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 pandémonium ✗ GABE

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MessageSujet: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyJeu 15 Sep - 8:43

«wild and noisy disorder or confusion; uproar.


La capitale des Enfers avait balafré de sa marque les plaines du Texas, et Ree descendait dans son ventre. Les lieux existaient, et leurs monstres aussi ; ils leur donnait mal à la tête, confusion violente dans une équation dans laquelle elle tentait de créer l'ordre. Mais ils étaient trop sauvages, trop rapides, trop imprévisibles. Là, un homme semblait mort, mais il entra soudain dans une crise de folie. Ree n'eut pas le temps de voir ce qu'il allait faire par la suite. Tournant un coin, elle se séparait volontairement de cette dure vérité ; elle ne pouvait rien prétendre connaître. La demeure des démons était un royaume de pulsion, et l'émotion était si peu contenue qu'elle explosait avant même de donner ses habituels signes d'avertissement. Ree devait se rendre à l'évidence : ici, chez les Stonebriar's Jackals, elle était inutile.

Les gens ne préparaient pas de plans et de mensonges.

S'ils voulaient quelque chose, ils le prenaient.

Un mélange chimique curieux se produisait dans son corps. De l'adrénaline, entre la peur et l'excitation. Elle comprit vite pourquoi ; ça sentait la liberté, l'interdit. Là où Castle Sken était une solide organisation qui était tombée malgré tout (du moins, selon la logique), Stonebriar rugissait toujours dans une bacchanale de plaisirs et de violence incontrôlée. Les humains avaient peur de la Bête à l'intérieur d'eux, ils l'apprivoisaient, voire l'enfermaient en cage avant de perdre la clé et de l'oublier à jamais ; Ree faisait partie d'eux, ne craignant pas quelque chose dont elle n'avait même pas soupçonné l'existence, auparavant. Or, les temps avaient changé. Elle avait goûté au libre, et était devenue accro dès la première goutte. Ça la rendait folle. Et ça faisait tellement de bien. Elle devenait incontrôlable, perdue dans ses propres émotions alors que les pensées rationnelles continuaient certes d'exister, mais se noyaient dans l'eau du chaos juste à temps pour s'y pétrifier. Et de ça, elle avait eu peur. Des Jackals, elle avait peur.

Mais de l'organisation en tant que tel ? Des murs du centre commercial ?

Non, elle en était attirée.

Des mouvements sensuels d'esprit autour de la Bête qui grognait dans son ventre. La crainte que la clé fût oubliée, mais que quelqu'un connaisse comment en crocheter la serrure. Voire la défonce, libérant une créature de tempête qui plus jamais ne quitterait la douce, et destructrice liberté.

À tête froide, elle était surprise que cet endroit tienne toujours. Avec la population humaine qui baissait drastiquement de jour en jour, elle s'étonnait qu'un groupe survivant par les raids et le pillage puisse se tenir aussi fort. Dans le chaos, ne naissait que le chaos. Aucune organisation, aucun plan, ils lui faisaient penser à une bande d'enfants ; des enfants armés, et souvent de façon un peu exagérée. Elle trouvait l'idée du rez-de-chaussée englouti sous une mer de nécropodes malin, voire tactique, malgré tout.

Et puis, elle pouvait bien parler. Elle était ici pour tester le terrain ; les rejoindre, peut-être.

La Bête appelait. Pire, la rébellion futile et adolescente qu'elle n'avait jamais pu assouvir enfermée dans ses propres conventions et celles de sa oh! si grande famille, elle recherchait la contradiction. Tout ici était différent de Castle Sken. Tout. Et celui des deux qui était toujours debout n'était pas celui qui reposait sur un système ultrarigide une fois que la société ne poussât ses derniers souffles.

Cela faisait à peine quelques heures qu'elle les avait rencontrés. Deux, peut-être trois. Elle serra les poings, triste d'avoir laissé Jore sans rien dire. Elle ne le reverrait plus jamais, non ? Non, bien sûr. Si elle était là pour y rester. Si. Oh, elle ferma les yeux pour faire le point, avançant en suivant le bruit des pas de celui qui la guidait. Cela ne lui ressemblait pas. Cet endroit, ce n'était pas Ariadne.

Mais Ariadne était morte.

Ses paupières se rouvrirent, révélant ses yeux fatigués de gamine ayant vieilli trop vite.

