(III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison)
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Sujet: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Sam 15 Avr - 23:39
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
La liberté, elle se l'octroie toujours, sans permission, peu importe le danger, peu importe les conséquences. Alors, quand il a fallu suivre cet emprisonnement forcé au pied de la lettre, elle s’est éteinte à petit feu, un peu plus chaque jour, lasse, blasée. La routine, elle l’exècre. Labo, salle commune, dortoir, en boucle, constamment, rien de plus. L’exaltation n’est pas franchement à son paroxysme, l’ennui par contre… Bref, c’est du passé, a priori. Sauf peut-être quand on se nomme Rory Wheeler, qu’on est nouvelle et qu’on a aucune raison de foutre les pieds dehors si ce n’est afin d’humer l’air, de se dégourdir les guibolles. Peut-être que les portes de la mine ne sont plus totalement closes, néanmoins, les sorties restent régulées. Et ça fait sacrément chier. Elle n’a pas pour habitude de suivre les règles, non, elle les contourne. Mais là, c’est différent, autant rester dans les bonnes grâces de Jones, tant qu’elle le peut. Il n’y a qu’une seule et unique personne qui peut bien l’aider, se plier à son envie, à son caprice du moment : Harrison Roe.
Elle cette boule au ventre, Rory, déchirante angoisse. Peut-être qu’elle se sent coupable après tout, certainement d’ailleurs. Trop fière pour l’admettre à voix haute ou ne serait-ce qu’à voix basse. L’envisager, cette culpabilité, c’est déjà un grand pas, pour elle du moins. Coupable de ne pas avoir su franchir le seuil de l’infirmerie, coupable de ne pas avoir été présente pour lui, coupable d’avoir fui, recours dont elle use et abuse encore aujourd’hui. Il s’agit d’une méthode comme une autre après tout, c’est inscrit dans ses gênes, c’est sa marque de fabrique. Peu importe si ça blesse, si ça fâche. Excepté cette fois-ci, cette fois-ci peut-être que ça importe, plus que d’habitude, juste un peu, un chouïa. Elle n’aime pas vraiment ça, cette sensation indéfinissable, tout sauf agréable, qui lui noue les tripes. Elle veut que ça se tasse, elle veut l’étouffer. Elle traîne des pieds, tripotant ses doigts avec ardeur, pressant ses paumes l’une contre l’autre. Elle sait qu’il est dans les parages, elle ne veut pas le voir. Enfin si, enfin non, bien sûr que si. Elle le cherche après tout, elle a besoin de lui, de sa capacité à ne rien lui refuser, à s’inquiéter pour elle. Profiteuse, qu’elle s’intime, profiteuse ingrate même. À force de le tanner, de lui casser les pieds, sans jamais lui renvoyer l’appareil, elle a bien peur qu’il finisse par s’éloigner volontairement, prendre ses distances, ça lui épargnerait bien des maux pour le coup. D’un pas affirmé elle pénètre dans la salle commune, apparences obligent, glissant une main dans ses cheveux à la recherche d’un semblant de fausse contenance. Il est là, à quelques mètres, en retrait. Il a l’air bien, du moins, il est en vie, c’est déjà ça. Elle reste plantée un instant, immobile, comme une débile, évaluant la situation, pesant le pour et le contre, sur le point de se débiner éventuellement. Non. Elle rompt la distance, cette distance qu’elle a volontairement instaurée entre eux durant ces derniers jours. Distance de sécurité, distance lui permettant de s’emmitoufler confortablement dans le déni. « J’ai besoin de toi. » Droit au but. Elle a le regard franc, vif, les prunelles étincelantes, rien ne trahissant son trouble, sa nervosité. Elle est campée à sa gauche, faisant fi de Joe. « De ton aide. » qu’elle précise bêtement. Forcément, de quoi d’autres ? Elle ne s'attarde pas longtemps sur le teint blême de l’éclaireur, ni même sur son allure éreintée, elle préfère nier. « Il faut que tu me sortes d’ici. »S’il te plait. Le ton est presque suppliant, quoique parsemé de cette pointe de défiance significative. Avec ou sans lui, elle s’octroiera son grand bol d’air frais, qui l’aime la suive.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 16 Avr - 0:28
C'est Josephine qui l'aperçoit la première. D'un mouvement du menton, elle accroche le regard d'Harrison et désigne la silhouette de Rory qui s'écoule dans le tumulte et les conversations de la salle commune. À la crispation dans les épaules de sa comparse, il aurait deviné que c'était l'olympienne avant de la voir de ses propres yeux.
Depuis qu'il est revenu – vivant mais blessé – de son excursion, Joe le veille comme une louve. Rendue, ces six derniers jours, l'unique éclaireuse de la Mine, elle a été forcée de s'éloigner, de puiser dans ses ressources et de le confier aux soins et à la surveillance d'autres qu'elle-même. Son humeur s'en est exagérément dégradé, qu'importe les améliorations encourageantes de l'état d'Harrison à chacun de ses retours. Toutes ses secondes ont été dépensées à le guetter, à lui faire la conversation et à lui hurler d'avaler des antibiotiques, n'est-ce que par prévention. Bien qu'on l'ait autorisé à sortir de l'infirmerie, et même à sortir, depuis maintenant deux jours, il sent qu'elle le guigne constamment, comme si une infection pouvait se déclarer à tout moment et le faucher au beau milieu d'un tunnel.
Harrison se sent bien, et vif. Pas tout à fait rétabli, mais il s'accommode de pouvoir marcher librement. Il s'oblige, chaque jour, à une série d'exercices censé lui faire recouvrir toute sa mobilité. C'est, en vérité, une démonstration destinée à rassurer Joe. S'il n'est pas tout à fait remis, il va mieux. Et ce n'est pas Rory Wheeler qui pourrait le savoir.
« J'ai besoin de toi, obtient-il pour salutation. - T'as besoin de moi... ? Harrison répète, incrédule. - De ton aide, elle explique aussitôt. »
Pendant que Josephine étouffe un grognement, lui darde deux billes indécises sur Rory. Ça lui fiche tout de même un coup ; de la revoir, déjà ; et puis d'entendre j'ai besoin de toi. Il n'a rien eu le temps d'imaginer mais ces quelques syllabes ne sont pas dépourvues de pouvoir pour autant. Il s'en relève péniblement, en même temps qu'il comprend ce qu'on lui demande. Peut-être qu'elle le réclame. Peut-être qu'elle l'exige. En dépits du tranchant du timbre (n'est-elle pas, de toute façon, toujours tranchante ?), il ne saurait le dire. En revanche, il se fait une opinion très nette de sa réponse : « Je ne peux pas aller très loin. » D'âpres négociations avec Anita lui ont offert deux kilomètres autour d'Hamilton, ce qui, pour lui, revient à mettre un chien sauvage dans un jardinet de banlieue. Comme Joe n'était pas de son côté, c'était le maximum de mou qu'il pouvait espérer glaner sur sa laisse. (Du reste, la douleur lancinante qui cisaille encore dans sa cuisse le persuade fréquemment qu'elles ont parfaitement raison.) Quoi qu'il arrive, et quoi qu'il décide, Rory sortira néanmoins de la Mine. Pas plus capable de tenir en place, et recluse, qu'il ne l'est, Harrison préfère encore sortir avec elle que la savoir dehors sans lui. Dans d'autres circonstances, il aurait pu demander cette faveur à Joe... mais il suffit d'une oeillade à la périphérie de son champ de vision pour deviner – où deviner signifie lire très distinctement – toute sa désapprobation. S'ils n'ont pas spécialement parlé de Rory, son absence à l'infirmerie a été conjointement remarquée. Harrison sait gré à sa camarade de ne rien dire ni ne rien faire ; il serait forcé de lui désobéir. « Mais si tu peux te retenir de me faire traverser tout le Texas, je peux te faire sortir d'ici, oui. » Ses pupilles sont dépourvues de toute inflexion notable. Il ne sait pas lui-même ce qu'il ressent. Un mélange de colère et de crainte. Ou bien est-ce de la lassitude et un soupçon confus de tranquillité. La plupart du temps, la souffrance diffuse dans ses muscles l'empêchent de se regarder l'humeur. « Tout à l'heure ? » Parce que Joe ne saura pas se contenir longtemps. Parce qu'elle ne le laissera pas filer avant de l'avoir sermonné, et sûrement engueulé. Parce qu'il n'en peut déjà plus d'avoir Rory Wheeler sous les yeux.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 16 Avr - 18:46
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Elle hoche la tête, simplement, esquissant déjà quelques pas vers la sortie, à reculons, ses pupilles prenant grand soin d’éviter le regard probablement foudroyant de Joe. Elle a ce poids sur la poitrine, dont elle n’arrive pas à se départir totalement, elle tourne vivement les talons, quittant les iris difficilement lisibles d’Harrison et il s’allège un peu, ce fameux poids. Peut-être que c’est une erreur, qu’elle n’aurait jamais dû lui demander ça, ce service. Elle a pour habitude de n’en faire qu’à sa guise, mauvaise habitude lui collant à la peau, pour une fois, elle veut bien faire. Semi-excuse. Elle n’arrive plus à fuir, à se contenter de l’ignorer. Il fallait, à un moment ou un autre, qu’elle s’assure de son état, de ses propres yeux, qu’elle puisse le voir, le détailler, entendre le son de sa voix. Elle n’est pas un monstre insensible ou sans cœur, contrairement à ce que certains peuvent bien penser. D’ailleurs, elle s’en contrefiche, de ce que les autres pensent. Ce n’est pas évident, facile, de briser, se détourner, de cette carapace forgée au fil des années, au bout de sept ans. Alors, peut-être qu’elle n’a pas été capable de franchir le seuil de l’infirmerie, préférant glaner des informations à Maxine, il n’empêche qu’elle s’est inquiétée, bien sûr. Mais ça, il n’est pas supposé être au courant. Pourtant, il ne rechigne pas, il abdique sans sourciller et elle en arrive encore à se poser inlassablement la même question : pourquoi est-ce qu’il s’embarrasse sans cesse à veiller sur elle ? Elle envisage très nettement la réponse, oui, préfère l’ignorer, puisque tout n’a pas été dit, pas à voix haute en tout cas, alors elle peut encore se permettre de faire semblant, faire comme-ci elle ne savait pas. Jouer à l’autruche, c’est ça, ça résume parfaitement la situation actuelle, elle ne s’en cache pas.
