paranoid + jude

décembre 2018 + Usée de sa journée de recherche intensive, la blonde poussa un peu fort la planche de bois qui lui servait de porte, avant de se jeter, tête la première sur son petit matelas en mousse. Un repos mérité qui n’allait malheureusement pas durer longtemps, étant donné qu’elle avait promis à Whilelmina de lui apporter de la viande séchée. Des réserves personnelles qui commençaient d’ailleurs sérieusement à baisser, faute de passer toutes ses journées à chercher sa mère, sans jamais prendre le temps de tirer sur un gibier. Si son statut de chasseuse commençait à être quelque peu remis en cause par ses congénères, la plupart préféraient ne pas relever, conscients que visiblement tout allait pas très bien pour elle. A la carrière, on ne forçait jamais les gens à parler et chacun était libre de participer ou non à la vie du camp, et si du jour au lendemain certain prenait de la distance, on se contentait de faire sans. Une aubaine pour celle qui ne savait pas s’ouvrir aux autres et qui préférait gérer ses problèmes seule, ce qui au ranch aurait été parfaitement impossible.

En acceptant de s’ouvrir de nouveau à la vie en communauté, la blonde avait énormément progressé et même si elle se passait d’en parler, elle commençait presque à espérer pouvoir retrouver sa mère et pourquoi pas lui proposer de venir à ses côtés. Un avenir qui se trouvait désormais mis entre parenthèses et qui pourrait bien ne jamais arriver, pas seulement à cause des rôdeurs ou de ce Lazare, mais à cause d’elle. Si elle perdait sa mère dans cette histoire, ça ne sera qu’un juste retour de karma, elle le savait pertinemment et ça la terrifiait vraiment. Enterrer son père et son frère lui avait largement suffit, réitérer l’expérience serait dévastateur pour son âme. Quelque part, elle restait une enfant, avec des peur et des craintes qui ne demandait qu’à ce qu’on la réconforte avec douceur et patience. Malheureusement, le monde n’offrait plus vraiment cette option et si elle voulait aller mieux, elle devait trouver ses propres solutions, aussi futiles soient-elle.

Par exemple, depuis quelque temps, pour dormir plus tranquillement, Erin reportait ce t-shirt un peu usé par la vie qui appartenait autrefois à son frère. Un simple haut qui lui rappelait le bon vieux temps, l’époque où rien n’aurait pu les séparer, l’époque où il n’aurait pas fait de mal à une mouche, l’époque où il n’aurait pas tué son propre père. Malgré la haine qu’elle éprouvait envers lui, Erin préférait voir en lui deux personnes et se focaliser sur celui d’avant ainsi que sur les souvenirs heureux, comme ces soirées tranquilles passées à écouter la musique sur le lit de son frère. Malheureusement, en cherchant brièvement dans ses affaires, son t-shirt de Black Sabbath semblait porté disparu, la forçant ainsi à se lever pour de bon. Pas vraiment du genre matérielle, Erin tenait néanmoins beaucoup à ce morceau de tissu, encore plus dans cette période difficile et ne pouvait pas imaginer l’avoir perdu.

Après avoir retourné toute sa case, la blonde suggéra l’avoir peut-être laisser chez Whilelmina, sans réellement savoir à quel moment cela aurait pu arriver. Bien décidé à le retrouver avant de dormir, elle retourna dehors et plissa légèrement les yeux pour y voir plus clair dans la pénombre. La nuit tombait de plus en plus tôt sur le Texas, attestant que l’hiver s’installait convenablement et que les prochains mois seront certainement moins ensoleillés. Une fois dehors, elle balaya rapidement l’allée du regard, comme si son t-shirt allait la saluer naturellement. Puis alors qu’elle allait commencer à marcher sérieusement, un air de guitare attira son intention et la détourna un instant de sa quête.

Son nouveau voisin jouait souvent de cet instrument et comme souvent à cette heure-ci, il partageait son repas avec une gamine. Une gamine qui se tenait justement à côté de lui, confortablement habillée d’un haut un peu trop familier. Même si des tops à l’égérie de groupes légendaires ne manquaient pas, Erin savait que c’était le sien et comptait bien le récupérer. Agacée et un peu en colère, elle s’avança vers le duo qui mangeait tranquillement. « C’est mon haut. » Sans même prendre la peine de se présenter ou d’y mettre les formes, l’ancienne crimson ne perdait pas le nord, ne prêtant même pas attention au père qui se tenait juste à côté. La gamine voulait jouer les voleuse, pas de soucis, mais elle devait assumer.

