparition fugace sur son visage, mais elle ne tarda pas à se forcer de l’effacer, en attendant de voir ce qui la tracassait, en attendant de comprendre comment elle pourrait l’aider. Elle tourna donc la tête en marchant, plongea son regard dans le sien, esquissa un léger sourire en lui faisant un signe du menton pour lui indiquer qu’elle était à l’écoute.

Le sujet était apparemment sensible, puisque elles ne retournèrent pas directement au campement, sortirent des sentiers battus pour finalement faire quelques pas dans la lisière du bois. La végétation n’y était pas encore très épaisse, mais le dôme végétal que formait la cime des arbres avait préservé un peu de fraîcheur, ponctuellement troublée par une brise d’air chaud qui parvenait à s’y infiltrer. Elle était pressée de dire ce qu’elle avait sur le cœur, puisque elles ne prirent même pas la peine de s’installer avant qu’elle ne fasse son annonce. Elle lui annonça donc ce qu’elle avait sur le cœur, et, durant son discours, la mine d’Idyl se décomposa peu à peu. Quand son interlocutrice se tut, elle essaya de se ressaisir un peu, de cacher sa déception et se força un sourire qui devint naturel alors qu’elle apprit qu’elle était première dans la confidence.

Elle prit une grande inspiration, sans répondre de suite autrement que par son sourire. Elle était visiblement en train de réfléchir, ses yeux s’agitant, parcourant les environs, ne faisant que les entrevoir au final. La première chose qu’elle avait ressentit, ce fut un frisson dans le dos, causé par l’impression d’être trahie. Parce que Malini l’abandonnait plus ou moins, elle quittait le bateau dans lequel elle l’avait embarqué.
Mais au final, cette bouffée d’air frais la calma, et lui clarifia les esprits sans pour autant le faire complètement. Elle croisa le regard de la recruteuse, et lui annonça d’un ton d’abord peu assuré : “Je… je sais pas trop quoi te dire” elle se tut un instant, ouvrit la bouche, se ravisa. Elle semblait avoir fait son choix, aussi, elle décida simplement de rajouter : “Je vais pas dire que je te comprends, parce que… l’instinct maternel, l’amour tout court, c’est pas vraiment ma tasse de thé. Mais… Je suis avec toi” elle se tut. Elle déglutit, hésita un instant, mais décida finalement de lâcher : “J’espère que t’as amené de quoi fêter ça, et que c’est pour ça qu’on se retrouve à l’abri des regards” Cette tentative d'humour, elle venait de la faire pour se détendre elle plus que pour détendre son interlocutrice. Clairement un peu déstabilisée, elle agita vivement sa tête à la recherche d’un endroit où se poser afin d’être un peu plus à l’aise. Après une très courte hésitation, elle opta pour le tronc d’un arbre coupé.

Une fois assise, elle posa ses coudes sur ses genoux, gardant la tête baissée quelques instants. Elle essayait de comprendre ce qui se passait dans sa tête. Elle était envahie par un tourbillon d’émotions qu’elle n’avait plus ressenti depuis longtemps ; de l’enthousiasme pour elle et donc une certaine forme d’empathie, des notes de tristesse, une légère amertume, une nostalgie précoce, et un large panel d’autres émotions qu’elle ne parvint même pas à identifier. Qu’elle renonça à essayer d’identifier. Elle releva son menton et chercha le regard de son amie, en prêtant attention à ce qu’elle avait potentiellement à rajouter.

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Idyl Malini
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C'était tellement lourd à porter que la recruteuse se demandait comment elle avait pu marcher jusque-là avec cette confession qui pesait sur ses épaules. Et la portée de ses mots avaient eu un effet bien désarmant sur Idyl, celle qui pourtant semble d'ordinaire tout prendre à la légère. Malini pouvait clairement voir l'ancienne militaire ruminer ses pensées à la recherche des bonnes paroles au lieu de laisser son flot de paroles couler. La recruteuse aussi a l'esprit bien occupé, scindé entre le soulagement de pouvoir partager ça avec une personne qu'elle considère comme une amie et l'appréhension à l'idée que cette même amie puisse mal réagir. Elle se doutait bien qu'il n'y aurait pas d'éruption de joie ou de quoi que ce soit du genre, mais elle espérait au moins ne pas avoir à faire face au sentiment de trahison dont se parent les survivants par les temps qui courent. L'histoire compliquée entre Olympia et le ranch n'arrangeait pas les choses, elle allait quitter des gens qui la regarderaient de travers pour en rejoindre d'autres qui la scruteraient avec méfiance. Bass avait-il seulement conscience du sacrifice que cela représentait ?