Tout à l’heure. Elle s’est éclipsée sans autre précision, sans éclaircir cette notion de tout à l’heure. Depuis, elle tourne en rond dans l’entrée, définissant des cercles invisibles à l’aide de ses pas. Peut-être qu’il ne viendra pas. Non, ce serait logique mais non, pas du tout son genre. Pourtant, ça vaudrait mieux, pour lui. Parce qu’elle est pénible, contradictoire et difficile, qu’elle attire les emmerdes comme un aimant, il a déjà assez d’emmerdes à son compteur. Elle soupire. D’un côté ça l’arrangerait, ça lui faciliterait la vie, mais elle se connait, elle finirait par le confronter tôt ou tard, comme elle a tenté de confronter Noah, sans succès cependant. Et puis, elle a quitté Olympia, laissant tout en plan, pour des raisons égoïstes et d’autres qui le sont moins, mais nul doute qu’elle serait capable de reproduire le même schéma. Elle a tendance, fâcheuse tendance, à cumuler inlassablement les mêmes erreurs. Typiquement Wheeler comme comportement. Les minutes s’envolent toujours un peu plus, lui octroyant tout le loisir de tergiverser, de se torturer l’esprit aussi, quand enfin une silhouette familière se démarque. Elle stoppe immédiatement cette nouvelle manie consistant à décliner des cercles, se demandant quel discours Joe a bien pu tenir à son égard. Surement rien de très flatteur. Elle laisse traîner ses prunelles indiscrètes le long de l’éclaireur, le dévisageant un bref instant, le temps qu’il arrive à sa hauteur. « T’es sûr que… » Elle n’en dit pas plus. Elle n’a pas le droit de questionner sa capacité à parcourir les alentours ou non. Pas vraiment le droit non plus de lui demander si tout va bien après ses silences. « J’ai presque failli attendre. » Le timbre est hésitant, léger. Elle ne sait plus comment se comporter, encore plus quand elle a le sentiment de ne pas être la moins du monde désirée, sa présence ne semblant pas réellement le réjouir. C’est compréhensible, ça n’en reste pas moins frustrant, démoralisant. « Après toi. » Elle s’écarte légèrement. Cette balade sera loin d’être relaxante, déjà la nervosité s’exprime dans chacun de ses gestes, de ses mots.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 16 Avr - 19:44
Il respire beaucoup mieux quand elle lui – leur – tourne le dos. Il respire librement à la seconde où Rory disparaît. Un poids, jusque-là négligé voire nié, déserte sa poitrine, et il se sent aussi désoeuvré qu'un nouveau-né qu'on force à avaler de l'air pour la première fois de sa vie. L'ampleur de sa délivrance souligne le fatras d'émotions qui le rongent et qui poussent constamment sur sa trachée. Depuis son recoin de l'infirmerie, Harrison n'a pas beaucoup pensé à elle ; non que les occasions lui aient manqué (il n'avait même que cela à faire, en plus d'épier une poussée de fièvre), mais tout à fait sciemment. Trop préparé à mourir, puis trop occupé à survivre, il n'a pas médité leur prochaine rencontre. Si elle était venue prendre de ses nouvelles, si elle avait seulement franchi le seuil pour s'assurer elle-même qu'il allait bien, il n'aurait plus eu le choix d'y réfléchir et de trancher. Néanmoins, Rory Wheeler est ce qu'elle est et, le berçant de son indifférence la plus sommaire, Harrison a repoussé de traiter le simili baiser qui lui a complaisamment servi d'adieu. Et il goûte âcre pour le moment, terriblement, comme, au bord de la bouche, une giclée de sang d'un crime qu'on ne se pardonne pas.
Son répit est de courte durée : l'éclaireuse se plante devant lui, au mépris des oreilles traînantes de la salle commune. « C'est hors de question. » « Joe... » Elle se moque de son ton suppliant et de son petit air censeur qui balaie les abords. Harrison n'a aucune envie qu'on les entende ou les voit faire. Les rumeurs sont déjà légion, à croire qu'on n'a rien d'autre pour s'occuper dans les galeries d'Hamilton. Josephine estime sans doute qu'elle a suffisamment patienté. De plus, les opinions des autres, elle s'en fout bien. « J'ai dit non. » En même temps qu'il répète son nom, il attrape doucement son poignet. Elle produit un effort considérable pour ne pas briser l'étreinte ni relâcher la fureur dans son timbre. « Je ne vais même pas te donner les cent bonnes raisons de ne pas faire ça. » Ils ont une idée commune des cinquante premières. Pour le reste, Harrison se figure assez bien que Rory est partie de l'essentiel, depuis elle ne le mérite pas du tout jusqu'à d'accord, sors, mais à condition de la laisser, n'importe où, dehors. « Tu t'es vidé de ton sang, Roe. » « Je sais. » Ses phalanges serrent doucement la peau et les os, contact qu'elle guigne sans s'attarder. « J'ai droit à deux kilomètres, tu te souviens ? » « Deux kilomètres, elle marmonne aussitôt, ça suffit à mourir. » Qui le saurait mieux que celle qui cartographie la région une fois le matin et une fois le soir ? « Je ferai attention. » « T'es un sale con. » Harrison est forcé de sourire, et il l'attire à lui jusqu'à presser les lèvres contre sa tempe. « Ça aussi, je le sais. »
Le bandage autour de sa cuisse tient serré, autant qu'il l'a pu seul. La cicatrisation est bonne, mais Maxine lui a fait promettre de ne laisser entrer ni fluide ni poussière avant que la plaie ne soit complètement refermée. Alors Harrison boitille légèrement, le temps de s'habituer. « J'ai presque failli attendre, Rory l'accueille avec un fond de réserve. » « Je t'ai bien attendue une semaine, moi. » Sans que sa voix ne dénote autre chose que le plus brut des faits, il lui jette la moitié d'un regard et la dépasse. Machinalement, ses doigts frôlent la gorge de son couteau puis les sangles de son sac à dos. Bien que cette petite excursion ne soit pas censée excéder quelques heures, il est équipé en éclaireur et c'est en tant que tel que les gardes le laissent passer après une rapide fouille de ses poches les plus visibles. Cela fait longtemps qu'il n'a plus rien pillé à la Mine pour le remettre à la Carrière et, néanmoins, l'exercice le paralyse toujours autant. « Elle est avec moi, glisse-t-il au mineur sur sa droite. » Celui-là jauge la fille, sans plus. Et ils sortent.
Harrison ne se lasse pas de cet air vicié. Entre les effluves éternelles de la Mine et le chaos odorant de la Carrière, il ne reste aucune senteur naturelle. Il lui tarde d'autant plus de rejoindre la forêt, aussi déterminé que s'il avait nourri le projet lui-même. « Où est-ce que tu veux aller ? » Jusqu'à maintenant, il n'a pas pensé à le demander. En un sens, c'est aussi qu'il s'en fichait. Il pivote sur lui-même, ses billes qui n'ont plus le choix de tomber sur Rory.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 16 Avr - 21:21
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Cette gifle qu’il lui assène, elle la sent clairement passer, déglutit difficilement, n’y répond pas malgré l’envie quasi transcendante de rétorquer avec dédain. Elle ne devrait pas éprouver de la colère, bien que la honte soit le sentiment prédominant à l’instant, après tout c’est justifié. Alors, elle se contente d’ignorer, mordant l’intérieur de sa joue, se faisant ainsi violence. Ça lui coûte beaucoup, de la fermer, elle n’est pas certaine de pouvoir se plier à l’exercice bien longtemps et ce, peu importe qu’elle le mérite ou non. Elle observe la fouille peu minutieuse de l’éclaireur sans mot dire, réfléchissant déjà à ses futures sorties en solitaire et à un moyen quelconque d’éviter la vigilance des gardes. Après tout, elle ne pourra pas se passer de Reese ni même de Mina bien longtemps, elle a besoin de les savoir en vie, en bonne santé, heureux éventuellement. Ça ne lui semble pas être une mince affaire, peut-être devrait-elle envisager l’option classique, autrement dit en discuter avec Anita Jones. Elle réajuste les lanières de son sac à dos, lui emboîtant le pas, soutenant sans détour le regard des quelques gardes présents, pas décidée à s’affaisser devant ces derniers. Peut-être qu’elle peut s’en mettre un dans la poche, solution à méditer si elle souhaite un jour se tirer d’ici sans baby-sitter attitré. Elle range l’idée dans un coin de sa tête et quitte les lieux.
La chaleur est accablante, délicieuse, contraste frappant avec l’intérieur de la mine. Paupières closes l’espace de quelques secondes, elle profite des quelques rayons lumineux lui vrillant la peau, elle hume l’air à grandes bouffées, peu lui importe l’odeur plus proche des poubelles que de la fraîche verdure, c’est mieux que rien, mieux que l’enfermement. Pour une fois, elle est prête à se contenter de peu. La question d’Harrison l’extirpe de son exaltation muette. Elle hausse les épaules, elle n’en a pas la moindre idée. « Comme tu veux, tu connais mieux les alentours que moi, après tout. Alors, je te suis. » Pour une fois qu’elle n’a pas son propre avis, généralement bien tranché et incontournable, sur la manière dont les choses doivent se dérouler, c’est à marquer d’une pierre blanche. Aussi, elle essaye de se montrer de bonne foi, pas difficile, si ça peut adoucir le savant mélange d’agacement, de lassitude et peut-être de déception qu’il éprouve en ce moment à son égard et qu’elle discerne sans trop d’efforts. Elle sait bien que c’est trop simple, qu’elle ne s’en tirera pas de la sorte, mais qui ne tente rien n’a rien.