décembre 2018 + Peu à peu, l'homme et l'enfant prenaient leurs marques à la Carrière. S'y sentaient-ils en sécurité? L'un comme l'autre, ils l'ignoraient, se contentant de vivre un peu plus, un peu mieux que de survivre.
Un luxe, un luxe petit et maigrelet mais un luxe quand même. Quand il travaillait, Jude ne pouvait prendre la fillette avec lui. Parfois, il essayait, espérant la former à la vie à l'extérieure. Parfois, le mieux à faire était de la laisser, hors Indiana était à un âge compliqué : assez grande pour rester seule dans leur cahute, se débrouiller pour quelques heures, mais trop petite au vu des traumatismes subies, encore capable de réflexes enfantines comme une armure au monde.
En rentrant après cinq heures d'absences, Jude l'avait trouvé calme, occupée à faire chauffer des conserves pour leur repas à tous les deux.
Elle portait un t shirt qu'il ne lui connaissait pas, peut-être quelqu'un était passé, le lui avait donné. Parfois, il y avait des actes de générosité de ce genre, Jude avait appris à ne pas les questionner.
Dans tous les cas, cela rendait Indy d'humeur bavarde. La fillette racontait les longs trajets en voiture d'avant, le cd dans l'auto radio. Leur cd à eux, qu'elle disait, et c'était vrai qu'en lisant le nom floqué du groupe sur le tissu, Jude avait dans la tête des mélodies de plusieurs chansons.
Alors c'est qu'il avait bien du conduire en écoutant cela à fond la caisse, non? Encourageant Indy à faire des headbangs comme une folle et...
Et les souvenirs d'avant, on pouvait en parler, mais mieux valait ne pas s'y attarder.

Pour calmer Indiana qui hésitait à parler encore et encore mais bredouillait, consciente du poids des mots face à un père, lui, inconscient de ne pas être son père, Jude prit sa guitare, grattant quelques accords qui lui revenaient pas réflexe.
Ca, un couplet ou deux aussi alors qu'il chantait - pas le plus juste peut être mais une chanson, ça faisait toujours plaisir non? - le peu dont il se souvenait du groupe du T shirt.
Black Sabbath, les guitares saturées en moins, la voix de Jude en plus...

Indy avait pris une assiette pour l'écouter tout en mangeant, heureuse. Ce fut alors qu'Erin entra chez eux, blonde et pleine d'ombres, allant jusqu'à la fillette tandis que Jude laissait mourir un dernier accord.
Ah, ainsi personne n'avait donné le vêtement à la gamine. L'homme aurait pu s'en douter, à l'extérieur, sans vraies protections, on apprenait à voler pour pas crever. Difficile de comprendre quand le concept de propriété redevenait légitime...

”Viens t'asseoir avec nous, Erin, Indiana va te rendre ton t shirt. Tu veux manger un morceau?”

D'un simple regard, l'homme envoya la gamine dans le coin chambre délimité par un paravent. Déjà, la fillette tremblait de tout son corps, jusqu'ici elle n'avait jamais fait quelque chose de mal. A présent elle se rappelait que cet homme n'était pas son père même s'il prétendait le contraire, qu'il pouvait également la punir car c'était ce qui arrivait quand on faisait des bêtises, et...

Jude tapota la place près de lui, tenant toujours sa guitare d'une main, invitant Erin à le rejoindre.
Indiana revint, avec son éternel t shirt licorne, tenant l'autre dans ses mains tremblantes avant de le tendre à la blonde sans regarder aucun des deux adultes dans les yeux.

décembre 2018 + Habituellement capable de prendre sur elle, la blonde se montrait particulièrement sur les nerfs, obnubilée par ce maudit morceau de tissu. A cause de sa colère et son agacement, Erin ne chercha même pas spécialement à savoir pourquoi la gamine avait bien pu lui voler ce haut et se contentait de la regarder avec une froideur sans nom. Un comportement qui ne lui correspondait pas forcément, mais qui traduisait parfaitement l’état de fatigue et d’angoisse dans lequel elle vivait depuis quelque temps. D’ailleurs, ce ne fut que quand le père de cette dernière se prononça que la blonde réalisa à quel point son entrée fut fracassante et clairement pas adapté à la vie en communauté. Seulement, encore trop à cran pour s’excuser et surtout toujours inquiète à l’idée de ne pas récupérer son du, elle resta les bras croisé entre les deux, avant de suivre du regard la petite qui allait sûrement se changer. Si jamais l’idée prenait à la brune de fuir avec son précieux, Erin n’hésitera pas une seule seconde à la poursuivre, et ainsi lui faire comprendre son erreur. « Elle devrait pas fouiller dans les affaires des autres. » D’une part, parce que ça ne se faisait pas, mais surtout parce que cela pourrait vite leur causer de soucis, ce qui serait stupide après si peu de temps à la carrière.

Immobile et les bras croisés, Erin refusait de prendre place autour du feu, telle une enfant boudeuse. La seule chose qui pouvait la calmer, c’était de retrouver son bien, rien de plus, rien de moins. Puis quand ce dernier fut enfin rendu par l’enfant presque effrayé, la blonde se senti soudainement mal à l’aise, consciente de s’être montrer peut-être un peu trop abrupte. En y repensant à deux fois, c’était pas la première fois qu’elle voyait l’enfant la regarder et la suivre dans les allées de la carrière. Un comportement qui traduisait sûrement une certaine forme d’admiration et qui finalement, rendait la plus âgée un peu coupable. Ce monde ne devait pas être simple pour une enfant de son âge, et même si voler ne se faisait pas, elle ne méritait pas autant de noirceur dans un regard.

Néanmoins, pas du genre à se montrer très sensible ou empathique, la blonde se contenta d’un long soupire avant de finalement s'asseoir autour du feu. « Si elle veut un t-shirt de rock, elle peut en trouver sur le marché ou demander à des raiders ? » Raider, ce qu’elle était justement et ce qu’elle pourrait parfaitement essayer de faire lors de sa prochaine sortie, sans pour autant se lancer dans de grandes promesses. Déjà, parce qu’elle n’était pas certaine de trouver, mais surtout parce qu’en ce moment, ses sorties se limitaient à chercher sa mère. Cela dit, elle ne devrait pas avoir trop de mal à trouver ça pour se faire pardonner, consciente qu’elle avait peut-être un peu exagérée. Les mains serrées autour du t-shirt, elle se sentait soulagée d’un poids, rassurée de ne pas l’avoir perdu définitivement.

décembre 2018 + ”J'voulais pas un t-shirt de rock'
La voix de la gamine n'est pas fluette, pas effrayée non plus bien que la fillette ne soit pas dénuée de peur. Au contraire, la peur lui dévorait le visage jour et nuit, faisait partie de son apparence, l'aspirait et la modelait tout à la fois. Elle grandissait avec, bien que même grandir soit difficile avec le manque et les privations.
Jude, quant à lui, gardait les yeux fixés sur  la jeune femme aux bras croisés. Il connaissait les drames d'Indiana, savait lire sur le visage de l'enfant. Ceux d'Erin, en revanche, lui restaient inconnus, et c'était donc une énigme de chair et de sang, là devant eux, dans leur habitation.
Il voulu parler, mais Indy lui coupa la parole une fois de plus.

”J'voulais une armure magique de fille forte.”

Ah...
Le regard d' Jude s'accrocha un peu plus à celui d'Erin alors que la fillette déclamait cela. Il pouffa légèrement, chassant ce que venait de dire l'enfant d'un simple geste de la main.

”Il faudra trouver une vraie fille forte, Indiana.”

Est-ce qu'il y avait quelque chose de fragile chez Erin, est-ce que cela était simplement la cruauté absurde de Jude, voyant en elle bien plus de faiblesse qu'il n'en existait par simple désir de protéger ainsi la fillette? Encore une fois malgré tout, il invita Erin à s'asseoir d'un simple geste.

”Ne reste pas debout et prend une assiette, autant que tu y gagnes quelque chose, Erin, et un repas est un prix comme un autre.”

Indiana, elle, considérait Jude d'une manière qui aurait pu paraître étrange peut-être, si la fillette ne dissimulait pas cela mieux sur son visage. Parfois, Jude était son père, et parfois simplement cet inconnu qui l'avait tiré de ses bourreaux pour la voler à son tour, tout simplement. Un vol qui la dérangeait peu, la fillette estimant qu'elle n'avait plus grand monde à qui appartenir, ses vrais parents étant morts. Elle jouait le jeu, y trouvant son compte, mentant elle aussi, considérant peu à peu l'homme comme son père, allant même jusqu'à adopter des mimiques à son image mais...
Mais parfois, quelque chose revenait, comme dans la phrase étrange qu'il avait prononcé juste avant, condamnant Erin avec une injustice que même une petite fille pouvait voir.
Elle détestait cela, ne voulait plus voir que son père en lui, pas un étranger.

D'autorité, Jude plaça une assiette dans les mains de la blonde. Donner à manger, nourrir, protéger, ses tâches, ses fonctions.
Parce qu'il était le Père, y réussissait. De fait, Jude pouvait aller jusqu'à se permettre de nourrir une inconnue.
Parce qu'il était le père, qu'il était un bon père.

décembre 2018 + Décidée à devenir une femme forte, la gamine rêvait de trouver des artefactes magiques qui à défaut des adultes l’aideraient à se sentir plus en sécurité. Un désir que la blonde comprenait largement, même si dans ce nouveau monde, il ne fallait mieux pas se laisser bercer par des songes et se faire à l’idée que rien de magique ou merveilleux n’arrivera. Pour survivre, Indiana ne devait compter que sur elle-même, ou à la limite sur son père qui semblait plutôt bien s’en occuper. D’ailleurs, ce tableau familiale lui rappelait son passé, l’époque où elle suivait son père absolument partout, marchant dans ses pas pour un jour peut-être devenir comme lui. Une évolution qui malheureusement, avait échoué et même si elle préférait ne pas trop y penser, Erin se doutait que s’il se tenait encore chez les vivants, il serait très déçue du chemin emprunté par sa fille chérie. En perdant son père, l’ancienne crimson avait perdu son modèle et son repère, devenant peu à peu une autre. Un destin qu’elle ne souhaitait aucunement à la petite, qui malgré son vol de bas étage, restait une simple enfant. « Tu ferais mieux d’apprendre à te servir de tes poings plutôt que de chercher une armure. » Un conseil assez étrange pour une fille aussi jeune que sa voisine, mais qui aux yeux de la boxeuse semblait judicieux. Elle ne l’invitait pas forcément à devenir une brute, mais seulement à pouvoir s’occuper de sa propre sécurité.

