Promotion (ft. Casey)

Comme quasiment tous les jours où elle était à la mine, Casey comptait les champignons sur les parois rocheuses, autrement dit, elle patrouillait inlassablement. Essayant d’alterner ses trajets, non seulement par sécurité mais aussi pour ne pas tomber dans une routine horrible où elle finirait par devenir un vrai robot. La mine était supposée imprenable, toutefois, des attaques avaient déjà eu lieu, des blessés et pire des morts en résultèrent. Le rôle qu’on lui avait attribué à son arrivée était donc important. Assez important pour que la jeune femme ne le prenne pas à la légère et fasse acte de rébellion comme à son habitude.  Pour ce refuge, elle avait laissé son caractère de côté et s’était soumise aux ordres qu’on lui donnait. Le plus souvent.
Sa routine fut interrompu par un autre garde, Henry ou Harry ou Eric, enfin un autre mec. Il lui annonça qu’Anita voulait la voir. Malgré l’étonnement et la perplexité qui s’imposèrent en elle, elle acquiesça d’un mouvement de tête, sans autre question. De plus, il était peu probable que l’autre garde sache quoi que ce soit. La leader ne l’avait jamais convoqué, à vrai dire, elle n’avait jamais – pris le temps – de discuter ou d’échanger avec Casey. Outre mesure, ça ne la gênait pas. On lui foutait la paix, c’était tout ce qu’elle demandait en échange de ses loyaux services. La blonde se dirigea donc vers le bureau aménagé de sa chef. Des questions trottaient dans son esprit tout au long du chemin. Elle chercha dans sa mémoire, quelque chose, un évènement, un comportement qui aurait bien pu conduire à une telle convocation mais rien. S’approchant du bureau en question, elle adopta des traits plus stoïques. Cette histoire de convocation lui rappelait de mauvais souvenirs d’écolière et ça ne lui plaisait pas. Son tempérament revêche reprenait le dessus alors que c’était pas du tout le bon moment pour ça.
D’un léger tapotement sur l’encadrement de la porte, elle signala sa présence mais manifestement Anita l’avait entendu arriver. Sans un mot, elle posa le M4, qu’elle utilisait pour sa patrouille, contre le bureau et s’assit. Pendant plusieurs secondes, son regard se fixa sur les mains de son interlocutrice puis sur son visage. C’était dingue comme elle pouvait afficher la même expression, peu importe les circonstances. C’était déstabilisant pour Casey qui avait la fâcheuse tendance à réagir avant d’agir. Par ailleurs, le fait qu’Anita la vouvoie l’agaçait. Elle comprenait les rapports de hiérarchie mais détestait les formalités. En plus l’appeler « Casey Redfield », personne ne l’appelait comme ça, personne ne connaissait son nom de famille en fait. Il manquerait plus qu’elle lui donne du mademoiselle. Tout ça était bien beau avant l’Influenza, aujourd’hui quelle utilité ? On était dans un monde où les morts se relevaient ou on tuait pour survivre mais on se donnait du vous et autres convenances… Elle réprima le soupir qui allait sortir à cette pensée et décida de prendre enfin la parole."Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?" Oui, toi, effectivement, le « toi » était sorti tout aussi naturellement que si elle avait parlé à un autre garde. Il ne s’agissait pas là d’un manque de respect, juste d’une habitude. "Ou peut-être ai-je fait quelque chose de mal… Et je vais me faire engueuler…" Un sourire en coin, à moitié assuré, à moitié amusé, apparut sur son visage. Certes, c’était de la taquinerie mais elle ne se foutait pas de la gueule d’Anita, juste de la situation si protocolaire et encore plus du fait qu’elle aurait pu faire quelque chose de mal. Casey était effectivement chiante, caractérielle, colérique même, mais elle n’avait jamais joué contre son équipe : les Miners.

Deux choses accaparèrent son attention : rapport d’Olympia et promotion. La première n’était pas si surprenante, par contre la seconde… C’était pas dans ses intentions de monter en grade et d’avoir des responsabilités. Toutefois, elle se méfia, elle se demandait si ce n’était pas une façon d’appâter Casey pour lui raconter tout ce qu’elle savait. En soi, elle n’avait pas grand-chose à lui cacher… Et elle déciderait plus tard de ce qu’elle voulait révéler ou non à la leader.
