parenting drama (aria)

Aaren n’était pas de bonne humeur. Le temps était mauvais et il pleuvait des cordes depuis le début de la journée. Et oui, un temps de chien met de mauvaise humeur même en des temps chaotiques. Il avait mal dormi, pris d’insomnies, ce qui ne lui arrivait jamais. Il était tellement crevé tous les jours qu’il s’endormait en général assez vite malgré le stress permanent. Au début de l’influenza, ce n’était pas toujours facile. Il était pris de quelques cauchemars, revoyait le visage de sa fille décédée Alice. Se réveillait parfois en sursaut, croyant avoir entendu une menace pas loin. Mais depuis qu’il avait intégré la Mine, et ensuite la Carrière, les choses allaient mieux. C’était une habitude. Son monde. Il pensait toujours à Alice, il avait une photo de lui et ses trois enfants en permanence sur lui. Mais désormais c’était des souvenirs heureux et cela n’était plus des terreurs nocturnes où il la revoyait mourir encore et encore. C’était d’ailleurs son autre fille qui le mettait en pétards aujourd’hui. Arianna. Tout le contraire de sa feu soeur aînée : une boule de feu et de furie, débrouillarde mais impulsive comme pas possible. Parfois, il se disait que si sa soeur aînée Alice était encore là, elle aurait pu apprendre d’elle et ne pas devenir aussi excessive qu’elle pouvait aujourd’hui l’être. Mais Alice n’était pas là, et ne le serait jamais. Il avait donc appris à ranger cette petite pensée paternelle dans un coin de sa tête. Visiblement, Arianna n’en faisait qu’à sa tête et après avoir fait le tour du camp comme ça lui prend parfois pour se renseigner sur les conditions de chacun, elle était allée faire un tour au poste de garde. Plusieurs responsables s’y étaient réunis afin de discuter de diverses opérations stratégiques mais aussi de clans de survivants éparpillés repérés lors d’explorations diverses et variées. Et forcément, comme il y avait des responsables, elle avait décidé de s’en mêler et intervenant dans la réunion, demanda à être mise au courant des opérations. Ce que ses responsables, dotés de bon sens, refusèrent. Elle commença alors à taper une crise, tentant de s’emparer des plans sur papier et un pauvre messager vint chercher Aaren à la rescousse. Elle avait beau être la Princesse de la Carrière comme Aaren l’avait déjà entendu, cela ne lui donnait pas tous les droits. Le pas vif et déterminé, il marchait les poings serrés en direction du poste de garde. Lorsqu’il arriva sur les lieux, Arianna était écarté d’un autre homme visiblement passament agacé et le montrait du doigt en faisant monter sa voix. Aaren ne chercha même pas à savoir ce qu’il se disait. Il attrapa sa fille par le tour de taille avant de la lever en l’air comme un gros sac et faire quelques pas en arrière pour l’écarter du groupe. Puis il la reposa à terre et lâcha sa prise avant de lui mettre ses deux mains sur ses épaules pour ne pas qu’elle s’en aille et surtout pour qu’elle le regarde dans les yeux : « Tu peux me dire ce qui se passe ? C’est quoi ton problème ? Je t’ai nommé chef de zone à ce que je sache ? Ou responsable de quoi que ce soit ? »  Il ne lui avait pas encore donné de responsabilités car elle n’était évidemment pas prête pour ce genre de poste et de travail. Et puis son attitude à ce moment précis ne l’aidait certainement pas à changer d’avis. Il n’attendit pas non plus sa réponse pour enchaîner. « Non je ne t’ai rien nommé donc pourquoi tu te mêles de ce qui te regarde pas ? Ces gens savent ce qui font et tu n’as pas besoin d’aller fouiner dans leurs plans. Tu leur fais perdre leur temps et le mien. » C’est pas comme si Aaren devait gérer tout le cirque de la Carrière et les conflits permanents qui y traînent. Non, il devait aussi s’occuper de sa fille majeure qui venait emmerder ses responsables. Il enchaîna alors sur un grand classique : « Tu sais un jour je serai pas là pour te sortir de tes bêtises, tu dois apprendre où est ta place. » Et oui, le traditionnel “quand j’serai plus là tu f’ras comment” que tous les enfants ont toujours entendu un jour de leur parents. Il se retenait aussi de dire des mots comme connerie et merde, parce que même si Aaren était parfois sauvage, avec ses enfants, il tentait de tenir sa langue. Il était à présent prêt à écouter ce que sa fille avait à dire pour sa défense, même s’il savait déjà d’avance qu’elle avait tort et lui raison. Cerveau de parents 101.

