Blue Bridger est une étape pour qui se rend à Hamilton. Véritable mouroir les trois ou quatre premières années, les survivants n’ont plus utilisé que sa zone industrielle, dont un parking sur trois niveaux. C’est ça qu’on appelle désormais Blue Bridger : un enchevêtrement de ruines et de déchets derrière des murs en béton, une sorte de refuge en dur et en hauteur lorsque les hordes s’attardent dans la région. Personne n’y vit à proprement parler. On s’y repose. On y troque. Et, parfois, on s’y entretue.
Harrison n’est motivé par aucune de ces trois raisons. Lui traîne parmi les vagabonds, échange avec ceux qui l’acceptent. Une bonne partie de son travail d’éclaireur consiste à prêter l’oreille aux rumeurs, puis à les traiter. Chaque histoire est débarrassée des exagérations de son narrateur, fouillée par des menues questions d’ordre spatio-temporel et, finalement, enregistrée selon son crédit et son importance. Peu d’entre elles survivent à l’examen et remontent jusqu’à Anita. Lazare était de celles-là.
Pour le quitter, il serre chaleureusement la main d’un homme venu de San Antonio. Le bougre ne lui a rien appris qui intéresse la Mine mais il avait la qualité d’être agréable, ouvert à la conversation, dans un monde pétri de méfiance. Et Harrison sent bien qu’on le renifle, que ses questions, quoi que banales et lancées sur un ton confondant de banalité, dérangent. Il n’insiste pas. Il n’est pas venu se fabriquer des ennemis. Cela fait, du reste, deux bonnes heures qu’il fraye parmi les corps et les faces.
Il va rejoindre les escaliers lorsque son regard accroche une silhouette parmi d’autres. Après avoir passé trois ans à tout épier, comme si c’était là son métier, Harrison ne croit pas aux coïncidences : si son attention est attirée par quelque chose, c’est qu’il y a quelque chose. Il revient sur ses pas. Il regarde mieux. Une secousse lui remue les entrailles, comme une main chercherait parmi elles. Sur le moment, il ne saurait pas dire s’il ressent plutôt de la crainte ou une forme subtile de soulagement. Sans l’avoir totalement tranché, il se plante sur la trajectoire de l’homme qui se détache du petit groupe : « Adam ? » Les yeux montent aux yeux et, cette fois, Harrison en est parfaitement sûr. Il a changé, mais pas tant que ça. Il a vieilli (ils vieillissent tous, beaucoup plus vite qu’on ne le faisait avant l’Influenza). Surtout, le mineur n’oublierait jamais un visage qu’il a côtoyé lors de son arrivée à Hamilton : « Harrison, croit-il judicieux de lui remémorer en se posant la paume sur le torse. » Les secondes flottent. Elles ont une saveur irréelle. Le temps a moins d’emprise. Le présent se suspend et s’ouvre sur une époque à laquelle l’éclaireur ne pense plus guère, ou dans ses moments de doute. Si c’est une projection perverse de son cerveau et qu’il le sait bien, il n’essaie pas non plus de lutter. Il se laisse plutôt absorbé par la spécieuse sensation de revivre quelque chose. « Bon sang, finit-il par articuler, on croyait que t’étais mort. » Oh, Adam n’est ni mort ni mourant. Il paraît même en très bonne forme, ni blessé ni amputé comme le sont certains et de plus en plus. Le foutu sourire d’Harrison se plait à le contempler, pas las de constater que certains choses qu’on pensait qu’elles étaient détruites subsistent en de rares occasions. Comme un visage familier.
Adam Redfield
Olympians + le monde qui est le mien
Hurlements : 1523
visage : Tom Hiddleston.