Ree faisait tache, ici. Elle était différente depuis l'embuscade, alors qu'elle s'était écartée du chemin pour être un peu seule (Jore était de bonne compagnie, mais ils avaient eu un différent, et elle avait besoin d'être isolée plusieurs fois par jour). Accepteriez-vous de me recruter ? Elle s'était sentie ridicule. Faible. Mais elle n'avait nulle part où rebâtir une vie, et il fallait bien le faire un jour. Oh, ils avaient ri d'elle, et elle avait haussé le sourcil ; combien de temps survivrait une fille de sa charpente parmi les Chacals ? S'ils savaient.

L'air était moite, lourd. Elle entendait le cliquetis des coquerelles, les râles des morts en bas et même les chuchotements du temps qui lui disait teste, rien qu'une fois. Au pire, elle mourrait ici. Au mieux, elle continuerait son éternelle évolution.

Ils la jetèrent pratiquement dans la pièce mal éclairée ; ils avaient été gentils, ils ne l'avaient pas touchée. Claquement de la porte, puis silence.

Un homme était là. Sombre, fondu dans les couleurs ternes de son environnement. C'était sa tanière, son monde, les fruits de ses pensées à lui qui découlaient sur les murs. Le vent. Le carrelage. Ree était encore loin de lui, tenant une respectable distance, mais elle se savait bien plus petite et fragile. Ou alors, n'était-ce que perception. Métaphores.

Elle baissa la tête en signe de politesse, de soumission ; comme un animal. Ils étaient des loups, et elle était l'oméga. Elle avait toujours été l'oméga.

"Monsieur Rosario, l'on m'a dit."

Elle croisa les doigts pour que ce ne soit pas la dame, sans quoi elle venait de se tirer dans le pied. Qui savait, Marisa Rosario arborait peut-être des traits forts... masculins.
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MessageSujet: Re: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyVen 16 Sep - 16:20

Gabriel est vautré sur le trône de sa sœur. Il ne fait rien que l'attendre, souhaiter qu'elle apparaisse et qu'elle se déshabille. Les jambes par-dessus l'accoudoir, le dos douloureusement appuyé contre l'autre, il scrute le faux-plafond à moitié défoncé – troué comme si on s'était amusés à balancer des types au travers pour qu'ils se brisent les tibias sur le sol. Le vieux Welmart est haut de plafond et, en même temps, d'anciens bureaux occupent un large espace, à droite, qui devait correspondre à un second étage en mezzanine. On n'y trouve plus rien que du vide, et les rangées de néons qui se succèdent tout du long de la salle. L'espace est infini et le temps foutrement interminable. Pour tromper cet ennui, Gabriel joue avec la boucle de sa ceinture, l'esprit toujours à persécuter Marisa. Elle est sortie. Il aimerait s'inquiéter, se soucier de sa santé, mais il ronge simplement son impatience, cette garce qui le harcèle et lui triture le crâne. Comme on n'a pas su lui dire si elle rentrait bientôt, ni quand elle a trouvé le temps de partir, son frère a résolu de l'attendre. Triste idée. Triste sort. Les uns après les autres, les Jackals l'ont laissé là, las de ses humeurs ombragées. C'est au sortir du dernier de ses comparses qu'il a commencé à tirer son flingue et à plonger le canon dans sa bouche. Sauf qu'on ne joue pas à la roulette russe avec un pistolet.

En collant la gueule de l'arme contre sa joue, il se demande ce que ça ferait. À quel point ça fait mal. Est-ce que ça saigne. Plusieurs fois, il extrait le flingue, l'inspecte du bout des yeux et recommence. Il hésite. En sachant bien que c'est stupide, dangereux, et totalement absurde, l'idée lui grignote les neurones à mesure que le temps passe. Au bout d'un moment, il décide que si rien ne se passe d'ici cinq, quatre, trois... il tirera. D'abord, il fixe l'enjeu à Marisa. Puis il objecte que c'est trop difficile, même pas du jeu. Il élargit aux Jackals. Puis à n'importe quoi – qui. Sous la pommette, le canon déforme sa peau et met au supplice la mâchoire.  C'est là qu'elle entre, ou qu'ils la poussent à l'intérieur.