Ecoutant les raisons de cette possible promotion, elle arqua un sourcil et se frotta le visage par réflexe. Au moins cette fois, prendre des coups avaient servi son propre intérêt. Commençant son rapport sur la raison de ses deux visites à Olympia qui succédaient à l’attaque, Anita l’interrompit par des questions directes et précises. La blonde laissa un silence, le temps de réfléchir et s’appuya nonchalamment sur le dossier du fauteuil. "Je ne connais pas vraiment le nombre de pertes humaines, je sais que beaucoup d’enfants sont morts pendant l’attaque. Le reste… Ils sont nombreux à être mort durant l’attaque mais aussi de leurs blessures par la suite. Je pense qu’on facilement considérer qu’un tiers de la population Olympienne a disparu."Disparu était le terme adapté. Après sa discussion avec Arte, elle imaginait bien qu’elle n’était pas la seule à vouloir partir d’Olympia et que de nombreuses personnes allaient vouloir migrer vers un autre endroit. "De fait, vu que les enfants sont une bonne partie des pertes, ils ont encore de la main d’œuvre plus ou moins qualifiée pour faire tourner la ville… Enfin ce qu’il en reste." Le souvenir de cette odeur de brûlé lui inspira une légère grimace pendant qu’elle se perdait à travers les images qui défilaient dans sa tête. Ses souvenirs n’avaient rien de joyeux et le ressenti qu’elle avait eu après être partie d’Olympia était lourd. "Beaucoup de bâtiment ont brûlé, mais une partie est encore habitable. D’autres vont devoir être démolis parce qu’impossible de les réparer." Relevant les yeux vers Anita, elle rajouta: "Ils n’ont pas volé ce qu’il leur est arrivé mais c’est moche à voir…" Casey haussa les épaules comme s’il s’agissait d’une banalité, c’était juste un moyen de prendre la distance par rapport à ses paroles. "Du coup, ça se voit sur le moral des gens. Certains sont toujours à l’ouest, tu sais genre tout ira bien, on y arrivera, tout sera comme avant…" Le ton sarcastique et le sourire de Casey ne laissaient planer aucun doute, elle se foutait de leur gueule. Elle trouvait ça d’une inconscience folle de pouvoir encore penser de cette façon. Limite elle aurait bien donné des claques pour essayer de les réveiller. "Quant aux autres… Disons qu’ils ont perdu la foi. De nouvelles mesures de sécurité sont en places et la gouvernance est en train de changer ou a changé depuis peu. Des têtes de décideurs vont tomber." Gardant son sourire, elle croisa ses jambes, se sentant de plus en plus à l’aise dans cet entretien. Quelque part, ça devait lui faire du bien de dire tout haut ce qu’elle pensait des olympiens sans avoir peur de blesser qui que ce soit. Au pire Anita lui ferait une remontrance mais Casey n’allait pas se formaliser pour si peu. "Il y a quelque chose dont je dois te parler d’ailleurs. Suite à ça, un médecin Olympien aimerait rejoindre nos rangs – pour un temps au moins. Je pense que ce n’est pas que dû à l’attaque, elle a clairement pas l’esprit bisounours nécessaire pour vivre dans cette ville." Casey savait qu’elle allait devoir argumenter sur cette demande mais elle voulait déjà voir la réaction d’Anita sur la question. La jeune femme avait eu le droit à une espèce de traitement de faveur lors de son arrivée mais elle connaissait les règles pour les autres. Néanmoins, les compétences de l’Olympienne pouvaient s’avérer utile.

Aucun commentaire, son interlocutrice se contentait de noter les faits sans l’interrompre ni manifester une quelconque expression qui aurait pu l’orienter sur ce qu’elle pensait. Vint l’histoire d’Arte. Sa bouche s’ouvra pour argumenter sur la venue de l’Olympienne mais pas le temps de dire un mot qu’Anita était déjà passée à autre chose. Elle connaissait la leader comme directive dans ses attitudes, ce qui était bien pour gérer une communauté mais là, Casey était frustrée de ne pas pouvoir en placer une. Tellement, que l’histoire de la promotion ne lui fit plus le même effet. Les informations concernant son nouveau grade défilèrent et elle essaya d’en enregistrer autant que possible. La jeune femme n’était pas fan des responsabilités mais elle devait avouer que cette nouvelle fonction lui plaisait bien. Notamment parce qu’elle n’était plus une simple garde. Faute d’avoir eu le temps de faire une brillante carrière avant l’apocalypse, elle aura au moins eu une pseudo-carrière à la mine. Si on lui avait dit qu’elle se retrouverait en charge de la sécurité plusieurs années plus tôt, elle n’en aurait pas cru un mot.  "Je suppose…" Lui répondit-elle pendant qu’elle imaginait les actions et complications que pouvaient impliquer ce nouveau poste. Le plus chiant allait être la gestion des gens et des gardes. Déjà que les autres Miners ne la considéraient pas comme légitime vu qu’elle n’était pas passé par les chemins habituels pour entre la mine. "Je ferai de mon mieux en tout cas." Ajouta-t-elle pour montrer plus d’assurance par rapport à sa réponse précédente. Elle avait noté qu’Anita était passée au tutoiement mais ne fit aucun commentaire par rapport à ça. Si l’autre femme commençait à se détendre, pas question que Casey lui remette son balai à sa place. Toutefois, la suite de son discours la laissa dubitative. Elle doutait de cette confiance. Jusqu’à maintenant, ça ne l’avait jamais gêné parce qu’elle faisait son travail et payait son tribut au clan. Aujourd’hui, c’était différent, non