crédit : 12 K.O. (paroles)
survit depuis le : 24/07/2017
capsules de troc : 3775
Sujet: Re: Gone boy. Mar 15 Aoû - 19:32
♔ Harrison & Adam
« gone boy
Blue Bridger valait bien un havre comme un autre lorsque l’on passait le plus clair de son temps en cavale et Adam ne s’était pas trouvé mécontent de tomber dessus après des jours d’errance sans parvenir à se fixer un but précis autre que celui de survivre une nuit de plus à cet environnent hostile. Il avait pensé, bien sûr, à rendre les armes lors de l’assaut contre le mall, se constituer prisonnier et tenter ensuite de justifier sa présence ici sans avoir à payer de trop lourdes conséquences. A défaut, il aurait toujours pu se racheter une bonne conduite ensuite, sauf qu’il avait préféré changer d’avis au dernier moment, profité du chaos régnant pour esquiver le gros du combat et prendre la poudre d’escampette avant qu’on ne s’intéresse de trop près à lui. S’il devait retrouver ce morceau de passé vieux de plusieurs années, ce ne serait pas pieds et poings liés. La route, alors, lui avait paru plus séduisante que tous ces enragés bons qu’à se battre entre eux et foutus de le buter par inadvertance : Adam avait retrouvé sa plus vieille compagne de voyage qui soit, la solitude, et avait pris un peu de recul face à ce conflit dans lequel il ne voulait aucune part. Les quelques jours qu’il avait passé dans ce vestige de civilisation n’avaient pas été pires ni meilleurs que ce qu’il s’était imaginé en venant finalement chercher ce confort (relatif) qu’offrait la présence d’autres êtres vivants. Le troc lui permettait de subsister au jour le jour alors qu’il veillait bien à ne jamais se procurer plus de vivre que ce dont il avait strictement besoin dans l’immédiat : inutile de s’accrocher l’attention de quelque affamé qui verrait là-dedans une bonne occasion de chercher une bagarre. S’il savait se défendre, Adam préférait tout de même rester discret, se faire oublier et tendre l’oreille à toutes les rumeurs en attendant cette impulsion déterminante qui le pousserait finalement à décoller ses semelles d’ici. En attendant, il trouvait à Blue Bridger un repos très approximatif mais qui valait mieux que rien, prenait grand soin de montrer qu’il ne possédait aucun objet de valeur sur lui s’il s’éloignait un peu des endroits où la concentration de vivants était la plus forte et, surtout, ne gardait jamais sa main trop éloignée de ses armes, parce qu’on ne pouvait jamais être sûr de rien.
Alors, forcément, lorsqu’un individu lui avait barré la route avec l’intention évidente de l’aborder, Adam s’était immédiatement retrouvé sur ses gardes, la méfiance infiltrée dans ses gestes pendant qu’il se figeait net dans sa progression. Son nom dans la bouche de l’individu lui fit arquer un sourcil surpris alors qu’il le dévisageait sans vergogne, reconnaissant finalement le minois sans toutefois parvenir à le remettre complètement. Harrison clama l’autre, qui avait probablement flairé sa perplexité à son égard, et Adam se fendit d’une expression un peu gêné alors qu’il remettait enfin son vis-à-vis à sa juste place dans ses souvenirs. Un peu pris au dépourvu par ce tête-à-tête qu’il n’avait absolument pas anticipé, le silence fut d’abord seul à répondre aux propos de son interlocuteur. Puis un rire léger, quelques éclats un peu penauds pour venir casser ce blanc embarrassant. « Et j’en suis désolé. » Une excuse franche, parce qu’Adam n’avait jamais bien apprécié la part trop importante que le mensonge avait pris dans sa vie. Désolé de vous avoir laissé penser ça alors que rien n’aurait été plus facile que de revenir en personne pour le démentir. « Disons qu’on m’a pas vraiment laissé de choix, ou bien que j’suis plus coriace que ce que vous pensiez. Et puis c’est… une longue histoire », il finit par conclure tandis qu’un mince sourire venait finalement étirer ses lèvres et faire écho à celui qu’Harrison arborait. Adam n’était pas mécontent à proprement parler de le trouver ici, non, parce qu’il n’avait jamais rien eu contre lui et qu’il avait même apprécié le fréquenter pendant le peu de temps qu’il avait passé à la mine. Mieux encore, il était sincère dans les émotions que laissaient filtrer le sourire qui se reflétait dans ses yeux, parce que retrouver un ancien camarade vivant était toujours une bonne nouvelle dans ce foutu monde qui partait dans tous les sens. « Pas du genre qui se déballe comme ça, en plein milieu du passage. » Et s’il n’était pas du genre à se complaire dans des retrouvailles pleines d’effusions, Adam n’en empêcha pas moins son bras de se détendre, claquant de la paume de sa main contre l’épaule de l’autre une bourrade amicale dénué de la moindre brusquerie. « Hey, ça fait plaisir de te revoir comme ça. En forme. » Plutôt que sous les traits déformés d’un rôdeur, ça voulait dire. Parce qu’en général, c’était souvent comme ça qu’on finissait par les revoir (quand on les revoyait), les gens qu’on avait perdu de vue trop longtemps.
Gone boy.
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