Idyl parvient finalement à lui arracher un maigre sourire. Elle n'avait pas l'air de le prendre mal et de toute façon, elle savait bien qu'une fois que Malini avait décidé quelque chose, aucune force de la nature ne pouvait l'en dissuader. Elle partait, c'était décidé. « On peut pas vraiment fêter ça tout de suite, il faut que je l'annonce à Abel... » Y avait-il seulement une surprise quant à l'issue de cet entretien qui s'annonçait ? Le leader du ranch n'allait certainement pas considérer la courtoisie de le prévenir comme une circonstance atténuante. « S'il me tue pas, alors on pourra fêter ça si tu veux. » Oh bien sûr, il n'allait pas la tuer, même s'il aurait sûrement une poussée de rage qui lui donnerait envie d'entourer le cou de la jeune femme de ses mains jusqu'à lui craquer la nuque... Mais il ne s'y aventurerait pas avec Silas dans leur sillage, Caden qui ne l'accepterait certainement et Bass qui viendrait lui-même foutre le feu à sa baraque. Mais la mort n'était pas ce que la recruteuse craignait : Abel était capable de bien pire et c'est ce pire qui balançait au-dessus de sa tête.
La recruteuse imite son amie et s'installe à même le sol sur un carré d'herbes, le dos appuyé contre un tronc d'arbre et le regard dans le vide. Elle se rappelait précisément tous les moments où sa vie lui avait échappé des mains et si ce n'était pas encore forcément le cas, la situation allait bientôt être hors de contrôle. Elle était sur le point d'actionner un mécanisme dont les rouages enfonçaient un à un le clou dans son sort. « Moi à Olympia... Si c'est pas le début d'une mauvaise blague ça. » Elle finit par accrocher le regard d'Idyl, à la recherche de soutien, de quelqu'un qui la connaît suffisamment pour savoir que la recruteuse et les idéaux pacifiques de la ville n'étaient absolument pas compatibles.
« J'ai pas vraiment envie de partir tu sais... Ça me fait pas plaisir. Mais Bass a besoin de moi et ma sœur ne pourra supporter Abel deux minutes de plus. Mais je compte pas abandonner mes obligations ici. J'aimerais pouvoir revenir de temps en temps, pour voir Silas, m'occuper de mes recruteurs... Tu crois qu'il en dirait quoi ? »

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Idyl Malini
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Elle garda sa position, et esquissa un sourire pensif en écoutant la remarque de l’autre. Elle n’était même pas déçue de ne pas avoir l’occasion de boire un coup, et de se vider la tête. Mais, elle n’en avait pas envie ; même si elle en avait besoin. Elle posa son regard sur Malini, cherchant le sien, mais impossible de le trouver pour l’instant. Le vide l’omnibulait visiblement, et, l’ancienne militaire comprenait pour une fois. L’autre devait penser qu’elle arrivait à un tournant de sa vie, qu’elle allait peut-être plonger dans l’inconnu. ça allait peut-être le cas. Mais, Idyl ne s’en faisait pas pour sa camarade. C’était une battante. Elle allait s’en sortir. Elle esquissa un autre sourire sincère qui en dévoila ses dents, au moment où l’autre reprenait la parole et croisait son regard.

Elle prit une grande inspiration suite au discours de l’autre. à ce moment là, elle était contente de n’avoir personne. Pas d’obligation qui risquait de la menacer, de mettre en danger sa situation actuelle. Mais cette satisfaction se transforma en réalisation. Elle désespérait au ranch, s’ennuyait même à cause de cette routine. Et cette routine, elle se l’était imposée par sa solutide. Bien sûr que sa vie allait être terriblement ennuyante si elle n’avait personne pour la pimenter un peu. Enfin, elle n’avait pas personne. Elle avait passé des bons moments, et quelques aventures avec Malini. Mais elle partait.

Ne voulant pas cependant la bloquer encore plus, parce qu’elle pensait que sa décision était la bonne, et qu’elle devait aller à Olympia, elle n’en fit pas part à son amie. Même si elle allait regretter, quand elle se retrouvera seule. Elle secoua la tête de manière négative en regardant le sol pour réfléchir, puis, recroisa les prunelles de la brune pour lui annoncer : “Il risque de pas dire grand chose, s’énerver beaucoup. Casse toi, Malini. Ne lui en parle pas, ça va mal tourner” elle en savait assez sur Abel pour être plus ou moins convaincue de ce qu’elle venait de lui annoncer. Mais, elle jugea bon de rajouter : “M’enfin, si tu veux le faire, fais moi signe. J’tâcherais d’être dans le coin, et si ce con essaie de te flinguer, j’te garantis que je lui ferais un deuxième trou du cul” elle esquissa un sourire, mitigeant la sériosité de ses propos. Elle même ne savait pas si elle rigolait, ou était sérieuse. Elle l’était, en tout cas, pour la partie où elle serait là. Idyl n’avait qu’une seule parole.

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Idyl Malini
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Partir juste comme ça ? Disparaître sans explications. Ça lui prendrait plusieurs jours sûrement avant de réaliser qu'elle était vraiment partie, il organiserait alors des battues pour la retrouver jusqu'à ce que la rumeur l'atteigne et qu'il ne retrouve sa recruteuse à Olympia. Et alors quoi ? Pas de doute qu'il viendrait la chercher par la peau des fesses dans la ville pour lui demander des explications. L'idée de ne pas le confronter était certes séduisante, mais elle ne faisait que repousser l'échéance. Il finirait toujours par lui retomber dessus, parce qu'elle ne pouvait pas tourner le dos impunément à l'endroit qui l'avait accueilli pendant quatre ans. « C'est tentant, mais tu sais bien que c'est pas possible. Ça va mal tourner si je ne lui en parle pas non plus. » Avec Abel de toute façon, c'est damned if you do, damned if you don't.
Elle éclate franchement de rire à la proposition d'Idyl, bien consciente qu'il n'y a pas que de l'humour dans ses propos. Bien sûr, la jeune brune ne tirerait pas sur le leader du ranch, mais elle pourrait au moins apporter son soutien moral. « Ouais, comme ça je serai pas toute seule à être mise à la porte. »

Les yeux de la recruteuse balayèrent le paysage, les champs à perte de vue, la vallée au delà, les tours de guet qui offraient une certaine protection et puis le campement et ses cabanes, caravanes et tentes diverses qui faisaient remonter à la surface des souvenirs de camping. Elle avait consacré quatre ans de sa vie à cet endroit dont elle connaissait les moindres recoins à force d'avoir poussé à bout le système de sécurité juste pour une balade nocturne. Dans une vie de survivant, quatre ans c'est une éternité. Ici, elle avait trouvé une maison, un toit, de la compagnie et même une famille, dysfonctionnelle certes, mais une famille. Même retourner à Coosada et vivre avec sa sœur à Millbrook n'avait pas paru aussi familier qu'être sous le soleil terrassant du Texas.
C'est la première fois depuis longtemps, mais Malini a peur. C'est tapi dans son ventre, une peur de gamine un peu, le genre de peur qu'on a quand on entre dans un nouveau collège après avoir déménagé et qu'on n'a aucun ami. Il n'y avait personne à Olympia qui puisse lui inspirer la même complicité qu'avec Idyl, Fran ou encore Alexandra. Avec qui irait-elle en expédition ? Avec qui elle ferait tourner les gardes en bourrique dans une partie de cartes ? Bass avait déjà toute une vie là-bas, et la recruteuse se sentait mal de venir lui prendre autant de temps.

« Tu viendras me voir hein ? C'est pas si mal là-bas. Bon c'est sûr que c'est plus Desperate Housewives que Il était une fois dans l'ouest mais ça a ses bons côtés. » Du moins, c'est ce qu'elle se dit pour se convaincre, pour ne pas avoir l'impression d'y aller à reculons. « Mais je vais pas passer dix ans sur le sujet. Qu'est-ce qui se passe dans ta vie en ce moment ? J'ai pas tout suivi dernièrement. »

