for reasons unknown (jack)

Quatre jours après l’ouragan.

Quand y’en a plus, y’en a encore. Alors que Ryan pensait enfin en avoir fini avec les ordres et les missions commandités, voilà qu’on l’envoyait à nouveau dans une mission de charité post-ouragan. Certes, Olympia s’était assez bien tiré de l’ouragan et même s’il avait fallu faire le deuil de quelques personnes, globalement les choses s’étaient bien passées. Déjà, la leader d’Olympia n’était pas morte. Ryan en savait quelque chose puisque c’est lui qui l’avait maintenu éveillé et l’avait emmené à l’infirmerie lorsqu’elle s’est tapée une commotion cérébrale. L’ouragan, à vrai dire, avait même un peu bénéficié à Ryan dans la mesure où les habitants semblaient l’estimer un peu plus. Il avait quand même sauvé la leader d’Olympia et les deux soeurs Barnes, n’avait pas fait de vagues durant sa période d’essai sous haute surveillance. Peut-être que c’était juste dans sa tête, mais il avait l’impression que les choses et les esprits commençaient vraiment à évoluer. Néanmoins, il n’était pas vraiment enthousiaste à l’idée de se rendre à la Carrière. Il savait que nombreux jackals s’y étaient rendus avec Marisa avant l’assaut du centre-commercial. Globalement, les jackals restaient minoritaires et Ryan avait peu de chance d’en croiser un qui le connaisse, mais bon, il tenta tout de même de se défaire de la tâche. Mais les ordres étaient catégoriques : certains membres de la carrière n’avaient pas encore reçus de couchages et grelottaient ou se serraient à plusieurs dans une couverture, il fallait leur envoyer une nouvelle vague de ravitaillement, et c’était évidemment les moins considérés qui se tapaient l’affaire. Pas question pour la plupart des Olympiens d’aller dans ce bourbier sans nom. Ryan se rendit donc à la carrière avec un petit groupe de six personnes, chargés de couvertures. Une fois sur place, ils se séparèrent en deux groupes de trois pour distribuer les couvertures. Ryan baissait la tête et se faisait discret, même si difficile de ne pas attirer l’attention en étant le gars qui venait leur donner de quoi dormir au chaud. Il se fit alors alpaguer par un couple et un enfant au loin qui grelotaient et lui priaient de leur amener une couverture, visiblement frigorifiés. Ryan se détourna donc de son groupe pour aller les voir, mais ses deux acolytes ne prirent pas le temps de l’attendre. Lorsque Ryan se retourna, non seulement, il avait perdu son groupe, mais en plus, il tomba nez-à-nez avec Mark. Un ancien jackal. Qu’il avait vaguement fréquenté. Eh merde. Ce dernier avait un large sourire aux lèvres qui ne présageait rien de bon.« Bah alors Ryan, tu te la joues bon samaritain maintenant ? » Alors que Ryan voulait dégager de son chemin pour revenir à son groupe, Mark l’attrapa par l’épaule comme on attrape un pote, sauf que lui avait une lame aiguisé au bout de sa main qu’il pointa sur Ryan. « Attend, viens, on va faire un tour du côté de mon nouveau chez-moi, parce que je sais que toi maintenant tu crèches ailleurs, mais viens voir où tes anciens compères sont logés.  » Ils n’étaient pas loin de Rocbruyère et c’est donc là que Mark l’emmena. Ryan aurait pu se défendre, mais il avait bien senti que Mark était entouré de jackals qui les suivaient discrètement, prêt à intervenir si Ryan avait le moindre geste suspect. L’endroit n’est pas franchement charmant : désert à part quelques tentes et sacs de couchage, on dirait un no man’s land. Pourtant, lorsque Mark l’emmène dans un coin et le lâche, voilà que trois jackals surgissent autour de lui, Ryan ne saurait même pas dire d’où ils sont sortis. « Je te ferais bien le tour du propriétaire, mais comme tu peux le voir, y’a pas grand chose. Moi, j’ai une question pour toi en revanche : chez toi c’est comment ?  » Ryan ne voulut pas répondre. Son regard était noir et son visage impassible, toujours avec son carton de couvertures dans les main. « Non parce que tout le monde sait que Monsieur est à Olympia maintenant. De ce que je sais, John qui était avec toi a été pendu, Lewis pendu aussi et Nate a été relâché. On peut savoir ce qui te rend si spécial ? » Il tendait son couteau en direction du blond, pour le menacer. Mais Ryan ne pouvait décemment pas dire la vérité : j’ai coopéré pendant l’attaque, j’ai trahi les jackals, je me suis mis à genoux devant la leader d’Olympia et je suis bon ami avec sa soeur. Ces révélations se solderaient par sa mort imminente. « J’ai rien à te dire Mark. J’ai fait dos rond et quelqu’un a dû me prendre en sympathie. Si tu veux vraiment savoir, va demander à des Olympiens, ce sont eux qui ont voté après tout.  » C’était un peu un mensonge, car c’est probablement Peyton et surtout indirectement Willa qui ont sauvé sa pomme, mais c’était la seule chose plausible qu’il pouvait lui répondre. Il savait très bien que Mark ne se satisferait pas de cette réponse et serrant le poing sur son carton, s’apprêtait à lui lancer en pleine figure pour décamper ou sortir son couteau et prier pour sa vie. Il savait pourtant que c’était une mauvaise idée d’être venu ici…