Même si elle ne connaissait pas personnellement ses voisins, la blonde avait remarqué plus d’une fois l’absence du père qui partait gagner de quoi manger. Une activité obligatoire qui rendait Indiana bien vulnérable dans ce monde d’adultes et surtout de crapules. Les vols, les agressions ou les disparitions se faisaient monnaie courante à la carrière et si le bourbier profitait d’une certaine forme de calme, il ne fallait pas minimiser les risques. A chaque fois qu’il la laissait seule, la brune s’exposait à la cruauté des autres, qui parfois pouvait s’avérer assez morbide. « Elle ne devrait pas rester seule à la carrière. » Un blâme qui servait surtout à lui faire comprendre qu’une gamine ne pouvait pas se défendre comme une adulte et qu’avec son âme d’enfant, elle ne percevait pas forcément le mal de la même manière qu’eux. Dans tous les cas, Indiana devait apprendre à se débrouiller seule, sans l’aide d’un objet ridiculement futile et ce avant de se retrouvait dans une situation plus délicate encore.

Une fois assise, Jude lui déposa une assiette dans les mains, visiblement bien décidé à la nourrir pour la dédommager. Un comportement bienveillant qu’elle ne comprenait pas forcément, mais qu’elle accepta finalement. « Tu lui apprends ? » D’après ce qu’elle savait de l’homme, ce dernier offrait des services en tant que garde et vu sa stature, il ne devait pas être le dernier en matière de combats ou d’armes à feu. Des qualités qui pourraient aider la plus jeunes, à condition bien sûr qu’il souhaite réellement lui offrir ce genre de connaissances. Après tout, Jude ressemblait peut-être à sa mère ; le genre de parents désireux de voir leur progéniture profiter de leur enfance.

décembre 2018 + Quelque chose se ferma dans le visage de la fillette qui se détourna alors des deux adultes. Les ombres, ça tombait comme ça, sans prévenir, tant pis pour les gestes ou les mots, tant pis pour tout. Jude ne savait pas encore s'il lui autorisait des accès de ce genre, si mieux ne valait pas les refréner. Il hésitait.
Finalement, Erin accepta l'assiette. Tant mieux, cela s'estompait. Sa cadette avait raison, laisser une enfant seule ici était dangereux mais parfois, Jude n'avait pas d'autres choix. Il y avait de temps en temps des personnes pour jeter un oeil sur la fillette, et quand ses missions étaient de longues durées, Jude l'emmenait avec lui ou la confiait à quelqu'un, quitte à en payer le prix.
Le prix fort.

Il regarda Erin. S'il apprenait à Indy à se servir de ses poings? L'homme acquiesça. La violence avait fait partie de leur vie un long moment, jusqu'à leur fuite de la Floride. A présent, il fallait se décider à oublier cette violence ou bien la cultiver encore un peu. Jude avait choisi la seconde option, pour lui comme pour Indiana.

”Elle sait se battre, je lui ai appris où frapper pour immobiliser un homme le plus vite possible. Elle a également appris comment transpercer un crâne d'un couteau.”

D'un vivant comme d'un mort, aurait-il pu terminer. Il ne le fit pas. Indiana baissa la tête, pas des choses qu'elle avait aimé apprendre et en même temps si. Pour se venger des gens lui ayant fait du mal, pour pas que quelqu'un d'autre recommence aussi. La petite fille avait vu le pire de l'humanité ou du moins quelque chose de bien trop sombre déjà.
Elle retourna finalement vers son père qui la laissa prendre place à ses côtés, trouver du réconfort dans sa présence. Recevoir des coups et des blessures, Indiana savait déjà combien ça faisait mal, à présent Erin lui rétorquait également que les armures n'existaient pas.

”Tu te bats bien, Erin? Peut-être pourrais-tu lui apprendre un peu mieux que moi..”

Ses yeux ne quittaient pas la jeune fille, inquisiteurs.

”Mais t'as l'air épuisé... Reprends à manger, il en reste un peu. Ca doit être une chose bien difficile qui te tracasse pour te donner un air fantomatique à ce point. Reste pour la soirée, je vous jouerai de la guitare à Indy et à toi, parfois ça aide contre les cauchemars. Parfois, pas tout le temps...”

décembre 2018 + Privée d’une véritable enfance, la gamine se retrouvait forcée d’apprendre à tuer et tromper pour survivre. Même si elle n’aimait pas prendre les enfants pour des personnes faibles, Erin ressentait un certain pincement au coeur en entendant ce genre de récits. Si elle considérait déjà avoir perdu son enfance à cause de cette épidémie, elle n’imaginait même pas l’injustice qu’une enfant aussi jeune pouvait ressentir à l’égard de ce monde. Sûrement plus préparé que la majorité des gens, Indiana devait acceptait l’idée de vivre dans un monde sans précédent, tout en sachant que du jour au lendemain, tout ce qu’elle connaissait pouvait s’écrouler. Une réalité tragique qui rappelait à la blonde le manque de tacte qu’elle avait pu avoir vis-à-vis de la plus jeune en entrant dans la case. Pour se rattraper elle ne pouvait rien faire, sauf peut-être accepter de lui donner quelques cours de boxe improvisés. « Je suis un peu occupée en ce moment, mais demain soir si elle veut, elle peut venir me voir ? » Incertaine d’être très douée en pédagogie, Erin acceptait de faire un effort pour se faire pardonner, à défaut de lui prêter son t-shirt.

Alors que la petite se rapprochait de son père pour manger, Erin les observait du coin de l’oeil, non sans une certaine nostalgie du sien. Mort pour avoir essayé de réunir sa famille, Jonas Mortensen faisait parti de ceux qui mériteraient encore leur place chez les vivants, du moins si le monde n’était pas si injuste. Maintenant, elle devait se contenter de vieux souvenirs qui avec le temps s’estompaient légèrement. Si la colère avait longtemps animé sa vie, elle tentait aujourd’hui de retrouver un semblant d’équilibre, consciente que son feu père aurait aimé la voir devenir une femme responsable et heureuse. Un avenir peu probable qu’elle essayait à sa manière d’entrevoir, ou du moins de ne pas complètement abandonner. Seulement avec la disparition de sa mère, le peu qu’elle avait réussi à reconstruire s’effondrait de nouveau sous ses pieds. La retrouver devenait une nécessité, que ce soit chez Lazare en personne ou n’importe quel autre détraqué.

En attendant, elle se permettait d’accepter un repas en compagnie de cette étrange famille, qui lui offrait sans réserve. Le calme et la gentillesse de Jude l’étonnait sincèrement, surtout avec son physique assez imposant. « Tu étais guitariste avant ? » Depuis qu’ils avaient aménagés juste devant chez elle, Erin entendait régulièrement de vieux airs de guitare, qui à défaut de l’aider à mieux dormir, lui rappelait son frère, son père et tous les moments disparus.

décembre 2018 +A la proposition d'Erin, la fillette hocha la tête avec force, manquant en renverser son bol. Elle releva le museau également, et les cheveux bruns en bataille cessèrent de lui cacher le visage : Indiana souriait. L'idée d'apprendre à se battre avec Erin, qu'elle considérait plus ou moins comme une super héroïne pour la simple raison qu'elle était une fille, la ravissait.
La gamine se reprit, empêcha le bol et la cuillère de tomber, reprenant le repas.
Sa cuillère tinta peut-être avec un peu plus de force que prévu lorsque la jeune femme posa une question à son “père”.
L'homme eut un instant (très long pour la fillette, assez pour que la peur, l'inquiétude, tout ça vienne lui manger le ventre) les yeux dans le vague.

”Parfois, j'ai l'impression que je ne sais plus. Comme si la vie d'avant n'existait pas. Tu sais? Comme quand tu te réveilles, que tu te souviens de ton rêve avec exactitude une demie seconde à peine tellement il te paraissait réel, et puis que tu l'oublies...”

Il ne pouvait pas faire de réponse plus honnête, de la même manière que le mensonge se glissait tout autant entre les mots. Il était Jude Comstock, cela était un fait, et Jude Comstock avait une fille, deux vérités que rien ne venait remettre en cause. Mais est-ce que Jude Comstock était guitariste? Est-ce que Indiana n'allait-elle soudain pas dire que cela était faux? Le traumatisme du gang l'ayant pris comme victime était encore présent. Au tout début, elle lui hurlait dessus qu'il n'était pas son père, que ces connards lui avaient fait manger son vrai père. Elle ne le reconnaissait plus.
Maintenant, elle le reconnaissait.
Mais pour quelqu'un ne sachant rien de leur histoire, comme Erin, si une crise de ce genre intervenait, cela pourrait être impressionnant.

”C'était maman la musicienne, elle chantait beaucoup...”

Glissa finalement Indy. Jude acquiesça, dans son esprit malade, des souvenirs parvenaient à se créer sur cette simple phrase.

”J'ai appris à jouer de la guitare pour l'accompagner et la séduire. Maintenant, elle n'est plus là pour chanter... Et toi, tu joues? Si tu en prends soin, tu peux emprunter la guitare quand je ne suis pas là“

Et puis, mu par un désir soudain de véritablement chasser les nuages, Jude gratta quelques accords d'abord pour s'échauffer, trouver un rythme puis, tapant du plat de la main sur la caisse de l'instrument tout autant qu'il jouait la mélodie, interpréta un air de flamenco endiablé sans paroles aucunes, sans paroles pour que des mots viennes, trop plein de tristesse et de chagrin.