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Idyl Malini
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ça va mal tourner dans tous les cas, ma pauvre, avait envie de lui dire Idyl. M’enfin, l’autre connaissait probablement mieux Abel qu’elle. Elle savait dans quoi elle mettait les pieds. Un sacré merdier. Elle esquissa un sourire un peu sibylin à la suite de sa réponse. Mettre à la porte, belle blague. Elle allait probablement être mise six pieds sous terre si elle osait toucher à un cheveu du chef Rhodes. Elle poussa un léger soupir, contente de lui avoir tapé dessus au moins une fois dans sa vie pour finalement y survivre. Elle suivit le regard de Malini un instant, avant de finalement revenir sur elle. Elle la dévisagea, essayant de faire preuve d’empathie. Quelque chose clochait clairement, l’ancienne pilote trouvait ou ne retrouvait pas quelque chose qu’elle avait l’habitude de voir ou de ne pas voir dans la recruteuse. Et ça la perturbait, plus que ce qu’elle ne pensait. Elle se gratta donc la tête, un peu perplexe, avant de se mettre à nouveau à suivre son regard et à s’émerveiller un instant de la beauté du monde.

Puis, sa question fut un déclic. Malini était en elle détresse ? Peut-être. Idyl croisa ses bras sur son ventre, comme une gamine dont l’idole venait de révéler une faiblesse. Puis, le trait d’humour de l’autre lui donna un regain de courage. La garde ne répondant pas directement, la belle sembla vouloir changer de sujet. Mais non. Elle allait pour une fois affronter ses émotions. La petite brune se leva, pour se rapprocher de l’autre. Elle la regarda droit dans les yeux, lui annonça : “Bien sûr” elle eut une hésitation physiquement visible, puis finalement se lança dans une brève étreinte qui trahissait son attachement et une part de sa tristesse de voir son amie s’en aller. Elle s’écarta rapidement, pour lui annoncer : “J’vais pas manquer d’aller voir la seule personne que j’considère vraiment comme une amie depuis… six ans ?” elle lui afficha un triste sourire, réalisant qu’elle ne risquait pas de tenir sa parole avant un certain temps vu les relations houleuses entre les deux camps, avant de finalement se laisser retomber sur les fesses et de s’adosser au même arbre que l’autre.

Elle leva son regard vers l’horizon, un peu émue, le temps de se ressaisir, avant répondre à son autre question : “Il se passe rien, ma belle. Je m’ennuie, mes collègues les brisent toujours autant que Wyatt me déteste” c’était un résumé concis, mais un plutôt bon résumé. Une triste constation, face à laquelle elle commençait à vouloir réagir. Même, elle allait réagir. Il fallait qu’elle voit avec Wyatt pour changer de poste. Peu désireuse de continuer la conversation à ce sujet, elle relança sur l’autre : “Et toi, à part ça ? Et ton viking ? Il doit être content, non ?” pour le nourrisson à sa garde, plus Malini à dos. Puisse la tranquilité du pauvre reposer en paix.

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Idyl Malini
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Une amie. Malini savait que ces mots n'étaient certainement pas lancés à la légère. Dans cet univers à la dérive, les amitiés sincères se faisaient très rares, surtout quand on avait erré en solitaire aussi longtemps qu'Idyl l'avait fait. C'était une histoire qui s'était construite dans les petits gestes, dans les morceaux d'histoires qui s'empilent jusqu'à compléter le puzzle. Personne n'aurait parié sur Idyl pour coller un sourire sur le visage de la recruteuse, pourtant dès leur rencontre, il y avait eu une étrange alchimie. Dans son chemin de solitude, l'Indienne n'avait pas pu compter sur beaucoup de survivants. Les groupes s'étaient succédé, les visages aussi, les personnes qui ont pu lui paraître sympathique autrefois sont autant de fantômes fanés dans sa mémoire. Le risque que ça arrive à ces quelques personnes qui lui sont chères est maigre, mais la recruteuse est criblée de doutes qui laissent des traces fumantes dans son esprit. Est-ce que ces rares amis cavaliers vont disparaître de sa vie progressivement jusqu'à être un vague flashback ? Idyl, Fran, Caden, Alexandra, Wyatt... Miller son recruteur prêt à la succéder, Aileen, à qui elle avait promis de l'aider à retrouver Erin... Qu'adviendrait-il d'eux une fois qu'elle serait partie ?
En fait, ce n'est pas tant les oublier qui inquiète la brune, mais plutôt l'idée qu'eux puissent finalement se passer d'elle facilement. Et c'est encore plus troublant. Aussi, savoir qu'Idyl ne compte pas la laisser tomber est d'un réconfort puissant, tout comme cette étreinte éphémère mais dont la symbolique flotte encore longtemps dans l'air une fois les deux femmes séparées. On ne s'épanche pas beaucoup en affection au ranch, et chaque geste compte.

