one for the road (clayton)

one for the road

clay et zed

Comme à son habitude, le blond arpente la zone, à ceci près que ce jour-là il le fait avec une idée derrière la tête. Nombreux sont les jours où il se contente de ratisser le coin sans but précis, sinon d'aider son prochain, son suivant et celui qui viendra encore après, sinon de résoudre le premier problème qu'il croisera, le deuxième et ceux qui invariablement arriveront au cours de la journée. C'est son rôle, il en a bien conscience et ne s'en fatigue jamais, aussi ingrate que la tâche puisse parfois s'avérer. A la fin de la journée, Zed se sent à sa place dans sa tente de chef de zone, il se sent utile et c'est déjà bien plus qu'il n'avait pu un jour l'espérer. Il lui arrive parfois de se sentir reconnaissant d'être dans cette situation que la fin du monde lui a obligé, mais n'oublie jamais un seul instant les choses que cette influenza l'a forcé à faire malgré lui. C'est là tout le soucis : chaque jour composer avec des pensées qui vous dévorent, des idées qui vous grouillent sous la peau, des images qui recouvrent votre rétine et s'impriment partout où vous posez les yeux. Des mots, des bruits, des sons, qu'on entend quand on arrête d'écouter et qu'il faut bien savoir faire taire quand ils s'imposent à votre réalité. C'est moins pire aujourd'hui. C'est moins pire parce qu'on s'est chargé de faire un peu de place, de mettre un peu d'ordre entre ses deux oreilles...

Un demi-sourire l'emporte quand il pense à Ebba, celle qui l'a sauvé de toutes ces horreurs qu'il a dans le crâne. C'est à elle qu'il pense quand il s'éloigne de l'endroit le plus vivant de la carrière et rejoint l'endroit qu'on réserve malgré soi aux marginaux du campement, où s'échouent les plus solitaires et les moins conciliants. C'est à elle qu'il pense la plupart du temps, quand on met les choses en perspective, mais ce jour-là il y a une raison qui fait que Zed pense encore un peu plus à elle. C'était son idée, qu'il se débarrasse des derniers artefacts de son auto-destruction programmée, de sa descente alcoolisée. "Clayton, c'est ça ?" le blond lance avec en train à la silhouette agenouillée près d'une bécane un peu fatiguée. "Je viens en ami," il continue en arrivant à sa hauteur. Pour attester de ses paroles, il sort du sac à dos kaki qu'il trimbale sur son dos depuis six ans ou presque une bouteille de rhum dont il ne reste certes plus que la moitié, mais dont il reste bien assez pour amorcer une amitié. "Zed. Chef de Zone. Et toi ?"  

Il venait d’arriver à la carrière et ce n’était pas si facile. Clayton avait vécu depuis le début de l’épidémie seul. Même avant, il vivait seul. Il avait décidé d’intégrer un groupe car il le fallait bien pour survivre. Ce n’était pas si facile. L’homme ronchonnait souvent dans sa barbe et évitait de parler aux autres. Il faisait des sorties, ramenait des choses, troquait. Il avait vite compris le système. Il se montrait impitoyable, peu causant. Il se demandait s’il tiendrait réellement. Peut-être partirait-il au bout d’un moment. Peut-être en aurait-il marre. Ah non, il en avait déjà marre en réalité. Il avait bien envie de se taper la tête quelque part et de partir. Il avait eu du mal à laisser sa bécane durant quelques sorties, alors il la prenait. Mais l’essence ne sortait pas de nul-part et s’il voulait économiser ses réserves, il devrait peut-être envisager d’arrêter de sortir avec sa chérie d’amour. Non ce n’était pas facile. Il était en manque d’alcool et son humeur en pâtissait. Il avait l’air d’humeur sombre et en général, cela suffisait à ce que les gens ne lui adressent pas la parole. Clayton n’était aucunement dans une optique de se faire des amis. Il n’avait pas besoin d’amis sincèrement. Il vivait très bien seul et comptait continuer sur cette lancée. De plus, depuis qu’il était entré dans les lieux, il n’entendait que des rumeurs et voyait quelques tensions.