seulement parce qu’elle lui affirmait quelque chose en quoi Cas’ ne croyait pas mais aussi parce que ce nouveau boulot allait lui donner l’occasion de côtoyer la leader plus souvent. Par ailleurs, le dossier, son dossier ne l’encourageait pas à aller dans le sens contraire de ses sentiments. Elle fit le choix d’aborder un sujet qu’elle détestait particulièrement : sa famille, d’autant plus que le sujet était risqué pour de nombreuses raisons. "Ma famille a vraiment dû donner beaucoup pour la mine pour que tu m’accordes cette confiance aussi facilement…" Certes, ce n’était pas une question directe mais Anita était assez intelligente pour comprendre le sous-entendu qui s’y caché. Refusant d’aborder ce sujet lorsque d’autres Miners venaient la voir, elle n’avait jamais vraiment su ce qu’ils avaient bien pu apporter au clan. De surcroît, elle était curieuse de voir comment Anita allait abordait cette histoire de confiance. Un autre sujet restait en suspens et elle ne comptait pas se laisser défaire par les commentaires précédents. C’était le moment où jamais d’enchaîner. "Et j’ai une demande par rapport au médecin vu que tu dis me faire confiance." Casey pesa ses mots avant de poursuivre, les mots qu'elle allait sortir lui picotaient la langue tellement ils étaient embellis par rapport à ce qu'elle pensait vraiment. "Je ne peux pas m’engager pour sa durée de séjour ici parce que ce n’est pas à moi de prendre cette décision. Hormis l’utilité qu’elle pourrait avoir ici, tu dois savoir une chose, elle m’a sauvé la vie il y a quelques mois, elle m’a soigné sans rien demandé en échange alors que j’étais dans un sale état. Donc je te demande de prendre plus de temps pour considérer la question…" La blonde retenait de tout son possible son agressivité dans ses paroles et elle espérait y parvenir. Son mauvais caractère refaisait rapidement surface quand on ne la laissait pas s’exprimer librement. Dans ce bureau, avec Anita, elle se sentait cloisonné, autant physiquement que psychologiquement.

Oui il avait donné sa vie pour la mine, c’était le sacrifice ultime. Toutefois, Casey nota qu’elle n’abordait pas le sujet de son frère. Est-ce qu’elle savait ? Non, ce n’était pas possible. La jeune femme se contenta d’hocher la tête sans relancer le sujet. Comme elle l’avait dit, c’était un terrain dangereux et s’y aventurer trop longtemps, était risqué pour elle. Autant laisser le cas de son frère de côté, elle déciderait plus tard si elle partagerait ses informations avec la chef - ou non. "Alors je ferais en sorte d’être digne de la confiance que tu m’accordes."Les paroles de son interlocutrice semblaient sincères, plus sincères que les précédentes et assez pour la convaincre. Elle mit sa méfiance de côté dans l’espoir d’améliorer sa relation avec la leader. Ca faisait des mois qu’elle était à la mine, et sans s’en rendre compte, elle s’était intégrée. Surtout, elle avait intégré le fait de faire partie d’un groupe à part entière, c’était un grand pas en avant.
Le dossier glissa vers elle et Cas’ le suivit des yeux sans le toucher pour autant. Honnêtement, elle préférait ne pas lire ce qui se trouvait dans le dossier. Certes, elle était curieuse mais des fois, il valait mieux laisser certaines choses enterrées. "Je préfère laisser les choses au passé. A moins que tu penses qu’il y ait quelque chose dont je devrais être au courant…" La blonde repoussa le dossier vers la chef avec un sourire en coin. Ce geste était un signe de confiance, du moins, c’était ce qu’elle espérait lui faire comprendre. Elle fixa tout de même le dossier, se demandant ce qui pouvait être marqué sur Red, si sa possible trahison avait été détectée ou non… Vu que Casey avait été acceptée à la mine, il était fort probable que non. Par ailleurs, autant Anita était quelqu’un de très compétent pour les tâches administratives et de direction, autant que relationnellement, ça ne devait pas être le cas. Anita ne montrait jamais ses émotions ou sentiments et les rumeurs sur son sujet étaient rares. Non pas par respect mais parce qu’il n’y avait rien sur quoi construire des rumeurs. Même Cas’, qui était solitaire, se demandait comment faisait l’autre Miners. Une interrogation qu’elle remettait à un peu plus tard.  "Tant mieux." Dit-elle à propos de son « amie ». La bataille n’était pas gagnée mais au moins les choses étaient claires et elle appréciait le consensus adopté. Tout se levant du siège, elle attrapa son M4 pour le remettre en bandoulière dans son dos puis fixa Anita. La conversation semblait être finie, c’était son sentiment en tout cas. "Tu devrais venir boire un verre un de ces quatre." C’était sorti naturellement. Il ne s’agissait pas de pitié par rapport à ses précédentes réflexions mais de curiosité. Elles vivaient sous le même toit et pourtant, elles étaient des inconnues. Anita connaissait peut être tout de sa vie mais ce n’était que factuel. Volontairement vague dans sa proposition, elle préférait laisser la leader faire sa propre interprétation sur le contenu. "Ça ne fait pas de mal de temps en temps." Effectivement, ce n’était pas Cas’ qui pouvait affirmer le contraire de toute façon au vu de sa consommation. Néanmoins, son espoir résidait dans l'idée que sous l'effet de l'alcool, peut être qu'elle laisserait voir une autre facette d'elle, moins crispée, tendue, dans le contrôle, moins "Anita".