Le monde, celui qu'il avait découvert en se réfugiant à la carrière avait éclaté en mille morceaux à cause d'un ouragan. Et pourtant, Jack avait témoin de la solidarité qui s'était mise en place : les blessés avaient été regroupé dans un coin de Rocbruyère où il était possible de les soigner avec les moyens du bord, les premiers nettoyages des autres secteurs avaient déjà débuté, malgré la boue, malgré les conditions désastreuses. Majoritairement, les gens aidaient. Majoritairement, tout le monde avait compris qu'il était dans un intérêt commun de mettre les mains dans la crasse pour qu'il soit possible de se préparer à l'hiver prochain. Normal également que les Jackals l'aient un peu mauvaise... avec le Mall, leur vision de l'avenir serait totalement différente, l'hiver ne serait pas une véritable une menace. Mais c'était de l'histoire ancienne à présent, et Jack gardait la rancœur tenace d'avoir perdu les deux êtres dont il était le plus proche, son frère ainé, Colton, et celui qui se rapprochait le plus d'un frère d'adoption, Ryan. Des cadavres qui devaient pourrir dans un coin, peut-être enterrés ou calcinés. Il gardait pourtant l'espoir de les voir réapparaître, mais sa logique voulait qu'ils les auraient rejoint, à présent, si cela s'était bel et bien passé. Qu'ils seraient venus à la carrière... le doute n'était même pas envisageable lorsque l'on connaissait Colton et son caractère, même s'il n'était pas certain qu'il se serait intégré à l'endroit, à ses règles. Jack aurait même pu parier qu'il l'aurait trouvé "à chier". Pourtant, lui s'y plaisait, plus qu'à l'intérieur du Mall. Peut-être parce qu'au fond il n'avait fait ce choix que pour rejoindre le dernier membre encore en vie de sa famille.

Il avait pourtant vécu parmi eux, il s'était fait sa place, et encore aujourd'hui, aux yeux de tous, il restait un Jackal, l'un de ceux que Marisa avait emmené avec elle après avoir négocié leur asile en ces lieux. Rocbruyère était devenu sa maison, l'endroit où pas mal de monde était venu trouver refuge le temps de la reconstruction. On se serrait, mais pas au point de dormir trop proches d'anciens Jackals. Non, pas à ce point. Et même si Jack soignait les blessures, il n'était pas un véritable membre de la carrière. Malgré toute la rancune qu'il vouait à Marisa, son sentiment d'être plus à sa place en ces lieux qu'au Mall, la perte de sa famille une nouvelle fois, qui lui crevait le cœur, il n'abandonnait pas ceux avec qui il avait vécu plus d'une année. L'humidité lui collait à la peau, la fraicheur tentait de s'incruster dans ses os, mais il s'activait auprès des blessés pour vérifier que ça guérissait bien, ça l'occupait, il se sentait utile, il avait un véritable rôle.

