Finding shelter | Flavie & Andrea

La respiration haletante, presque sifflante, je cours sans m’arrêter. Je me prends des branches en plein visage, des racines déchirent mes pantalons déjà abimés et entaillent mes jambes. Pourtant, je ne m’arrête pas. Poussée par l’adrénaline, je ne ressens même pas la douleur. Il n’y a que moi, la marée de dents claquantes qui menace de m’engloutir à chaque instant et mes pas sur le sol mousseux, de plus en plus empressés. Je ne sais plus où ils en sont, ni depuis combien de temps ça dure. Je sais seulement que pour une fois, je me retrouve proie plutôt que prédateur. Et ça ne me plait pas du tout. Mais au fond, je le mérite bien. Si ça se trouve, ce n’est que mon karma qui me rattrape pour ces semaines passées à agir en véritable imbécile, en gamine immature et capricieuse. Je devrais peut-être arrêter de courir, rester là, immobile et attendre que la mort vienne me chercher. Ce serait peut-être mieux comme ça. Si je ne sème rien de bon autour de moi, à quoi bon m’accrocher? Avant, je me consolais en me convainquant que mes plaisanteries douteuses et ma grande gueule faisait marrer les gens. Malgré mon caractère de merde, j’apportais un peu de plaisir dans leur vie. Je les faisais rigoler dans mes bons jours, je leur arrachais quelques sourires. Maintenant, ce n’est plus le cas. Je n’arrive plus à compter les gens que j’ai pu décevoir et si je pense à toutes les fois où j’ai fait pleurer Erin, c’est encore pire. Frappée par cette vision horrible, je m’arrête brusquement, manquant de me fouler la cheville au passage. Pourtant, je l’ai aimée. Je l’aime encore. Et elle m’aime encore, bien que les choses soient différentes. En un sens, c’est suffisant pour continuer. Je reprends ma respiration, un grand coup, puis je repars de plus belle. La course effrénée reprend, mais cette fois, je suis si épuisée que je vois trouble. Je ne remarque qu’à la dernière minute la brune qui vient de surgir sur mon chemin. La prenant pour un rôdeur, je pose la main sur mon couteau de chasse, ne la retirant qu’à la dernière minute. J’essaie de m’écarter de son chemin, mais mon épaule percute la sienne et ensembles, nous dévalons la pente abrupte que je n’avais pas remarqué dans ma hâte. « Merde. Est-ce que ça va? » Je demande une fois remise sur pied, fouillant le sol des yeux, à la recherche de l’arme qui s’est décrochée de ma ceinture. Elle est là, à quelques mètres à peine. Je secoue la tête, me demandant si le risque en vaut la peine. Finalement, la décision me vient au moment où les silhouettes se dessinent en haut de la colline. Je me retourne vers l’autre fille, décidant instinctivement que sa vie en vaut la peine. « Y’a un village pas loin, y’aura des immeubles où se cacher si on arrive avant eux. » Ma voix est haletante, empressée. Je ne prends pas la peine d’attendre sa réponse que je m’élance dans la même direction qu’auparavant. Les rôdeurs ont beau ne pas être rapide, ils sont endurants et beaucoup trop nombreux. Ça faisait un moment que je n'en avais pas vu autant en même temps, d'ailleurs.