« Qu'est-ce que tu fous là ? lui échappe de la bouche comme un coup de feu dans l'air. » Son souffle est moitié rire moitié surprise. Gabriel se redresse et cale son dos pour mieux la voir. Elle est frêle, et ça n'est pas que sa constitution physique ou son apparence générale. Son timbre n'est pas définitif. On dirait pratiquement une gosse qui se serait perdue dans le pire endroit au monde et, aussi stupéfiant que ce soit, elle ne recule pas, ne tremble pas, et ne se met pas non plus à chialer ou à supplier. Ça suggère qu'elle est là de son plein gré, et c'est encore plus amusant et impossible que le reste. Néanmoins, c'est à peu près certainement ça : pourquoi les Jackals lui livreraient une fille comme un pourcentage de leur prise ? Tout le monde sait qu'il n'en fait rien et que d'autres, au contraire, en donneraient un bon prix. Libre de toute entrave, elle est donc candidate à la mort et ça n'est pas avec des Monsieur Rosario qu'elle débute admirablement. Quoi que, de seulement s'en souvenir, Gabe éclate d'un rire diffus, étranglé par l'absurde et l'incroyable. « Mais d'où tu sors ? il fait doucement. » Penché dans sa direction, le flingue flotte dans sa paume, entre ses genoux. Il l'observe plus longuement, une curiosité mal dégrossie dans le ventre. D'habitude, le rôle de présider à Stonebriar revient à Marisa et, en son absence, voilà qu'il siège. Ils sont tous deux où ils n'ont rien à faire, alors il dit : « Je m'appelle Gabriel. » Et de s'enfoncer dans le trône, l'air de ceux qui se préparent à entendre. « J'ai foutrement hâte de savoir ce que t'as à dire. » La crosse du pistolet claque l'accoudoir et le canon vogue naturellement entre la fille et le vide. Du vide tout autour, et la fille au milieu. Encore une fois, il sourit.
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MessageSujet: Re: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyMar 20 Sep - 3:49

« wild and noisy disorder or confusion; uproar.

Ree se retrouvait plutôt prise au dépourvu ; on lui demandait habituellement de se la fermer et de suivre les ordres même s'ils mettaient sa vie en danger. Et par la suite, elle avait été seule pendant si longtemps. Avec Jore, c'était différent, parce que Jore ne serait jamais une figure d'autorité et Ree non plus, alors ils avançaient, égaux, dans l'immensité du ventre de la Terre. Et désormais, on lui demandait de parler. De... montrer ce qu'elle avait à dire ? Mais elle n'avait rien, à dire. Elle était là pour rejoindre, peut-être, ou encore mourir. À moins qu'il y ait eu une sorte d'exposé où elle devait se vendre, et n'avait pas été avertie ? Ils pensaient peut-être lui faire la peau de cette sorte. Ree figea un instant, ne comprenant pas quoi faire. Quoi répondre. Son visage se durcit dans une expression très concentrée, tellement qu'on aurait dit qu'elle allait imploser. Toujours dans ses pensées, elle avisa le pistolet de l'homme, voguant entre elle et l'invisible, navire à la dérive en pleine tempête.

"Quand l'instant où vous souhaiterez me tuer viendra, s'il vient, veillez à rester plus ferme sur la crosse."

Tout le monde souhaitait la tuer à un moment ou à un autre ; elle commençait à s'habituer. Elle ne releva pas les yeux. Parce que Ree ne relevait jamais les yeux, une fois concentrée.

"Un pistolet est fort instable. Il vous faudra le tenir plus fermement, aussi."

À cette distance, toutefois, il était toujours létal. La pièce était trop petite. Mais Ree préféra taire cette information, se rappelant avec mécontentement ses six tirs ratés envers un Parker à vingt-cinq mètres, avant de le blesser à peine à la jambe.

"Vous vous appelez Gabriel," réitéra la jeune fille.

Fallait-il comprendre qu'il s'agissait de Gabriel Rosario ? Ou d'un tout autre Gabriel ? Ces présentations et complaisances étaient si complexes à comprendre. Lui donnaient mal à la tête.

Pardi.

"Gabriel... Rosario, donc ?," confirma-t-elle.