décembre 2018 + Visiblement plus que partante pour apprendre la boxe aux côtés de sa voisine, la petite secoua vigoureusement la tête. Une énergie à la fois adorable et innocente, qui rappelait à Erin la gamine qu’elle avait pu être. Comme tous les enfants, Indiana voulait imiter les grands et plus précisément ceux qu’elle considérait comme forts et même si la blonde doutait d’être un modèle, elle acceptait de lui offrir quelques heures de son temps. « Ok, je serais chez moi je pense. » Un moment qui pourrait lui faire un peu de bien aussi, elle qui passait ses journées à marcher dans la nature, à la recherche du moindre indice qui pourrait la mener à Lazare ou à sa mère. Une quête qui l’usait doucement, mais sûrement et qui sur du long terme pourrait bien la mener à un burn-out total. Seulement, Erin se voyait mal baissée les bras, consciente que si sa mère avait disparu c’était uniquement de sa faute. Une culpabilité qui la rongeait chaque jour un peu plus et maintenant qu’elle se retrouvait dans une petite bulle familiale, elle réalisait à quel point cela lui manquait. Néanmoins, elle acceptait de s’offrir une journée de repos quand même, avant de repartir dans sa quête infinie.

Maintenant que le rendez-vous était fixé, l’attention de la blonde se reposa sur le père, qui par sa tranquillité imposait un certain mystère. Si la musique semblait effectivement tenir une place importante dans sa vie, Jude parvenait difficilement à être clair sur son passé. Si beaucoup de survivants évitaient de passer de leurs vies d’avant, Erin nota tout de même le visage gêné de la petite face au récit étrange de son père, comme-si quelque chose clochait. Incertaine de comprendre ce qui voulait dire tout ça, l’ancienne crimson se contenta d’hausser les épaules avant de sourire rapidement. « Je vois ? » Comme pour la plupart des familles, leur route s’était avérée semée d’embuches et si la fameuse mère ne se trouvait pas dans l’abri, Erin imaginait facilement la fin qu’elle avait pu connaître. Soucieuse d’avoir l’air trop fouille-au-pot, la blonde préféra changer de sujet et se recentrer sur cette fameuse guitare.

Généreux, comme depuis le début de la conversation, l’homme lui proposa même d’emprunter son instrument si l’idée lui prenait. Même si elle connaissait quelques refrain de chansons trop connu, Erin était tout sauf une musicienne et pour le coup, elle passait son tour. « Mon frère jouait, mais pas moi, j’étais plutôt branchée boxe pour le coup. » Angus et la musique, ça avait toujours été une grande histoire d’amour, et pour une raison étrange la blonde associait toujours une chanson aux souvenirs qu’elle possédait avec lui. Plutôt rockeur, son aîné avait pris très à coeur la culture musicale de sa soeur et passait son temps à lui faire écouter ses morceaux préférés. Pas compliqué dans son enfance, puis dans son adolescente, Erin s’était contenter d’écouter les mêmes morceaux que lui, jusqu’à réellement les apprécier. « J’aimais bien l’écouter. » Cette douce époque lui manquait sincèrement, et alors que le plus âgé commençait gratter les cordes de son instrument, un léger frisson lui traversa le corps.

décembre 2018 + Erin avait un frère, l'utilisation du passé semblait le désigner comme mort. Indiana, enfant unique, la regardait gravement, incapable de comprendre mais désireuse d'essayer. Elle ne se souvenait pas d'amis avant l'apocalypse, de goûters partagés entre deux poussettes ou autres mais avait dans la tête des souvenirs de films, de dessins animés, de livres d'images peut-être, comme des instincts enfouis. Qu'il y ait eu quelque chose, un “avant” troublait l'enfant, elle sauvée et vivant avec un homme ne possédant aucun “avant” lui aussi.
Est-ce que ça rendait le monde et les rôdeurs plus supportables? Non, mais une illusion de logique était là.

Du coin de l'oeil, Jude observait les deux filles alors qu'il continuait à jouer. La plus jeune n'associait pas encore la musique à des émotions ou des souvenirs, menant une vie trop étrange pour cela avec ce père qui n'était pas le sien mais maintenant si quand même, la plus âgée frissonnait parce qu'il y avait sans doutes toujours quelque chose à se rappeler. Toujours...
Un frère, une dispute, une engueulade, une mélodie pas écoutée jusqu'au bout alors qu'elle en aurait peut-être eu le temps...

Boxeuse, Erin se définissait ainsi. Les coups, elle savait sûrement comment se les prendre. Jude ne se définissait comme rien d'autre que “père”, de même qu'il ne pensait pas à Indiana autrement qu'en “fille”. Sa fille.
Voulait-il qu'elle soit autre chose? Qu'on puisse la définir comme guerrière à son tour, combattante? Pas tout de suite, pas maintenant. Qu'elle apprenne à se battre, à survivre, mais qu'elle reste toujours sa fille.
Finalement, l'homme posa la guitare.
Jouer lui avait réchauffé les doigts, dans l'atmosphère étrange de la Carrière où la pauvreté lui donnait parfois l'impression d'un froid glacial en plein Texas.

”Ton frère, ça fait longtemps?”