Elle le suit, depuis un moment déjà, quelques pas en retrait, le silence lui clouant les lèvres, les pupilles vissées au sol depuis que le chaos ambiant de la carrière a laissé place à l’orée de la forêt. Elle déteste ça, cette marche muette. C’est long, c’est pesant, c’est tout sauf agréable. Elle ne sait pas ce qu’elle doit dire, ce qu’elle doit faire. Mais c’est trop. Elle se stoppe nette, se tient bien droite campée sur ses deux jambes, bras croisés contre sa poitrine. « Si tu ne voulais pas être là, il suffisait simplement de le dire, tu n’aurais pas dû t’encombrer de ma présence. » Il lui tourne toujours le dos. Elle a envie d’exploser. « Loin de moi l’envie de supporter plus longtemps cette ambiance atroce. » Peut-être, surement, qu’elle est le principal facteur de cette fameuse ambiance, il n’empêche qu’elle ne l’a pas forcé à se joindre à elle. Un non aurait suffi. « Donc, dis-le moi tout de suite, si tu comptes tirer la tronche encore longtemps, auquel cas autant rentrer maintenant. » Elle est insolente, et effrontée aussi, elle en a bien conscience, mais il fallait que l’un d’eux brise la glace. Elle ne s’y prend pas forcément de la bonne manière, tant pis.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 16 Avr - 22:37
Encore qu'il ne le démontre pas, Harrison est plutôt satisfait qu'elle se range à son tracé. Leur promenade comportera, de fait, une partie de reconnaissance, quelques repères qu'il tient à inspecter pour se remettre pleinement de sa blessure (et se rassurer). Le laps d'une hésitation, il la jauge néanmoins car cette souplesse d'opinion ne ressemble pas tellement à Rory. Comme il n'est pas prêt à croire qu'elle le laisse choisir à dessein de se racheter, il la soupçonne plutôt de se servir de lui. Et, sortie, où irait-elle ? Contrairement à d'autres fois, fausser compagnie à l'éclaireur ne serait pas d'une grande difficulté. Harrison pourrait le lui demander. Il ferait aussi bien. Or, il se tait et, certain que sa jambe consentira à le porter, il s'élance d'un bon pas. Sa claudication s'est estompée avant qu'ils ne laissent la Carrière derrière eux.
Ils s'enfoncent dans les bois là où les troncs sont assez clairsemés pour voir à cinquante mètres devant soi. Les ramées sont de plus en plus épaisses, si bien qu'elles étouffent une partie de la chaleur sous une chape humide et fraîche. Plus ils avancent et plus la mousse est abondante. Par réflexe, l'éclaireur se dirige vers la zone la plus sauvage – là il n'y a pas de vie humaine, il n'y a pas non plus de rôdeurs. Ou presque pas. Il n'a aucune confiance dans les talents de Rory pour se battre et, s'ils étaient attaqués, il ne pourrait pas simplement courir. De coutume, il la sèmerait. Même entaillé, il le ferait peut-être. Ou ce serait l'inverse, et ce serait pire. Non. Harrison préfère éviter toute rencontre et tout accident. Tout à l'heure, ils longeront un ruisseau où il n'a jamais vu ni âme ni carcasse. Ça méritera le nom de ballade.
À intervalles réguliers, il entend le bruit des pas de Rory dans les siens. Puis plus rien.
Il ne lui fait pas face tout de suite. Tant qu'il marchait, et que ses semelles étaient à éviter les racines et la bourbe, Harrison ne pensait pas à ce moment. Il ne le dirait pas, pas maintenant, mais il aime qu'elle soit là, qu'ils soient ensemble, et ce silence, si épais et si épuisant soit-il, lui convenait bien. Seulement, elle n'est pas de cet avis et tout doit toujours allé comme Rory Wheeler l'exige. « C'est insupportable... ? » Lentement, il tourne les talons. Son pressentiment d'éclaireur le fait d'abord scruter les alentours, au-delà de la jeune femme. Puis ses iris reviennent à elle. « Parce que c'est toi qui as fait ça, fait-il remarquer d'un ton raide. » Vainement, ses paumes retombent contre ses cuisses, l'allure de ne pas savoir quoi dire de plus. « Je suis désolé de pas avoir envie de rire, il soupire lourdement. Et désolé d'avoir tellement mal là-dessous que je m'entends pas toujours penser. » Ses doigts tapotent le quadriceps dissimulé par le tissu de son pantalon et, une fraction de seconde, il ne retient pas sa grimace. Ça n'est pas intolérable. C'est plutôt obsédant. Tant que l'adrénaline cavalait dans son corps, il ne sentait rien du tout. Tant qu'on le décortiquait à l'infirmerie, il se sentait mieux qu'on ne le diagnostiquait. Depuis, Harrison a l'impression d'être sur ses gardes en permanence ; quand donc ses muscles vont-ils se plaindre ; quand la souffrance va cisailler pareille à un éclair dans la chair et les nerfs ; quand sera-t-il capable de courir comme si c'était la finale du demi-fond. Ce ne sont pas des questions que Rory se pose, il le sait trop bien. « Désolé d'être sorti et désolé d'avoir été blessé. Désolé d'avoir fait que, toi, tu puisses sortir de là-bas. » S'il crachait au visage de l'ingratitude, Harrison ne s'y prendrait pas différemment. De sorte qu'il se détourne d'elle et qu'il reprend sa marche.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Lun 17 Avr - 0:08
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Elle est blessée dans le fond, plus que ce qu’elle ne l’envisageait. La vérité n’est pas toujours facile à entendre, à écouter. Elle a fait ça, elle est l’initiatrice de ce fiasco. En attendant, qu’est-ce qu’il voulait qu’elle fasse au juste ? À quoi est-ce qu’il s’attendait exactement ? Qu’est-ce que ça aurait bien pu changer qu’elle se pointe à l’infirmerie ? Tout, probablement, beaucoup en tout cas. Elle n’est pas d’accord, elle ne veut pas assumer ce désastre, pas toute seule. Elle refuse. Elle se décompose un peu plus, à chaque mot, envolé son aplomb. Elle ouvre la bouche mais aucun son ne consent à filtrer, les paroles sont coincées au fond de sa gorge. Et elle se sent conne, stupide. Elle le contemple, distingue la grimace de douleur dépeinte par son visage, distingue le sarcasme, l’accablement. Elle a envie de partir, de ne pas subir ça, de se défiler tout simplement. Elle ne s’en fout pas, de lui, de sa douleur, de ses blessures, de ses actions, elle aimerait pourtant. Bien sûr qu’elle se soucie, mais elle préférerait se soucier d’elle uniquement, rester égoïste. Reese, Mina, Noah, Josh. La liste est déjà trop longue à ses yeux. Elle n’a pas envie de lui accorder de l’importance, mais c’est plus fort qu’elle, alors elle jongle entre tout ça, elle se casse la figure à maintes reprises. Elle fait comme elle peut, combinant fierté, maladresses et gestes blessants. Qu’est-ce qu’il veut qu’elle dise ? Qu’elle réponde ? Oui, elle a quelques pistes à ce sujet, mais elle ne les apprécie pas du tout, elle ne veut pas s’y résoudre. Alors quoi ? Elle se contente de rester là, renfrognée et indécise face à lui, ne sachant comment s’y prendre.
Il se détourne, brisant leur échange de regards fulminants. Elle est impuissante face à sa fuite, elle veut qu’ils parlent, qu’ils… Elle n’en sait trop rien. « Harrison. » claque-t-elle fermement, l’irritation on ne peut plus palpable. Il ne tressaille pas, continue sa route, alors qu’elle reste plantée là, une moue excédée crispant ses traits. Elle jette un coup d’œil aux alentours, tout se ressemble, elle n’a pas réellement prêté attention au chemin emprunté par l’éclaireur, bien qu’elle se doute qu’ils ne doivent pas être bien loin de la mine. La distance s’immisce entre eux, s’épaissit, sans qu’il ne s’en soucie, du moins pas encore, nul doute qu’il aurait éventuellement rendu les armes, marquant un temps d’arrêt. Elle espère. Un soupir prononcé s’échappe de ses lèvres, exprimant l’ampleur de sa contrariété. Elle cède, Rory, pour une fois elle cède, pressant le pas afin de le rejoindre. Son esprit n’est qu’une sorte de brume massive, incompréhensible, elle en perd sa répartie. Peut-être parce qu’elle sait qu’elle est en tort et qu’il a raison, qu’elle ne pourra pas renverser la situation, pas cette fois-ci. « Je ne sais pas quoi faire pour arranger ça. » Ce n’est qu’un souffle, un aveu pénible. Elle continue de marcher, le suivant à la trace, il va bien daigner par lui accorder son attention à un moment ou un autre. « Ce n’est pas mon genre de recoller les morceaux. »De m’excuser. Pas du tout son domaine. Rory ne s’excuse pas, non, elle fuit, elle abandonne, elle attend que l’autre revienne à elle, elle se trouve des excuses. « Tu es l’initiateur de cette pagaille, autant que moi, même plus. » Injuste de sa part peut-être. Mais après tout, il n’est pas en reste. Il lui a fait ses adieux, il lui a fait peur, il l’a rendue inquiète, il a initié ce semblant de contact entre eux, ce faux baiser étrange, il a éveillé elle ne sait quoi en elle. Et maintenant, ils en sont là.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Lun 17 Avr - 1:20
Entendre les trois syllabes de son nom lui donne envie d'obéir (quel clébard admirablement dressé par Anita Jones !) mais Harrison s'obstine à avaler les mètres de terre moite et de feuilles tassées. Il n'éprouve aucune vraie colère. Il l'invente. Des éclats qui labourent dans le vif de sa cuisse, il se fait une rancune suffisamment solide pour s'acharner vers l'avant. Et, assez vite, l'éclaireur ne perçoit plus rien de sa poursuivante. Ça ne le frappe pas tout de suite – c'est qu'il n'est pas si dépourvu de hargne que ça finalement. Il lui en veut. Pas comme elle croit, pas du tout. Il lui en veut cependant. Son vieil instinct n'en est pas complètement asphyxié et, dès la distance entre eux devenue plus sérieuse, une inquiétude le grignote dans les tempes. Bien qu'ils soient encore proches d'Hamilton à pouvoir appeler à l'aide, il suffit d'une seconde d'une attention relâchée, d'une négligence de sa part... Ne pas se retourner devient pénible. Mais s'il est question de la vie de Rory, Harrison la laisserait gagner. Encore.