Découvrir qu’ici aussi, il y avait une forme de hiérarchie, cela le foutait en rogne. Il ne supportait pas la hiérarchie, il ne supportait pas l’idée que des gens vivent mieux que lui, dans leurs mines. Mais il devait faire avec. Clay avait appris des choses sur les autres groupes du coin et peut-être qu’ici, on le laisserait tranquille. C’était ce qu’il pensait sincèrement, mais il se trompait lourdement. Il était occupé à asticoter sa chérie, nettoyant son beau métal quand une silhouette s’approcha de lui. Bizarre, Clayton se croyait assez effrayant pour qu’aucun fou ne s’approche, il s’était lourdement trompé visiblement. Son regard se posa sur un blondinet. « Qui le demande ? » Pas un bonjour, mais l’autre homme ne l’avait pas dit non plus, alors tout allait bien. Il le regarda très calmement, mais méfiant. Surtout quand on venait lui dire qu’on venait en ami. Il avait un peu du mal à y croire, il avait bien envie de rire pour le coup. Il se contenta de le fixer quelques secondes. Son air grognon s’adoucit quand il vit une bouteille d’alcool. Aussitôt Clayton le regarda avec des yeux plus vifs. « Clayton, enchanté. » Il se redressa lentement, mais pas un seul os ne craqua. Il tendit sa main en signe de salut poli. Oui il savait se comporter de manière civilisée, mais s’il ne voulait pas le faire, il ne le faisait pas, point. « Que me vaut la visite du chef de zone ? Je ne savais même pas qu’il y avait un chef de zone. »

Il croyait la carrière un peu abandonnée. Clairement quand on voyait les lieux, on pourrait penser cela. Il le regarda, se demandant bien ce qu’il lui voulait. « On se la boit ensemble ? » Ah non, il ne perdait pas le nord. Il avait désigné la bouteille en demandant. Oui il voulait boire. Clay pouvait devenir très collaborant quand on savait par quel bout le prendre. Il était prêt à faire quelques sacrifices. Serait-il alcoolique ? L’homme ne se désignait pas de la sorte. Si cela plaisait aux gens de mettre des étiquettes, tant mieux pour eux. Lui n’en voyait clairement pas l’avantage. Mais bon, la n’était pas la question. Il trouvait juste étonnant que quelqu’un vienne le voir ainsi. C’était bien la première fois. Peut-être était-ce quelque chose qui se faisait pour chaque nouveau ? Non ce serait trop beau. Clayton n’en demanderait pas autant.

one for the road

clay et zed

Pas commode le vieux, pense Zed quand l'homme le dévisage avec ce regard qui, s'il n'était pas lui et qu'il n'avait pas déjà vu toutes sortes de regards menaçants, lui foutrait carrément les jetons. Le chef de zone sourit néanmoins, tandis qu'il serre la main de Clayton d'une poigne plutôt ferme et confiante. Il a l'habitude de faire des nouvelles rencontres. A la carrière, c'est presque le lot quotidien. Néanmoins tous n'ont pas droit à cet accueil. La plupart se voient attribués un logement ou un emplacement et le récapitulatif des règles de vie. Zed les aide aussi à s'intégrer. Clayton a comme par magie échappé au filet, et c'est l'une des raisons pour laquelle il lui rend visite aujourd'hui. "Rien de spécial," commence Zed. "T'es là depuis quelques temps et on s'est jamais officiellement rencontrés ; je voudrais pas faire mauvaise impression en ne venant pas me présenter." Faire mauvaise impression est le cadet de ses soucis ; le chef de zone attend simplement que l'homme soit un peu plus conciliant pour discuter des choses qui comptent, et préfère dans un premier temps travailler à connaître le nouveau venu. Il ne sait plus depuis combien de temps il est là, à la Carrière. On a dû lui dire. Mais il y a trop d'informations à retenir sur les allées et venues des habitants de la Carrière à présent, et sa tête de chef de zone est occupée à d'autres soucis la plupart du temps.

A la question du vieil homme, Zed grimace un peu. Il a promis d'arrêter de boire, mais il doit bien avouer que c'est un geste qui lui manque. A ce jour il ne sait même plus réellement ce qui fait qu'il a commencé : la disparition de Kace, le vide qu'elle a laissé dans sa vie, sa culpabilité, ses remords... A ce jour il ne sait plus pourquoi il continue. Il a promis d'arrêter parce qu'Ebba l'a fixé avec son regard réprobateur et ses sourcils froncés, son petit air sérieux, son ton moralisateur. Sur le coup, ça avait semblé une raison suffisante pour repousser ses démons. Mais Ebba est à l'autre bout du campement, là, et n'en saura potentiellement jamais rien. Un verre, quelques gorgées plutôt, ça n'est pas catastrophique.  Tout le monde s'en remettra. "C'était plus un cadeau qu'autre chose, mais si tu insistes je peux faire un écart. Tiens, j'te laisse l'honneur," lâche l'homme dont le dilemme n'aura duré au final que quelques secondes. Il tend la bouteille à Clayton pour s'en débarrasser et jette un oeil autour de lui. C'est comme s'il ne pouvait pas vraiment s'arrêter de surveiller les alentours. Mais là plutôt que de se poser sur un énième problème à régler, c'est sur la bécane que ses yeux s'arrêtent. Zed croise les bras, interroge Clayton du regard. "C'est drôle, mon frère en a toujours voulu une comme ça..." marmonne le blond avec un demi sourire amer. "Tu l'as depuis longtemps ?" C'est carrément bancal comme approche, il ne semble même pas en avoir conscience, mais il espère sincèrement que sa tentative ne sera pas jugée trop intrusive. Tout ce qu'il veut, est, après tout, la confiance du vieil homme.