Valait mieux passer pour une idiote maintenant que de faire une erreur qui blesserait son hôte. Mère lui avait appris cela. De toute façon, pour eux, tu pourrais être la pire des cruches ; tu n'es pas là pour te vanter, Ariadne. Elle n'avait jamais compris pourquoi Mère disait qu'elle se vantait. Il s'agissait de faits, alors pourquoi les cacher ?

Les conventions.

La voix de Mère réapparaissait dans un souvenir très clair ; avec le salon, une tasse de thé, et une robe de satin pour faire joli.

Ree revint sur Gabriel Rosario, puis laissa ses autres pensées mourir.

"Je suis Ree Salmons, et peut-être veux-je vous rejoindre. Le chaos ici me semble trop incontrôlé, toutefois."

Elle ne se rendit pas compte de l'affront possible dans ces paroles. Ne réfléchissais qu'aux dangers viraux d'une hygiène aussi basse et aux possibles débordements de l'anarchie totale.

Sa tête pencha sur le côté, comme chaque fois où elle analysait quelqu'un de son regard vide et cerné.
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MessageSujet: Re: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyLun 10 Oct - 13:59

Il est surpris par l'attitude de la gamine. À peu près sûr de savoir comment s'y prendre (de cent ou deux façons différentes) s'il voulait la tuer, Gabriel se tasse un peu plus dans son siège. Le trône est définitivement inconfortable. Marisa est-elle obligée d'écouter constamment ? Ou, comme lui quand il la flanque depuis le côté, elle ne prête qu'une oreille distraite aux jérémiades, demandes et introductions dans le monde brutal des Chacals ? Il reconsidère sérieusement la question en empoignant la crosse du flingue avec certitude. « Je te remercie, dit-il avec raideur. » Les mots qu'elle déblatère avec la distance de celle qui ne craint rien de terrestre, elle déçoit tout ce qu'il espérait. La plupart des aspirants au titre de Jackal se contentent de les provoquer, à tour de rôle ou bien ensemble, selon le courage et l'audace. Ils font rouler leurs muscles et brandissent leurs couteaux, crocs sortis et la dégaine vaguement étudiée. En général, on convient de la partie du butin qu'il faut remettre aux Rosario et de ce qu'on a le droit de garder pour soi : tout le reste et tout ce qu'il est possible de piller. C'est si intuitif que cet entretien n'est que plus déroutant. Soit elle ne comprend pas ce qu'elle fait ici, soit... « Gabriel Rosario, oui, il confirme avec un soupir d'impatience. » En fin de compte, c'est bien plus simple qu'il ne le croit : elle est simplement débile. Et ses soupçons sont très rapidement validés. Il lui manque une sacrée case, quelque chose que Gabe n'a encore jamais vu. Ou alors il a oublié. Si négligent dans son inspection des autres, il ne retient aucun détail s'il n'écorche pas violemment tout son être. Cette fille aussi disparaîtra. Mais, pour l'instant, elle est plantée au milieu de la salle du trône et elle fait rire le roi fantoche à gorgée déployée. Son rire résonne, comme s'il se souvenait, soudain, qu'il a toujours existé et qu'il le fallait déclamer à qui veut bien l'entendre. « Enchanté, Ree Salmons ! » Il dégringole de son siège et coince le pistolet à la ceinture. « T'as un sérieux problème. Tu le sais, ça ? » Ce n'est pas la folie commune. La violence ordinaire. La soif de sang. Mais elle est pleine de... civilisation ? Même les Olympiens ne prétendent pas à tant de manières. Ils ne vouvoient pas. Ils ne questionnent pas, tout à coup, leur appartenance alors qu'ils sont au bord de la fosse. Peut-être que si Ree Salmons visitait l'aire de jeu, elle comprendrait que le choix ne lui appartient déjà plus... Peut-être que si ça avait été Marisa, et non son frère, elle serait déjà morte. Pourtant, et si ce n'est pas tout à fait de la curiosité, elle a éveillé quelque chose chez Gabriel. Un temps, elle lui fait oublier sa sœur, son besoin de la voir et son besoin de la sentir. Ce n'est, en somme, qu'une distraction mais il s'attache à ce jouet improbable comme s'il était le dernier qu'il lui reste. « Tu crois que j'peux te convaincre ? » Quelle idée ridicule. Néanmoins, elle le fait sourire tel un chat.
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MessageSujet: Re: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyMer 19 Oct - 22:50

« wild and noisy disorder or confusion; uproar.