Il va le faire, il va s'assurer qu'ils sont toujours seuls et que le seul péril qui guette, c'est elle. Ou lui. Ou eux. Elle est sur ses talons avant que le frisson, dévorant l'échine d'Harrison, ne l'oblige à céder. Tout à la fois surpris et soulagé, il se prend à croire qu'elle va s'excuser sans non plus la mirer. D'abord, il constate qu'elle n'est pas simplement partie. Elle aurait pu, et ç'aurait été un grand classique, du pur Rory Wheeler. Ensuite, il est forcé d'admettre que ça se rapproche d'un mea culpa. Bien sûr, on pourrait jouer au jeu des mille différences entre de véritables excuses et ce qu'elle dit... tout de même, Harrison est capable d'apprécier la déviation. Il n'a aucune idée de l'effort que ça peut être. Il sait en revanche que c'est peu commun. Si c'est très loin de suffire, sa cadence ralentit. Et Rory l'aurait rattrapé sans mal s'il n'avait fait volte-face.
« Je ne vais pas m'excuser pour ce que j'ai fait. » L'éclaireur ne se contente pas de l'affronter, il la repousse dos contre un tronc. Ses phalanges quittent difficilement l'épaule et, sitôt le geste entrepris, il les reprend comme de s'être brûlé. Son regard, lui, balaie à la circulaire. Après sept ans à vivre l'apocalypse, il sent bien que sa vigilance s'affaiblit. C'est dangereux, même inconscient. Sur le moment, il ne sait rien faire d'autre qu'ignorer la mise en garde de ses sens, parce qu'il est parfaitement obnubilé par la fille devant lui. « Et je ne vais pas m'excuser de ne pas être mort. » Ce serait assurément plus simple. Avant de partir, Harrison avait tout arrangé en ce sens. Ses adieux n'avaient pas été excessifs, pas expansifs non plus. Joe et lui n'avaient échangé que des recommandations, et une étreinte. Jusqu'au dernier moment, elle aurait changé de place avec lui. Il aurait suffi qu'il le demande. Pour plein de raisons, ç'aurait été plus simple. Et, maintenant, ils en sont là.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Mar 18 Avr - 0:23
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Elle n’a jamais su comment se comporter avec lui. Leur rencontre n’a rien de commune, l’attachement qu’il éprouve à son égard n’a rien de classique et la réciprocité de ce dernier a toujours été étouffée. Alors, elle s’est contentée de le rabrouer, donner le change, le faire tourner en bourrique, et ça lui suffisait jusqu’à présent. Du moins, il s’en accommodait, ne s’en plaignait pas. Mais la peur, la perspective inévitable de sa mort, ont tout bousculé, changeant la donne. Pour lui. Pour elle aussi. Mais il est revenu, il respire encore, il est intact, presque indemne et maintenant, le monde tourne à l’envers. Elle a la très nette sensation d’être paumée, de se contredire sans cesse et d’empirer la situation peu importe ses gestes, ses mots. Elle aurait pu continuer à l’ignorer, à se murer dans le silence. Le fait est que l’idée que lui, puisse l’ignorer, nier sa présence, l’insupporte. Ce qui s’applique à elle ne s’applique pas à lui. Pourquoi ? Parce qu’elle l’a décidé. Elle a besoin de son attention, elle veut compter. Et, plus il s’avance, s’obstinant à lui tourner le dos, à ne lui prêter aucune once d’attention, plus la fébrilité, la contrariété, s’immiscent en elle, omniprésentes. Elle serre les poings, ses ongles égratignant ses paumes. Renoncer, revenir sur ses pas. Persévérer, lui agripper le bras, l’obligeant à lui faire face. Grande hésitation, qu’elle ne devra cependant jamais trancher. Il ralentit, fait demi-tour.
Elle retient son souffle, calée contre l’écorce, sans qu’elle ne puisse anticiper le geste de l’éclaireur. Réflexes merdiques. Il n’est pas d’accord, il ne veut pas aller dans son sens, capituler, pas cette fois. C’en est irritant, agaçant. Ils sont loin de leurs petits jeux, de leurs joutes verbales salées. Jusqu’ici, elle a toujours plus ou moins réussi, et ce sans réelle difficulté, à le mener en quelque sorte par le bout du nez. Elle n’est pas certaine d’avoir envie que les choses changent, trop attachée à la routine, à obtenir le dernier mot. Les pupilles brillantes le défient, le foudroient, ne le quittant pas une seconde, même pas pour jeter un coup d’œil aux alentours, s’assurer de leur solitude. « D’accord, tu n’as pas l’intention de t’excuser, j’ai compris. » Elle pince les lèvres, indécise, peut-être troublée par cette soudaine proximité. Elle hésite, pas certaine de vouloir se détacher, pas certaine non plus d’en vouloir davantage. L’incertitude même, elle n’est qu’un amas d’incertitudes, voilà tout. Mais la fierté, l’orgueil, ils l’emportent toujours. « Et, qu’est-ce que tu comptes faire au juste ? » Froid, tranchant, défiant peut-être. En réalité, elle ne sait pas quoi dire non plus, elle ne veut pas s’excuser, elle est bien trop butée, point barre. Et, elle n’a certainement pas l’intention de lui faciliter la vie. Il n’est pas mort certes, il n’empêche qu’il risque de regretter sa condition, de s'en mordre les doigts tôt ou tard. À ce stade, elle en vient à se demander ce qu’elle désire vraiment, recoller les morceaux ou écraser les dernières miettes de leur pseudo relation indéfinissable. « Je propose que tu me lâches et qu’on rentre. Tout ça, cette discussion bancale, ça ne mène à rien. » qu’elle rétorque presque aussitôt, ne lui laissant pas l’occasion de répondre à sa précédente question, prenant la fuite surtout. Non pas qu’elle s’attendait à quoi que ce soit en particulier, à ce que ça les mène quelque part. Ce qu’elle voulait, c’est que tout rentre dans l’ordre, que tout soit comme avant, avant leurs étranges adieux, avant l’intrusion des jackals à Olympia. Ce n’était pas parfait, pas du tout, mais elle avait le contrôle. Mais c’est trop tard pour ça, trop tard pour faire marche arrière.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Mer 19 Avr - 22:29
Il n'aime pas se tenir près d'elle. Ou plutôt si, et ce frémissement tiède l'oblige à prendre conscience du gigantisme de sa bêtise. Il est con, bien plus qu'il ne l'a dit et bien plus que Rory ne le pensait de lui. Car, en dépits de ce qu'elle crache, de ce qu'elle lui vomit à la figure, en dépits de sa morgue et de son détachement, Harrison est bouffé par le plaisir d'être proche, proche à la toucher et proche à la retenir. Plutôt que de tirer des conclusions de ce mépris de lui-même, il s'attarde sur le délai qu'elle prend, toutes ces secondes qu'elle met à rétorquer. Interpréter cette réticence serait une piteuse idée et, au début, il s'abstient de le faire. Seulement, un court instant, Rory ne dit rien du tout. Sa superbe s'entame quelque peu. Son bel orgueil avec. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il se rebiffe, grogne, morde – pas méchamment, en plus, mais davantage qu'ils n'en ont l'habitude. De cet espace fugace aussi, Harrison tire une certaine émotion. C'est ténu, volatile ; ça disparaît dès qu'elle entrouvre les lèvres.
L'éclaireur marque un temps, parce qu'il n'a pas songé à ce qu'il ferait ensuite. Il hésite. Une bonne partie de lui voudrait forcer une discussion. Elle ne pourrait pas s'envoler, pas tellement fuir, et il finirait par obtenir une chose tangible, une chose quelconque mais certaine. Ça conduirait assurément à une dispute, peut-être pire, et à la menace tout aussi palpable de la distancer définitivement. Le risque est considérable, et il vient tout juste de s'en sortir vivant. Alors Harrison va pencher différemment, ce dont il n'a ni le temps ni l'occasion. Rory le devance, comme elle le fait toujours, et elle lui dicte les conditions de tous les moments de sa vie. Spontanément, il s'exécute et la relâche. D'un pas en arrière, il rétablit un écart suffisant – qu'une autre époque aurait qualifié de décent. Le mineur est, de toute façon, trop gentil et trop prévenant pour embarrasser quiconque (une femme, du reste) de sa présence et de ses gestes. Ça n'estompe pas non plus tous ses griefs, pas plus que ça ne dilue la bile qui creuse dans son palais et dans sa gorge chaque fois que l'ancienne olympienne s'en prend à lui. « Ça te tuerait de dire que t'es désolée... ? » Le timbre est moins hostile. C'est en partie car Harrison est plus fébrile. Sa douleur le travaille plus fort dans la chair. Il est possible qu'il l'imagine, qu'il la grandisse. Il est possible que soutenir le regard de Rory lui fasse préférer la brûlure dans sa cuisse. « Ou juste que t'es contente que je sois pas mort ? » Harrison le reproche, et la colère rehausse l'intonation. Pour ravaler ce qu'il ne veut pas dire, pas livrer, il croque dans la pulpe de sa lèvre jusqu'à ce que la souffrance soit entêtante. Il n'a pas envie de déverser toute son animosité sur elle. Il n'a pas non plus envie qu'elle comprenne à quel point son avis compte. Après des jours, des semaines, à mentir à Anita, à Joe, à la moitié d'Hamilton, après avoir vu les occupants de la Carrière mourir les uns après les autres, après être sorti de la Mine, la peau et le sang à portée de mâchoires avides de le dévorer, et après avoir tant lutté pour survivre et y être, contre toute probabilité, parvenu... l'opinion de Rory compte plus que tout. « Qu'est-ce que ça changerait ? Parce que, moi, je crois que j'en ai besoin. J'en ai vraiment besoin. Alors que, toi... ça te coûterait quoi ? Trois ou quatre mots ? » Il n'a pas entendu son ton grimper, se nimber d'amertume – et de détresse, aussi. C'est injuste de le demander, il le sait. Et c'est artificieux, de le réclamer. Harrison le sait aussi. « Personne ne le saurait. » Et il s'en moque. « Que moi. »
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Ven 21 Avr - 1:39
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Il recule, un pas, deux pas, relâchant la faible pression exercée sur son épaule. La nervosité, le nœud lui crispant l'estomac, s'estompent, remplacés sans attendre par cette pointe indéniable de frustration. Elle pourrait tourner les talons, suivre ses propres recommandations, mettre un terme à ce moment indéfinissable. Elle reste calée contre l’écorce, sac à dos à ses pieds, l'air renfrogné. De toute façon, qu'est-ce qui peut bien en ressortir de concret, de bon, de cet échange ? Des éclats de voix, des vérités enfouies, des mots regrettés. Ça n'en vaut pas la peine, pas réellement. Ils vont se blesser, s'écorcher mutuellement. Ils devraient oublier ces dernières semaines, s'oublier peut-être aussi. Elle n'aime pas cette seconde option, elle s'en rend compte à la seconde où elle s'immisce dans son esprit, la rayant presque immédiatement, ignorant son existence. À quel instant est-il devenu indispensable, irremplaçable ? Quand est-ce qu'ils ont franchi ce point de non-retour ? Aucune idée, mais, est-ce que ça vaut la peine de savoir, de s'encombrer des détails ? Les faits sont là, sous ses yeux, elle ne peut pas nier, pas cette fois. Alors, qu'est-ce qu'elle est supposée faire maintenant ? Les sentiments, même les siens, ça la dépassent.
Elle s'efforce de tendre l'oreille, ne pas l'interrompre, l'écouter pour une fois, jusqu'au bout. Il ne comprend pas. Elle lui en veut. « Ce ne sont pas que des mots. » Ce n'est pas aussi simple. C'est bien plus. Une preuve de faiblesse. Un aveu incluant des conséquences. Il s'obstine, l'amertume perçant son timbre. Elle n'a jamais eu conscience de l'impact de son ignorance orchestrée de toutes pièces. Parce qu'elle pensait les préserver, tous les deux, mais surtout elle, c'est certain. Elle s'en veut à elle aussi, maintenant. Elle est touchée, elle se sent minable, elle est en colère. Contre lui. Contre elle. « Parce que, ça te plaît d'entendre que je me suis inquiétée pour toi ? » Elle trouve ça mauvais, injuste de la part de l'éclaireur. Il n'a pas le droit de lui demander ça, de la forcer à se confier, à avouer. « Que j'ai eu la trouille ? » Elle s'avance, le foudroie du regard. Ça lui coûte, ça lui coûte beaucoup, contrairement à ce qu'il peut bien s'imaginer. Il n'est pas question des autres, elle s'en fiche des autres, de leur jugement, il ne compte pas. Il est question d'eux et du fait qu'ils foncent droit dans le mur. Oui, elle s'avance peut-être, elle est peut-être trop défaitiste, pour ne pas dire fataliste, mais qui peut l'en blâmer ? « Que je n'ai pas franchi le seuil de l’infirmerie parce que je ne voulais pas te voir comme ça, dans cet état ? » Les paumes se plaquent fermement contre le torse du mineur, le repoussant légèrement en arrière, faisant fi de ses blessures encore fraîches. Le geste exprimant la moindre parcelle d'insatisfaction, d'exaspération, la rongeant de l'intérieur. « Que j'ai tanné Maxine pour avoir de tes nouvelles ? » Les mots s’enchaînent, pourtant, l'énervement s'envole de plus en plus, sa voix s'éteint, ne devenant qu'un souffle, un murmure. « Que l'unique raison pour laquelle je n'ai pas encore rebroussé chemin, c'est parce que tu es blessé, et qu'encore une fois, j'ai la trouille que tu ne rentres pas ? » Elle aimerait claquer des doigts, effacer, recommencer, qu'il disparaisse. « Ça te plaît ? Tu es satisfait ? » Elle se détourne, enfuyant l'espace d'un instant son visage entre ses mains. Le ton n'est même plus acéré, il a perdu de son mordant. Elle ne sent pas délivrée, ni même plus légère. Le poids est toujours présent, lui alourdissant la poitrine. Elle espère qu'il y trouve au moins une certaine satisfaction, maintenant qu'il sait, qu'il l'a entendu de sa propre bouche. Avouer, ça n'a rien de soulageant, elle se sent plus effrayée que jamais.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Ven 21 Avr - 11:55
Les mots sont importants, d'autant plus primordiaux qu'on n'a plus toute la vie pour les prononcer chacun à leur tour. Cette valeur n'est pas dédaignée par l'éclaireur. Au contraire. Il a failli mourir. Ils le font tous les jours. Et, bientôt, très bientôt, ils seront encore en sécurité. Si cette sûreté est toujours relative et toujours précaire, elle prend des airs simples d'accalmie. En fin de compte, on s'accoutume : une journée où il n'y a ni mort ni incident est une bonne journée. On a moins peur, moins mal. On sent les choses avec moins d'urgence. Bientôt, Harrison le sait, il ne pourra plus obliger Rory à lui dire ce qu'elle refuse obstinément de proférer.
Alors, au risque de la blesser, il la provoque.
C'est moins conscient que ce qu'il croit. Son besoin est réel, plus vaste qu'il n'est capable de le discerner. Chaque jour qui passe, chaque jour depuis qu'elle est arrivée à la Mine, il ne fait plus que tolérer de lui être enchaîné sans rien reprendre. Le vice, c'est que ça ne soit pas entièrement le fait de Rory Wheeler. Ils se sont rencontrés et il n'a plus su se la sortir du crâne. Elle est demeurée là, comme une petite idée stupide, une mélodie répétitive. Sans même la connaître, il s'était déjà habitué à son existence.
Alors, oui, ça lui plait de l'entendre, entendre qu'elle s'est inquiétée. Pas un peu. Vraiment. Putain, oui, ça lui plait. Non qu'Harrison prenne un plaisir sadique à l'effrayer mais parce qu'il n'en pouvait plus de le deviner, de le croire, de l'espérer, sans l'obtenir de son propre aveu, enfin. Alors il tient en place (en tous les cas, il essaie) quand elle approche et quand elle le pousse à deux mains. Ça va des gestes jusqu'au timbre : elle est en colère après lui. Elle lui en veut. Tant pis pour cela aussi ; Harrison préfère sa colère à son indifférence. Il préfère tout au flegme impitoyable. « Rory, attends. » Sa tentative est tiède, nimbée de prudence. Ses doigts se referment sciemment dans le vide, car il n'ose plus la toucher. Et puis elle ne sait pas s'arrêter. Il note mentalement que Maxine ne lui a rien dit. Il n'a pas le temps pour cette pensée, alors il la plie et la range dans un coin de son esprit. Plus tard, il l'ouvrira. Pour le moment, il ne fait rien que s'abreuver directement aux lèvres, capter chaque syllabe, les engranger avec la conviction qu'il ne faudrait en perdre aucune. Et, plusieurs fois, Harrison veut l'interrompre, lui dire que c'est assez. À chaque nouveau trait, il veut dire qu'il s'en contentera, qu'elle peut même rebrousser chemin, qu'il rentrera quoi qu'il arrive et qu'il sera sain et sauf. Rien ne sort, rien du tout. Harrison ne veut pas qu'elle parte, quitte à lui offrir de sales raisons.
« Ça te plait ? Tu es satisfait ? » Rory cesse aussitôt de le regarder. Et, cette fois, il la rattrape. Sa paume enveloppe l'épaule, l'os et la chair. « Je ne suis pas satisfait... » Coincée qu'elle est entre lui et le tronc, l'éclaireur met plus de précaution dans sa voix à défaut de la soulager de sa présence. « Mais je préfère le savoir. » S'il étreint plus fort, c'est en restant attentif à la résistance. « Je préfère le savoir, il répète doucement. Et ce n'est pas si grave. » Son intuition lui souffle qu'elle ne le croira pas. Il le croit suffisamment pour deux.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 23 Avr - 1:44
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Elle est à bout de souffle, à fleur de peau, vulnérable. Elle l’a toujours été, vulnérable, mais au moins pouvait-elle prétendre le contraire. Elle veut tout oublier, tout effacer. Elle ne le regarde plus, malgré la main pressant son épaule, fixant avec ferveur un point invisible, les lèvres crispées en une moue confuse. Elle est échauffée, énervée, contre elle, contre lui surtout. Pas le moins du monde soulagée, plutôt contrariée. Ça ne rime à rien tout ça, toutes ces révélations volées, forcées. Il n’avait pas le droit, il a osé pourtant et ça l’enrage qu’il brise son château de cartes bien travaillé. Pourtant, elle n’a plus la force d’hurler, de lui cracher au visage cette multitude de paroles amères dont elle a le secret. Elle n’a pas le courage de l’affronter, ni même celui de se dégager de son emprise, de son contact. Elle ne sait plus rien, parce qu’il a tout balayé, il a tout bousculé.
Maintenant, ils sont tels deux idiots, causant sentiments au beau milieu de la forêt, inconscients qu’ils sont.
La voix est prudente, prévenante, elle a bien conscience de la tentative ratée destinée à l’apaiser. Ça ne fonctionne pas, parce que les mots qu’elle entend, ce ne sont pas les bons. Il n’est pas satisfait. Elle non plus. Il devrait se contenter de cette confession durement arrachée, la ramener à Hamilton, clore le chapitre. Parce que c’est ce qui est préférable. Et, ce qui est préférable, c’est toujours plus, beaucoup plus, raisonnable que cette indécision chaotique lui brouillant le crâne. Peut-être qu’elle ne sait pas clairement ce qu’elle veut, mais elle sait ce dont elle ne veut pas. Elle ne veut pas qu’il prenne plus de place, qu’il devienne encore plus important, qu’elle s’imprègne de lui. Elle ne veut pas s’inquiéter, se soucier, s’éprendre. C’est exactement ce qui est sur le point de se produire. Il ne fait rien pour l’en empêcher, parce qu’il ne pense pas à elle, surement pas, mais à lui. « Bien sûr que c’est grave, Harrison. » La pointe d’agacement est palpable. Encore une fois, ils sont en désaccord, gros désaccord. Ils ne vivent pas dans le même monde ou quoi ? Il semble que non, de toute évidence, étant donné le décalage immense les séparant. Ce n’est même plus un décalage, c’est un fossé. « Et, qu’est-ce que ça change, au juste ? » Rien, c’est d’autant plus dur, d’autant plus frustrant pour lui, d’autant plus pénible pour elle. Elle le considère à nouveau, enfouissant ses prunelles dans les siennes. « De savoir ? » Elle ne le comprend pas. Ils n’envisagent pas les choses de la même manière, pas du tout, le fameux fossé se creuse toujours plus. Elle a la sensation d’être à nu, devant lui, elle n’apprécie pas. L’indifférence feinte, elle la regrette déjà. Parce que ça ne fonctionnera plus, plus maintenant, elle ne pourra plus simplement se montrer indifférente à son égard, se réfugier dans sa désinvolture, ça sonnerait faux. « Mis à part ne pas te satisfaire apparemment ? » Est-ce qu’elle souhaite sincèrement en connaitre la réponse ? Pas vraiment. Peu importe ce qu’il en est, ce ne sera jamais valable à ses yeux, jamais suffisant. Alors, autant ne pas perdre de temps, puisque la réponse ne l’intéresse pas. Elle soupire, exaspérée, mais surtout abattue. Les mains de l’ancienne Olympienne rencontrent une nouvelle fois le torse de l’éclaireur, le geste est moins brusque, moins empressé, pourtant l’intention est la même qu’il y a quelques instants. Ou peut-être que non finalement. Les paumes effleurent à la place de repousser, à la place de se dégager, retombant bien vite le long de ses propres cuisses. Elle jure mentalement, mordillant l’intérieur de sa joue. « Mis à part tout compliquer bêtement ? » Mis à part les empêtrer dans une situation impossible. Une situation qui ne peut que forcément mal se terminer, les décevoir.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 23 Avr - 14:53
« Bien sûr que c’est grave, Harrison. - Ce n’est pas grave, bute obstinément l’éclaireur. »
Peut-être qu’à force, qu’à le lui répéter cent, mille fois, Rory se laissera convaincre. Peut-être qu’à défaut de la convaincre, il saura disperser une fraction, même négligeable, de son angoisse. Harrison n’est pas sûr de ce qu’elle redoute tant ; mettre des mots sur ce qu’ils savaient déjà ne transmute presque rien. Ils se connaissent trop mal pour concevoir le point de vue de l’autre et, fichtrement incapables de se l’expliquer calmement, ils restent de part et d’autre d’un gouffre quasi imaginaire. Ce n’est pas faute de se creuser les méninges à la recherche des mots qu’elle souhaite entendre… Il lui doit bien ça – une sorte de repli, une tentative de se recroqueviller, de faire en sorte que ça ne compte pas, de feindre qu’il ne s’est rien passé et qu’ils ne se sont rien dit. Encore que ça lui coûte, Harrison le ferait pour elle. Il veut essayer. Il y parviendrait.
Il se produit néanmoins une chose : Rory le regarde encore.
Depuis môme, Harrison est doué avec les gens. Il ne l’a jamais été avec les filles – les femmes, à l’exception de ses sœurs (Josephine entre dans cette catégorie et ne produit, par conséquent, aucune difficulté). Il ne saurait pas expliquer ce que Rory lui fait, et encore moins ce que ça change. À son sujet, ses pensées sont confuses. Il sait qu’il a détesté la savoir à la Mine. Il sait qu’il préférait encore qu’elle le haïsse depuis Olympia. Il sait qu’il a aimé qu’elle s’inquiète, un peu, pour lui. Il sait qu’il a voulu revenir, survivre, un peu pour elle. Cet amas de simili certitudes lui suffit amplement, et il n’y a pas tant de questions pour lui monter au crâne. Il est définitivement plus prosaïque qu’elle ne l’est. Ses pupilles se décrochent afin de contempler les doigts qui le repoussent moins qu’ils ne le frôlent. Voilà ce que ça change.
« Tais-toi. » Pour compenser le timbre péremptoire, la voix est basse. Harrison dresse tout de suite l’index au-delà des arbres. Le grognement se fait grondement, tandis que deux, puis trois, têtes décharnées se dégagent d’entre les troncs et oscillent à plusieurs mètres de là. Si les rôdeurs sont encore loin (et ne les ont apparemment ni flairés ni aperçus), l’éclaireur sait trop bien qu’il ne peut ni se battre ni fuir comme il le veut. Sa négligence leur a déjà permis d’approcher sans qu’il s’en rende compte et, par excès de prudence, il attrape le bras de Rory – cette fois, sans précaution – avant de l’entraîner à la toute opposée.
Il connaît bien les environs d’Hamilton. C’est aussi là qu’il a passé plusieurs heures, la semaine dernière, à se cacher et à attendre. De tous les refuges qu’il connaît, Harrison choisit une ancienne cavité – une vieille entrée de la Mine, rebouchée il y a longtemps mais profonde d’une centaine de mètres. Son goulot est facile à défendre et, surtout, il est bordé par une clairière qui permet d’observer les alentours sur cinquante mètres. Si les rôdeurs sont isolés, ils le verront, pourront aisément les contourner et rentrer. Dans le cas où il s’agirait d’une horde (comme c’est devenu de plus en plus fréquent depuis le début de l’année), ils devront patienter dans ce giron faussement sécurisé. Loin de consulter Rory sur sa stratégie, il s’enfonce dans l’ersatz de tunnel et la pousse contre la paroi. La paume libérée est assidûment plaquée contre la garde de son couteau et il braque le regard sur chaque secteur. Il les inspecte les uns après les autres. On ne voit ni n’entend plus rien. Rasséréné par ce constat, il réalise soudain qu’il ne s’est pas tout à fait détaché de la jeune femme. Comme ils sont proches à se toucher, et qu’Harrison entre un peu mieux dans la galerie pour se dissimuler, il se penche sur Rory plutôt que de se dégager. « Est-ce que je peux t'embrasser ? » Ça n’est pas plus qu’un murmure, un souffle tiède, tandis que son regard loge une vraie détermination. Il le demande pourtant avec humilité. On sent qu’il ne ferait rien sans y être autorisé. On sent qu’il ne reculera pas avant qu’elle ne l’ait ordonné. « Ça restera ici, si tu veux. »
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 23 Avr - 22:49
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Il est optimiste pour deux, Harrison, entêté comme jamais. Force est de lui reconnaître cette qualité, bien qu’elle ne sache pas réellement si elle apprécie cette facette. Elle en vient à baisser sa garde, chose qu’elle ne juge pas plaisante, même si, il faut bien l’admettre, se montrer vraiment, telle qu’elle est, lui a manqué. C’est une routine usante, de mentir, de prétendre. Mauvaise habitude lui collant à la peau depuis ce début d’apocalypse désastreux, depuis son séjour dans cette secte de minables. Alors, oui, peut-être qu’elle en éprouve une certaine libération au final, une libération qu’elle n’assume pas forcément. Peut-être qu’elle peut cesser, parfois, de se comporter égoïstement, de jouer la carte de l’indifférence feinte. Elle a le sentiment qu’il contrebalance tous ses défauts, qu’ils s’équilibrent. Qui d’autre, si ce n’est lui, pourrait compenser son fatalisme à outrance, son dédain constant, son impertinence blessante, ses maladresses à répétition et sa susceptibilité hors pair ? Pour sûr, elle ne comprend pas ce qu’il fait encore là, ce qu’il lui trouve exactement. Elle, elle aurait abandonné, il y a bien longtemps déjà. Mais, il n’est pas comme elle, fort heureusement, parce qu’elle n’a pas envie qu’il renonce.
Elle se tait, obtempère, chose rare, fronçant les sourcils en signe de mécontentement. Pas bien certaine de ce que ça signifie, s’il n’en peut déjà plus d’elle, de son acharnement à vouloir prouver que tout ça ne mène à rien, si ce n’est à une impasse. Elle suit l’index du regard, rencontrant les silhouettes putrides, menaçantes. D’accord, dans un sens, elle est soulagée. L’étreinte se resserre, elle se laisse entraîner, le talonne, bien consciente de la situation, bien consciente que de toute façon il ne lui donne pas le choix. Il n’est pas au meilleur de sa forme, elle n’est pas experte en extermination de rôdeurs, pas quand ça en inclut plusieurs. Et puis, les hordes ont tendance à déambuler ces derniers temps, loin d’elle l’envie de se retrouver coincée entre plusieurs mâchoires avides. Il n’a aucune idée d’où elle se trouve, aucun point de repère, sa non-connaissance certaine des alentours lui faisant défaut. Tout se ressemble pour Rory, pas réellement affûtée d’un grand sens de l’orientation. Mais, elle n’a pas besoin de savoir, puisqu’il est là. Ils s’engouffrent dans la cavité, point de repli apparemment connu de l’éclaireur. Il est alerte pour deux, elle se contente d’attendre sagement, appuyée contre la paroi, toujours sous l’emprise de son contact.
Elle la perçoit très nettement, cette inquiétude tiraillant les traits d’Harrison, cet attachement qu’elle ne sait expliquer. Elle aimerait pouvoir l’estomper, la gommer, parce qu’il ne mérite pas de s’angoisser pour un cas désespéré comme elle. La question la laisse interdite, déconcertée, encore plus que sa proximité de laquelle elle n’arrive pas à se défaire, s’extirper. Elle est paralysée. « Je ne sais pas ce que je veux. » articule-t-elle péniblement, désarçonnée par les prunelles brillantes et résolues du mineur. « Ce n’est pas le moment. » Et, ce ne sera probablement jamais le bon moment, il n’y a plus de bons moments. Qu’ils soient dehors, exposés au danger, ou bien au chaud au sein de la mine, en sécurité. Elle sait que ce n’est pas la bonne réponse, ce n’est pas celle qu’il souhaite entendre. Peut-être que ce n’est pas non plus celle qu’elle avait réellement envie de prononcer. Pas peut-être, plutôt surement. Elle se ravise, le quittant des yeux pour frôler ses lèvres du regard, elle soupire, effleurant sa mâchoire du bout des doigts. Son indétermination, sa faiblesse, l’épuisent. Paupières closes, elle scelle leurs lèvres avec douceur, mettant un terme à l’attente, les étreignant avec plus de convoitise au fil des secondes. « Je te déteste, Harrison. » Elle se détache abruptement, recule, s'écartant sur la gauche. « Je n’ai pas envie de ressentir quoi que ce soit pour toi ou quiconque. » Mais l’envie, ou plutôt cette non envie, n’a rien à voir avec ce qu’elle ressent, avec ce qu’elle n’assume pas entièrement, ça ne se contrôle pas.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Lun 24 Avr - 0:07
C’est assez rare pour être remarquable : elle est surprise. Plus tard, Harrison se félicitera de cette performance. Pour le moment, il est figé par l’inquiétude, ankylosé par le savant mariage du silence et de l’attente. Son audace, que trop naturelle, et sa spontanéité, fort notoire, lui font dire les choses qu’il ne devrait pas (qu’en tous les cas Rory Wheeler et la plupart des gens mettraient dans cette catégorie et sous scellés). Il s’agit néanmoins d’un tout autre exercice, se suspendre à cette bouche qui ne lui répond pas tout de suite. Et l’éclaireur ne se cache pas, il scrute la courbe chaque fois que le regard ne requiert pas toute son attention. Quelque part, il lui doit un baiser. Un vrai. Qui prend son temps. Qui parle mieux que les mots. Qui n’est rien qu’un baiser, aussi. À s’égarer, Harrison la regarde parler avant que de l’entendre et, au fur et à mesure que les syllabes pénètrent dans son tympan et dans son crâne, il dresse les pupilles à rebours et sourit légèrement : « C’est tout ce que tu as trouvé... ce n’est pas le moment ? » Tandis qu’il le demande, son timbre oscille entre la moquerie et le soulagement. Parce qu’il l’est, soulagé, délivré d’une fraction de son fardeau. Une fille comme Rory sait dire non. Elle vous repousse sans sourciller, froidement, n’est-ce qu’à emprunter son sillage, n’est-ce qu’à subsister, là, dans ses parages. Et c’était l’occasion, l’instant pour lui briser l’affection et l’espoir. Il aurait suffi de peu de choses, quelques mots, même un seul, pour les anéantir. Mais ce n’est pas du tout ce qu’elle fait.
C’est à son tour de le surprendre, les phalanges à portée de la bouche et la bouche à la sienne. Le coeur manque un battement, jusqu’à frotter douloureusement contre les côtes. D’abord, Harrison la laisse faire, parce qu’il n’y a qu’à savourer, pleinement, intensément, comme si c’était la première et la dernière fois. Parce que ça l’est peut-être, sûrement. Puis il répond prudemment au baiser. Plusieurs fois, il veut la toucher. La frôler suffirait. Surtout, il ne veut pas que ça s’arrête. Les contours de ce baiser sont quelque peu surréalistes, et ça a un parfum d’impossible. S’il l’imagine, son optimisme confine à la folie. Très vite, il apprend qu’il ne l’invente pas. « Je te déteste, Harrison. » L’éclaireur devrait s’offusquer, ou quelque chose de cette espèce, alors que son sourire se ravive. C’est bel et bien Rory, et elle vient de l’embrasser. Il y a de quoi être satisfait et, si elle s’écarte, il se rapproche. « On n’a qu’à dire que je ne suis ni moi ni quiconque… » Son souffle s’écrase sur les lèvres, puis son rictus, et finalement les lippes elles-mêmes. Cette fois, la paume s’enroule autour de la mâchoire et sa main libre, qui ne pense plus guère à la garde de sa lame, s’appuie sur la paroi de l’ancien tunnel. Les sensations se répandent prestement, depuis la nuque jusqu’au bout des doigts, et il n’inspire qu’à dessein d’embrasser encore. Le temps que ça durera affecte peu la conscience du mineur. C’est peu dire qu’il s’en fiche, c’est peu dire qu’il est prêt à n’avoir aucun autre moment, aucun autre répit, que celui-là. Si c’est tout ce que Rory a à lui offrir, que cette minute, à laquelle ne succèdera que deux ou trois autres, Harrison en veut tous les aspects et toutes les inflexions. Il ne la relâche pas tout de suite. Et il ne relâche pas vraiment.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 30 Avr - 21:08
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Une pure bêtise. Une pure bêtise dont elle est l’initiatrice. Elle ne peut s’empêcher de se le répéter à l’infini, ça tourne en boucle, dans sa tête de mule. Elle ne se laisse pas aller, Rory, pas souvent. Elle préfère de loin user de son sarcasme habituel, de son dédain tout particulier également, deux arts qu’elle maîtrise à la perfection. Tant qu’elle garde le contrôle, c’est tout ce qui compte. Mais, elle a beau se cantonner à son rôle, elle reste humaine. Pas infaillible, pas aussi impassible qu’elle souhaiterait le paraître. Et, bon sang, qu’est-ce que ça fait du bien, de briser toutes les barrières existantes, de se lâcher, de perdre le contrôle. Elle n’en peut plus, d’elle, de ses émotions savamment orchestrées, de cette mise en scène. Elle se sent exister, l’espace de quelques secondes, indispensable aussi. Mais, elle ne devrait pas y accorder de l’importance, à ce baiser, à ce contact. Parce qu’elle préfère oublier plutôt que d’être déçue. Parce que ça ne peut pas fonctionner, ni avec lui, ni avec quiconque. Parce qu’elle ne se le permet pas, tout simplement. Et, il le sait, elle le lui répète sans cesse. Et, pourtant, il persiste, déterminé.
Elle est dure avec lui. C’est intentionnel. C’est dans l’espoir qu’il prenne ses distances de lui-même, elle n’est plus certaine de pouvoir le repousser avec autant d’ardeur, elle perd de son aplomb au fil du temps. Elle ne le déteste pas, jamais, mais les mots sont là pour blesser, marquer. Elle le veut, elle veut le haïr. Impossible. Mais, lui, il s’en fiche. Il a le sourire qui se ravive, les yeux qui pétillent. Il est fou, de s’accrocher encore. Même si, en réalité, ce serait stupide d’abandonner maintenant, maintenant qu’elle a cédé. Elle a envie de protester. Il n’est pas quiconque. Il est lui. Harrison Roe. Optimiste agaçant. Et, c’est surtout ça le nœud du problème. Il est lui, il est tout ce dont elle ne peut plus se passer. Elle ne riposte pas, c’est la délivrance, à nouveau. Les lèvres épousent les siennes, encore, inlassablement, inassouvies. Les sensations sont exquises, elle s’y perd, frissonnant. Elle ne refrène plus rien, ni les impressions, ni les sentiments. Les bras se nouent autour de la nuque, étreigne l’éclaireur de toutes ses forces, rompant cette infime distance persistante, contraignante. Envolée la gêne, balayée l’appréhension. Chaque parcelle de son être bouillonne. Elle se cramponne au désordre harmonieux de ses sens, chassant la réalité. Mais, cette réalité contrariante, elle ne peut l’oublier à jamais. Elle s’immisce, de seconde en seconde, tandis qu’elle s’agrippe aux perceptions délicates, savoureuses. Elle rompt l’instant d’égarement, sans pour autant relâcher le mineur, sans pour autant le libérer de son emprise. Les souffles s’entremêlent, se confondent, l’espace d’un moment silencieux. « Il faut qu’on arrête. Il faut que tu arrêtes d’être si… d’être toi. » Ça lui faciliterait la vie. Les mots écorchent sa langue, résonnent de façon incroyablement fausse. Elle ne veut pas que l’instant prenne fin, évidemment que non. Parce qu’après, après quoi exactement ? Ils vont reprendre leurs petits jeux, leur manège ? « Je ne vais pas pouvoir laisser ça derrière-moi, ici, si on continue. » Parce que, elle, elle veut l’oublier, question de facilité, mais lui, il n’a pas le droit, elle ne le veut pas. Horriblement égoïste de sa part, pas surprenant. Elle ne supporterait pas d’être reléguée au second plan, de n’être que l’écho d’un moment éphémère. Elle ne supporterait pas qu’une autre personne prenne sa place, indéfinissable place, malgré tout, malgré le fait qu’elle n’en veut pas, pas volontairement en tout cas. Il n’a rien vu de sa jalousie injustifiée, après tout, il ne lui doit rien. Mais, c’est plus fort qu’elle. Alors, surement que ça vaut mieux, qu’ils cessent maintenant, à moins que ce ne soit déjà trop tard. « Je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que tu persistes ? T’es complètement maso, Harrison. » Elle sourit, les paumes se dénouent, glissent sur les épaules. Tout est si compliqué, pourtant, tout semble si simple pour lui.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Mer 10 Mai - 17:06
Harrison n’a aucune envie d’arrêter. De ces dernières minutes, il tire deux certitudes : il aime embrasser Rory Wheeler et il aimerait le faire encore. Une urgence lui susurre, en sus, que ça n’est pas appelé à se reproduire. Les circonstances de ce baiser, enfoui dans l’alcôve d’un ancien tunnel d’Hamilton, sont très particulières et l’armure de la jeune femme n’est que momentanément entrouverte pour lui. On dirait un de ces hasards qui font se percuter deux astéroïdes dont les trajectoires ne sont jamais appelées à se croiser à l’exception d’une chance sur quelques millions. Puis, l’impact prodigieux accompli, plus rien pendant plusieurs centaines d’années.
Qui voudrait abréger un tel instant ?
« Je ne vais pas pouvoir laisser ça derrière moi, ici, si on continue. - On n’est pas obligés. »
Il souffle sans éclat particulier dans le regard ou dans la voix. L’éclaireur ne prétend pas lui promettre quoi que ce soit – et on ne peut plus promettre grand-chose dans ce monde-ci sans risquer facilement le parjure. Néanmoins, Harrison préfère encore qu’elle ait le choix, tout le choix. Il n’y a pas grand-monde, à la Mine, qui ignore combien il s’est entiché de Rory. Ça n’est, pour certains, qu’une rumeur qu’on prend pour une histoire. Pour d’autres, ça a l’aspect d’une chose qu’on assimile à force de se voir répéter les mêmes bruits de galerie. Et il y a Joe, surtout, et Maxine. Alors ce baiser, loin de tout bouleverser, couronne simplement sa patience. De plus, il figure désormais en bonne place dans ses souvenirs. Il renforce son opiniâtreté. Il encourage son optimisme. Il reconstruit quelque chose, d’impalpable, d’insensible, dans son être. Ça peut n’être que ça, un pansement qu’on appose sur leurs démêlés difficiles de ces derniers temps, et puis c’est tout. En vérité, Harrison serait surpris que Rory agisse différemment – comme s’il ne s’était rien passé, que ça n’avait pas d’importance ou, encore plus probable, que ce n’était qu’un bref moment de faiblesse. Alors que, une semaine plus tard, sa cuisse le lance encore terriblement, il se satisferait de peu, de rien, que ça ait été et que ça ne soit plus.
