the not so great escape

previously dans un autre sujet :

(intrigue générale ouragan, nuit du 15 au 16 septembre 2017)

« Bouh, pauvre de toi, t’as vraiment une vie dramatique » il avait rétorqué avec un air de profonde indifférence tandis qu’il s’essuyait tant bien que mal avec son t-shirt qui n’avait eu qu’à peine le temps de sécher au cours des heures passées sous terre. Autant sauvegarder l’état de la couverture, autrement plus chaude, pour le temps qu’il lui restait encore à passer dans la mine : Archibald n’avait nullement l’intention de crever frigorifié avant d’avoir l’occasion de revoir la lumière du jour. « Bon, enfin, tout ça était fort passionnant mais on fait quoi maintenant ? » Sous-entendu : on va tout de même pas déjà retourner dans les enclos à bétail qu’Anita Jones a fait mettre en place ? Malgré son intention première de ne pas faire de vague, l’ancien chacal ne tenait pas non plus à rester sagement à prendre la poussière jusqu’à ce qu’un gentil berger vienne leur rouvrir les portes en direction des verts pâturages – ou, plus probablement, en direction d’un champ de boue dévasté qui avait eu autrefois la prétention de ressembler à un campement de survivants. La pensée, fugace, raviva la seule question réellement digne d’intérêt qui l’avait dérangé à quelques reprises depuis l’exode vers l’abri : Octavie ? Et si son expression sembla peut-être s’assombrir un peu tandis qu’un fond d’inquiétude finissait enfin par se manifester avec beaucoup de retardement, Archibald chassa bien vite ces quelques nuages noirs tout à fait malvenus tandis qu’il se passait une main dans les cheveux et rabattait les mèches brunes encore pleine d’eau vers l’arrière. La seconde d’après, il faisait demi-tour et entreprenait de quitter les lieux sans laisser d’autre choix à Rory que de lui coller aux basques si elle ne voulait pas le voir se fourrer dans des emmerdes desquelles elle-même aurait bien des soucis à s’extirper ensuite. Et puisqu’on en parlait, d’ailleurs…
Cela ne devait probablement guère faire plus d'une dizaine de minutes que les deux larrons avaient commencé à remonter l’enfilade de couloirs étroits qu’un bruit de pas se faufila vers eux, en provenance distincte de la direction vers laquelle ils avançaient. Ni une ni deux, Archie fit prestement demi-tour en direction d’un embranchement qu’ils venaient juste de passer, sa main s’agrippant au bras de Rory pour la tirer à lui tandis qu’il reculait dans l’obscurité bienvenue du couloir secondaire. « J’imagine qu’ils vont pas juste gentiment me reconduire là-haut si je dis que je me suis perdu en chemin entre l’entrée de la mine et les zones d’accueil, hein ? » Sa voix n’était guère plus qu’un filet pratiquement inaudible mais l’homme n’avait pas l’air plus inquiet que ça, bien au contraire. « Une idée ? » Rory connaissait bien l’endroit, après tout, alors sûrement saurait-elle par où passer pour leur faire gagner un peu de tranquillité le temps de trouver comment ne pas se faire étriper lorsqu’il serait temps de repartir en direction de l’extérieur.

Peut-être était-ce dû à son nombrilisme profond qui le poussait à ne pas vraiment s’intéresser à quelqu’un d’autre que lui, mais Archibald avait toujours eu une très mauvaise mémoire des visages. En dehors des quelques exceptions à l’image de Rory et d’Octavie, et de ceux qu’il prenait prenait un plaisir tout particulier à haïr comme Casey, les visages et les noms se succédaient dans sa mémoire sans qu’il ne s’y accroche, se mélangeant là-dedans pour former une jolie tambouille brouillonne. l’occupant du laboratoire jusqu’où Blondie l’avait guidé bon gré mal gré ne réveilla rien de particulier en lui, tandis que ses yeux se posaient indifféremment sur l’homme comme s’il le voyait pour la première fois. Mais la voix… elle infiltra un soupçon de déjà-vu tandis qu’il accablait Rory de reproches à son sujet.
Douglas, néanmoins, eut l’esprit et le poing plus vif que lui.
« Clémence ? » Archibald gigota un peu sous la poigne qui lui étouffait le col, mais l’individu ne semblait pas bien décidé à le laisser aller tout de suite. « J’ai encore rien cassé, que je sache. » Son regard se porta au delà de son agresseur, cherchant dans l’attitude de Rory un indice dénonçant sa complicité ; sa joue le brûlait, et il n’aimait pas spécialement cette sensation de se sentir à la merci de quelqu’un alors que lui-même était désarmé. « Si ça te dérangeait tant que ça, fallait me le dire tout de suite, il lâcha à l’intention de la jeune femme. Pas besoin d’employer les grands moyens. » Une légère contrariété déformait sa voix, bien qu’il ne semblât pour l’instant plus ennuyé qu’autre chose. Son attention se recentra sur son agresseur, il fronça légèrement les sourcils alors que les regards se croisaient. « On se connaît ? J’ai l’impression qu’on se connaît. » Provocation, insolence ? Il avait en tout cas la certitude, à présent, que cet accueil n’était pas dû la simple absence de sympathie du mineur. Sa main gauche s’était accrochée à la poigne de l’homme dans une tentative vaine de l’en déloger, mais l’autre tâtonnait déjà derrière lui, cherchant quelque chose, n’importe quoi, susceptible de lui donner un moyen de riposter.

