the things we do - (intrigue 04/12/2018)

La vie d'Elie est en péril et il n'y a plus rien de tranquille dans la charmante ville d'Olympia. Si la plupart des habitants paniquent et dérivent avec cette nouvelle menace à leur porte, Malini se sent étrangement à l'aise. Le chaos, elle le connaît et elle s'en nourrit, s'épanouit mieux que quiconque quand tout semble désespéré. Elle ne se réjouit en aucun cas de ce qui se passe, le bébé qu'elle a appris à aimer comme le sien est menacé et la colère qui coule dans ses veines lui sert de fuel. Depuis que le lunatique est venu proclamer ses revendications au sein de la ville avant de se suicider, Malini fait les cent pas partout. Dans la maison, dans la rue, près des tours de guêt et de la porte, prête à sauter sur le premier fou qu'elle pourrait croiser. Elle attend.
La rumeur enfle, la foule se prépare, on attend une réponse du ranch, de la carrière, on parle d'entourer les sbires de Lazare, de s'en débarrasser une fois pour toute, mais personne ne sait combien ils sont. Et s'il s'agissait d'une hydre ? Une tête coupée et une autre repousse, le problème infini.

Quand elle referme la porte de la maison derrière elle, le boucan qu'ils causent contre la tôle semble s'amoindrir. Malini soupire, passe le vestibule et se pare automatiquement d'un sourire en voyant Bass dans le séjour, Elie dans ses bras qui babille sans cesse, pas impressionné par les bruits du monde à l'extérieur. « Il a le même ton que tu prends quand tu racontes des blagues. Il va avoir ton sens de l'humour à coup sûr. »
Le sourire toujours, quand elle s'approche pour déposer un baiser sur le front des deux hommes de sa vie. Le bébé découvre ses gencives en la voyant, excité et il frappe dans ses mains, ou du moins essaie. Et si elle respire enfin à plein poumon, elle n'oublie l'air pesant de l'extérieur et la clameur étouffante des tarés aux portes de la ville. « Il y en a de plus en plus dehors... » Elle murmure, pour que son ton sombre ne perturbe pas Elie qui n'arrête pas de gigoter.

Cela recommençait.
Cela recommencerait toujours, hein ? Les cris sauvages, et le chaos rampant qui s’empare de tout, qui corrompt tout. Qui fouille dans ses tripes et qui réveille ce qu’il y a enfoui en vous. Qui révèle ce que vous êtes. Les bruits contre la tôle le rendaient fou, lui donnait envie de se glisser hors des murs pour le silence des bois. Tracer sa route et ne plus se retourner. Il ne pourrait pas tous les sauver. Il n’était pas effrayé par les murmures ni par les fous, encore moins les messies. Il y avait de la séduction dans les prophètes, dans leurs visions. Elijah l’avait entraîné sur un dangereux chemin de lumière, avec ses certitudes, ses rêves.

Bass avait appris à aimer l’incertitude de l’apocalypse. Cela avait le mérite de remettre les idées en place – de lui offrir une place, aussi. Presque tout ce qu’il avait eu de bien dans sa vie, c’était l’Influenza qui lui avait offert, par l’ironie du sort. Elle y compris.  Bass esquisse un sourire à la remarque, de Malini, l’amusement refaisant surface, comme l’étincelle dans son regard. Il n’arrivait pas encore à la regarder sans quelque chose de particulier qui brille au creux des yeux clairs : douce folie, désir, amour, malice. Un mélange qui ressemble à un feu-follet. « - Ce n’est pas la meilleure chose à prendre. » Il n’avait pas peur de ce qui grondait au dehors, il n’avait pas peur d’essayer une tempête de plus. Il avait peur qu’Elie en suffoque et se noie. « - Tu es un survivant, ils ne t’auront pas. » Il lève l’enfant au niveau de ses yeux, attirant le rire d’Elie, qui tente d’attraper sa barbe, sans se soucier des piques des poils. Cela ressemble aux pleurs d’un lynx. En cent fois plus mélodieux.

Bass tourne à demi la tête vers Malini, sans quitter tout à fait le regard d’Elie des yeux. « - Ils ne partiront pas. » C’est le pressentiment glacial qui s’insinue dans les yeux froids du blond. Malgré sa grimace pour faire rire Elie, qui marche, qu’il repose contre son torse, les doigts protecteurs tenant tendrement la petite tête, la petite nuque, fragile. Le contraire de la façon dont il regarde Malini, tout sauf fragile, tout sauf protecteur – déterminé, lucide, limpide. « - Rien ne les fera partir. » Comme il envie parfois leur fanatisme, leur sérénité.

Le même sourire tendre rivé aux lèvres, quand elle regarde Elie et lui taquine la joue du bout des doigts, Malini acquiesce aux propos de Bass. Ils ne partiront pas d'eux-mêmes, droits comme des piquets et motivés par la ferveur de ceux qui croient. Pour qu'un culte fonctionne, il faut des gens prêts à s'abandonner, prêts à céder toutes responsabilités à celui qui prétend avoir les clés de leur salut. La fin du monde est une usine à créatures suffisamment proches du désespoir pour tomber dans les filets d'un gourou. Lazare. Le nom reste coincé dans sa gorge, elle ne peut pas le prononcer sans cracher. « Peyton a envoyé des messagers à la carrière et au ranch. » Le bébé dans les bras de Bass semble doucement comprendre qu'il n'est plus le centre de l'attention, à l'expression grave qui se dessine sur le visage de Malini. Il reprend son babillage, une autre blague sûrement, ils ne parlent pas la langue des bébés. Mais aussi adorable soit-il, la conversation ne peut que s'aggraver. Il n'en a pas conscience le gamin, mais on parle de sa vie. Sa précieuse et miraculeuse vie.

« Le but c'est de les encercler et les éliminer, mais discrètement parce qu'on veut pas attirer la horde. » Il s'agit-là exactement du genre d'action dont elle rêve depuis des mois, quelque chose pour la transcender, un rappel à l'ordre de la vie elle-même. Rien de tel que d'être face à la mort pour se remettre d'aplomb. Mais Malini, elle sait une chose : ils ne peuvent pas y aller tous les deux. Ils sont parents maintenant, qu'ils le veuillent ou non et la responsabilité qu'ils portent les empêchent de se jeter tous les deux dans la gueule du loup. « Je pense que l'un de nous deux devrait y aller. » Et l'autre ? L'autre s'occupera d'Elie, de veiller férocement à ce que personne ne vienne lui chercher des noises.

Les doigts de l’enfant s’enroulent autour de la barbe de Bass, s’y agrippent mais le visage de Bass semble à peine prendre en compte la sensation. Pas plus que les doigts tendres n’enregistrent le côté râpeux de l’homme qui a survécu à tout ça pour se tenir dans le salon, un métis qui ressemblerait presque à leur enfant à eux. Il a le regard dans le vide ( fixé sur le canapé et le plaid élimé qui cache les tâches de sang. Il y a eu tellement de luttes, même ici, même derrière les barricades érigées par Bass. Cela fait tant d’années. ) tandis qu’il enregistre les informations.

Aucune surprise, aucun choc. « - Silas est là cette semaine ? » il demande doucement, interrogatif. L’enfant Rhodes est chasse gardée, mais Bass a un point faible pour tout ce qui est haut comme trois pommes, innocent, et qui sait encore rire de manière éclatante aux tours de magie. Rhodes ou pas Rhodes. Mais si Silas est en danger. Bass remonte les yeux vers Malini, alerte. Le ranch réagira. Et comme après l’attaque des jackals, Bass n’éprouve aucun remords à l’idée des gabions olympiens barbouillés de sang, aucun doute quant à l’emprise d’un autre clan sur leur ville – pourvu que les enfants soient saufs, il baisera les pieds de Abel lui-même s’il a la peau de Lazare.

« - Tu es prête à y aller ? » La voix est mélodieuse, attentionnée. Bass peut tenir Elie à une main, pour le moment et il pose ses doigts sur la hanche de la jeune femme. Il sait pour Nisha. Il sait ce qu’a perdu Malini. Est-ce qu’elle est capable de sortir, de laisser Elie et Silas à l’intérieur, loin d’elle, loin de ses yeux ? Est-ce qu'il est temps ?

« Oui. » Silas est là et la gorge de Malini se noue, ses enfants sont en danger et l'instinct maternel se réveille férocement. Le fantôme de Nisha n'a pas totalement disparu, il plane dans chaque maladie contractée par le fils d'Abel. Et pour le protéger, lui, Elie, Jezabel et tous les autres, l'ancienne recruteuse est prête à donner de sa personne, de ses poings et de son sang. Mais elle est surtout prête à faire couler le sang des autres. La lueur sombre dans son regard n'augure absolument rien de bon. Un massacre orchestré de façon légitime ? L'appel de la mort est trop fort pour y résister, mais elle doit feindre de ne pas être top enthousiaste à l'idée. Bass a des comptes à régler avec les sbires de Lazare depuis qu'elle l'a empêché de mettre fin à la vie de quelques brebis égarées. Peut-être qu'il voudrait en finir lui même.

Mais il pose la question qu'elle voulait entendre sans s'y attendre pourtant et elle attend avant de répondre, pour être sûre de ne pas avoir mal interprété. « I was born ready. » Elle a un léger sourire aux lèvres et elle tente de contrôler l'aspect presque carnassier de sa démarche. Ses bras trouvent leur place autour de la taille du recruteur et son regard pétille presque. « Mais toi, tu ne veux pas ? » Elle se reprend, se force à maîtriser ses pulsions. Lui avant elle, elle est prête à le faire, si elle peut l'aider à ne pas craquer.

Bass fait la moue, comme s’il doutait de l’affirmation de sa compagne. Elle n’a pas toujours été prête. Elle a été toujours forte et sauvage, féroce, chaotique. Ça elle l’est. Toute en griffe et en regards de charbon, cruelle. Mais les fêlures ont beau avoir été recollées avec du sang, elles sont toujours là et dessinent le visage d’un enfant. A un moment, Malini n’aurait pas été capable de sortir, de laisser Elie ici, pas sans se perdre elle-même. Et il l’aime un peu trop sur le bord du précipice pour la laisser chuter seule. Elle brûle de se jeter dans la bataille, avide de querelles et de douleurs. Bass l’observe et son regard parcourt Malini de bas en haut, la déshabiller presque des yeux, joue presque des yeux. « - Je sais. »  Il convient doucement, happé par sa flamme.

Elle vibre presque de se contenir, sur le point d’exploser. Un sentiment imperceptible vient s’enrouler au creux de Bass, et attendrir son sourire. Ils en sont là, à s’offrir mutuellement l’honneur du sacrifice, la chance de sortir, de respirer un peu plus librement. Ils en ont fait du chemin. Bass inspire profondément, et Elie rit doucement dans le creux de son bras, bercé par le mouvement.  « - Je les tuerais. » Il ne pourrait résister à la boucherie, et il sent son estomac se serrer, la salive lui venir en bouche à cette idée. Il ferme les yeux, fort. « - J’en ai très envie. » Un moment de silence. Cela le consume. « - Mais j’ai besoin de rester avec Elie. Comme tu as besoin de te battre contre quelque chose. » Ils sont tout proches maintenant, accrochés l’un à l’autre, enlacés, les regards incandescents joint autant que leurs poitrines et sa main remonte de sa hanche à sa joue.

Elle a besoin de se battre contre quelque chose. C'est vrai. Il y a tellement de colère et de frustration en elle et depuis des années, elle est en quête d'exutoires pour laisser ces sentiments néfastes échapper. C'est peut-être pour cette raison que sa route est pavée de morts, c'est aussi pour ça qu'elle a aussi longtemps repoussé Bass et c'est précisément pour cette raison qu'elle se sentait entravée par Olympia. Ici, il n'y avait pas d'exutoire autre qu'elle-même et toute cette colère s'était retournée contre son reflet dans le miroir. Alors l'idée de sortir, de cogner impunément sur des gens, c'est exaltant.

Serrée contre son flanc, les yeux à la dérive dans le regard azuréen de son compagnon, elle prend le temps de prendre une profonde inspiration avant de hocher la tête. Si le bébé n'avait pas été là, piqûre de leurs responsabilités parentales, la situation aurait eu vite fait de dégénérer sur le canapé. La tension qui se construit entre eux est palpable et c'est seulement le gazouillis enfantin qui la rappelle à l'ordre. Ils devront procéder aux au revoir d'une façon plus chaste. « Merci. » Elle soupire contre lui, tente de grappiller quelques effluves de son odeur malgré l'odorat éteint.
Il y a des chances qu'elle ne revienne pas. Le danger a beau faire pétiller son regard, elle n'en oublie pas pour autant qu'il y a cinquante personnes dehors prêtes à abattre les murs de la ville juste pour la peau d'un enfant et que si le ranch ou la carrière ne répondent pas, ils seront bien peu nombreux à pouvoir riposter vraiment. Les Olympiens ne sont pas vraiment des guerriers.
« Laisse-moi le prendre. » Elle se détache légèrement pour l'attraper des bras de Bass et le lever à hauteur de ses yeux pour mieux planter des baisers sur ses joues. « C'est fou ce que tu grandis toi ! »  Elle le dépose contre sa poitrine, le cœur de sa maternité à l'intérieur duquel son palpitant hurle et tambourine et déborde d'amour. « Tu nous aurais vu parents, quand on s'est rencontrés ? »  

Ils auront besoin d’elle au-dehors. Ils auraient besoin de lui, aussi, et cela lui rend les mains nerveuses lorsque Malini prend Elie de ses bras. C’est la malédiction de cette ville. Rien contre quoi se déchaîner, personne à accuser, autre que soi-même. Il y avait un miroir, à l’étage, dans la salle de bain de la chambre parentale. Il l’avait brisé, l’un des premiers soirs où on l’avait cantonné seul ici. Bien sûr depuis le temps, tout a été remplacé, les bris ramassés. C’était ça Olympia. L’illusion de la normalité, les maisons bien alignées et le mauvais augure de l’ombre du clocher qui vous force à contempler votre reflet, à prendre sur vous vos erreurs. Vos défauts.

Jésus, il avait besoin de quelqu’un pour lui dire quoi faire, pour savoir si rester était ce qu’il y avait à faire. Une ombre passe sur son visage, le doute, l’envie. Puis il s’éclaire d’un sourire en demi-teinte en la voyant embrasser l’enfant. « - Tu étais parent, avant. »  il remarque, de ce ton étrange qu’il prend parfois sans s’en rendre compte – une sorte d’ironie, de sarcasme mordant, et en même temps à côté de la plaque, doux, comme une mélodie pour enfant.

Puis il expire par le nez, il bouffe, le rire étranglé, gazouillis dans sa gorge. « - C’était pas vraiment ce que j’avais en tête. » Il se souvient parfaitement de la première vision de Malini qu’il a eu. Et la seconde, unis par le sang. « - J’aime ce genre de surprise. » Il savoure ces mots et ce souvenir, comme il savourait la peau de Malini sous ses lèvres. « - Tu n'aurais pas pensé à moi comme père non plus... » Pour Nisha. Non, mais il ferait des choses qu’aucun père n’aurait fait à l’époque. Il fait apparaître une pièce au creux de ses doigts, faisant taper des mains à Elie, toujours émerveillé pour rien. Si seulement ça ne lui passait pas. Bass jette un regard plus inquiet à Malini, au-delà de son sourire.

Elle était parent avant. Une autre elle, dans une autre vie, une vie où elle n'avait pas à se soucier que des hérétiques viennent frapper à sa porte pour lui enlever son enfant. Une autre vie où elle ne se réjouissait pas à l'idée d'aller tuer des gens.
Dans ses bras, Elie manifestait l'insouciance de son âge en riant aux tours de Bass. Bientôt, il marcherait et énoncerait ses premiers mots, mais il n'avait ni mère ni père pour constituer la première base de son vocabulaire. Pauvre enfant, naître dans ce monde n'était déjà pas chose aisée, mais être orphelin et sous la garde d'un trio à peine fonctionnel...

« C'est vrai. Mais maintenant quand je te vois avec lui, je sais que c'est une évidence. Tu es doué pour ça. » Elle le sent dans son ventre, dans la sensation d'apaisement qu'elle a quand il est près d'elle. Et pourtant elle est exigeante, Malini. C'est symptomatique de sa peur de l'abandon. Aucun d'autre avant lui n'aurait eu les épaules dans ces circonstances, que ce soit de s'occuper d'un enfant mais d'elle aussi. « Et je sais que tu m'abandonneras pas. » Elle le voit dans son regard, dans leur co-dépendance, dans la tristesse qu'ils ont du mal à dissimuler quand ils se séparent.
L'Indienne accroche le regard de son compagnon, comprend les émotions derrière le simple voile de bleu. Quand on vit ensemble dans un monde en pièces, on apprend à se connaître très vite, et avec intensité. Le bébé dans ses bras l'aide à penser clairement et adoucit le ton de sa voix qu'elle déclare : « On va s'en sortir. Ce sera bientôt fini et quand ce sera le cas, on vivra tranquillement. Et peut-être... » Elle se pince les lèvres immédiatement, ravale ses paroles et la pensée qui lui a traversé l'esprit. En vérité, c'est ce n'est pas spontané, c'est quelque chose qui dormait dans son esprit et qui se faisait connaître parfois, quand elle se réveillait contre lui. « Peut-être qu'on pourra en faire un à nous. » D'enfant.

Bass sourit avant de le réaliser, un sourire qui lui vient aux lèvres avant de pétiller dans ses yeux, avant de monter à son esprit. Avant que l’ampleur de ce que Malini vient de proposer ne le frappe. Maintenant qu’il n’a plus les bras pleins d’enfants, le blond se lisse la barbe du bout des doigts, et observe la femme qui l’a envoûté, pour le meilleur et pour le pire. « - J’ai comme l’impression qu’on est plutôt en train, sur le « faire ». » Il remarque avec un clin d’œil amusé, hilare malgré la douceur de son sourire.

Puis il a le déclic. L’incertitude et l’espoir vacillent, enlacés dans les yeux clairs. Il la fixe les bras ballants, et oscille un instant sur ses talons. Il ne compte pas l’abandonner – jésus, ils s’en sont balancer des choses au visage pour se faire lâcher prise, chiens enragés. Et ils sont encore là, après les détours.
« - On pourrait. » Il n’avait pas l’impression d’être doué pour ça. Les enfants, comme tuer des gens, comme oublier lui étaient venus par nécessité. Elias, Jamie, puis Elsie dans ses bras de grand dadais trop vite grandi, trop vite mûri, puis ceux qui avaient survécu à la nuit d’Halloween. Il n’avait pas pensé être père. C’était des responsabilités. Il fallait une maison, un job, une femme à aimer, et de la nourriture sur la table. Parce que Malini est dotée d’un fort esprit de contradiction et que la vie de Bass a choisi l’ironie tragique comme slogan, maintenant que la fin du monde a eu lieu, lui a tout ce dont il n’osait pas rêver.
Mais si elle, elle le pense père…. Toute sensation d’inaptitude s’envole. Malini est un juge cruel.  Bass vient embrasser Malini dans un geste soudain, vif, qui prend Elie au dépourvu – le gamin glousse entre eux, et il froisse les cheveux de Malini sous sa paume quand il l’attire à lui en la tenant par la nuque. Puis il lâche contre ses lèvres : « - Yeah. On pourrait » Si Olympia sera demain encore un endroit sûr pour les enfants.

Une lueur d'approbation, une lueur de bonheur. C'est juste ce qu'il faut pour réchauffer les entrailles de l'Indienne, juste ce qu'il faut pour lui donner une image à laquelle s'accrocher alors qu'elle s'apprête à poser les pieds sur un champ de bataille. Une famille, plus grande encore, toujours plus grande. Retrouver Meera lui a donné le goût des valeurs d'autrefois, celle de la loyauté et de la bienveillance envers les siens, et si parfois elle avait du mal à appliquer ces principes à nouveau, Malini s'en sortait plutôt bien avec son cercle restreint.
Un sentiment de joie l'étouffe alors qu'il l'attire contre lui pour l'embrasser, pour sceller son amour sur leurs lèvres. L'enfant entre eux n'a pas l'air de s'en formaliser, il s'en amuse même, inconscient de ce qui se joue en ce moment. Bénis soient les esprits encore purs.
Et dire qu'un an auparavant, ils se préparaient au voyage de leur vie, à gambader de villes en villes à la recherche de souvenirs perdus. Ils s'étaient découverts et trouvés et maintenant ils pouvaient tout perdre à nouveau. Non, elle ne laisserait pas une bande d'écervelés endoctrinés se mettre en travers de sa vie. Pas alors que toutes les pièces de son esprit s’emboîtent presque à nouveau après avoir passé sept ans à pleurer la perte.

« Je t'aime. » Elle murmure contre les lèvres de Bass. Et malgré le danger qui rôde dehors, elle entrevoit un lendemain, et de nombreux jours après, elle entrevoit son ventre qui grossit, qui s'agite déjà, plein de vie. « Et je vais revenir. » C'est une affirmation pleine d'aplomb, de celle que l'ancienne recruteuse, déterminée comme jamais, savait vraie. Son besoin de faire couler du sang n'était rien comparé à son besoin d'être auprès de lui.

Le monde s’est effondré plusieurs fois par an, depuis la fin du monde. Il a perdu plus d’êtres chers qu’il n’avait de gens à qui tenir, originellement. Il a perdu les idéaux qu’on lui avait mis en tête, pièce par pièce. Il a perdu beaucoup d’illusions, lui qui jurait que le monde était injuste. Dès qu’il croyait saisir entre ses doigts une priorité, quelque chose de bien, la bulle lui échappe et explose, dans ses doigts pourtant si habiles d’ordinaire. Ce qu’il sait, c’est qu’il n’a pas peur de casser Malini lorsqu’il la touche ; Il sait qu’il la mérite, même s’il la regarde comme si elle était une déesse formidable ; une déesse réelle, palpable, embelli de ses fêlures. Il sait qu’elle est capable de revenir. Il sait que ce n’est pas un de ces bonheurs qui claquent entre les doigts, qui sont trop beaux pour être vrai. Leur relation a pris du temps et elle n’a pas été toujours jolie. Ils ont fait le pire.

Alors il lui donne quelque chose auprès de quoi revenir. Quelqu’un qui l’attends toujours, que ce soit quand elle part à la bibliothèque, ou s’immerger dans les morts, quand elle claque la porte et se déchaîne, prend l’air ou berce un petit enfant entre ses bras. « - Je t’aime. » Le ronronnement vient toujours plus facile qu’à Malini. Mais il promet quand il prend son visage en coupe entre ses deux mains un peu rustres qui sentent le même parfum que la peau de la brune. « - Cela ne va pas être joli si tu ne reviens pas. » Il promet avec un sourire un peu insolent. Ce n’est pas sain que de reposer son équilibre mental sur une femme, surtout aussi imprévisible que Malini.  Il sait qu’elle est capable de tout.  Mais dehors, ce n’est pas qui a fait couler le plus de sang qui l’emporte. Ni le plus intelligent, ni le plus brave, ni le plus rusé ou le plus fort. Il y a une foutue part de chance qui le fait crever de peur. Elle a toujours tourné en sa faveur, insensée, la chance. Ils ont survécu jusque là. Il continue de la fixer, le visage entre ses mains, le sourire un peu fou, fier. « - Go get them lionness. »