when it isn't like it should be (wendy)

Invité

♔ Riley & Wendy

« when it isn't like it should be »

« Bien dormi ? » questionna la brunette en arrivant à la hauteur de son cheval. Sans attendre, elle déposa son chargement au sol et secoua ses bras endoloris par le poids de l’eau fraîche et de la nourriture. L’animal ne tarda pas à mettre son museau dans chacun des seaux pour se servir allègrement, alors que sa propriétaire le gratifiait d’une caresse sur l’encolure. Elle passa les dix prochaines minutes à le brosser pour retirer la boue séchée de ses poils. Le fait qu’il ait un box à disposition pour se mettre à l’abri ne l’empêchait en rien de se rouler dans la terre après une grosse averse. Riley le comparait aisément à un gamin sautant dans les flaques… D’un autre côté, comme l’indiquait sa dentition autant que sa fougue, Black ne devait pas avoir plus de trois ans… Il faut bien que jeunesse se fasse, non ? se dit-elle avec humour en lui démêlant la crinière.

Elle avait eu de la chance de tomber sur lui et se souviendrait toujours de leur rencontre. Ils traversaient un bois et venaient de monter leur campement pour la nuit. Ils étaient en plein repas quand des hennissements désespérés retentirent non loin d’eux. Riley avait insisté pour aller voir, prétextant que le bruit risquait d’attirer les rôdeurs et qu’elle devait le faire cesser au plus tôt. En réalité, elle avait senti la peur du cheval. Pour les avoir côtoyés toute son existence, elle savait que l’animal était en grande détresse et refusait de simplement l’ignorer.
Black était acculé dans un coin, sans aucun moyen de s’échapper, et les rôdeurs affamés s’approchaient dangereusement. « Je t’ai sauvé. J’ai bien cru que tu allais t’enfuir sans même me remercier ! Mais non… J’ai tendu ma main et tu t’es lentement approché. On est restés longtemps immobiles. A se jauger l’un l’autre… Et puis j’ai pris un bout de corde, je l’ai mis autour de ton cou, doucement… Et tu m’as suivie… La tête de Sarah quand je suis revenue avec toi ! C’était juste magique ! »

Riley éclata de rire alors que la scène lui revenait en mémoire. A cette époque, elle était mal. Terriblement mal. Elle venait de perdre son fils de la plus violente des façons. Elle se contentait de suivre, de survivre, sans avoir plus goût à rien, pas même à la vie. Voilà pourquoi elle était partie défendre un simple animal : elle se fichait de mourir. Black lui avait offert une seconde chance. S’occuper de lui, jour après jour, lui avait permis de se reconstruire. De redevenir elle-même. Sans même en avoir conscience, il l’avait sauvée, elle aussi…

La jeune femme était en train de nettoyer les sabots de son étalon quand elle entendit une voix l’appeler, une voix féminine pleine de douceur qu’elle reconnaitrait entre mille : celle de son amie Wendy. « Je suis à toi dans une minute ! » l’informa-t-elle en la saluant d’un signe de la main. Riley rassembla ses affaires et les rangea, donna une dernière caresse à Black en lui promettant une promenade dès le lendemain, et retrouva l’entrée du pré où l’attendait Wendy. Tout en retirant ses bottes en caoutchouc pour remettre ses vieilles Converse, elle s’exclama, un sourire espiègle aux lèvres. « J’espère que tu viens me chercher pour un café, je n’ai pas eu le temps de prendre le mien, ce matin ! »

Invité

♔ Riley & Wendy

« When it isn't like it should be

La vie à Olympia avait un air de normalité plutôt surprenant pour une ville de survivants de l’apocalypse. Car c’était bien la vérité, même si Wendy avait tendance à l’oublier. Il était si facile de faire semblant, surtout lorsque comme elle, on ne quittait presque jamais le cocon sécurisant que la ville formait. Si facile de reprendre une vie normale, d’effacer de sa mémoire les horreurs d’un passé qui finissait par sembler irréel. Travailler la semaine, se reposer le weekend, contribuer à la vie de la communauté, comme avant. Wendy n’avait évidemment pas échappé au système, elle aurait même été la première à vouloir retrouver une routine, pas par lâcheté mais pour se protéger d’évènements trop durs pour que son psychisme puisse les assimiler sans qu’elle n’en devienne folle à lier. Alors elle s’y retrouvait plutôt bien : la semaine avec les enfants, à leur inculquer la lecture et le calcul comme elle avait été formée pour le faire quand tout allait bien, et le weekend un peu de repos même si les petits qu’elle continuait de croiser dans les rues d’Olympia ne manquaient pas de lui poser des questions, de la solliciter en dehors des heures de cours.

Ce samedi, Wendy s’était levée de bonne heure, comme chaque jour, et le soleil quoique pâle du matin lui avait mis de la joie au cœur – il fallait savoir se contenter de petites choses quand l’humanité était en train de s’éteindre. Alors elle s’était mise à ses deux activités préférées : la lecture et la cuisine. Le nez plongé dans le dernier livre que son amie Riley avait ramené du dehors, Wendy avait entrepris de fabriquer toute une armée de cookies qu’elle parviendrait bien à distribuer dans la journée. Et pourquoi pas commencer justement par en offrir à Riley ? L’heure était encore matinale, mais elle savait pertinemment où trouver la jeune femme. Il y avait plusieurs jours qu’elle n’avait pas vu son amie et elle n’avait pas eu l’occasion de la remercier correctement pour les derniers livres qu’elle lui avait trouvés. Quelques gâteaux et un moment ensemble feraient certainement l’affaire. Le four se rappela à son souvenir en même temps que Wendy terminait sa lecture – elle n’aurait su dire ce qui sentait meilleur : le chocolat fondu ou bien les pages du vieux bouquin. Quoiqu’il en soit, elle répartit ses gâteaux dans une boîte et partit à la recherche de Riley.
Comme prévu, son amie se trouvait auprès de son étalon. Wendy l’appela d’un ton joyeux. « Riley ? » Elle attendit patiemment que son amie la rejoigne. « J’espère que je ne te dérange pas… J’ai quelque chose pour toi ! » Elle rit doucement à la déclaration de Riley. « Je n’ai pas de café mais j’ai bien un petit déjeuner ! » Elle lui tendit la boîte de cookies tout chauds. « Sers-toi, ils sortent juste du four ! J’ai pensé à toi, je les ai faits en lisant Raison et sentiments. Cette vieille édition que tu as dénichée est une merveille ! » Le livre figurait parmi ses préférés et Wendy se disait que si la fin du monde n’avait pas eu lieu, peut-être n’aurait-elle jamais tenu entre ses mains un objet si précieux à son cœur. « Tu es un peu ma Elinor, d’ailleurs ! » s’exclama-t-elle, évoquant le personnage le plus raisonnable de l’histoire aidant sa jeune sœur à surmonter la dure réalité lorsque ses rêves se fissurent. Wendy était la rêveuse acharnée assurément.

Invité

De nouveau bien confortablement installée dans ses vieilles Converse qui ne la quittaient presque jamais – elle avait eu un nombre incalculable de paires fut un temps, la jeune femme se releva. Son regard se posa aussitôt sur une boîte remplie de délicieux cookies. Wendy serait-elle venue la voir jusque-là pour lui proposer ce petit-déjeuner improvisé ? Visiblement oui : elle avait cuisiné en parcourant une édition rare de Raisons et Sentiments sur laquelle Riley était tombée lors de son précédent raid. Connaissant l’amour de son amie pour les romans de Jane Austen, elle s’était empressée de le mettre dans son sac à dos : le bouquin avait l’air vieux mais à ce moment-là, Lee n’avait aucune idée de sa valeur. Ce ne fut qu’au moment de l’offrir à Wendy qu’elle avait réalisé à quel point cette édition était aussi rare que recherchée – du moins, avant la fin du monde. Elle n’oublierait jamais les yeux écarquillés de Wendy, et la douceur avec laquelle elle avait pris le livre entre ses doigts, tournant les pages avec soin, comme si elle avait peur que celles-ci ne tombent soudainement en poussière. Riley était heureuse d’avoir pu lui faire un tel plaisir.

La brunette plongea sa main à l’intérieur de la boîte sans se faire prier davantage, et mordit dans le cookie. Une merveille, étaient les mots de Wendy à propos du roman, et ils pouvaient tout aussi bien s’appliquer à ses pâtisseries. « Mmmh, ils sont tellement bons ! » Elle aurait aimé la complimenter un peu plus mais elle était beaucoup trop occupée à en profiter – en l’espace d’une poignée de secondes, elle avait déjà pratiquement fini son premier gâteau. Son regard profond croisa néanmoins celui de Wendy au moment où cette dernière la compara à Elinor. Pour avoir lu Raisons et Sentiments voilà plusieurs années, Riley savait très bien ce que cela signifiait et en fut particulièrement touchée. « C’est trop d’honneur, » répondit l’intéressée. Mais le ton de sa voix laissait entrevoir toute sa reconnaissance.

Ce fut cet instant que choisit Black pour rejoindre les filles. Malgré la séparation imposée par les barrières entourant l’immense pré, il s’approcha au maximum et tendit l’encolure, les naseaux frémissants. Lee éclata de rire. « Je crois qu’il aurait bien envie de goûter tes cookies, lui aussi ! » Puis elle ajouta, se tournant vers l’animal. « J’imagine que tes carottes ne sont pas aussi intéressantes que les merveilleuses pâtisseries de Wendy ! » Amusée, les mains sur les hanches, Lee observa l’interaction entre la talentueuse cuisinière et l’étalon noir. Tous deux semblaient bien s’entendre. Une idée lui traversa alors l’esprit. L'air de rien, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres. « Dis-moi, je ne t’ai jamais demandé mais… Tu as déjà monté à cheval ? » Finalement, Black aurait peut-être sa promenade avant demain…