Pour cette maigre rançon, Harrison a beaucoup enduré et pâtirait encore. Alors, à la question de savoir pourquoi, il a un sourire d’une candeur désarmante, de cette légèreté vive qui le caractérise. « C’est les insulino-dépendantes, fait-il en étouffant un rire (il tâche de le transformer en une expression tout à la fois vaincue et séduite), elles me font quelque chose. » Sous l’embarras des idioties qu’il débite et qui ne vont pas bien à ses lèvres souvent simples, parfois frustes, l’éclaireur mord doucement dans la pulpe et pousse un soupir amusé : « C’est Maxine qui m’a appris ce mot, il admet en dédaignant ce détail d’un haussement de sourcils. » Par crainte que cet instant ne soit bientôt définitivement révolu, Harrison rattrape ensuite les phalanges tombées à ses épaules et, de les serrer dans ses paumes, il estompe quelque peu son rictus devenu maladif. « Écoute, je. » Entre ses tempes, déjà, ça ne s’agence pas très bien. S’il ne sait pas le penser, il sait encore moins le dire. Alors une seconde, ou quatre ou douze, il a le regard rivé à celui de Rory et la bouche mi-close. « Je sais que tu préfèrerais que je ne sois pas là, à faire ce que je fais. » Il y a, là-dedans, un peu de ce fameux être lui. Il y a encore d’autres choses qu’il ne prend pas le temps de nommer et d’évoquer. « Tu crois que ça serait plus le simple. Ça le serait peut-être, reconnaît-il sans trop y croire non plus. Mais, la veille de sortir, il y a une semaine… j’avais besoin d’une autre raison de réussir. » Il veut dire survivre, il veut dire survivre un peu pour elle, comme il survit un peu pour Joe, un peu pour Maxine, un peu pour Anita et pour chacun des habitants d’Hamilton. « Voilà pourquoi, il conclut avec évidence. »
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 21 Mai - 14:38
♔ harrison & rory
« Dans le non dit tu es tellement bavard.
Les certitudes et convictions de Rory Wheeler ne sont plus. Elle est paumée, peut-être effrayée aussi. Non, ils ne sont pas obligés, de laisser cet instant derrière eux, mais à quoi bon ? Ils n’ont rien à se promettre, rien de concret sur quoi se baser. Parce que le monde, ce monde, est incertain. Ça s’applique pour lui, ça s’applique pour elle, encore plus pour elle. Ils prennent des risques, chaque jour, au quotidien. La liste de toutes les choses qui peuvent leur tomber sur le coin de la figure sans crier gare est longue, trop longue. L’attachement n’a plus réellement sa place dans cet univers désastreux, cabossé. Puisque, de toute façon, tôt ou tard, ils mourront et surement plus tôt que tard, d’ailleurs. Peut-être que le raisonnement est stupide, surement même, d’autres diront qu’il est important de vivre l’instant présent. Mais, pour l’instant, elle n’a plus cette sensation de vivre, plus vraiment. Elle survit, point barre. Elle n’est même plus certaine d’avoir un intérêt prononcé pour la vie, c’est dire. Elle est juste là, présente, à tenter d’aider du mieux qu’elle peut, à tenter de faire une différence, à tenter de se rendre utile auprès de Douglas. Le reste est sommaire, du moins, c’est de cette manière qu’elle le ressent. Mais, là, ce moment, il ne lui semble pas si superficiel que ça. Et, c’est vrai, que ça fait du bien, d’uniquement s’imprégner de cette occasion inespérée, peu importe l’après, peu importe ce qu’elle décide.
Elle pose trop de questions. Elle ne comprend pas réellement ce besoin viscéral de savoir, d’obtenir des réponses. Peut-être, plus que peut-être même, qu’elle a envie d’entendre certaines choses, des dires plaisants, ce qui réchauffe le cœur. C’est égoïste, cette envie de compter, mais de ne rien donner en retour. Elle en a conscience aussi. Le sourire s’esquisse, étire les lèvres pourtant peu enclines à se dérider. Qu’il est con. Un fait avéré depuis des lustres, pourtant ça l’étonne encore. « Permets-moi de t’avouer que tes goûts sont pour le moins étranges. » Les paumes se resserrent autour des doigts, geste empressé, appréhensif. Elle la perçoit, cette crainte que tout prenne fin. Elle est justifiée, d’ailleurs. Parce que cette fin, elle est imminente. Et, la suite, elle est incertaine, si ce n’est inexistante. Parce qu’elle va tout remuer, une fois seule, faire le tri, décortiquer chaque faits et gestes. Reléguer le moment au rang de simple erreur, ou non, qui sait, ce ne sera pas aussi simple, de faire comme si de rien n’était. Le ton dévient hésitant, le vif du sujet est lancé, maladroitement, mais tout de même. C’est vrai, qu’elle préférait qu’il ne soit pas là, qu’il ne fasse pas partie de sa vie, qu’il ne soit pas lui. Mais, autant avouer qu’il lui manquerait. Elle est engourdie par l’appréhension, pourtant elle connait la suite de son discours, du moins, elle se l’imagine assez clairement. Le soulagement ne tarde cependant pas, les muscles se dénouent, l’expression devient plus tendre. Oui, c’est ça, qu’elle voulait entendre. Et, maintenant, quoi ? Elle se détache, brisant le contact, s’extirpant de ce semblant d’étreinte. Réinstaurant une certaine distance, les pupilles perdues sur l’entrée de l’alcôve, la gorge sèche et nouée. « Je suis contente, soulagée, que tu sois encore là. » Elle ne le regarde pas vraiment, pas du tout. Elle n’a pas beaucoup de courage, Rory. « Je suis contente de compter suffisamment pour te donner une raison supplémentaire de survivre. » C’est la vérité vraie, bien que maladroite. Elle croise les bras contre sa poitrine, ne sachant quoi faire, se renfermant déjà un peu plus. « On devrait rentrer, ça me semble dégagé. » Plus de rôdeurs en vue, voilà donc son salut, pour cette fois en tout cas. Parce que, se défiler, c’est tout un art, son grand art à elle.
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Sujet: Re: (III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison) Dim 21 Mai - 22:18
Harrison est bien mal récompensé de son honnêteté et, cependant, ne tente pas de la retenir. Il a perçu le relâchement de la jeune femme – à tout le moins, c’est ce qu’il a cru. Ça le convainc de se tenir comme il le fait, voûté, vers elle, mais sans plus chercher à dévorer la distance qui les sépare et qu’elle ravine. De toute façon, Rory ne l’avise plus. Elle guigne la sortie. S’il ne comprend pas tout de suite ce qu’elle veut (peut-être temporiser ou peut-être fuir), une patience invincible s’est installée dans les entrailles de l’éclaireur. Les vertes iris la regardent faire, la regardent être. Pendant plusieurs secondes absurdes, Harrison se contente de la trouver belle. Non qu’il le découvre. Il lui semble, cela dit, qu’il n’aura plus l’occasion de la voir telle qu’elle est à à cet instant précis : dans une lumière sale, c’est vrai, mais pourvue de cet air de fragilité qu’elle n’a pas. Jamais.
Il est si satisfait de son sort qu’il ne pense plus aux six journées dispersées dans l’infirmerie sans qu’elle n’en ait jamais franchi le seuil. Il n’avait droit à rien. C’est précisément ce qu’elle lui a procuré. Et aucune autre circonstance n’aurait permis cette enclave, cette uchronie.
À mesure que les mots se délient, le corps se replie. Contre cela non plus, Harrison ne proteste pas. Pour tout ce qu’elle admet, à voix haute et à lui, Rory mérite qu’il ne rende pas ce moment plus difficile encore. Pour plein de raisons, pourtant, il voudrait la toucher. Pas tant. Pas trop. Certains de ses gestes répèteraient que ce n’est pas grave, en s’attardant sur les épaules. D’autres n’existeraient qu’à dessein de lui plaire, au bord de la mâchoire ou de la bouche. Il n’en ébauche aucun. Il n’essaie même pas. « On devrait rentrer, approuve-t-il doucement. » À son tour, et malgré un sourire persistant, Harrison lorgne par-dessus son épaule. On ne voit pas plus de rôdeurs qu’on ne les entend : ceux qu’ils ont croisés ne sont probablement jamais arrivés jusqu’ici. Ils n’étaient pas en danger. Pas tellement. Ils ne sont pas non plus rentrés à Hamilton et, tant que ça ne sera pas fait, l’éclaireur sait bien qu’il ne sera pas tout à fait tranquille. D’un autre côté, on ne l’est jamais – on ne l’est plus depuis des années. Ce n’est rien que son espoir, son stupide espoir, qui le lui jette à la figure et lui fait croire que l’horizon est un peu plus clair et que sa blessure est un peu moins vive. Or, c’est faux et il prend le temps de vérifier la bande de cuir qui presse le tissu sur le pansement, et le pansement la plaie. Tant qu’il ne court pas, tout ira bien. Et, sinon… tant pis.
Au dernier moment, Harrison piétine la sortie du tunnel et il fait volte-face. Comme il sait qu’il n’a rien le droit de demander et qu’il s’est promis de ne rien dire (en tous les cas, rien qui touche aux trois dernières minutes), ses lèvres restent closes. Un rictus perpétuel les habille, un rictus parfaitement incontrôlable, qui frise l’inconséquence. Finalement, le mineur pousse dessus. Encore. Et encore. Puis il dit : « Tu réalises tout ce qu’il faut faire pour avoir une conversation avec toi… ? Ça donnerait presque l'envie d'être con. »
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(III) dans le non dit tu es tellement bavard (harrison)
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