Une question indiscrète, une invitation aussi. A en parler, à en dire plus, à crever un abcès avant que son poison ne coule dans votre sang.
Il n'y avait jamais de bonnes méthodes pour parler d'un deuil, d'une perte, d'une tragédie. Il y avait juste le manque, l'absence. Des silences parfois aussi durs que des mots ou des mots aussi puissants que des silences.
Des hésitations et des maladresses, c'est ce qu'avait eu Indiana la seule et unique fois où Jude avait voulu l'entendre parler de sa mère.
Elle n'avait pas pu, essayant, bégayant, croyant à un piège peut-être, ne sachant pas ce qu'elle avait le droit de dire ou non. Elle n'avait pas pu, un jour peut-être car l'enfant en avait besoin, pensait-il. Quant à lui, il estimait son deuil terminé...

décembre 2018 + Assise en tailleur, Erin écoutait silencieusement le plus âgé jouer son air endiablé, comme s’il parlait à des âmes disparues. L’ambiance qui régnait autour du feu avait quelque chose de solennelle et même si elle ne se sentait pas vraiment à sa place avec cette famille qu’elle ne connaissait pas, Erin se refusait de partir. On lui offrait un peu de chaleur, un bon repas et un peu de musique, la chasseuse loin d’être ingrate ne pouvait pas les quitter une fois son assiette terminée. D’ailleurs, comme le récipient était vide, elle le déposa sur le sol, afin de se débarrasser les mains et ainsi se concentrer sur les notes qui s’échappait de la guitare. Du plat du pieds elle frappait le sol en rythme, sans même s’en rendre compte, sûrement emportée par ses souvenirs lointain. Son frère lui manquait, ainsi que tous les membres de sa famille, avec qui elle avait passé une enfance merveilleuse que d’autres, comme Indiana ne connaîtront sûrement jamais. Sa chance, l’ancienne crimson la connaissait parfaitement, mais à l’inverse de la brune, elle se souvenait encore trop de l’avant et ne pouvait que regretter cette époque. Des rêves elle en avait, comme devenir scénariste de film ou bien championne de boxe comme son père avant elle. Un avenir qui ne se produira jamais, et qu’elle ne pouvait qu’imaginer au creu de ses nuits.

Si on lui avait amputé une part de son enfance, Erin n’imaginait même pas l’injustice que la plus jeune devait ressentir face au monde. Heureusement, elle possédait encore un père, comme une bouée de sauvetage dans cette tempête interminable. Un présence qu’elle lui jalousait légèrement, avant de se souvenir qu’elle refusait toujours de faire le premier pas en direction de sa mère. Mal placée pour faire des commentaires, la chasseuse optait pour le silence, tout en contemplant le tableau familiale qui se trouvait devant-elle. Le brun n’était peut-être pas le meilleur père du bourbier, mais il aimait sa fille et elle le lui rendait visiblement bien. Parfois, le simple fait d’avoir quelqu’un sur réellement compter aidait à rendre le monde plus supportable et maintenant qu’elle y pensait, Erin n’était pas vraiment certaine d’avoir autant d’importance aux yeux de quelqu’un, si ce n’est peut-être aux yeux de sa mère portée disparue. A cause de ses conneries, elle allait peut-être perdre cette relation, si ce n’était pas trop tard.

En effet, même si elle ne baissait pas les bras dans ses recherches, la blonde savait que le temps ne jouait pas en sa faveur. Les chances de retrouver Aileen vivante se faisaient de plus en plus maigres, surtout si elle s’était faite coincer par Lazare. Perdre un nouveau membre de sa famille lui briserait le coeur et pour dire vrai, elle ne savait même pas si elle serait capable de se relever une nouvelle fois. Alors quand une question sur le décès de son frère lui chatouilla l’oreille, elle ne put s’empêcher de se mordre la lèvre un peu nerveuse. Angus, malgré les bons souvenirs, restaient un sujet délicat, surtout depuis que Léon lui avait expliqué que ce dernier n’était pas innocent dans la mort de son père. Une histoire compliquée qu’elle préférait éviter, par peur de craquer complètement. En effet, depuis ses retrouvailles avec l’Olympien, Erin n’en avait pas touché un mot à ses proches, consciente que l’information était trop compliquée à ingérer. Néanmoins, face à la question du brun, elle ne pouvait pas faire comme-si de rien n’était et préféra rester le plus évasive possible. « C’est compliqué ? Je l’ai perdu plusieurs fois et une de trop. » Une première fois au lendemain de l’incendie, puis une seconde fois avec les jackals, avant de finalement le voir se tirer une balle en pleine tête sans aucune hésitation. Le genre d’images macabres qui lui hantaient ses nuits, même quand elle ne fermait pas l’oeil.