Spoiler:

Clayton était le genre de mec bourru qui pouvait être difficile à aborder. Une figure d’autorité qui se présentait à lui, c’était vraiment le pompon là ! Il se demandait s’il avait fait une connerie. Ah d’accord, apparemment il venait saluer tous les nouveaux perdus du coin. « Je vois, tant mieux pour moi alors. » Son ton était moins hostile qu’au début, il se détendait. Il n’avait rien fait de mal, sauf être lui-même et c’était déjà pas mal selon lui. Clayton se demandait s’il aurait le droit à un peu d’alcool. C’était franchement le meilleur moyen de l’appâter, lui filer de l’alcool. En tout cas il était tout à fait partant pour le coup ! Il n’allait pas dire non. Alors il posa la question, bien trop curieux. Il vit le dénommé Zed grimacer et se demanda bien pourquoi le petit blondinet faisait cette tête. Qu’y avait-il de mal encore ? Clayton ne comprenait pas toujours les réactions des gens. « Oh t’inquiète, je ne partagerai pas vraiment. » Un rire gras lui échappa et il attrapa la bouteille tendue, le remerciant d’un hochement de tête. Le chef de zone savait-il la richesse que représentait ce tuc ? C’était une véritable mine d’or vu l’état actuel du monde ! On n’en faisait plus des ainsi. Clayton déboucha la bouteille et huma son délicieux parfum. « Ça, c’est de la bonne. Je ne vais pas te demander où tu l’as eu. »

Il avait un air de conspirateur en disant cela. Une bouteille et il s’adoucissait considérablement. Il en prit une gorgée et grogna de plaisir. Ouais cela faisait du bien et cela allait vraiment alléger son humeur. Il regarda Zed regarder autour de lui comme s’il s’attendait à ce que quelque chose surgisse et vienne lui bouffer la cervelle. « T’as vraiment besoin d’un verre, t’as l’air tendu comme pas possible. » Et il lui tendit sa bouteille avec un air franchement amical. Il se demandait si l’autre homme était paranoïaque, mais très franchement, ce n’était pas son problème. Chacun avait ses problèmes, alors inutile d’en rajouter une couche pour le coup. Il le vit regarder sa bécane et se tendit. Il avait toujours l’impression qu’on allait là lui voler. Clay avait réussi à la conserver malgré l’apocalypse, c’était un vrai miracle. Et encore plus miraculeux, elle roulait. Bon il avait croisé les bonnes personnes prêtes à l’aider à récupérer la bécane et à en prendre soin. Lui était content ainsi. « Et il l’a eu ? » Peut-être n’était-ce pas une bonne idée d’aborder ce sujet. Mais si Zed parlait de son frère et de bécane, Clay ne se retenait pas de poser la question. Il était un brin sans gêne quand il s’y mettait et aimait bien poser des questions. Quand il était décidé à parler, car sinon on pouvait tout lui dire, il n’ouvrait absolument pas sa gueule.

« Depuis avant ce merdier sans fond. Il y a que ça de vrai, une bécane. Elle vaut plus qu’une gonzesse, crois-moi. » Surtout en cette période. Elle valait de l’or et il avait bien vu l’air envieux de certains ici. Des filles on en trouvait encore, des motos, on pouvait toujours crever avant d’en revoir. Clayton regarda Zed, il risquait de bien apprécier, il n’avait pas une gueule d’emmerdeur. Non une gueule de… Difficile à dire de quoi. Le brun ne s’attachait pas vraiment aux apparences. Il en avait suffisamment souffert pour éviter de le faire subir aux autres. Il était heureux avec sa bouteille, son alcool et quelqu’un avec qui discuter. Enfin c’était à voir combien de temps Clayton allait réellement discuter. « Alors ça consiste à quoi chef de zone ? Des bouteilles gratos ? » C’était où pour postuler ? Il aimerait bien lui tiens ! Mais en réalité non, déjà qu’il avait du mal à se gérer, alors gérer les autres, hors de question. Il en avait suffisamment assez avec ses propres emmerdes.

Spoiler: