Sauve ma moto | Archibald

Une nuit horrible, encore. Clayton s’était réveillé avec le soleil et cligna mollement des yeux. Il passa une main sur son visage et se redressa sur la branche épaisse sur laquelle il avait dormi. Il avait dormi dans la partie saine de la forêt, mais voyait sans aucun mal au loin la partie foutue de la forêt. L’homme descendit lentement de sa branche, attentif autour de lui de bien vérifier qu’aucun rôdeur ne surgissait pour le croquer en partie. Une fois en bas, il s’approcha de sa moto et vérifia qu’elle n’était pas endommagée. C’était presque un miracle qu’en six ans de vie, elle ne lâche pas. Oh il n’allait pas s’en plaindre après tout. Le brun rassembla ses maigres affaires, les sens aux aguets. Il ne savait pas où il allait. Il fallait bien avouer qu’il commençait à fatiguer de cette vie. Peut-être devrait-il se poser, mais se poser impliquait de s’intégrer dans un groupe et il n’était pas sûr de le vouloir. Mais il allait devoir faire l’effort et plus vite que prévu. Clayton se massa la nuque et enfourcha sa moto qu’il fit ronronner. Il appréciait ce son qui lui rappelait qu’il avait sa petite maison avec cette bécane d’amour. Il ne démarra pas trop fort. Il ne savait pas encore s’il se rendait dans la zone désaffectée ou pas. Clayton décida de sortir de la forêt. Les mains sur le guidon, il semblait presque serein. Malgré son air de vieux biker et son air très peu propre.

Il n’avait pas trouvé de cours d’eau pour se laver. Sincèrement, il préférait l’eau pour boire, pas pour se laver. Mais il se lavait le plus régulièrement possible, sachant que s’il ne faisait pas un effort, il risquait de mourir pour non propreté. Une connerie diriez-vous ? Oh pas tant que cela. Quand on voulait survivre, on faisait en sorte de mettre la chance de son côté. Il ne savait pas s’il voulait survivre bien longtemps. Le monde allait terminer ainsi, tous transformés en rôdeurs, joie et bonheur tiens ! Il ne savait pas trop si cette idée allait lui plaire sincèrement. Il mourait, comme les autres. Clayton arrêta sa moto une fois en dehors de la forêt, même s’il trouvait à côté des bois. Il avait une envie pressante et alla se soulager dans un bosquet. Il remonta son pantalon et fouilla ses poches pour sortir son paquet de cigarettes qui ne contenait que trop petits bâtons de poison. Non pas aujourd’hui. Il savait qu’il n’en trouverait plus, alors il lui fallait vraiment une bonne raison pour fumer. Peut-être qu’avec tout ce temps libre, il devrait réfléchir comment fabriquer ses propres cigarettes. Ce serait pas mal comme idée, n’est-ce pas ? Ouais, finalement il se dit qu’aller en zone désaffectée était un bon plan.

Il s’approcha de sa bécane et s’assit pour la faire ronronner. Sauf qu’il y avait un problème et pas des moindres, elle ne réagissait pas. Elle restait complètement inerte et ne réagissait plus. Clayton jura, se demandant bien ce qui se passait encore. Il descendit de sa moto et s’approcha du moteur. Qu’est-ce que c’était encore que ce bordel ?! Elle avait bien choisi son moment tiens ! L’homme redressa la tête, se disant que commencer à démonter sa bécane au bord de route, ce n’était pas une idée. Sac sur le dos, il poussa sa lourde monture de fer dans les bois et se mit en quête de chercher le problème. Elle ne l’avait pas lâché en six ans, lui qui se disait que tout allait bien, et ben elle décidait de le lâcher ! Quelle capricieuse ! Le problème, c’était qu’il n’avait pas d’outil et ben non, pas très futé le gars. Alors autant dire que démonter une moto sans matos, cela ne le faisait pas, clairement. Clayton eut bientôt les mains pleines de graisse et râlait. Un bruit lui fit redresser la tête, un rôdeur s’approchait de lui. L’homme sortit sa hache de sa ceinture et laissa le rôdeur s’approcher avant de donner un bon coup de hache dans le crâne. La cervelle dégoulina au sol et la créature s’effondra.

Clay fit une moue, il allait devoir trouver une solution pour sa moto et vite, sinon il allait devoir l’abandonner et l’idée ne le réjouissait pas des masses. L’homme fit volte-face en entendant du bruit et en voyant une silhouette humaine. Il prit sa hache à pleine mains, menaçant. « Dégage. » Ah oui niveau bonjour il était craignos, mais il n’était franchement pas d’humeur. Sa moto foutue le mettait en rogne et étrangement triste en fait. Ah tant de sentimentalisme !

Première chose qu’on apprenait quand c’était l’apocalypse, on ne croyait personne. Même quand la personne en face de vous avait l’air d’être la vierge en personne. Il avait franchement des doutes que cet homme soit une vierge. Mais Clayton resta silencieux, gardant sa vanne pour lui, hache en avant. Il plissa étrangement les yeux quand lui dit de se calmer. Sa réplique ne fit pas rire le brun, mais visiblement, l’autre homme riait bien à ses propres blagues. Clayton le dévisagea étrangement, tendu au maximum, peu content. Il n‘appréciait pas les blagues, il fallait bien avouer qu’il avait perdu son sens de l’humour ses dernières années. Même si c’était clairement quelque chose qu’il n’avait jamais eu en grande quantité. L’humour n’atteignait pas son esprit en dehors de la réalité. Quelqu’un de rejeté par la société, une société qui était morte, mais qui au fond de lui, existait toujours. Haïr quelque chose permettait de rester debout. Et oui, un homme aussi avancé en âge que lui. Il regarda ses mains vides pensivement, enfin pas trop non plus. Clay se demandait s’il avait vraiment les mains vides ou s’il voyait mal. Si ça se trouvait l’homme allait sortir une arme d’il ne savait trop où.

« Je vais m’approcher, alors fais pas le con. » Car il avait l’air sacrément con. Il s’approcha lentement, prêt à donner un coup de hache s’il le fallait. Tuer un vivant ne le dérangeait pas, surtout quand le dit vivant n’avait pas l’air d’avoir gagné à la loterie niveau intelligence. Bon il pensait cela, mais Clay n’avait pas le prix scientifique de l’intelligence non plus. Il vit le couteau et se stoppa. Il ne vit que cela et sonda du regard le gamin. Enfin il baissa sa hache. Il pouvait consentir à cela au moins. Il n’était pas assez culotté pour lui demander de retirer son couteau et tout ce blabla souvent bien inutile. On ne délestait pas un homme de ses armes alors que des rôdeurs étaient dans le coin. C’était juste du bon sens voyons. Même si du bon sens, on était en droit de se demander sincèrement si quelqu’un en avait encore ici-bas. Clayton s’en fichait bien, il n’était pas la police de la bonne conscience, il ne l’avait jamais été. Chacun faisait sa vie et lui de même. Etrangement, l’autre homme parla d’une lady et l’homme suivit du regard son doigt. Ah sa moto. Tiens c’était rare de rencontrer quelqu’un qui semblait vraiment s’y intéresser et pas seulement car cela permettait de se déplacer vite. « T’as bien raison. » L’homme ronchon abaissa sa hache et son air menaçant s’adoucit.

Parler à un homme de sa femme et cela aidera. Sa moto était sa femme, pour l’instant, l’unique. Clay chassa ses pensées et pivota vers la moto. Certes il montrait le dos à cet inconnu, mais il ne se tenait pas précisément devant lui, plus sur le côté. Il jeta un regard rapide par-dessus son épaule. « Elle est tombée malade, elle me fait une crise de vieillesse. » Sa petite fille ne voulait plus avancer et cela l’énervait. Dire non aux jolies femmes, ces paroles ne manquèrent pas de le faire sourire discrètement et il s’accroupit devant le bolide ouvert. « Tu t’y connais ? » Un homme qui aimait les bécanes s’y connaissaient peut-être. C’était beau d’y croire après tout. Clayton était étonnement non méfiant, mais peut-être prendrait-il un coup et se ferait tuer pour une bécane mourante, peut-être bien. Mais bon sans bécane, il ne continuerait pas bien longtemps. L’homme posa sa hache à côté de lui, assez proche pour pouvoir l’attraper au cas où et fracasser un crâne au passage. Oui il était probablement arrogant, mais il fallait bien l’être d’une certaine manière pour survivre ici-bas. Il le regarda discrètement, se demandant s’il serait utile ou pas. Il pouvait bien avoir une dette si on sauvait sa nana officielle depuis l’épidémie.

Clayton ignorait sur quel genre de gars il était tombé et cela le rendait particulièrement méfiant. Il gardait un œil sévère sur lui, mais décida de parler de sa bécane. Avec un petit peu de chance, ce grand clown saurait l’aider. Oui le brun l’avait déjà catégorisé. Ce n’était pas trop sa faute après tout. C’était l’inconnu qui avait fait le clown. Clay ne s’était pas présenté, mais pour l’instant, il n’en ressentait pas le besoin. Oui il espérait avoir le cul bordé de nouilles avec ce type et alla auprès de sa bécane malade si on pouvait dire les choses ainsi. Au chevet de sa moto, Clay posa sa hache, n’ayant pas répondu à la question de l’inconnu s’il lui permettait. Il lui permettait, sinon il lui aurait déjà coupé la main et la tête. Clay le regarda fouiller sa bécane et se demanda s’il allait trouver quelque chose d’intéressant, ou pas. Il ne lâchait pas une seule seconde du regard l’homme, songeur et inquiet. Oui il était inquiet pour un tas de ferraille. Mais en ce moment c’était le plus important pour lui. Il n’y avait absolument rien. Pas une seule seconde le solitaire se demanda qui était cet inconnu qui l’aidait. Il ne se demanda pas une seconde s’il voulait quelque chose en échange de son aide. Clay le donnerait, il serait prêt à tout pour son vestige du passé.

Peut-être était-ce son talon d’Achille ou peut-être pas. Il ne le saurait que quand on ferait pression sur lui avec cela. Clayton pinça les lèvres quand l’autre homme parla. « Au moins les rôdeurs sont ailleurs. » A son plus grand étonnement, la forêt ne grouillait pas de rôdeurs. C’était déjà mieux que rien selon lui. Le silence envahit l’air et cela soulagea le brun, il n’appréciait pas faire la discussion. Il ne savait jamais quoi dire, il se sentait toujours le cul entre deux chaises et au fond, gêné. Oui lui le grand ours pouvait être gêné, il le cachait sous une bonne couche de froideur pour qu’on ne voit rien. Il cligna des yeux, étonné que l’inconnu qu’il connaissait à peine ne parle pas autant qu’autrefois. « Tu étais mécano ? » Son cœur fit un bond, lui l’ancien mécanicien qui avait tenté de monter son affaire, mais qui avait tout lâché. Peut-être bien que le contact humain lui eût manqué finalement. Il avait navigué entre le monde de la mécanique et celui des bars, barman et mécano par moment, il avait perdu ses univers. Clayton regarda le brun se redresser et eut l’impression d’attendre une très mauvaise nouvelle. « Fait chier. » Gronda-t-il quand il apprit que le type ne pouvait pas l’aider là maintenant. Cela ne lui plaisait pas, il était à sa merci, à la merci de n’importe qui.

Clayton ne supportait pas être à la merci de quelqu’un, bien au contraire. Le brun regarda le geste de main de l’autre homme, songeur. Il indiquait une direction qui l’intriguait. Son regard se durcit. « Il y a un territoire là-bas non ? Un groupe ? » Il évitait certaines zones, depuis le temps qu’il était ici, suffisamment longtemps pour comprendre qu’il y avait des territoires et des groupes. Lentement, l’homme s’écarta du mécano. Tant pis si l’inconnu était à côté de sa moto, Clayton se sentait étrangement en danger, soudainement. « Qui me dit que dans ta planque, tu ne vas pas me voler ma moto et qu’il y aura des gars prêts à me tuer ? » Oui sa priorité était sa bécane, venait ensuite sa vie. Après, il s’en fichait de mourir. Il avait vécu sa vie, il ne savait plus pourquoi il survivait. Peut-être parce qu’il ne savait faire que cela, vivre. C’était déjà beaucoup, il ne s’effondrait pas, son mental tenait bon, ainsi que son corps. Clayton ne savait pas quoi rajouter, en réalité, il était au sommet de sa paranoïa, ou peut-être avait-il bien raison de penser ce qu’il pensait.

Clayton avait un choix corsé à faire et de plus, face à quelqu’un qui se foutait de sa gueule, clairement. Il avait des envies de meurtre. Il avait envie d’étrangler cet homme. En soi il ne faisait rien de méchant, ne l’insultait pas. Il faisait de l’humour, de l’humour qui aurait pu faire rire une jeune pucelle, mais pas lui. Clayton restait complètement sans expression faciale, le fixant. Il devait avoir l’air d’un mannequin amorphe, mais il s’en fichait bien. « Tu devais faire bien rire tes collègues. » Ah oui, il consentait à dire quelque chose, à faire la conversation un tant soit peu. Il se demandait quel genre de fou aurait travaillé avec cet homme, en tout cas pas lui. Il n’aurait pas supporté ce genre de pipelette toute la journée. Oh il n’y avait pas que des mécanos comme lui. Clayton était l’exemple type du gars ronchon qui n’était pas sympa. Il ne riait jamais aux blagues des gens. Il allait devoir le suivre s’il voulait récupérer une moto en bonne état. Et ça, qu’il ne faisait même pas s’il allait la récupérer en bon état. Peut-être que l’inconnu ne pourrait rien faire. Clayton ne semblait pas en pleine réflexion, mais il réfléchissait vraiment. « Tu pourrais être le meilleur des tueurs du coin. » Faisait-il de l’humour ? Peut-être bien, mais compte tenu du fait qu’il n’y avait plus de comedy club, il s’épargnerait le fait d’être bien nul.

Qui se souciait de l’humour quand on risquait chaque jour de mourir ? Sérieusement ? Pas grand monde ! Soit le gars était honnête, soit il lui tendait un piège gros comme une maison et alors, il le capturait et ferait de lui on ne savait trop quoi. Clayton n’avait envie de tomber entre les mains de personne, il préférait clairement mourir à la place. Oui cela pouvait sembler disproportionné, mais c’était ainsi. Il n’avait jamais supporté les règles de la société, alors maintenant plus libre que jamais, il refusait de céder à qui que ce soit. Au moins son mécano d’urgence eut la décence d’avouer que oui, il y avait un groupe non loin, mais qu’ils ne s’approcheraient pas d’eux, en théorie. Ce mot fit plisser les yeux de Clayton. « Et en théorie ta tête restera accroché à ton cou s’il ne m’arrive rien. » La menace était évidente. Il n’avait aucun problèmel avec l’idée de tuer un vivant. Cela ne l’empêcherait pas de dormir, bien loin de là. Les options étaient intéressantes, prier ou le suivre. Bien entendu, jamais Clayton n’avait prié de sa vie. Sa mère oui, paix à son âme, mais lui ne croyait pas en une divinité quelconque, c’était un sauvage pur et dur. « Une bécane inutile certes, mais qui me dit que t’es pas cannibale, ou le genre à exploiter les autres ? Le monde est rempli de tordus. » Et il dit cela avec un très grand sourire.

Clayton posa le bout de sa hache sur son épaule et lorgna l’homme. « Dis-moi alors, t’as un petit nom ? Que je sache à qui trinquer la prochaine fois. » C’était un oui, il le suivrait. Lentement, l’homme dévasté s’approcha de son cadet et plongea son regard clair dans le sien. « Je te laisse pousser la moto. Si tu tentes de m’enculer, je te la mets avant. » Il bougea légèrement sa hache pour faire comprendre le message. Peut-être pourraient-ils prendre un verre après. Ouais, Clayton deviendrait bien sociable quand on réparait sa petite chérie d’amour. « En route cow-boy. » Il balaya la zone du regard, étrangement de bonne humeur. Peut-être bien l’idée qu’il risquait de mourir qui le rendait étrangement joyeux. Oui il y avait probablement quelque chose dans le genre là-dessous. Il ne savait pas vraiment à dire vrai. Il était juste très détendu pour quelqu’un qui risquait sa peau. D’un côté, Clayton c’était le gars qui se soûlait chaque nuit, ou une nuit sur deux, en espérant ne jamais se réveiller et la faucheuse refusait de le prendre. Quelle ironie du sort. Ecorché vif qui survivait mieux que certains petits jeunes morts bien avant lui.

Archie, un drôle de prénom, mais Clayton ne se présenta pas car le dénommé Archie ne lui demanda rien. Si on ne lui demandait pas, l’homme ne se vexait pas, mais préférait se taire. Par contre, se faire appeler Gérard ne manqua pas de lui faire lever les yeux au ciel. « Je m’appelle Clayton. » Quitte à avoir un prénom de merde, il préférait donner le sien. Il n’était pas prêt à se faire appeler par un prénom de merde. Il lui jeta un regard en coin quand Archie parla du fait que s’il y avait eu envie, il l’aurait déjà enculé. « Ah ah ah. » Sa voix sonnait fausse, mais au moins il se donnait la peine de réagir aux paroles d’Archie. Ils se mirent en marche et Clayton se félicita du fait qu’il arrivait à faire pousser sa moto à quelqu’un. Il savait que l’engin était lourd, alors il se reposait. Il se demandait combien de temps l’autre homme tiendrait. Il eut sa réponse au bout d’une dizaine de minutes où il le vit se stopper et reposer sa moto sur la béquille. Clayton se stoppa et se demanda si le piège venait de se refermer sur lui. Il le toisa, attendant que la sentence tombe, mais c’était nettement autre chose qui lui tombait en ce moment dessus. Oh intéressant et l’homme rangea sa hache. Il était relativement content et pas vexé que l’autre homme se défende. Presque ironiquement, le vieil homme claqua ses deux mains, l’applaudissant de son audace de se rebeller. « Bravo, tu as osé dire non à un connard. »

Clay aimait bien tester les autres, même s’il n’en montrait rien. Il s’était demandé combien de temps Archie tiendrait avec lui dans son dos et pousser sa foutue moto. L’homme se redressa et s’approcha de sa bécane cassée et en fin de vie. Il replia la béquille et se mit à pousser le bolide. Il grimaça, nom de Dieu cela était aussi lourd que cela en avait l’air. « On est loin de ta planque ? » Il serait moins patient de pousser cela éternellement. L’homme souffla quelque peu, mais resta brave et silencieux. Il avait suffisamment parlé. De toute manière, il se dit que le fameux Archie allait bien reparler. Il avait l’air d’une sacrée pipelette. Même si Clayton n’appréciait pas plus que cela les pipelettes, ce genre de personnes s’accordait bien avec lui qui ne causait jamais. L’homme n’avait pas peur des gros silences, bien au contraire. « Les mecs du coin, tu les connais ? » Il demandait, rien de plus. Il pourrait tout aussi bien être sur un gars du groupe qui préférait cacher qui il était. Clayton n’appartenait encore à aucun groupe, mais clairement il avait compris qu’il y en avait plusieurs ici et qu’il semblait y avoir des tensions. Peut-être se trompait-il, il n’en savait trop rien. Il fallait bien l’avouer, pour l’instant il s’en fichait.