Personne ne l'avait prévenu, à vrai dire, personne ne l'a prévient jamais de ce genre de choses. Il y avait une réunion entre responsables et évidemment, elle n'était pas la bienvenue, comme à chaque fois qu'elle tente d'entrer dans le cercle. Elle a beau jouer sur le fait qu'elle est la fille de Ren, ses caprices ne fonctionnent pas. Oui bon, des fois, ça fonctionne, elle joue de son charme sur certains pour pouvoir avoir ce qu'elle souhaite, mais à tous les coups, elle doit offrir un truc en retour, bouteille d'alcool ou quelque chose dans le style. Mais Aria, elle ne se laisse jamais abattre, c'est de famille, elle est têtue et elle ne compte pas rester dans un coin les bras croisés. Il fallait s'y attendre, non ? Ce n'est pas la première fois qu'elle tente de tout savoir et de faire sa fouineuse. Il y a des fois où elle se la joue plus discrète, mais étrangement, aujourd'hui, elle était remontée et quand ça lui arrive, il vaut mieux se pousser de son chemin, plutôt que d'affronter la tempête. Arianna s'était précipitée dans le tas, poussant les personnes alentour d'une table où se trouvait une fameuse carte et des plans. « Bordel, j'ai le droit de savoir aussi ! » Lâche Ari, alors que l'on tente de lui arracher le bout de papier d'entre les mains. Pourquoi mettre les gens dans l'ignorance, tout le monde est concerné par l'apocalypse et les petites guéguerres qui se déroulent entre les clans. Apparemment, montrer ses dents, ça ne fonctionne pas tout le temps et on n'avait pas mis de long pour faire appel à son paternel. Il pouvait venir, elle n'allait pas bouger de là sans connaître ce qui se passe. Ouais, ça, c'était avant que l'on attrape de force et que l'on la traîne loin du cercle. Elle a tellement envie de cracher son venin sur tout le monde, c'est peut-être le fait qu'elle est dans sa période ? Ou c'est juste une excuse pour agir ainsi ? C'est sûrement ça, une excuse. Elle s'était débattue quand son père l'avait attrapé et elle injuriait même. Son langage, va falloir qu'elle l'améliore un peu, mais pour le moment, elle n'est pas dans une situation où elle est prête à se calmer. Elle se recule de son père en fronçant les sourcils, lorsqu'il la dépose enfin au sol. « Eh bien, il serait peut-être temps ! » Dit-elle en levant les bras. Elle aimerait qu'il lui fasse plus confiance, mais non, au lieu de cela, elle doit jouer les espionnes, pas très douée, il faut l'admettre, mais ça le rend un peu folle d'être à part. Et même ça, elle n'a pas le droit, c'est juste un boulot qu'elle se donne, une mission. « Je ne veux pas rester là, les bras croisés, à attendre que ça se passe. Je veux être dans la partie ! Ça fait quelques années déjà, merde, tu pourrais au moins me faire confiance. » Elle avait besoin de tenir sa langue, mais c'était impossible, impossible de rester calme et patiente, ce n'est pas dans ses gênes. Elle lève les yeux et elle finit par croiser ses bras. « Premièrement, je te préviens, si tu m'abandonnes, je donne Archer comme pâtée pour chiens aux rôdeurs. » Ça, c'était faux, son frère a beau être un emmerdeur, elle ne ferait jamais de mal à sa famille, elle a besoin d'eux dans sa vie et l'idée de perdre l'un d'eux, lui fout la trouille. Elle a déjà perdu Alice, et elle ne souhaite pas que cela arrive à son père, ni même Archer. « Deuxièmement, c'est parce que je suis une fille que tu ne me fais pas confiance ? Ce sont eux ? Ils ne veulent pas de moi ? » Il devrait savoir, elle ne va pas abandonner aussi facilement. Elle le regarde, soupirant une nouvelle fois. « Être la princesse de la carrière ne me suffit pas, surtout si on ne fait pas ce que je dis. » Dit-elle, boudant presque son paternel. Elle a besoin d’être dans l’action.