Gabriel Rosario était un homme fascinant aux yeux de la jeune Salmons. Tout d'abord elle crut voir en lui des marques de respect et de politesse qu'elle n'avait pas vu depuis fort longtemps dans les ruines sauvages du monde post-pandémique. Des manières, bien que son langage corporel restât celui d'un prédateur ; ce que Ree comprenait. Elle n'était pas ici en arborant le blason du contrôle. Elle ne manipulait rien. Et c'était à la fois excitant et terrorisant, avec une petite préférence pour le second ; en gardant à l'esprit que la peur demeurait une sensation plutôt étrangère pour la jeune fille à la psyché particulière. Puis, Rosario avait totalement changé de cap, brouillant les pistes et devenant fébrile, électrique. Arme rangée, s'approchant tout près de la jeune fille (qui avait reculé d'un pas par prévention, en cas de danger ou pire, d'accolade). Ça n'était pas vraiment selon le plan qu'elle s'était tissé mentalement. Or, elle était plutôt agréablement surprise et craqua même un petit sourire gêné.

"T'as un sérieux problème. Tu le sais, ça ?"

Elle fronça les sourcils.

"Non, lequel ?"

Peut-être était-ce les nombreuses grues de papier accrochées à son équipement ? Ou alors sa façon de parler. Ça devait être ça ; c'était ce que Mère lui disait tout le temps, à une époque si lointaine.

"Tu crois que j'peux te convaincre ?"

Elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire.

"Je ne crois rien. Certainement pas d'être convaincue. À moins que vous ne souhaitiez m'énumérer les avantages logiques de résider entre vos murs et parmi vos rangs ?"

Elle tentait de dresser le portrait de cet homme. Les motifs qui le composaient, ses répétitions d'actions et traits typiques. D'ordinaire, elle pouvait le faire dès les huit premières secondes. Face à Rosario, toutefois, elle se retrouvait face à une seule conclusion qu'elle n'appréciait guère ; absurde. Imprévisible, chaotique, incontrôlable et surtout abstrait. La singularité de l'être la surprenait beaucoup, surtout chez un dirigeant qui avaient l'habitude de tous se ressembler d'une certaine manière. Chez Gabriel Rosario, toutes ses préconceptions se brisaient. Il ne tentait pas de la charmer ou de l'intimider (si c'était le cas, ça ne fonctionnait pas tellement ou ses techniques étaient trop élaborées pour atteindre la jeune Ree), et semblait même aussi perdu par sa présence qu'elle ne l'était par la sienne. Y'avait-il donc des gens en ce monde qu'elle commençait à peine à redécouvrir qui lui ressemblaient ? Dans leur étrangeté, en tout cas.

"Appelons cela une visite, si vous le désirez. On m'a menée ici parce que ce sont ce que l'homme appelait les procédures ; or à vous regarder, j'oserais prétendre qu'il ne saisisse pas réellement comment les choses fonctionnent parmi les Chacals. Ai-je tort ?"

Certainement pas. Mais politesse.

"Je ne souhaite pas prétendre savoir qui vous êtes, surtout lorsqu'il s'agit de la seule chose dont je sois certaine ; je ne vous comprends pas. Il me semble que les Jackals paraissent comme des tueurs sans pitié, mais permettez l'affront si je n'aie cure de votre réputation impitoyable. À moins que vous ne souhaitiez jouer à ce jeu ? Que nous prétendions tels des enfants et ne mettions en scène des événements certainement répétitifs ; je suis la pauvre brebis égarés et vous, les prédateurs dangereux. Ou nous pourrions simplement profiter de cet instant pour prétendre autre chose ; je ne suis pas au milieu de tueurs et je n'en suis pas une moi-même. Il ne s'agit que d'une conversation qui fait écho à celles d'autrefois, et peut-être même pourrions-nous partager quelques provisions en discutant de la pluie et du beau temps. Quelle approche préférez-vous ? Je dois admettre que moi-même je n'en suis pas certaine."

Elle réajusta son béret, croisa les bras, imitant une position de force malgré sa silhouette minuscule face à celui qu'on surnommait sûrement le Roi des Barbares.