« Jack ! Ryan est là. » Comme s'il pressentait qu'il allait lui dire qu'il n'avait pas le temps, un des hommes de la carrière avec qui il s'était lié, qui savait qu'il cherchait Colt et Ryan, était allé droit au but en lui annonçant quelque chose qui le figea. Sa mâchoire se crispa, première réaction, suivie de celle d'étouffer. Pourtant il inspira calmement. « Là comme là, ou... » « Il était avec les Olympiens avant de partir avec quelques Jackals. » L'information arriva rapidement jusqu'à son cerveau, et il ne lui fallut pas plus d'une seconde supplémentaire pour se retrouver à nouveau debout. « C'est pas si moche, je repasserai. » qu'il lança à son "patient" tandis qu'il s'éloignait déjà pour se rapprocher de son comparse. « T'as l'intention d'attendre que je pourrisse sur place, ou tu vas me dire où ils sont allés ? » Parce que si lui avait déjà envie de lui coller son poing dans la figure, il pouvait être sûr que les autres n'avaient pas vraiment l'intention de bavarder autour d'un verre. Parce que les trop rares à avoir été relâchés étaient revenus. Parce que les autres avaient été pendu. Il y avait les improbables qui avaient été intégré... et cela signifiait que Ryan, s'il était avec Olympia, avait fait le choix de les quitter, de l'abandonner, de... Et Colt ? Qu'était-il advenu de Colt ? Il serra les poings, tandis que l'autre lui indiquait la direction. « Viens avec moi. » Parce que ça valait sans doute mieux. Il ne discuta pas, il était rare que Jack donne des ordres en dehors de soins, aussi lui emboîta-t-il le pas. Peut-être que ce n'était pas ce qu'il croyait, peut-être... que Ryan avait une explication qui tiendrait la route. Mais il n'était pas assez naïf pour se bercer d'un espoir aussi niais.

« ...va demander à des Olympiens, ce sont eux qui ont voté après tout.  »
Les seuls mots que Jack entendit de la conversation, mais qui lui confirmèrent que les espoirs n'étaient que pour les gosses, et il n'en était plus un depuis déjà bien longtemps. « Et tu proposes quoi Ryan, qu'on en chope un et qu'on lui tire les vers du nez à notre manière ? » Le sarcasme au bord des lèvres, l'attitude du petit con par excellence, mais honnêtement, il n'aurait pas fait venir un carrière avec lui s'il comptait préparer un mauvais coup de ce genre. « T'en mêle pas, Jack. » « Je pourrais. Fermer les yeux c'est facile, je le fais tous les soirs pour m'endormir. » Tout comme les conneries qu'il débitait à la minute. « Sauf que tu vois, c'est une affaire de famille. » « C'est pas Colt. » cracha-t-il, comme s'il avait déjà jugé et condamné Ryan. « Ah ouais ? J'avais pas remarqué. » Ironique, Jack lança un regard sombre en direction de Ryan, digne de la mise en garde qu'il avait des questions à lui poser et des réponses à obtenir.« Tu vas prendre son parti ? » demanda Mark en plissant les yeux, laissant l'intéressé le regarder à nouveau. « Je sais pas, tu crois que je vais faire quoi ? » répliqua Jack en haussant les épaules, l'une de ses mains posées sur le manche de son couteau, l'homme de la carrière non loin derrière lui... et Ryan. Les clans étaient formés.

Quatre jours après l’ouragan.