décembre 2018 +Il écouta les confidences de la jeune femme, et Indiana écoutait aussi, grave. Des choses compliquées, des gens compliqués, une vie compliquée... Jude avait parlé à sa fille de certaines personnes choisissant de tout abandonner. Parce qu'elles supportaient plus ce mot, “compliqué”, tout ce que cela cachait, tout ce que cela montrait.
Elles ne pouvaient plus, voilà tout, mais en même temps ce suicider était compliqué aussi parce que même la Mort avait changé les règles du jeu. Ils allaient parfois à la rencontre des hordes, ou bien des simples Rôdeurs, et puis ils attendaient.
Ils n'attendaient jamais longtemps, et bien sûr la gamine avait fait des cauchemars après de tels récits, sauf que ça avait été nécessaire. C'était pas le “compliqué”, qu'il fallait craindre, c'était la peur du mot, la peur de tout. Alors Jude lui avait enseigné la formule magique du “Et alors”, véritable botte secrète. ”Dans la vie, tu as deux ennemis”, avait-il dit. ”Le vocabulaire, et les épinards. Maintenant tu as la botte secrète, et on ne bouffe plus d'épinards. Merci, de rien et au-revoir messieurs-dames!”.
Le vocabulaire, c'était mettre des mots sur les choses, y compris les traumatismes. “Et alors”, ça rendait pas les choses moins laides, ça rendait juste le pouvoir. Un peu.

Et là, Jude observait sa gamine qui observait une autre gamine, plus grande peut-être mais blessée elle aussi. Il avait deux fillettes devant lui, un instant cela lui brisa le coeur, un instant quelque chose vacilla.
Et alors?

”Et maintenant, tu es seule ici...”

Une constatation.
Et personne n'était jamais vraiment perdu, n'est-ce pas? Il y avait toujours des traces et des souvenirs, bons comme mauvais. Un héritage, quelque chose à porter, quelque chose de dur, quelque chose de lourd. D'insupportable mais que l'on portait quand même.
Même Jude...
Avec sa fille, il se souvenait sans se souvenir du poids d'un enfant mort, de mots qu'il avait prononcé ou entendu peut-être, d'autres mères, d'autres enfants. Même de la manière la plus tordue au monde, les gens continuaient à vivre, à avoir été.

”Tu as sauvé quelque chose de lui malgré tout, peut-être pas ce qu'il fallait, peut-être pas ce qui était le plus important mais c'est là quand même, en toi.”

Les assiettes étaient vides, l'obscurité se faisait plus prégnante à présent. Indiana commençait à somnoler, Jude lui indiqua d'un signe de tête de se débarbouiller et de se coucher.
Il se tourna une dernière fois vers Erin.

”Il se fait tard, je te raccompagne si tu veux.”

Jude proposait cela non pas parce que la jeune fille était faible ou autre, il offrait simplement un peu plus de sa présence comme l'aurait fait un parent. Et Erin pouvait choisir d'accepter ou non.
Après, il lui faudrait dormir lui aussi, quelques heures, le temps de se reposer avant un boulot de plus.
Dans cette foutue Carrière où tous les efforts semblaient être récompensés par la misère...

décembre 2018 + Seule. Au fond, Erin n’était pas totalement seule, ni à la carrière, ni dans le monde, mais c’était effectivement la sensation qu’elle avait la plupart du temps. Une solitude qui pesait à chaque survivants, du moins ceux qui se souvenaient des âmes perdues en route. Même si elle ne pleurait plus depuis longtemps, la blonde ne restait pas moins encore touché par la mort de son père, de son frère ou de toutes les personnes qui auraient pu compter dans sa vie. Se souvenir d’eux était la seule chose qu’elle pouvait encore faire, et même si parfois, elle oubliait les traits de ses derniers. Ce t-shirt et ce fusil, voilà les dernières reliques de ces deux hommes morts au combat, des broutilles qu’elle chérissait plus que sa vie elle-même. Jude l’avait deviné, ce morceau de tissu qu’elle serrait contre-elle appartenait bien à son frère, seulement depuis sa dernière conversation avec Léon, la boxeuse n’était plus si certaine de connaître son aînée et ne pourra jamais avoir une véritable conversation avec lui. Éternellement, elle devra vivre dans l’ignorance, à moins qu’elle trouve finalement le tueur de son père, ce qui après autant d’années après serait assez surprenant. « Sûrement. » Face aux paroles un peu trop profondes du plus âgée, elle se contenta d’hausser les épaules, incertaine de vouloir parler philosophie avant de retrouver son lit.

Maintenant que le repas touchait à sa fin, il était temps pour elle de retourner à son abri et ainsi quitter cette petite cellule familiale. Soucieux de la voir rentrer en un seul morceau, le brun lui proposa cordialement de la raccompagner. « Non, je peux me débrouiller. » Assez grande pour rentrer jusqu’à chez-elle, Erin ne souhaitait pas en demandé plus à ses voisins, qui avaient déjà fait preuve de chaleurosité. « Merci pour le repas. » Loin d’être ingrate, l’ancienne crimson hocha légèrement la tête pour les remercier, avant de finalement se glisser à l’extérieur, où le vent soufflait plus qu’elle ne l’aurait imaginé. A la lueur de la lune, elle inspecta l’allée, avant de finalement adresser un dernier regard aux deux habitants. « A demain. » Doucement, elle esquissa un petit sourire à la gamine, avant de disparaître aussi rapidement qu’elle était venue. Fatiguée, elle ne traîna pas en route, jouant nerveusement avec le t-shirt, avant de finalement s’échouer dans son lit.