Friend | Mikh&Andrea

Je n’ai pas recroisé Mikh depuis ma dernière. À vrai dire, je l’évite complètement. M’ouvrir comme je l’ai fait n’est pas du tout dans mes habitudes et je ne sais plus comme agir face à lui. Je me sens gênée, complètement mise à nue et pas au sens agréable du terme. Comme notre dernière nuit, je ne sais plus comment agir. Je crois que le mieux aurait été de coucher avec lui ce soir-là, pour casser le malaise. Sauf que je n’avais pas l’énergie pour et maintenant, je le regrette un peu. Je sais que le sexe n’est pas la solution à tous mes problèmes, loin de là, mais dans cette situation, je crois que ça aurait aidé. En tout cas, ça m’aurait évité d’avoir à trop réfléchir, comme toujours. D’ailleurs, je me dis que c’est probablement ça mon problème. Je pense à tout, toujours. C’est ce qui m’a bloqué auparavant avec Erin et ce qui m’a empêché de faire un pas vers elle jusqu’à tout récemment. Avant, j’étais complètement impulsive, à la limite de l’idiotie. Je mettais dans des situations impossibles et je m’attirais un tas de problème, mais au moins, j’étais plus heureuse que je le suis maintenant. Je devrais m’y remettre. Prendre une décision irréfléchie par jour. Ce sera ma résolution de la nouvelle année, tiens. Aussitôt souhaité, aussitôt fait. Mes pas me redirigent machinalement vers les postes de garde. Je m’arrête au premier et je hurle aux gardes en haut, leur demandant s’ils auraient pas vu Mikh. La réponse ne tarde pas à venir, agrémentée d’une blague salace totalement gratuite de la part d’un des pires gardes que je n’ai jamais connu chez les Crimsons. Et pourtant, y’a un bon roulement.  « Non, moi j'crois qu'il faut qu’t'arrêtes d'essayer d'dire des trucs. Ça te fatigue, déjà, et pour les autres, tu n'te rendez pas compte de c'que c'est. Moi quand tu fais ça, ça me fout une angoisse... j'pourrais te tuer, j'crois. » Je lui jette un regard noir qu’il doit percevoir du haut de son perchoir. « Bouge. » Je lâche, d’un ton sec. Et comme il ne dégage pas, je réitère mon ordre, cette fois d’une voix beaucoup plus forte. L’homme finit par se magner et, lorsqu’il atteint le sol, je prends sa place au bas de l’échelle pour aller rejoindre le brun. « T’es vraiment forcé d’endurer ce con? » Je demande une fois en haut, évitant toutefois de croiser son regard. À la place, je vais m’adosser contre la rambarde, les avants-bras croisés sur le sommet de la clôture, et j’observe le paysage qui nous fait face. Je peux pas mentir, c’est assez beau. La forêt à perte de vue est surplombée d’un beau ciel ensoleillé et au loin, je crois apercevoir une montagne se dessiner. Faudra que j'ajoute ça à mon carnet si j'ai le temps.

Une fois là-haut, je réalise que je n’ai absolument aucune raison pour motiver ma présence au sommet de cette tour, si ce n’est une envie inusitée de voir le brun. Mais ça, je ne veux pas qu’il le comprenne. Plutôt mourir que de lui accorder cette satisfaction. Je reste donc en retrait, jouant les détachées. Faut dire que je n’ai pas l’habitude des hauteurs et cette nouvelle perspective, bien qu’elle ne soit pas la raison de ma venue, n’est pas déplaisante. Je serais restée plantée là bien plus longtemps si une voix ne s’était pas fait entendre. Un ton amusé qui n’est pas surprenant de la part du garde. « C'est pas faux. » Plutôt que de lever les yeux au ciel ou de lui frapper l’épaule, je souris. « Mais au moins, t’as d’autres qualités. » Je tourne la tête pour le dévisager de la tête aux pieds, sans me gêner le moindrement. Délaissant ma contemplation, je me tourne complètement vers le brun, les hanches posées contre la rambarde et les bras croisés sur ma poitrine. « J’en ai aucune idée. J’crois que je m’ennuyais. » La chasse c’est bien. Ça passe le temps. Mais je n’ai toujours pas trouvé d’endroit propice où reconstruire mes pièges depuis l’attaque avec Lucy et après des heures passées seule dans la forêt, je commence à m’emmerder. Faut que je parle à quelqu’un, parce que les arbres et les feuilles ne sont pas hyper bavards. Étrangement, c’est à Mikh que j’ai pensé. Il était temps après notre dernière rencontre. J’espère juste ne pas le regretter. « Mais pas de toi, hein. Peu importe tes qualités, ta présence est pas indispensable, même si elle est assez... plaisante. » J'arque un sourcil, repensant à nos dernières réunions. Souvent, les vêtements tombaient aussi rapidement qu'il repartait lorsque nos besoins mutuels étaient assouvis. Un accord pratique que j'aurais du mal à renouer maintenant que je le connais un peu mieux. À part pour Erin, je ne suis pas du genre à discuter avec ceux que je baise. Mais ça, c'est un problème pour un autre jour. « Faut que je trouve un nouvel endroit où poser mes pièges, mais en attendant, ça n’bouge pas beaucoup ces temps-ci. » Ce qui fait que je ne suis plus productive du tout, en fait. Je me sens complètement inutile et pour y remédier, j’aurais envie de céder à l’appel de la bouteille. Mais il ne faut pas. « Ça ne t’arrive jamais de t’ennuyer ici? » Franchement, j’ai du mal à savoir comment il fait. Je serais totalement incapable de rester plantée là pendant des heures, à moins de pouvoir amener un peu de papier et des crayons. Sauf que ça ferait de moi une garde aussi efficace que l’autre idiot que j’ai renvoyé. Autrement dit, ça me ramènerait à la case départ. Je ne me sentirais pas assez utile et la culpabilité se ferait sentir assez rapidement.

En lui faisant un compliment, je ne me doutais pas que j’ouvrais la porte à la vantardise. Avoir su, je n’aurais jamais laissé ces paroles s’échapper d’entre mes lèvres, refusant que le brun prenne la grosse tête et qu’il ne s’emballe pour rien. Mais le mal est fait. Mes propos lui permettent de placer une vanne tellement macho qu’elle envoie mes yeux rouler dans leurs orbites, effectuant un tour quasi-complet avant de revenir à leurs positions initiales. « Un bon coup oui, mais qu’est-ce qui te fait croire que t’es le meilleur? » Je lâche, mordillant ma lèvre inférieure en repensant à quelques souvenirs merveilleux, geste que je réprime l’instant d’après, lorsque je me retourne pour lui faire face. Ce que j’ai fait avec Erin n’appartient qu’à moi et même si je suis certaine qu’il se délecterait de nos histoires, il est hors de question de les partager avec qui que ce soit. C’est du passé et d’ailleurs, je ne devrais même plus y penser. Il est grand temps que je tourne la page ou du moins, que j’essaie de le faire. Pour y parvenir, rien de mieux qu’une conversation parfaitement normale, même si je la tiens avec cet idiot de Mikh. Et contrairement à toute attente, toute se passe plutôt bien, jusqu’à ce qu’il me demande si je fais de la fièvre. À croire que je ne peux pas être sympathique sans raison. Me fâchant rapidement, je lui lance un regard incendiaire. «J'penses à une chose, en toute amitié, un gros pain dans ta tête, ça serait de nature à te convenir ? » Un peu plus, je me lèverais pour mettre ma menace à exécution. Ce n’est pas l’envie qui manque. Mais, plutôt que de m’emporter davantage, j’essaie de reprendre mes airs guillerets. Je refuse qu’il gâche ma bonne humeur exceptionnelle vu mon caractère habituel. Alors je réoriente le sujet sans grande subtilité. J’en reviens à l’ennui des gardes et je réponds à sa question initiale sur la chasse. Des banalités sans intérêt, mais qui me tiennent occupées. Je l’informe de la situation par rapport à mes pièges sans, encore une fois, entrer dans les détails. J’oublie de lui dire que s’ils sont dans cet état, c’est à cause d’une petite troupe de rôdeurs que Lucy m’a si gentiment aidée à massacrer. J’ignore si elle est prête à révéler ses talents au reste du groupe. J’ignore aussi pourquoi elle joue les blondes innocentes, alors qu’elle pourrait être un véritable atout à notre communauté. Mais peu importe les raisons, ce n’est pas à moi de révéler ses secrets à tout le monde. Elle le fera le moment venu. Ou pas. Je m’en balance un peu au final, tant qu’elle ne révèle pas la générosité dont j’ai fait preuve à son égard. J’ai une réputation à préserver, moi aussi.