En voyant le côté désespéré des jackals, prêt à buter par simple jalousie, il se dit qu’être avec eux ne lui manquait vraiment pas. Il comprenait de mieux en mieux l’image qu’il avait dû renvoyer en étant des leurs. Oui, il disait des leurs. Car il ne se considérait plus comme jackal. Pas que ces derniers aient toujours été très solidaires, et d’une certaine manière, Ryan avait peut-être traité d’autres aventuriers comme Mark le traitait actuellement. Mais, ce désespoir et ce côté nihiliste lié à la condition jackal, ça n’était pas et ça n’avait jamais été lui. Il avait encore peut-être des pulsions sanguinaires, mais il estime qu’il savait désormais les assagir et les laisser sortir au bon moment. Qu’espérait réellement Mark de cette pseudo entrevue menaçante ? Qu’il lui donne une formule magique pour entrer et foutre le boxon où bon lui semble ? Un type comme lui, même avec les bonnes armes de négociation, aurait été incapable de survivre un jour à Olympia comme lui. A faire les plantations et enlever les mauvaises herbes, déblayer toutes les merdes qui traînaient, aller buter des rôdeurs en masse au centre-commercial. Non, Mark n’aurait eu ni la patience ni le bon sens d’effectuer toutes ses tâches dans son intérêt. Trop impulsif. Trop con surtout. C’est ce que Ryan s’apprêtait à lui dire en lui balançant son carton dans la figure quand une voix familière répliqua à sa dernière remarque. Ryan se tourna sur sa gauche pour jeter son regard sur Jack. Il était vivant. Il avait presque envie de lui adresser un sourire, mais ce dernier ne semblait pas d’humeur joviale et il ne voulait pas donner trop d’éléments sur leur relation à Mark. L’échange entre Jack et Mark fut vif, et Ryan tiqua légèrement quand Jack répondit que c’était une “affaire de famille”. C’était bien la première fois qu’on le définissait ainsi. Comme une famille. Lui qui n’en n’avait jamais vraiment eu, de famille. Ryan restait planté là, son regard sur Mark. Du coin de l’oeil, il sentait que les esprits s’échauffaient puisqu’il vit la main de Jack bouger vers la manche de son couteau. Il semblait visiblement avoir un allié en plus avec eux. Ryan attendit une, deux, et à la troisième seconde, balança son carton dans la gueule de Mark pour se décaler vers la droite et maîtriser un des premiers jackal qui l’entourait, laissant donc Mark et son complice aux mains de Jack et son ami. Il donna un premier poing à son assaillant, ce dernier surpris, manqua sa riposte ce qui permit à Ryan d’asséner un uppercut dans l’autre sens qui le fit tomber raide par terre, inconscient. Un de moins. Quand il se retourna, il vit Jack et son ami en prise avec les deux autres jackals. Jack était agrippé avec Mark. Ryan voulait évidemment se faire ce petit con. Il regarda autour de lui, à la recherche d’une arme qui pourrait le neutraliser sans le tuer. Car oui, Ryan ne voulait pas d’un mort sur son dos à nouveau. S’il venait à buter Mark, et ça faisait désormais partie de ses plans, ce serait discrètement. C’est finalement en fouillant la veste du jackal inconscient qu’il trouva une matraque de taille moyenne. Il osait espérer que ce jackal n’avait pas été policier dans une autre vie sinon il y avait fort peu à prier pour l’avenir de l’humanité. Il s’approcha alors de Mark et le poussa au sol d’un coup de pied violent avant de lui donner un, puis deux, trois, quatre coups de matraque violents, jusqu’à ce qu’il vit le sang commencer à perler du visage de Mark, et qu’il sentait qu’il allait vite perdre pied s’il continuait. Il grogna en prenant une grande inspiration avant de s’écarter.  « Si t’as un problème, tu sais où me trouver. A moins que je ne te trouve avant. Maintenant casse-toi sombre merde. » Mark ramassa avec l’autre jackal celui inconscient à terre avant de filer. Ryan ramassa alors le carton et les maigres couvertures qui s’y trouvaient avant de se tourner vers Jack et son ami.  « Merci du coup de main. Vous voulez une couverture ? Vous en avez bien mérité une chacun.  » Il ne savait pas trop quoi dire ni faire, il avait pensé à Jack depuis son intégration à Olympia, mais la surprise et la gêne face à la présence extérieure l’empêchait de réellement s’exprimer. Alors, il attendait. Une réaction. Un sourire. Un truc qui briserait peut-être la glace.