Enfin relâché, Archibald porta instinctivement une main à son cou tandis que l’air s’infiltrait un petit peu plus aisément dans sa gorge. Voilà que les choses prenaient soudainement un tournant imprévu qu’il n’était pas bien certain de savoir comment appréhender mais, après tout, n’était-ce pas là la nuit de toutes les folies ? Une tempête incroyable était en train de ravager le campement et il se trouvait désormais à chercher asile dans l’antre de ceux qui, à peine deux mois plus tôt, avaient contribué à saccager allègrement le mall, sacrée ironie du sort quand on y repensait, d’ailleurs. Et au milieu de tout ça, il fallait non pas qu’il tombe sur un de ces mineurs vindicatifs susceptibles de vouloir continuer à éradiquer ce qu’il restait des chacals après ça, mais sur un obscur personnage probablement rencontré lors de pérégrinations suffisamment antérieures à tout ce bordel pour qu’il n’en garde pas grand souvenir. Le karma avait toujours une drôle de manière de se rappeler aux concernés.
« Ma “bande de dégénérés” n’a pas à te préoccuper » Cette fois, il avait pris l’initiative de répondre à la place de Rory, vaguement agacé du comportement de l’autre homme vis-à-vis de sa compagne. Sorte d’élan protecteur mal placé et malvenu face au flot de questions qu’elle se prenait dans la tronche alors qu’à priori sa seule erreur avait été de l’amener jusqu’ici. « Probablement crevée des mains de tes copains, d’ailleurs. » Pour l’importance qu’il y accordait, de toute façon… La désinvolture avec laquelle les propos avaient été jetés prouvait bien le peu d’intérêt que l’ancien chacal avait à l’égard de ses vieux partenaires d’infortune, au sein desquels il ne s’était de toute manière jamais créé “d’amitiés” désintéressées. S'ils n'avaient pas su réussir à se tirer de Stonebriar lors de l'assaut des autres, il n'allait certes pas les pleurer. « Je bouge pas », qu’il rajouta aussitôt après la dernière menace, levant les mains à hauteur de ses épaules paumes ouvertes vers l’avant dans un signe plein de bonne volonté apparente. Ne pas avoir d’arme à portée le faisait intérieurement enrager. Son regard glissa de l’un à l’autre des deux autre occupants de la pièce et il grimaça une sorte de mimique désolée à Rory. Pour une fois qu’il n’avait pas voulu la foutre dans la merde… eh bien, ce n’était pas tant qu’il regrettait, en ce qu’au moins ils auraient de quoi tuer l’ennui, mais peut-être qu’il se sentait, bien au fond et en cherchant longtemps, un tout petit peu désolé pour elle. « On va ailleurs, Blondie ? il proposa, presque candide dans l'intonation de sa question, gueule souriante et attitude toujours ouvertement soumise face à l’autre. Je suis sûr que la mine n’est pas si petite qu’on soit obligé de se coltiner un mec chiant et rancunier pour je ne sais quelle histoire stupide. »