Il risquait de bientôt moi s’en foutre quand il serait dans un groupe. Clayton ignorait que sa vie changerait. Pour l’instant, il vivait dans une insouciance clairement dangereuse. Il suivait un gars, un gars qui pourrait l’attaquer. L’homme d’âge mûr avait rangé sa hache et poussait sa bécane. N’importe qui pouvait l’attaquer et il serait alors à découvert. Il détestait ce genre de situation, cela pouvait le rendre vraiment malade s’il n’y prenait pas garde. Clayton sentit son corps se tendre. Il avait beau se soûler la gueule souvent, il vivait encore. Il n’avait rien dit quand Archie lui avait dit qu’il n’y gagnerait rien à l’aider. En réalité, le brun comptait lui offrir un verre s’il se montrait utile. Mais cela, il ne le disait pas. Il avait tendance à faire ses petites surprises. Si la moto roulait, il pourrait aller chercher l’alcool, ou alors emmener Archie boire dans sa planque. Mais ils n’y étaient pas encore. Clayton devait survivre jusque-là et sa moto, revivre.

Spoiler:

Il aimait vachement sa moto pour supporter cette situation, vraiment. Clayton râlait mentalement, ayant clairement des envies de meurtre. En plus il avait quelque peu oublié l’histoire des quinze bornes, ah l’âge… Oui clairement et il grogna à voix haute quand Archi lui rappela ce fait. Cela en faisait une trotte et cela ne le mettait absolument pas de bonne humeur. Il avait soudainement des envies de meurtre. Il ne savait pas qui il tuerait. Probablement son compagnon de route, mais alors qui s’occuperait de sa moto ? Ah quel problème cornélien. Il décida de ne pas répondre à l’autre homme, sinon la discussion allait vraiment mal tourner et il ne préférait pas. Quand il apprit que c’étaient les copains d’Archibald, il se retint de faire un commentaire. Super, il tombait encore sur quelqu’un qui était avec les jackals et cela lui fit penser à Immy. Il décida de ne pas dire qu’il connaissait quelqu’un dans ce groupe. Il avait comme un mauvais pressentiment. Ses mains se faisaient douloureuses alors qu’il poussait la moto, mais il resta silencieux comme une carpe. Oui une carpe c’était silencieux, clairement. Même s’il n’avait jamais vu en vrai ce genre de poisson. « T’as des soucis avec ? » Pourquoi ne des gens n’arrêtaieent pas de lui dire qu’il ne fallait mieux pas croiser un jackal ? Ces types se tuaient entre eux ou quoi ? Il ne le demanda pas car l’information ne lui serait d’aucune utilité. Cela le confrontait juste dans son idée qu’il n’avait rien à faire dans ce groupe, clairement.

Il jeta un regard à l’homme quand celui-ci avoua que personne ne viendrait proposer son aide à Clayton. « Ils me la piqueraient au passage, hein ? » Sa question n’en était pas vraiment une. Il était convaincu qu’on lui piquerait sa moto qui était vraiment un objet de convoitise. A tel point que cela lui faisait tourner la tête. La rage pulsait en lui, mais il se força à se calmer. Inutile de s’énerver pour rien et c’était très exactement ce qu’il faisait en imaginant quelqu’un voler sa moto, c’était tout simplement ridicule. On lui avait déjà volé sa moto et il l’avait déjà récupérée, alors il savait parfaitement de quoi il était capable quand il voulait récupérer quelque chose, il ne se laissait pas faire. Marcher en poussant sa moto l’épuisait et il en avait particulièrement marre. Il avait envie de faire une pause même s’il ne dit rien. Avancer plus vite ne serait absolument pas possible, mais Clayton ne dit rien, il se contenta de marcher. Déplacer sa carcasse fatiguée n’était pas facile, mais il le faisait. Il en avait marre et la phrase tournait en boucle dans son esprit. Le brun se connaissait, il risquait d’exploser à tout moment s’il ne faisait pas gaffe. Autant ne pas péter un câble à côté du sauveur de sa moto, clairement. Il se demandait si Archibald allait le vendre s’ils croisaient des jackals, peut-être. Peut-être que la situation se retournerait contre Clay et cette idée ne lui plaisait pas vraiment à dire vrai.