« Si jamais tu t’ennuies des corvées, j’aurais peut-être du boulot pour toi. Je commence franchement à négliger mon chez moi à force de passer mes journées dehors. » Je me doute qu’il n’acceptera pas, à moins que je lui propose de payer en nature. Ce qui pourrait toujours être envisageable… Peut-être? À vrai dire, je ne sais plus trop où j’en suis. Depuis que j’ai revu Erin, je n’ai pas couché avec personne, comme si quelque chose me bloquait. Pourtant, nous sommes loin d’être en couple. Je crois que nous ne l’avons même jamais été officiellement, étant bien trop poule mouillée pour lui révéler ce que je ressentais réellement. Néanmoins, l’affection que je ressens toujours malgré moi m’empêche de me laisser aller physiquement avec qui que ce soit. En espérant que ça ne dure pas trop longtemps, sinon je plains les pauvres Crimsons qui devront endurer ma mauvaise humeur.

Ça me fait drôle de me retrouver ainsi face à lui, complètement vêtue et à la lumière du jour. Pour peu, je pourrais croire que j’ai atterri dans une réalité alternative ou que je me suis cognée le crâne quelque part. Ce n’est pas naturel et pourtant, les mots me viennent seuls. Encore mieux, l’envie de lui coller mon poing au visage ou de lui botter son petit cul prétentieux n’est pas si présente que je ne l’aurais imaginé. J’arrive à passer par-dessus et, je l’espère, à me montrer sympathique autrement qu’à l’aide de mon corps. Je réplique plus doucement qu’à l’habitude. Je le menace sans pourtant autant donner suite, ce qui lui arrache un sourire. Le genre de rictus amusé, pratiquement arrogant. «Toi, tu devrais arrêter de sourire. J’te promets; ça devient vraiment malsain. » Je finis par lâcher, grinçant légèrement des dents. Je suis sur les nerfs, oui. Je le suis toujours, spécialement en sa compagnie. Mais je prends sur moi pour passer par-dessus. Je jette un dernier coup d’œil au paysage, en profitant pour inspirer un peu d’air frais. C’est ce que je préfère au campement, je crois. Lorsque je me terrais dans les ruines, il y avait toujours une arrière odeur de mort qui trainait. Ici, il n’y a que la terre et le fumier. Mais ça, on finit par s’y habituer et même si la senteur est horripilante, elle signifie qu’il y a toujours un peu de vie. Ce n’est pas une odeur morbide.