"La seule chose dont je suis vraiment certaine, en réalité, est que les préconceptions n'existent point, ici. Vous êtes beaucoup plus malin que ce que votre image laisse sous-entendre, et je suis peut-être plus dangereuse que mes petits bras ne le montrent. Ça et, je n'ai en réalité pas d'idée précise de ce que je fais ici. Rejoindre ou mourir ? Visiter le centre commercial, m'improviser accro du shopping ?"

Elle fit une grimace.

"Voilà qui me surprend de moi-même. Je ne savais même pas que je pouvais parler autant. J'espère que vous comprenez l'image, en tous les cas."


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MessageSujet: Re: pandémonium ✗ GABE   pandémonium ✗ GABE EmptyJeu 1 Déc - 23:08

Il entend poliment ce qu'elle dit, mais n'écoute pas vraiment. Occupé à l'observer sous des angles différents, il inspecte les détails de sa tenue, de sa posture et de ses mouvements. Elle est singulière, et cela d'une façon déplaisante. En tous les cas, c'est l'opinion qu'il s'en ferait d'habitude. Pour le moment, Gabriel s'échine à trouver le détail, la fameuse case qui fait défaut à Ree Salmons. Ce n'est certainement pas l'épidémie et le chaos qui lui ont fait ça. Si elle était déjà ainsi avant, sa survie n'en est que plus prodigieuse. Or, et pour une raison qu'il ne touche pas du doigt (et qui doit confiner à la folie), il trouve cette perspective absurde ; ce monde n'a recraché que ceux qui le méritent, pense-t-il, et uniquement les plus aptes à survivre, les meilleurs et les pires de toute leur race. Cependant, Gabriel n'en sait rien (comme il ne sait absolument rien d'elle), alors il oblique le crâne et la mire, et il affiche une moue perplexe – une expression qui dissimule fort mal sa négligence et son manque d'intérêt pour la conversation. Ou elle aime s'écouter parler ou elle a horreur du silence, deux traits de caractère qui exaspèrent le roi de Stonebriar et lui font grimper des idées aux tempes. « Tu sais quoi... ? il dit après quelques secondes d'un silence mat. J'avais la faiblesse de croire que j'étais pas le moins malin de mes semblables... » Ses yeux sont rivés à ceux de l'étrangère, dont il jauge toutes les inflexions à la lumière des siennes. « Jusque-là. » Parfaitement calme, parfaitement froid, son air demeure indéchiffrable, comme s'il pouvait éclater de rire ou bien lui sauter à la gorge d'une seconde à l'autre. Ce genre de décisions est toujours pris au bord du gouffre. « Mais non, gamine, j'ai pas compris un mot de ce que tu viens de dire. » Un rictus entaille sa bouche. Doucement d'abord, puis plus profondément. Il se moque d'elle, ou de lui, ou de tous les deux en même temps. Ils ne peuvent strictement rien l'un pour l'autre, si ce n'est leur faire perdre de leur temps. « D'ailleurs, décrète le Jackal avec un ton nettement dégagé à présent, si tu veux un conseil, tu devrais ralentir sur les formules à la con et reprendre ton souffle, de temps en temps... » Comme il a conscience de la distance qu'elle a ajouté entre eux, Gabriel la contourne en direction de la porte qu'elle a emprunté pour entrer. Il n'a pas l'intention de réécouter une syllabe de son marmottement. S'il reste des gens instruits, et non instruits du monde dans lequel ils doivent vivre, elle les rencontrera certainement et il n'en est certes pas un spécimen acceptable. « Ce que j'ai compris, par contre, c'est que t'as aucune idée d'où tu es. Et que tu sais encore moins comment tu pourras en sortir. » Ree Salmons est tout sauf un Jackal. Elle ne restera pas à Stonebriar, parce qu'elle est loin de le vouloir et parce qu'aucun des indigènes ne la laisserait survivre plus d'une demi journée. Aussi devient-elle nécessairement une locataire des geôles. C'est là qu'il pourrait la conduire, ou n'importe où ailleurs, suivant ce qui lui plaira d'imaginer et puis d'exécuter. « S'il y a une seule chose, dans ton bordel de mots sophistiqués et totalement rétrogrades, qui puisse me convaincre de te relâcher... » Il n'est pas plus menaçant que s'il l'invitait à dîner, à moins que se tenir entre elle et l'unique sortie de la salle puisse constituer une menace en soi. « C'est le moment, gamine. »
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