Mais tout ceci n’était que des suppositions, alors rien n’était forcément vrai. Il grinça des dents quand Archi l’appela Gérard. « Quel prénom affreux. » Franchement il fallait avoir bu et fumé pour nommer son gosse ainsi. Il savait que l’autre homme se moquait de lui d’une certaine manière, mais qu’y pouvait-il au fond, hein ? Rien. Il ne pouvait pas le faire taire de force sinon ils risquaient de se battre dans la terre gelée. Son regard était dur comme de la roche alors qu’Archibald continuait de l’embêter. « Quelle idée de se foutre aussi loin. » Il ne pouvait pas râler plus en profondeur et jurer comme un charretier, alors il faisait avec les moyens du bord. Il s’enfonça dans son silence, marchant, entendant les feuilles mortes craquer sous ses pieds. Son regard cherchait un signe de planque, mais aussi des rôdeurs, au cas où. Clay était une cible vivante, les mains occupées et il détestait cela. Il détestait ce genre de situation. Il s’arrêta quand il entendit du bruit, léger, mais régulier. Des grognements suivirent et Clayton soupira. Ils avaient de la compagnie. Il déplia la béquille de sa bécane et l’appuya dessus. Il toucha sa hache et la sortit de sa sangle. Il était prêt à se battre.

Spoiler:

♔ Clayton & Archikssos

» Damsel in Distress

Des soucis avec les jackals ? Qui n’en avait pas, même au sein du groupe – enfin, pour peu que l’on puisse parler de “groupe” vu la constitution relativement anarchique de ce dernier, le terme était donc plutôt relatif en l’occurrence. « Ouais ils te la piqueraient, et ils te rouleraient dessus avec. » C’était bien le minimum dont ils le gratifierait, enfin tout dépendait sur quels sortes d’individus ils tombaient puisqu’il y avait un sacré panel de personnalités qui s’amassaient au sein du Mall, tous à des degrés plus ou moins variable de sanité et de cruauté, mais généralement ceux qui se déplaçaient en bande ne le faisait pas pour jouer aux bons samaritains ensuite. « L’idée, c’est pas se faire détrousser justement. Parce que c'est pas exactement comme si je pouvais me permettre de passer mon temps à me trimballer avec elle tu vois. » Parce que s’il y avait bien un avantage à faire partie des chacals, c’est que la plupart des personnes étrangères à cette joyeuse bande de délurés évitaient de s’aventurer sur leur territoire. De là, ne restait plus qu’à trouver une bonne planque où les curieux restant éviteraient d’aller fourrer leur pif mais Archie avait eu de la chance pour ça, ou plutôt il avait passé un sacré paquet de temps à bien éplucher les environs dans l’espoir de dénicher quelque chose susceptible de convenir à ses attentes.

Le simulacre de conversation que les deux hommes entretenaient tout en progressant lentement à travers les ruines urbaines fut interrompu au premier bruit incongru qui se fit entendre sur leur gauche. Comme on pouvait rarement accuser le vent ou n’importe quel tiers innocent d’avoir provoqué ce bruit, Archie se mit immédiatement sur ses gardes, sa main se resserrant sur la tige métallique de son pied de biche encore bien accroché dans son dos. Humains, rôdeurs ? Les bruits de grognement se chargèrent bien vite de trancher en apportant une réponse on ne peut plus claire à la question. Au final, après tout ce qu’il venait de déballer à son compère à propos des chacals, ça l’arrangeait plutôt bien : au moins ils n’auraient qu’à taper sans se poser de question.
Ne restait qu’à espérer qu’ils ne soient pas trop nombreux à s’être ramené dans le coin.
Faisant signe à Clay de rester silencieux, Archibald décrocha son arme de ses attaches et s’avança précautionneusement vers la source du bruit, se reculant dans l’ombre pour mieux longer les murs jusqu’à la porte défoncée d’un vieil immeuble dans lequel il s’engouffra après un coup d’œil jeté à l’intérieur. La bâtisse faisant l’angle de la rue d’où provenaient les hostiles, il n’eut qu’à se faufiler le long du corridor, et scruter ce que les vitres salies, bouchées par du kraft ou du carton par endroit ou simplement laissées brisées à d’autres, lui permettaient d’observer de l’extérieur. Bien vite, il fut fixé sur les informations qu’il souhaitait et tourna les talons pour réapparaître sur le seuil, signifiant d’un geste de la main destiné à Clayton le nombre de putréfiés en approche imminente – cinq. Un nombre encore gérable pour deux du moment qu’ils faisaient preuve d’un minimum de coordination.
Archie, néanmoins, ne retourna pas avec son acolyte en plein milieu de la rue : l’exposition, maximale à cet endroit, attirerait toute l’attention. En ce qui le concernait, il préférait mieux attaquer par derrière.