Malini secoue la tête en écoutant la réponse évasive de son amie à sa question et à en juger par la hâte qu'elle avait de changer de sujet, l'Indienne se dit qu'il y a plus qu'il n'y paraît derrière cette histoire. Elle s'abstient cependant d'enfoncer le clou. Pour l'instant. « Bass... Bass est très heureux oui. C'est pas la première fois qu'il abordait la possibilité d'un ménage. On s'attendait pas à ce que ce soit dans ces circonstances, avec un bébé dans les bras. Mais il s'en sort bien ! » Oh il fallait le voir en pleine action, sa silhouette massive occupée à cajoler le nourrisson qui a l'air tellement fragile entre ses mains. « Moi... Je sais pas. Je sais pas ce que je fais, j'espère juste que ça va pas m'exploser à la figure. » Ce qui est précisément ce qui risque d'arriver pourtant.
Et soudainement, elle se relève, chasse tout d'un geste de la main en s'exclamant. « Eh tu sais quoi ? Allons faire en sorte que quelque chose se passe ! Qu'est-ce que tu dis d'une expédition ? Une dernière aventure avant que je sois enfermée dans la grande ville un bout de temps ? » Briser les interdits une dernière fois, se lancer dans un dernier frisson d'inconscience au nez et à la barbe de tous, et peut-être apprendre encore des quelques précieuses astuces militaires d'Idyl qui avait déjà enseigné tellement de choses à la recruteur. Juste une dernière aventure avant de raccrocher pour de bon, comme un fix. « T'as quoi de prévu ce soir ? »

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Idyl Malini
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Bass, le viking de Malini. Elle l’avait aperçu, une fois. Elle s’en tirait relativement bien, même si le barbu lui avait semblé négligé. Ce qui rendait le contraste entre les deux, trouvait la garde. Elle esquissa un sourire en imaginant le grand gaillard avec le gosse dans les pattes. Une scène probablement amusante. Et touchante, même pour Idyl. C’était un truc qu’on pouvait pas leur enlever, aux bébés. M’enfin, l’ancienne pilote se contentait de ça. Elle pensait vraiment qu’au bout de la troisième fois d’être réveillée en pleine nuit par un potentiel gosse, elle le balancerait probablement à la poubelle. Elle n’avait jamais pensé avoir un instinct maternel, même si c’était quand le même le cas dans une certaine mesure. Faire un gamin, ça ne lui venait même pas à l’esprit, déjà avant tout ça, encore plus maintenant. M’enfin, s’ils étaient heureux avec, tant mieux.

Idyl regarda, un peu navrée, son amie quand elle lui fit par de ses doutes. Oui, ça allait lui péter à la gueule ; c’était plus qu’une évidence. Abel était un connard, et il n’allait pas aimer l’idée qu’une de responsable se casse comme ça. Les choses allaient mal tourner, restait à savoir à quel point. Elle essaya de trouver les mots, envisagea de parler. Mais à part agiter vaguement ses lèvres dans une étrange série de moues, elle ne produisit pas grand chose. Elle fronça un peu les sourcils, étonnée, quand elle la vit se lever alors qu’elle essayait toujours de jouer son rôle, écouta la proposition de la belle brune. Elle ne put s’empêcher de sourire face à l’autre. Elle se leva, secoua la tête, écarta légèrement les bras avant de répondre : “Ce soir, j’prévoyais de me laisser mourir d’ennui. Mais clairement, ton programme est plus sympa” elle marqua un temps d’arrêt, hésita à se rétracter. Elle voulait changer de poste ; elle devait être irréprochable pour ça. Mais, Malini était sa seule amie, elle allait partir. Elle allait regretter encore plus de ne pas accepter son offre. Alors, soit. Quitte à retarder ses projets ; elle allait profiter, et puis c’est tout.

Elle s’humecta vaguement les lèvres, se mordit la joue, et regarda l’autre en levant les bras et en lui annonçant : “Qu’est-ce qu’on attend ? Allons chercher les poneys, et on s’casse ?” elle avait déjà ses armes. Elles devraient peut être passer prendre des provisions aussi, mais sur le coup, Idyl n’y pensa même pas. Elles n’allaient pas pique-niquer. Elles allaient être libre, avant de devoir retrouver leurs cages respectives ; un enclos boueux pour l’une, une cage dorée pour l’autre.