M’essayant directement sur le sol, les jambes croisées, sans pour autant quitter le regard du brun, je finis par lui faire une proposition. Lorsqu’il mentionne ses anciennes tâches au sein des Crimsons, je ne peux m’empêcher de lui proposer un petit boulot, juste au cas où il serait nostalgique et, contrairement à toute attente, il n’est pas contre. Lorsque les paroles s’échappent d’entre ses lèvres, ma mâchoire manque de décrocher, même de tomber au sol tellement je suis surprise. Je n’imaginais pas Mikh aussi serviable, surtout pour de telles insignifiances. Mais je dois avouer que l’image du garde qui s’occupe de nettoyer ma petite demeure ne manque pas de charme. Elle est presque amusante tellement elle est incongrue. L’imaginant déjà chez moi, armé d’un plumeau et complètement habillé pour une fois, je ne peux m’empêcher de pouffer, ravalant l’éclat de rire lorsqu’il propose un échange. Un massage pour du ménage. « T’es pire qu’une nana, tu sais? » Mes pupilles pointent à nouveau vers le ciel, cette fois plus brièvement. Pourquoi pas. Après tout, masser les épaules un peu tendues du brun me parait bien moins pénible que de ranger et nettoyer mes minces affaires, tâche que je repousse éternellement. « Après, on pourra se tresser les cheveux et s'échanger des potins sur nos vies amoureuses merdiques, si tu veux. » Ou on pourrait aussi s'adonner à une activité plus torride. Involontairement, un sourire se dessine au coin de mes lèvres tandis que je reluque le brun. Je ne le dirai pas à voix haute, mais chez les Rhodes, personne ne lui arrive à la cheville physiquement.

Plus les secondes s’écoulent, plus les mots me viennent naturellement. Je ne ressens plus aucun malaise et à y repenser, je ne vois pas pourquoi j’ai évité ce moment aussi longtemps. Ce n’est pas si mal et je me surprends même à découvrir d’autres qualités au brun. Son humour, par exemple. Autrefois, j’avais envie de lui mettre une baffe à chaque vanne, mais maintenant, je me contente de lever les yeux au ciel en riant intérieurement. Il est con, mais pas seulement. À vrai dire, il me rappelle un peu les types de la bande avec qui je me tenais au lycée. Peut être même en version améliorée. Du moins, point de vue physique. « J’ai déjà vu pire. » Je finis par avouer, conservant un visage aussi impassible que possible, chose qui n’est pas facile vu l’attitude du garde. Sans que je n’aie le temps de réaliser ce qui m’arrive, je me retourne coincée entre lui et la balustrade, n’ayant d’autre choix que de m’approcher un peu. Je frissonne légèrement lorsqu’il glisse le bout de ses doigts contre mon ventre, contact qui m’en rappelle bien d’autres. Mes lèvres s’entrouvrent légèrement. L’esprit un peu embrumée par la proximité de nos corps, je reste sans mot, complètement divisée entre l’envie de me plaquer davantage contre lui et fuir en le traitant d’obsédé. Surtout lorsqu’il ramène Erin sur le sujet. Je me crispe légèrement, serrant la mâchoire. Pour une fois, j’avais réussi à sortir la blonde de mon esprit. L’espace d’un instant, mes pensées n’étaient plus orientées vers elle. J’étais libérée de ces sentiments de culpabilité, de colère et de regrets qui m’accablaient depuis trop longtemps. Quel idiot, toujours à dire la mauvaise chose au mauvais moment, au point où j’en arrivais presque à croire qu’il s’agissait d’un talent chez lui. À moins qu’il ne soit extrêmement maladroit. Je n’en ai aucune idée, mais dans tous les cas, je préfèrerais ne pas y penser. Je ferme les yeux un instant, chassant l’ancienne cavalière de ma tête. « Je suis pas un objet. » Je finis par lancer, mi-ennuyée, mi-énervée. « J’appartiens à personne. » Je n’ai jamais été qu’une simple chose que les gens s’arrachaient pour s’approprier. Je ne suis pas du genre à me laisser emprisonner dans une relation. Une seule personne y est pratiquement arrivée et à voir comment ça s’est terminé, je suis encore plus certaine que c’est pour le mieux, surtout dans un monde comme celui-ci. S’attacher mène automatiquement au deuil. C’est inévitable. « Si tu veux un massage… ou autre chose. » J’ajoute, baissant un peu le regard pour le détailler de la tête aux pieds. « Tu sais où me trouver. Mais en attendant j’ai des trucs à faire. » Je le repousse du revers de la main, m’esquivant jusqu’à l’échelle. Je n’ai rien à faire, je lui ai même déjà dit. Sinon, je ne serais probablement même pas venue ici. Mais je trouverai bien quelque chose pour m’occuper et ce ne sera pas une bouteille d’alcool pour une fois.

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