Spoiler:

Clayton ne se sentait pas d’excellente humeur quand Archie lui parla de se faire piquer sa moto et se faire rouler dessus avec. L’homme grinça des dents à cette pensée, se retenant de dire quelque chose de déplaisant même si cela lui brûlait la langue. Il valait mieux ne pas exprimer complètement son désaccord, sous peine de paraître vraiment mal-luné. Même si au fond, clairement, Clayton l’était. L’homme ne cessait de râler, mais l’autre homme à ses côtés semblait avoir réponse à tout malgré cela. Il parlait avec une certaine aisance que Clay ne remarquait que très moyennement. Le brun n’était pas attentif à ce genre de choses. Il était bien trop dans sa petite bulle. Même si on appartenait à un groupe, on pouvait craindre d’avoir des problèmes. L’homme ne savait toujours pas si Archibald appartenait vraiment à ce groupe, mais il décida qu’il s’en fichait. Il ne voulait pas se soucier de ce genre de choses. Il avait bien d’autres trucs à se soucier. Alors qu’ils parlaient, ou du moins tentaient car avec Clayton s’était bien souvent compliqué de tenir une conversation. La conversation fut stoppée par des grognements et l’homme se figea aussitôt. Les sens en alerte, il posa sa bécane sur sa béquille et laissa Archie aller devant.

Il sortit sa hache de sa sangle et s’approcha très lentement du vieil immeuble. Il attendait que l’autre homme lui indique le nombre d’individus. Il espérait vraiment que ce soit des revenants car il ne se sentait pas d’humeur à affronter des vivants. Les vivants c’était chiant par définition et cela donnait des emmerdes plus grosses que les morts. Personne ne regrettait les morts, les vivants par contre… Il y avait toujours un con pour les aimer. C’était souvent ce qui agaçait Clayton. L’homme regarda Archie quand celui-ci lui indiqua le nombre cinq. Vu son calme, il devait s’agir de marcheurs. L’homme hocha la tête et s’approcha de son copain de route pour le coup. Il distingua quelques silhouettes qui bougeaient vaguement et qu’on pouvait voir à travers des vitres cassées. Clayton fit un signe de main comme quoi ils devaient se lancer. Ils n’avaient pas vraiment le choix et mieux fallait-il nettoyer la zone. Il n’avait pas envie de les retrouver dans quelques minutes. L’homme se lança sans plus attendre, extrêmement excité et impatient de se lancer. Il avait envie d’enfoncer sa hache dans des crânes mous et voir de la cervelle en décomposition couler.

Un grognement sauvage lui échappa alors que sa hache s’enfonça dans un premier crâne. Il se sentit aussi exalté et vivant. Clayton ne vivait pas mal l’apocalypse, bien au contraire. Il était plus vivant que jamais. Il était à sa place. Sa hache se retira du premier crâne, le sang immonde coula et le cadavre ambulant s’effondra, définitivement mort. Son arme de fortune s’enfonça dans un second crâne. Libération. Cela faisait encore plus du bien que d’éclater un bouton ou arracher un pansement. Le sentiment de liberté qui le traversait le rendait euphorique. Un sourire mauvais traversa son visage. Il était libre.

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