Hu cannabis ! - Caden

Balthazar soupire, passant sa main dans ses cheveux, remettant ses lunettes en place sur son nez. Le soleil tape horriblement sur sa peau, il est déjà en sueur. On n’est pas censé être en automne ? Les saisons ne sont plus ce qu’elles sont, toujours détraquées. Il est bien trop vieux pour ces conneries, soufflant brusquement, s’asseyant sur la barrière. Pâquerette ne veut pas de lui, très bien, il va pas lui courir après. Ça fait déjà quinze minutes qu’ils jouent à cache-cache dans le pré, ça doit bien le faire marrer l’appaloosa. En plus, c’est ridicule comme nom, Pâquerette. Balthazar soupire, observant l’animal qui s’est remis à paître tranquillement à l’autre bout de l’enclos. Ça lui manque, pouvoir manger du cheval. Dans un soupire, il croque dans la pomme qu’il avait apporté pour sa carne, sous les bons conseils de Caden. Tu parles, du gâchis pour rien. Balthazar soupire, se demandant clairement ce qu’il fout ici ? Il est tombé sur le seul groupe qui préfère les chevaux aux humains. S’il avait été au pouvoir, les poneys récalcitrants comme Pâquerette finiraient en potage. La pomme est terreuse, en plus. Il soupire, la posant en équilibre sur la barrière. A la place, il bourre sa pipe, se remettant en observer le cheval en grommelant seul. Il a combien de minutes de retard ? Beaucoup trop. Balthazar n’aime pas être en retard, ça fait mauvais genre, ce n’est pas son style.
Le tabac détend ses muscles, il se hisse de nouveaux sur ses jambes, déjà fatigué par une journée qui n’a même pas commencé. Il a seulement envie de retourner dans son lit, sous son drap qui gratte. En plus, ce soir, il est de garde, de deux heures à neuf heures. Ça va être drôle. Pourquoi a-t-il accepté la proposition de Caden déjà ? Des cours de rattrapage, comme s’il en avait besoin ! Balthazar a envie de faire l’enfant rageux, le papi gâteux en allant taper du pied vers son professeur du jour. Mais Balthazar est un homme fier, il attrapera Pâquerette même si cela dure toute l’après-midi. Mais en le voyant de nouveau sur ses jambes, la jument relève la tête, lui hennit dessus et recommence à caracoler autour de lui. Cheval de merde, journée de merde, ranch de merde.
- Aller, viens Pâquerette !
Balthazar lui tend sa pomme, sa jolie pomme déjà croquée, tentant de faire les yeux doux. Il y a de l’espoir, soudainement, lorsqu’un sabot s’approche de lui. Mais non, Pâquerette se contente de démarrer en trombe et le frôler comme s’il n’était qu’un vieux chêne pourri. Alors, s’il lui jette la pomme à la gueule, est-ce qu’il sera jugé pour maltraitance animale ? Mais une silhouette se dessine près des barrières, l’empêchant de mettre son idée en action. Caden, ce n’est pas trop tôt. Il va le rejoindre en deux enjambées, fumant furieusement de la pipe.
- Ça fait soixante putain de mi-
Sa logorrhée est immédiatement coupée, Pâquerette s’étant gentiment placée à côté de lui pour pousser du bout de museau le vétérinaire. Ça, Balthazar, ça lui coupe. La pipe en main, la pomme de l’autre, le licol sur l’épaule, son visage fait des allers-retours entre l’homme et l’animal, hésitant entre la colère et le dépit. Pâquerette semble extrêmement fière d’elle, aussi expressif un poney puisse l’être. Les bras du psychiatre retombent le long de son corps, ayant finalement choisi le dépit, dans un long soupire.
- J’ai suivi tous tes conseils, Caden. Tous tes conseils. J’ai même sacrifié une pomme pour cet- chose !
Il l’a brandi sous son nez, Pâquerette fait un écart outré et retourne tâter du pissenlit tardif.

Caden devait admettre qu’il n’avait sans doute pas été particulièrement sympa lorsqu’il avait demandé à Balthazar de ramener LA jument un peu capricieuse du lot. Elle n’était pas méchante Pâquerette mais elle aimait bien tester son futur cavalier. Il fallait se montrer digne d’elle ou alors, elle vous en faisait voir de toutes les couleurs. Il avait décidé de laisser à l’homme le temps qu’il serait nécessaire pour qu’il revienne avec l’animal en main. Cependant au bout d’une heure il avait commencé à désespérer de le voir revenir. Même les enfants parvenaient à attraper le poney avec une pomme au bout d’un moment. Qu’est-ce qu’il pouvait bien être en train de faire ? Caden soupira se doutant déjà de la scène qui se dessinerait sous ses yeux. Après quelques minutes, il rejoint Balthazar qui semble fulminer. Avant même qu’il ait le temps de froncer les sourcils face au ton qu’emploie le psychiatre face à lui, la ponette vient le saluer. Il sourit et lui caresse un peu le chanfrein alors qu’il se tourne vers lui goguenard. « Et bien, heureusement que tu t’intéresses aux hommes et pas aux animaux, visiblement leur psychologie n’est pas exactement ton for. » Il ne peut pas s’empêcher de ricaner un peu parce que voir un homme adulte se faire mener par le bout du nez par un poney, ça avait quelque chose d’hilarant. Il soupire quand il constate que manifestement l’homme n’a pas utilisé la bonne méthode malgré ce qu’il dit. Il reprend avec un ton plus pédagogique. « Les animaux sentent des choses comme l’agacement ou la mauvaise humeur. Surtout les chevaux, tant que tu ne parviendras pas à lui montrer qu’elle peut te faire confiance, elle ne viendra jamais d’elle-même. Il y a des chevaux qui sont plus sensibles que d’autre à ce genre d’informations. Si tu perds patience, dis toi que tu es en train de perdre ton calme à cause d’un animal et que ça reste quand même un peu ridicule. » Il a malgré tout un sourire quand il lui explique. Il ne perd pas souvent patience Caden, c’est pour cela aussi que c’est lui qui enseigne les bases aux débutants, que c’est lui aussi qui gère les petites crises de son frère. Il sait être calme et se montrer patient, tel point que parfois ça en devient frustrant pour les autres qui attendent de lui une réaction. « Recommence, je te regarde. »