Être père et roi de la Carrière n’était pas toujours facile. Pas facile de gérer les écarts de sa fille, Princesse de la Carrière, et en même temps de continuer à avoir le respect de ses compères. Parfois, il craignait qu’elle ne nuise à sa réputation et à son autorité. Il ne souhaitait pas se l’avouer, effrayé à l’idée que son égo soit plus important que sa propre fille, mais cette dernière ne semblait pas comprendre tous les enjeux de sa crise de nerfs. Il allait devoir s’expliquer avec les différents responsables, passament agacés que les rares fois où ils ont tous pris du temps dans leur emploi du temps chargé pour se retrouver, ils soient interrompus par une gamine capricieuse. Ses responsables perdaient un temps précieux, un temps qui à terme pourrait exposer la Carrière au danger. Se rendait-elle compte qu’elle pouvait potentiellement mettre la Carrière en danger en empêchant les responsables d’effectuer leur réunion. Et qui plus est en causant une scène en public, ce qui pouvait laisser penser aux responsables comme aux autres passants témoins qu’Aaren ne pouvait pas gérer sa propre fille ? Aaren de façon générale essayait d’être un bon père et un bon dirigeant, mais quand sa fille pétait un câble toute seule sans prendre la peine de lui parler avant, c’était compliqué pour lui de pouvoir arranger son cas. Elle lui menait souvent la vie dure et Aaren ne savait pas si l’absence de responsabilités qu’il lui donnait était la seule raison. Elle continuait donc à lui faire la moue et elle ne se fit pas prier lorsqu’il lui redonna la parole. « Comment veux-tu que je te donne des responsabilités quand tu agis comme ça, impulsivement ? » Il leva les mains, comme si ses bras cherchaient une réponse en brassant de l’air avant de les poser sur ses hanches. Il montra ensuite le groupe de responsables à l’écart qui toisaient Aria du regard et discutaient entre eux à voix basse. « Comment veux-tu que les autres te prennent au sérieux quand tu sembles prête à te jeter dessus et à les mordre jusqu’au sang pour un simple bout de papier avec des trucs écrits dessus ? Et arrête de dire des grossièretés. » Si ces plans étaient certes importants, ils n’étaient pas des vivres ou des produits de première nécessité, en venir aux mains était ridicule et aggravait son acte. Et oui, si lui était le premier à jurer au quotidien, il ne supportait pas d’entendre des gros mots dans la bouche de ses progénitures. Il rigola lorsqu’elle menaça de faire bouffer Archer aux chiens. « On sait très bien que c’est faux et puis si tu faisais ça, c’est plutôt toi que les chiens mangeraient, ils obéissent davantage à Archer qu’à toi je te rappelle. » Aaren appréciait les chiens du chenil mais il est vrai que la plupart du temps lorsqu’ils partaient en crise, Archer était le seul capable de le calmer. Alors si Aria pensait pouvoir les dompter pour leur faire bouffer leur propre maître, Aaren aurait été presque ravi de la voir essayer tant le spectacle risquerait d’être comique. Certes, peut-être que si elle avait été un garçon, les propos auraient été différents. De façon générale, Archer semblait plus apprécié par ses supérieurs, et peut-être était-ce dû au poids des préjugés. « Je pense que si tu t’appelles toi-même la Princesse de la Carrière, tu peux naturellement voir le problème que ça pose à certains individus. Regarde les responsables, est-ce que je les appelle des seigneurs ? Est-ce qu’ils s’appellent entre eux ducs et duchesses ? Tu n’es pas assez humble Aria, fais tes preuves, arrête tes crises et montre-moi que je peux compter sur toi. » Il attendait aussi qu’elle se comporte comme une adulte, et ce n’était certainement pas le cas en ce moment même.