Regrettable. Probablement qu’il avait raison, l’autre homme, qu’est-ce que ça aurait changé de toute manière ? Un crevard de plus ou de moins, maigre différence pour le reste des survivants et sa vie, à Archibald, n’était qu’un enchaînement de jours dénués de but, d’ambition, de projets, parce que la seule chose dont il était certain, c’était qu’il avait juste pas envie de crever, pas aujourd’hui. Demain, peut-être, mais c’était la même rengaine tous les jours : pas aujourd’hui. Alors il se contenta de hausser les épaules, peu impressionné, certainement pas offusqué, parce que Douglas n’avait rien d’un original en souhaitant sa mort, et ces genres de remarques, menaces, il en avait entendu plus qu’à son tour et même avant, quand il n’était que raclure de quartier sale mais dans un monde fonctionnel ; elles n’avaient aucune valeur tant que la personne qui les énonçait ne passait pas à l’acte et, tant que cela n’arrivait pas, alors il n’avait aucune raison d’avoir peur pas vrai ? Il baissa les bras, laissant ces derniers retomber le long de ses flancs et puis un rire moqueur secoua sa carcasse alors qu’il s’emparait une fois de plus de la parole dans un dialogue qui l’excluait pourtant. « Bien sûr qu’elle sait, tu la prend pour une conne ou quoi ? » Railleur plutôt qu’agressif, sarcastique dans ses intonations aussi bien que dans son regard bourré d’insolence. Rory savait, elle en savait même trop pour continuer de traîner avec lui et pourtant voilà où ils en étaient rendus, tous les deux… « Puis quitte à choisir, c’est dans ton dos que je planterai le couteau. » Et faire en sorte qu’au moins, cette fois, il ne le rate pas. Provocation pure, gratuite et méchante : Archibald était un salaud, un imbécile fini à la pisse et un meurtrier, mais il n’avait jamais tué qui que ce soit pour son seul plaisir et ce n’était pas aujourd’hui que cela risquait de changer. Alors les moqueries étaient ses seules armes, à ceci près qu’elles n’avaient rien de franchement dangereux, et qu’il ne faisait pas grand chose de plus que de s’amuser de la colère de l’autre au lieu de le prendre au sérieux. Une erreur, probablement, mais son agenda en était remplie, de celles-ci. « Si seulement j’en avais un, il reprit, bouffi de persiflages, ce qui n’est pas le cas. Tu vois ? Inoffensif jusqu’à la moelle. Elle risque rien avec moi. Alors arrête un peu d'en faire des caisses. » Ou si, elle risquait, mais pas sa vie, du moins pas des mains de l’ancien chacal.

Archibald eut toutes les peines du monde à réprimer un nouvel éclat de rire franc alors que le mineur tirait ses nouvelles conclusions de la relation établie entre Rory et lui, mais réussit néanmoins à suffisamment se contenir afin qu’il n’y ait guère plus qu’un reniflement moqueur pour s’échapper d’entre ses lèvres. L’idée lui semblait tellement absurde, complètement farfelue, que faire autre chose qu’en rire lui semblait impensable. Voir Blondie de la sorte… en toute honnêteté, ça ne lui avait même jamais traversé l’esprit, il ne s’était jamais intéressé à elle pour ça, et pourquoi aurait-il fallu que ce soit le cas quand il avait une femme de la trempe d’Octavie pour satisfaire toutes ses lubies ? Pour autant, il se garda bien de démentir les propos du scientifique, après tout Rory ne lui avait-elle pas signifié par deux reprise de fermer sa gueule ? Qu’elle se débrouille donc avec ça maintenant, ce n’était plus ses affaires, et qu’on pense ça d’eux ne le touchait pas personnellement. Peut-être-même qu’il en toucherait deux mots à Octavie, juste pour le plaisir de voir la tête qu’elle allait faire à l’évocation de cette hypothèse – il était, après tout, parfaitement conscient d’à quel point sa compagne haïssait Rory. « Bien, chef », il rétorqua à Douglas dans un énième haussement d’épaule je-m’en-foutiste. « J'm'en voudrais de te gâcher ce plaisir, sache-le. Mais, je suis sûr qu’elle est parfaitement capable de se débrouiller toute seule alors tu devrais peut-être songer à arrêter de la materner. » D’ailleurs, ses couilles s’en souvenaient encore, de cette fameuse “rencontre au détour d’une tablette de chocolat”. Une expérience qu’il n’avait pas franchement envie de réitérer de sitôt, si on lui demandait son avis – il y avait déjà goûté bien assez de fois au cours de sa vie et pourrait sans peine se passer volontiers d’essayer encore. Quant à l’idée de génie requise, il n’avait une fois n’est pas coutume pas son grain de sel à glisser – ou, du moins, pas encore : n’étant après tout pas un connaisseur des lieux, il serait bien en peine d’aider de quelque manière que ce soit à tirer un plan, bien que persuadé qu’il ne leur serait sans doute pas compliqué de remonter vers les zones de quarantaine vu l’aisance qu’ils avaient eu à descendre jusqu’ici pratiquement sans jamais risquer de se faire attraper. Mais pour ça, encore fallait-il que le garde, dont on entendait désormais les pas se rapprocher de plus en plus de l’entrée du laboratoire, ne se pique pas de la curiosité de savoir à quoi étaient dus tous ces éclats de voix. Quelque chose qui, visiblement, ne semblait pas trop inquiéter l’ancien chacal puisqu’il finit par se trouver une chaise où poser son cul et étirer ses grande guibolles dans l’attente que quelque chose de plus intéressant où fourrer son pif.